chapitre trois.

Cela faisait trois semaines qu'elle se retenait d'aller l'étrangler.

Il allait et venait dans les couloirs, dans les salles de classes, la Grande Salle. Comme si tout était normal. Comme si son père n'avait pas tué son frère.

Parce qu'il savait, évidemment. Il ne pouvait en être autrement. Il avait forcément su ce qui arriverait. Le contraire était inimaginable.

Mattheo avait participé à l'assassinat de Cédric. Mattheo, à qui elle avait lu tant et tant de livres. Mattheo qui avait semblé la dévorer des yeux un nombre incalculable de fois. Mattheo qui ne l'avait pas invitée au bal. L'avait regardée avec cette lueur ininterprétable coincée dans le coin de ses prunelles si sombres toute la soirée, alors qu'un autre l'avait faite tourner à en perdre la tête, le Nord et toute notion du temps.

Skyler ne voulait pas y croire. Mais elle le devait. Il lui fallait un bouc émissaire, et il lui était offert sur un plateau d'argent, orné de petites pierres précieuses. C'était parfait. Peut-être trop. Peu importe. Au final, elle avait quelque chose vers quoi tourner sa haine, sa colère et sa détresse.

Alors qu'elle le foudroyait encore du regard, Luna la tira de ses pensées.

- Skyler ?

Elle haussa les sourcils et tourna aussitôt la tête vers elle.
La jeune fille était venue s'assoir avec elle et Mawell, lors du repas du soir.

- Oui ?

- Je demandais si tu avais commencé réviser pour les BUSES. Mawell, non. C'est déjà tout vu...

- Pardon ? J'ignore de quoi tu veux parler, Lovegood.

Le brun paru vexé, faussement. Il passa une main dans ses cheveux, pour continuer dans son jeu d'acteur merveilleux, et les yeux gris de Skyler restèrent écarquillés.

- C'est quoi ça ?

Mawell haussa les sourcils et rajusta les manches de sa robe.

- Ça quoi ?

Skyler secoua la tête et lui prit immédiatement la main.

- Ça Mawell !

Il grimaça, ne cherchant plus à ignorer les cicatrices encore fraîches sur le dos de sa main.

- C'est rien.

Évidemment qu'il ne lui avait rien dit. Il n'avait pas voulu l'inquiéter encore plus. Elle ignorait que ce genre de marques était le résultat d'une retenue. Elle ignorait qu'un petit nombre d'élèves en étaient déjà victimes.

- Te fous pas de moi. Arrête de me cacher des trucs sous prétexte que tu me protèges ! J'en ai ma claque de rater des trucs sur toi. Te décourager à chaque fois que tu comptes te confier à moi.

Skyler attendait les larmes. Elle attendait que ces gouttes salées coulent sur ses joues Mais elles ne venaient pas. Elle ne pleurait pas.

Ses sourcils étaient froncés, exprimaient sa colère, sa déception. Tous avaient l'air de penser qu'elle était devenue inapte à s'occuper de ses amis, au court de l'année précédente. Mais non. Ce n'était pas le cas. Et il lui fallait bien quelque chose pour oublier ses malheurs.

Mawell souhaitait lui laisser du temps. Mais le temps, elle en aurait toujours, occupée ou non. Et elle ne pouvait que le dépenser en s'occupant. Il fallait qu'elle fasse quelque chose. Peu importe quoi. Qu'elle pense à quelque chose d'autre.

- C'est rien. T'en occupes pas Skyler.

Une tête de mule. C'était tout ce qu'il était. C'était suffisant pour énerver la blonde.

- Tu ne me dis jamais rien Mawell ! Tu sais tout de ma vie mais j'ignore tout de la tienne !

- T'as pas besoin de savoir quoi que ce soit de ma vie.

Il continuait simplement de manger, comme si de rien n'était. Une chose supplémentaire pour énerver Skyler, qui se leva sans tenter d'être discrète.

- J'en ai marre Mawell. je sais pas à quoi tu joues, mais j'abandonne. Tu me tapes sur le système.

Il leva les yeux au ciel, et elle tourna les talons, les poings serrés.

Elle sortit de la Grande Salle, sans remarquer les quelques regards étonnés qui derivaient sur elle.

Skyler avait longé les couloirs. Encore et encore. Elle les connaissait par cœur.
Les peintures l'avaient regardée passer, les fantômes l'avaient saluée. Elle les avait tous ignorés.

Le regard vide, elle fixait l'éternité, là-bas, qui disparaissait au loin. Elle fixait le ciel qui s'assombrissait. Depuis combien de temps avait-elle fuit son meilleur ami ? Elle n'avait pas compté. Elle avait retrouvé son refuge. La tour d'astronomie. Sa barrière de fer, lui gelant les doigts. Le vent, glacial, contre sa peau, pâle.

Elle ferma les yeux, un instant. Une seconde. Deux secondes. Trois. Quatre. Quand elle les rouvrit, une larme perla sur sa joue. Traça lentement le contour de cette peau qui avait perdu sa couleur rosie.

Pourquoi tout devait être aussi compliqué ? Elle était perdue. Ne comprenait plus rien. Ses désirs. Ses besoins. Comme si elle était vide. Vide. Vide.

Skyler fixa le ciel de jais, à la recherche d'étoiles. Les leurs. Ils étaient tous là-haut, n'est-ce pas ? Elle y croyait sincèrement. Parce que c'était beau. Et qu'ils ne pouvaient pas avoir simplement disparus.

Papa. Mamie. Maman. Cédric.

Elle soupira.

Ridicule.

- Sympa ton show, dans la Grande Salle.

Elle se retourna brusquement, surprise. Quand ses yeux trouvèrent les siens, bruns et profonds, elle fronça les sourcils et fit une nouvelle fois face à l'haut-delà.

Il ne dit rien. S'approcha simplement, s'accouda à la barrière, son dos contre celle-ci. Il pencha la tête vers Skyler, comme s'il désirait que son regard croisa une nouvelle fois le sien.

- Qu'est-ce que tu veux, Mattheo ?

Il sourit. Enfin, une reponse ! hurlait son égo. Elle était incapable de l'ignorait. Bien qu'elle l'ait fait depuis le début de l'année. Ce soir, le silence entre eux avait été brisé. Finalement. Après presque quatre semaines à chercher Skyler Laurel à la bibliothèque, il la trouvait à son propre spot.

- Rien.

Cette réponse l'avait déçue. Elle était déçue. Rien ? Elle daignait enfin lui adresser la parole, pour rien ?

La mâchoire de Skyler se crispa, et elle lui tourna le dos.

- Alors tu peux partir.

- T'es pas la seule à apprécier venir ici. Et t'apprendras que je viens depuis un bon moment.

Elle ne répondit rien. Pas un mot ne passa ses lèvres. Elle ne pensait même pas. Elle fixait la nuit.

Mais dans la tête de Mattheo, c'était comme s'il avait toujours su. Toujours su qu'elle lui reprocher quelque chose. Ce qu'elle lui reprochait. Peut-être avait-elle tord. Peut-être avait-elle raison. Elle avait perdu son meilleur ami par sa faute. Il aurait pu éviter ça, n'est-ce-pas ? Il aurait pu. Il aurait dû. Mais aurait-il vraiment pu deviner ? Aurait-il pu seulement imaginer ce qu'il se passerait ?

- Il paraît que tu as mis la mort de Diggory sur mon dos.

Elle frissonna. Dit comme ça, c'était la chose la plus affreuse au monde. Non, elle n'aurait jamais fait une chose pareille. Jamais. Et pourtant...
Elle venait de passer un mois à éviter son ami pour cette raison. Elle l'avait rendu coupable de la mort de Cédric pour une raison puérile : Sa bonne conscience. Oui, elle l'avait désigné coupable. Parce qu'il lui en fallait un, et que le véritable était hors de portée.

- Ne vas pas dire que j'ai tord.

Peut-être que si. Peut-être qu'elle avait tord. Peut-être qu'elle avait tord et que lui mettre un mort sur les épaules était quelque chose de monstrueux. Mais peut-être qu'elle avait raison. Dans ce cas il le méritait.

Mattheo la regardait toujours, avec ce regard. En quête d'une chose qui lui manquait. Une réponse. Une logique. Skyler.

- Je ne l'ai pas tué.

- Ton père s'en est occupé. C'est du pareil au même !

Il fronça les sourcils. Ça, c'était blessant. Elle le rapprochait de son paternel, et il détestait ça. Un truc de Riddle, visiblement. Tous détestaient leur paternel et crachaient sur leur ascendance. Mais si son géniteur n'avait pas eu une bonne raison de le faire, Mattheo, lui, le pouvait. Un père absent -pour raison d'une semi-mort- qui revient d'un claquement de doigt avec ses projets de Mangemorts, ce n'était pas ce dont il avait rêvé. Au contraire. C'était avec son retour que Mattheo avait cessé de croire en ses reves, déjà peu nombreux.

- Si tu veux jouer sur les mots, il ne l'a pas tué non plus. Un de ses hommes s'en est chargé. Là, tu peux dire que c'est pareil, oui. Mais ne dis pas que c'est ma faute. Je ne savais pas.

- Arrête. Ton père projette son grand retour sur toute une année et tu n'es pas au courant ? Comme si j'allais te croire !

- Il y a des choses que tu ne prends pas en compte, Sky ! Tu crois vraiment que je peux intervenir dans ses plans sans en subir des conséquences ?

- Comme si tu avais essayer !

Il ne répondit rien, serra les poings.

Bien sûr qu'il avait essayé. Il avait essayé. Et c'était Lucius qui l'avait puni. Parce qu'il n'avait jamais grandit avec ses parents. L'un disparu, l'autre arrêtée, Mattheo Riddle avait été accueilli chez sa tante. Narcissa. Malfoy. Elle avait fait une bonne mère, l'avait élevé comme son fils. Draco et Mattheo, cousins et frères. Tous les deux sans cesse associés à leur famille. Des Mangemorts. Ce qu'ils étaient destinés à devenir, disaient la plupart des rumeurs.

Skyler secoua la tête et s'éloigna de quelques pas.

- Je n'ai rien à te dire.

Rien à lui dire ? Quel mensonge. Trop gros pour qu'il pu passé.
Mattheo s'avança vers elle et lui prit le poignet, la forçant à le regarder.

- N'essaye même pas de faire ça.

Elle fronça les sourcils et se tourna vers lui,.un souffle de vent soulevant ses mèches blondes.

- Faire quoi ?

- Ça. Me supprimer de ta vie. N'essaye pas.

- Qu'est-ce que ça changerait pour toi ? Absolument rien. Tu pourrais avoir n'importe qui pour être aux petits soins avec toi. Tu n'aurais aucun mal à me remplacer.

- Arrête !

Il fronça les sourcils à son tour. Ce qu'elle pouvait déblatérer, comme idioties ! Lui, la remplacer ? Elle était tombée sur la tête ? Elle était le rayon de soleil de sa vie. La fille qui lui avait arraché un vrai sourire rien qu'en faisant tomber un livre sur sa propre tête, en essayant de le ranger.

- Tu racontes n'importe quoi. C'est pas drôle sans toi.

- Oh, pardonnez moi. J'oubliais que j'étais votre distraction préférée, Altesse.

Elle leva les yeux au ciel et il soupira.

- T'es bête. C'est pas ça et tu le sais.

- Oui, je sais. Mais je pense savoir beaucoup de choses à ton sujet. Des choses que j'aurai préféré ne jamais penser savoir.

Il arqua un sourcil. Il était intrigué, voulait en savoir plus. C'était évident. Trop évident.

- Et qu'est-ce que tu penses savoir, Sky ?

Elle ne répondit rien. Son regard tomba en contre bas, dans la cour.

Pouvait-elle lui dire qu'elle pensait qu'il l'aimait ? Que c'était pour ça qu'il n'avait fait que la fixer, au bal de Noël ? Bien sûr que non. Elle aurait l'air stupide. Et en fait, elle ne voulait pas le perdre. Même si elle lui en voulait.

- Pourquoi tu ne m'as rien dit, Mattheo ?

Il secoua la tête.

- Je ne savais même mas ce qui se tramait. Je ne suis pas un mangemort, Sky. Même Narcissa n'était pas au courant. Lucius lui aurait dit. Il n'y avait que ses plus grands fidèles...

- Ta mère ?

Il la fixa. Puis se fut son tour de détourner le regard. Il soupira, fixa le lointain.

- Elle est toujours à Azkaban. J'espère bien qu'elle y restera.

Il avait entendu parler d'elle. Il savait que Londubat avait peur de lui à cause d'elle. Il ne pouvait pas lui en vouloir. Lucius lui en avait parlé aussi, quand Mattheo avait eu cette période, désireux d'avoir ses vrais parents. Il lui avait dit qu'il ne devrait pas se plaindre. Que s'il avait eu Bellatrix comme mère, il ne serait peut-être mort depuis déjà longtemps.

Skyler regarda ses pieds, un instant. Puis elle planta son regard dans le sien, bien qu'il soit perdu quelque part là-bas.
Elle se rapprocha de lui, posa sa main sur la sienne. Les yeux du brun tombèrent dessus, puis remontèrent pour se noyer dans ce ciel bleu. Ils se regardaient vraiment. Pour la première fois depuis longtemps.

Ils se regardaient.

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