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La gare de King's Cross connaissait de l'animation tout au long de l'année. Un flot continu de passants déambulait chaque jour au bord des nombreux quais, donnant l'impression d'une fourmilière humaine, mais il n'y avait aucun jour où la gare voyait apparaître encore plus de monde et de bizarreries que le premier septembre. Entre les personnes cherchant leur train pour ne pas arriver en retard au travail, les employés qui s'essoufflaient à donner des indications aux silhouettes perdues et les étranges individus habillés en robe ancienne qui discutaient de sujets sans queue ni tête, la gare ne paraissait jamais aussi vivante qu'en cette journée de rentrée scolaire.


Hermione esquissa un sourire alors qu'elle poussait une lourde malle en direction de la voie 9 ¾. Quelques moldus jetaient des œillades interloquées à l'étrange groupe que les Weasley, Harry et elle formaient. Les intonations curieuses d'Arthur chantaient les mérites de ces appareils fascinants dans lesquels les gens inséraient leur billet de train. Il n'en connaissait pas l'utilité et il ne cessait de poser des questions aux seules personnes qui avaient grandi avec les moldus. Ils faisaient de leur mieux pour lui répondre, mais Hermione devait bien s'avouer que ses connaissances en composteurs étaient limitées. Chacune de ses explications semblait pourtant fasciner Arthur et ce dernier s'empressait de poser une nouvelle question à laquelle elle ne pouvait offrir qu'une réponse bancale.


« Arrête papa, supplia la rouquine dans un chuchotement. Tout le monde nous regarde.

— Mais c'est tout bonnement fascinant ! continua-t-il en ignorant le grondement de sa fille. Et donc les moldus justifient leur droit d'aller dans un train en ayant des petits trous dans leur billet ? s'extasia-t-il. Fascinant ! commenta-t-il alors qu'ils acquiesçaient d'un mouvement de la tête. Tu ne trouves pas ça merveilleux Molly ? »


La mère de famille répondit par un vague mouvement de la main et elle esquissa un large sourire alors que son époux déambulait dans la gare comme un enfant s'émerveillant de toutes ces petites choses ordinaires. Ronald bougonna quelques mots sur la honte qu'il ressentait et Hermione lui donna un léger coup de coude dans les côtes pour faire taire ses lamentations. Celles-ci se turent avec les exclamations de son père lorsqu'ils parvinrent au mur qui les séparait du Poudlard Express. Une grimace discrète se peignit sur les traits de la jeune femme alors que ses proches fonçaient tout droit en direction des briques. Elle ressentait toujours cette petite appréhension à l'idée de traverser le mur ; comme si son esprit logique effaçait celui de la sorcière. Elle ne voulait pas se casser le nez en percutant de plein fouet la pierre froide et sale de la gare.


Ce ne fut pourtant pas le cas. A peine avait-elle pris son courage à deux mains pour s'élancer dans ce pan de mur entre les voies neuf et dix qu'un sublime train à vapeur se dessina dans son champ de vision. Des centaines de personnes en robe s'amassaient sur le quai. Des parents rassuraient ceux qui allaient rejoindre les bancs de cette école si étrange pour la première fois et des adolescents retrouvaient leurs amis au milieu de la foule dans des accolades aimantes. Hermione s'empressa de rejoindre le groupe qui l'avait accompagné et elle fut aussitôt assaillie par plusieurs bras qui l'enveloppèrent dans une étreinte chaleureuse.


Les aurevoirs manquèrent d'arracher une larme à la sorcière aux cheveux formant une crinière autour de sa tête avant de rejoindre l'intérieur du train. Les odeurs familières du cuir et des sucreries assaillirent ses narines et firent remonter tous ces souvenirs heureux. Elle se souvenait encore de son tout premier trajet à bord du Poudlard Express. Elle avait aidé Neville à retrouver son crapaud et elle avait fait la connaissance de ces deux garçons qu'elle n'aurait jamais imaginés comme de potentiels amis. Ils lui avaient semblé si stupides – ils lui semblaient toujours stupides par moment – et elle avait tout fait pour leur prouver qu'elle était une sorcière émérite. Elle avait dû leur paraître si insupportable à cette époque.


Les jeunes adultes déambulèrent dans les allées du train à la recherche d'un compartiment vide ou habité par une silhouette familière. Ils finirent par trouver leur bonheur en découvrant le visage pensif de Luna Lovegood. La sorcière aux cheveux blonds observait un point invisible et elle arborait un sourire mystérieux. A qui souriait-elle ? Personne ne pouvait vraiment le savoir. Luna vivait dans son propre univers. Elle les invitait parfois à rejoindre dans ce monde qui n'existait que pour elle.


« Bonjour Luna, salua la rouquine en s'avachissant en travers d'une banquette. Comment vas-tu ?

Bonjour à tous, prononça-t-elle d'une voix rêveuse. Je vais très bien.

Je suppose qu'on peut s'installer ici, remarqua le Survivant en dardant un regard à sa petite-amie. »


Leur amie acquiesça d'un simple mouvement de tête et ils s'empressèrent de s'installer sur les banquettes en velours côtelés. Ils commencèrent à discuter de sujets divers, interrogèrent la sorcière rêveuse sur ses expéditions de recherches de créatures magiques, accueillirent Neville par des acclamations enjouées et repartirent sur ces fameuses discussions légères que quelques plaisanteries venaient ponctuer. Hermione n'aurait pas pu s'estimer plus heureuse qu'en cet instant qu'elle partageait avec tous ses amis. Elle ne parvenait cependant pas à réprimer les discrets tressautements de ses jambes sur la banquette. Plus les paysages défilaient pour se rapprocher de l'école de sorcellerie, plus elle sentait son angoisse grandir. Elle ignorait qui partagerait son rôle de préfet et cette inconnue sur un tableau presque parfait la remplissait d'appréhension. Que ferait-elle si elle n'appréciait pas son collègue ? Elle ne s'imaginait pas travailler avec Pansy Parkinson ou Cormac McLaggen. Elle savait que la plupart de son temps serait occupé à être excédée par leur présence et elle ne parviendrait pas à se concentrer sur sa tâche. Comment faire équipe avec une personne qui lui donnait envie de lui arracher les yeux tant elle l'agaçait ? Hermione ne savait pas répondre à cette question et elle se retrouvait frustrée. Elle, Hermione Jean Granger, n'avait pas de réponse à apporter ! C'était à s'en demander si le monde tournait encore rond.


« On approche de l'école, remarqua Neville. On devrait se préparer. »


Une déglutition bruyante échappa à la sorcière la plus brillante de sa génération alors qu'elle se redressait pour récupérer sa robe de sorcier dans sa malle. Chaque seconde écoulée la rapprochait de la découverte de son coéquipier. Ginny et Luna l'entraînèrent dans les toilettes du train pour qu'elles puissent enfiler leur uniforme. Elle ignorait si ses amies avaient remarqué sa soudaine agitation, mais elle se sentait soulagée de ne pas recevoir ces mots rassurants qui n'auraient fait que décupler son angoisse. Elle les écoutait parler de leurs relations amoureuses dans l'intimité d'une cabine bien trop étroite pour trois personnes.


« Pourquoi ça n'a pas marché avec Ron ? l'interrogea la blonde.

Parce qu'on s'est rendu compte qu'on ne s'aimait pas comme des amants, répondit-elle. Notre relation fonctionne mieux si on est juste ami.

Puis on ne peut pas dire que mon frère soit particulièrement attiré par les femmes, remarqua la rouquine en serrant sa cravate. C'est bien qu'il en ait pris conscience. »


Hermione préférait sa relation purement amicale avec Ronald. Elle préférait blaguer de longues heures avec lui plutôt que l'embrasser dans l'obscurité d'un couloir. Hermione pourrait se focaliser sur ses études sans avoir à s'inquiéter par les divagations amoureuses de son esprit. Son temps libre se concentrerait à se plonger dans des livres toujours plus épais et de s'abreuver de nouvelles connaissances. Elle allait pouvoir profiter de son célibat.


« Vous pensez que ça va être qui ? leur demanda-t-elle en ajustant sa chemise. L'autre préfet en chef ? précisa-t-elle.

Millicent Bulstrode ? tenta la rouquine d'une moue pensive.

Terry ou Padma ? suggéra Luna. »


Les suggestions de ses amies lui paraissaient meilleures que celles que son esprit lui hurlait depuis qu'elle avait reçu sa lettre. Millicent n'était pas une personne qu'elle appréciait, mais elle pouvait s'imaginer une dizaine d'élèves plus désagréables dans la maison au serpent. Un soupir à en déchirer son âme s'échappa de ses lèvres. Était-ce trop demander de vouloir passer du temps avec quelqu'un qu'elle ne détestait pas ? Elle fut tirée de ses pensées par les ralentissements du train à vapeur amorçant son arrivée dans la gare de Pré-au-Lard. Les trois sorcières quittèrent la cabine dans laquelle elles s'étaient enfermées pour se changer. Le ciel s'était assombri et la lumière naturelle qui inondait les wagons avait été remplacée par celle plus chaude des lampes à huile. Elles retrouvèrent la gaieté de leur compartiment, Hermione laissa tomber sa tête sur l'épaule de son ancien petit-ami alors que ses prunelles détaillaient les formes complexes des constellations. Elle avait hâte de retrouver sa chambre et la bonne odeur des parchemins. Elle pourrait se plonger dans ses cours, profiter de ses derniers mois dans l'école de sorcellerie et passer du temps à rire avec toutes ces personnes qu'elle aimait. Elle ne laisserait aucun événement gâcher sa dernière année à Poudlard. Voldemort était mort et plus aucune menace ne flottait au-dessus de sa tête comme une lourde Epée de Damoclès.

Tout allait être parfait.




j'aime beaucoup ce chapitre. je le trouve assez léger et amusant. j'espère aussi qu'il vous a plu et que vous avez apprécié votre lecture. drago n'est pas encore apparu mais il sera là dans le prochain chapitre.

on se retrouve dans deux semaines pour le troisième chapitre !

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