Above them

Le tonnerre gronda et la terre se mit à trembler. Jeonghan succomba sous le poids de ses blessures et Seungcheol quitta son sortilège des yeux pour fixer son regard sur lui.

Jeonghan voulut le regarder dans les yeux mais le sang qui s’écoulait du haut de son crâne entra en contact avec son sourcil gauche et il ferma l’œil pour éviter que celui-ci soit infecté.

« Pourquoi tu fais ça ? » demanda-t-il en resserrant sa prise sur son épée brisée. Elle n’était plus aussi blanche et lisse qu’au début de leur aventure ; elle était à l’image de Jeonghan, brisée et usée.
« Tu nous a trahi.

- Non. J’ai fait ce que j’avais à faire pour sauver les miens. »

Seungcheol n’était pas comme Jeonghan et tous les autres de leur groupe d’expédition. Il était un sorcier. L’un des derniers sur Terre. Son espèce avait commencé à disparaitre quand un grand roi puissant avait développé un goût pour la chasse au sorcier puis, il n’avait resté qu’une poignée d’entre eux sur Terre quand une majorité s’était enfuie vers une dimension parallèle.

« Ils se meurent là-bas. » avait-il confié à Jeonghan un soir où le sommeil le fuyait. « Il n’y a pas de soleil et toute la magie qu’ils emploient pour rester en vie empoisonne l’air. »

Jeonghan lui avait demandé comment il savait tout cela et Seungcheol lui avait parlé de ses visions nocturnes ; tous ces cauchemars qui le faisaient se réveillé en sanglots. Quand ils avaient commencé à dormir ensemble, les visions s’étaient faites moins nombreuses et moins longues et les cernes profondes sous les yeux de Seungcheol s’étaient amoindris.

Ils avaient été heureux un temps. Jusqu’à ce qu’ils s’approchent du mont Etawheii et que Seungcheol devienne distant. Jeonghan avait pensé que Seungcheol était juste stressé à la possibilité qu’ils échouent leur mission et il s’était inquiété quand il avait dit au onze autres membres de l’équipe d’expédition du roi que la forêt acceptait seulement leur présence à tous les deux. Il n’avait cependant jamais douté de Seungcheol. Il n’avait pas songé une seconde que celui-ci ne voudrait pas détruire l’Orbe qui encourageait la forêt à attaquer le royaume de Chyrres mais se servir de celle-ci pour sauver les siens.

Jeonghan aurait aidé Seungcheol si l’ouverture sur une nouvelle dimension et l’inclusion de celle-ci dans la leur n’allait pas détruire toute trace de vie dans les cinquante kilomètres à la ronde.

Il avait tout tenté de l’arrêter mais l’Orbe s’était rangé du côté du sorcier et Jeonghan n’avait pu faire grand-chose contre eux. Il avait été abandonné au milieu de la forêt entouré de bêtes monstrueuses et plus assoiffées de sang les unes que les autres. Qu’il soit arrivé à l’autel de l’Orbe avait été un miracle.
Qu’il gagne contre Seungcheol en serait un autre.

« Tu nous a trahi ! » hurla-t-il cette fois-ci.

« Je t’ai dit de ne faire confiance à personne. » accusa Seungcheol en fronçant les sourcils.

« Je pensais que tu serais l’exception. Tu l’as été pour beaucoup de choses. »

Des baisers au clair de lune, des chuchotements tendres et des rires discrets. Des yeux qui pétillent et des lèvres adorant chaque parcelle de peau. Des mains qui caressent, s’attrapent et se quittent en douceur. Un cœur réticent qui s’ouvre et des bras chauds et rassurants. Des « je t’aime » et un avenir tant attendu.

Un bonheur qui appartenait déjà au passé.

Seungcheol fit un sourire triste et ramena son attention sur l’Orbe. Il reprit son incantation.

Jeonghan puisa dans ses dernières forces et monta les quelques marches qui le séparaient de Seungcheol et de l’autel. Il leva son arme en direction de son amant.

Une force invisible le balança sur le côté.

L’épée rebondit dans un bruit aigue et finit sa course au pied de l’autel. Jeonghan tomba à genoux, épuisé. Il n’avait plus de souffle, l’air était beaucoup trop chargé en magie ; c’est comme s’il s’était changé en un liquide épais invisible. C’était presque douloureux d’inspirer. Jeonghan ne pouvait sûrement plus parler. Seungcheol s’approcha de lui, s’agenouillant pour que leurs regards soient à niveau.

« Tu es fatigué, Jeonghan. » dit-il doucement. « Tu mérites de te reposer. Tu as été si brave. » Il caressa ses cheveux salis par les cendres et le sang.

Jeonghan tenta de repousser sa main mais c’est comme si quelque chose l’en empêchait. Le regard de Seungcheol s’assombrit et toute sa tristesse pesa sur le cœur de Jeonghan. Le sorcier se pencha en avant et encercla le chevalier de ses bras musclés.

Il fut une époque où Jeonghan aurait fondu dans l’étreinte.

« Je suis désolé. Promets-moi de prendre soin de toi après tout ça. »

Jeonghan ne put répondre mais Seungcheol sentit toute sa réticence à obtempérer. Seungcheol voulait l’abandonner et pour se venger, il allait faire tout le contraire de ce qu’il lui demandait ; il allait se laisser mourir.

« On se retrouvera un jour. Tout sera plus beau et plus doux.

- Qu’est-ce que tu racontes ?! Comment pourrai-je toujours t’aimer après ça ?! »

Jeonghan voulait en réalité demander « comment ne plus t’aimer ? » parce que l’amour n’est pas quelque chose qui disparait d’un claquement de doigt ; c’est quelque chose qui prend autant de temps à être construit que détruit.

Et bien que Jeonghan voulut détester Seungcheol de tout son être, il ne pouvait pas. Son cœur était impuissant face aux yeux si noirs et brillants de celui qui, la veille encore, l’appelait l’amour de sa vie.

Si Seungcheol réussissait à rassembler les deux mondes, alors Jeonghan le serait probablement puisque celui qui lançait le sort devait y laisser la vie.

« Pas dans cette vie. » commença Seungcheol en serrant plus encore le chevalier contre lui. Il colla sa bouche à l’oreille de Jeonghan et continua, plus doucement : « Je l’ai vu. Tu étais si joyeux et fort. Tu n’avais pas d’épée et pas de stupide prophétie. Je sais qu’on se retrouvera et on pourra être enfin heureux. »

Il posa un baiser sur la tempe du chevalier et le poussa du haut des escaliers de l’autel. Jeonghan roula jusqu’à atteindre le sol rocailleux de la montagne. Des lianes rampèrent vers lui tel des serpents affamés et s’enroulèrent autour de sa taille et de son cou ; juste assez pour l’empêcher de se relever.

Il chercha du regard son épée, ignorant sa respiration qui accéléraient à cause de la panique. Luttant contre la force des lianes, il saisit du bout des doigts l’arme et trancha quelques plantes.
Le tonnerre gronda à nouveau et il se figea un instant, la peur beaucoup trop intense pour qu’il puisse faire abstraction de celle-ci. Il entendit vaguement Seungcheol continuer à réciter l’incantation en direction du ciel.

Je dois l’arrêter, pensa-t-il en reprenant son combat contre les lianes. Celles-ci finirent par se recroqueviller sur elle-même, leur vert intense tournant rapidement au marron. Seungcheol fatigue.

Il se tourna vers l’autel.

La terre trembla à nouveau, les cendres provenant de l’autre dimension se firent plus denses et le ciel changea de couleur. Les menaçants nuages gris devinrent ocres et les éclairs prirent une teinte violette ; deux éléments caractéristiques de l’autre dimension.

Il ne restait que très peu de temps avant la catastrophe.

« Tu vas nous tuer tous les deux ! » hurla Jeonghan en se précipitant vers Seungcheol.

Celui-ci le poussa du bout des doigts et Jeonghan tomba sur les fesses. Il voulut se jeter à nouveau contre le sorcier mais se cogna contre une barrière invisible. Ou plutôt contre un bouclier. Il était coincé dans une sphère qu’il ne pouvait voir qu’à cause des cendres qui glissaient sur sa surface lisse.

Seungcheol descendit de l’autel doucement, ses beaux yeux noirs maintenant remplit du même jaune que le ciel et ses lèvres bleues, son teint blafard et sa démarche peu rassurante.

« Je ne te ferai jamais de mal. » dit Seungcheol en posant son front contre le bouclier.

Jeonghan se mit précipitamment sur les genoux, tapant avec désespoir sur la surface.

« Non ! Seungcheol ! Ne fais pas ça ! »

Seungcheol ferma les yeux un instant. Un soupire tremblant traversa ses lèvres et Jeonghan se mit à pleurer.

« S’il-te-plait. Reste avec moi. Je t’aime ! » supplia-t-il en plaquant aussi son front sur la sphère. Ils se seraient touchés si ce maudit bouclier n’avait pas été là.

Le tonnerre gronda et un éclair brisa le ciel.

Seungcheol s’écarta, un sourire fragile sur le visage. Il poussa du bout des doigts le bouclier qui se mit à rouler. Jeonghan s’éloigna contre son gré, ses cris de désespoirs ne traversant plus la paroi.

« Je t’aime aussi, Jeonghan. » confia Seungcheol en remontant sur l’autel.

« Seungcheol ! » cria une dernière fois Jeonghan.

Puis le ciel se fendit encore en deux, la terre trembla une dernière fois et l’autel explosa.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top