Premier chapitre
Il était seul, sous la pluie. Le ciel était couvert de nuages menaçants, prêts à déchaîner leur fureur à tout moment. Une brise glaciale soufflait dans la rue, à en faire frissonner tous ceux qui n'étaient pas suffisamment équipés pour y faire face. Le soleil parvenait à peine à envoyer ses pâles rayons jusqu'à la terre, faisant régner la pénombre dans ce lieu sous les nuages.
Il se tenait au milieu de la ruelle. Le seul à être en couleurs dans ce monde gris. Les maisons étaient sales, et l'asphalte aussi. Aucune lumière n'était allumée aux fenêtres. On aurait dit que lui seul était vivant dans cette ville fantôme.
Il avait froid. Il frissonnait dans ses vêtements alourdis par la pluie. Il avait mal à la tête et au cœur. Il ressentait le besoin de se recroqueviller dans un coin. La solitude pesait sur lui comme une enclume. Tête basse, il était presque impossible de distinguer l'eau tombant du ciel de celle qui s'échappait de ses yeux.
Peut-être était-ce à cause de sa vision embrouillée que le paysage semblait irréel. Il lui semblait familier, mais c'était comme s'il le voyait pour la première fois. Il reconnaissait les boîtes à l'odeur étrange, amoncellées dans un coin.
Puis il releva la tête. Il lui semblait avoir vu, ou peut-être plutôt senti, quelque chose. Il cligna plusieurs fois des yeux afin de chasser les gouttes qui s'y écrasaient. Puis ceux-ci s'écarquillèrent de stupeur. Il y avait, au bout de la ruelle, une autre silhouette colorée, qu'il aurait reconnue entre mille. Les mains rentrées dans son sweat à capuche bleu, ses baskets trempées par la pluie. Ses cheveux bruns attachés en queue de cheval, que le vent s'amusait à malmener. Dos à lui.
Il sentit sa gorge se serrer, son rythme cardiaque s'accélérer, un surplus de larmes monter à ses yeux et ses jambes se mettre à courir dans sa direction, tout ça à peu près simultanément. Il était clair qu'elle avait entendu le bruit de ses chaussures s'écrasant dans les flaques d'eau, mais pour une obscure raison, elle ne tourna pas la tête vers lui. Son souffle lui manquait un peu plus à chacun de ses pas.
"Frangine, je... je suis désolé !"
Même entendre sa voix ne sembla la pousser à se retourner. En revanche, une autre réaction sembla affecter son image - car à mesure qu'il avançait, elle disparaissait.
"J... je..."
Elle se troublait de plus en plus. Lorsqu'il tendit la main, elle s'était déjà presque évaporée.
"Je suis... désol..."
Elle n'était plus qu'un mirage dans les airs. Il était à la limite de sauter alors que les dernières bribes d'elle s'évaporaient dans les airs. Lorsque ses pieds quittèrent le sol, elle avait déjà disparu.
Et elle ne fut pas la seule. Il resta suspendu dans les airs, tandis que le béton et le goudron faisaient place à la pierre et à la terre. Bientôt, il fut en train de flotter dans les airs, près d'une imposante montagne.
Et sur cette montagne, il y avait une autre silhouette qui lui était connue.
Sa bouche s'ouvrit sur un cri. Seule la première syllabe eut le temps d'en sortir.
"LY...!"
Un crachotement strident couvrit le reste du nom qu'il hurlait... Et Noya se réveilla en sursaut.
Le jeune adolescent se releva brusquement sur son lit. Son cœur battait encore la chamade, et son esprit embrumé était encore piégé dans les méandres de son rêve. Désorienté, il ne reconnut pas la pièce dans laquelle il était, où l'obscurité étendait encore son règne. Il entendait vaguement une voix qui semblait résonner dans la pièce. Instinctivement, il chercha d'où elle provenait. Il finit par entrapercevoir, au-dessus d'une forme rectangulaire qui s'apparentait à une porte, un objet noir qui semblait diffuser la voix. Un haut-parleur. Avec un effort de concentration, il finit par saisir quelques bribes de phrases :
- ... "bienvenue au sein de notre Académie. Une réunion débutera dans quelques minutes au self pour vous donner de plus amples informations. Je... ou plutôt, toute l'équipe enseignante vous attend avec impatience !"
Ces mots résonnèrent dans sa tête sans qu'il arrive à en saisir le sens. Puis, la fatigue fut chassée de son regard au moment où son cerveau réussit à interpréter correctement les paroles du haut-parleur.
Hein, une académie ? Comment est-ce qu'il était arrivé là ? Ses souvenirs récents étaient encore plus embrumés que le reste. Il se souvenait vaguement d'hommes en noir, d'une limousine, d'un portail... Il nota ensuite que la voix avait dit "vous", donc à part si elle le considérait comme quelqu'un de suffisamment important pour être vouvoyé - ce qui pouvait très bien être le cas -, il n'était pas seul ici. Un frisson le parcourut quand l'idée qu'ils aient pu le retrouver lui effleura l'esprit. Mais elle en fut aussitôt chassée : elle n'avait pas la même voix que celle émise par le haut-parleur, et même si ça avait été une comédie, ils n'auraient jamais dépensé tout l'argent que ça aurait coûté.
C'était bien beau, toutes ces cogitations, mais ça ne lui disait pas ce qu'il faisait là, ou qui l'avait amené ici. Il se décida enfin à sortir de son lit et alla ouvrir les rideaux qui cachaient une fenêtre rectangulaire dans le mur afin d'avoir plus de lumière.
Maintenant qu'il y voyait plus clair, il se rendit compte que la pièce dans laquelle il se trouvait était une chambre correspondant parfaitement à ses goûts. De taille moyenne, ni trop grande, ni trop petite, les murs étaient d'un vert foncé de la même intensité que les rideaux, sur lesquels étaient placardés des posters de groupes de rocks - Palaye Royal, My Chemical Romance et Nirvana figuraient parmi les grands titres - ainsi qu'une horloge sur le mur auquel était adossé son lit. Lequel était défait, dû à son récent réveil, et posé près d'une table de nuit elle-même surmontée d'une chaîne hi-fi. Contre le mur qui se tenait à l'opposé de la fenêtre étaient appuyées une batterie et une guitare, situées près du skate qui reposait au pied de son lit. Enfin, près du dernier mur, on pouvait voir un bureau soutenant un ordinateur, une lampe et une enceinte. Une manette de jeux vidéo et un carnet traînaient sur le sol. Ses chaussures étaient posées près de son lit, et il se rendit compte qu'il portait ses vêtements de la veille - à moins qu'il ait passé plusieurs jours à dormir? -, mais n'avait aucune envie de se changer. C'est donc vêtu d'un pull uni, d'un pantalon cargo noir agrémenté d'une chaîne et de ses baskets qu'il venait de lacer qu'il se dirigea vers ce qu'il n'avait pas encore exploré de son apparente nouvelle chambre.
Pour finir, il y avait deux portes. Celle surmontée par le haut-parleur se contenta d'émettre un cliquettement sourd quand il baissa la poignée, et ne bougea pas. Il passa donc la deuxième porte, qui s'ouvrit sur des sanitaires : cabine de douche, toilettes, lavabo... Les murs et le sol étaient pavés de carreaux gris clair. Il vit également son reflet, en passant devant un miroir.
Noya était un garçon d'un mètre soixante-huit pour ses seize ans, à l'apparence peu ordinaire. Il pouvait paraître un peu faible, en raison de sa finesse apparente, mais sous ses vêtements se cachaient des muscles, qui existaient bel et bien même s'ils ne ressortaient pas beaucoup. Mais ce qui dénotait vraiment, c'était son visage, surmonté de mèches arc-en-ciel qui devenaient blanches sur le dessus du crâne et à la racine des cheveux, résultat d'une coloration assez résistante au lavage. Il arborait un bandeau noir, qui faisait office de frontière entre partie colorée et partie unie de ses cheveux. Ses deux yeux étaient de couleur violette, et en-dessous d'eux se trouvaient des cernes (son regard s'assombrit en les voyant) qu'il s'efforçait de cacher avec du maquillage. Enfin, deux piercings ornaient sa lèvre inférieure.
Il fit une rapide inspection de la salle d'eau, qu'il trouva parfaitement ordinaire. Rien de particulier ni d'étrange n'en ressortait. Sa chambre n'allait donc pas pouvoir lui permettre de déterminer dans quel lieu il se trouvait, ou du moins recueillir des informations sur celui-ci - outre le fait qu'il s'agissait d'une "académie". Jugeant que le mieux serait de se rendre à l'endroit énoncé dans l'annonce - le self, lui semblait-il -, il se dirigea de nouveau vers la porte de sa chambre qui, cette fois, semblait ouverte. Il entendait des bruits de pas derrière le rectangle de bois, ainsi que des éclats de voix. N'ayant aucune envie de se retrouver au beau milieu d'un troupeau de gens, il attendit qu'il n'y ait presque plus de bruit pour sortir.
Il arriva dans ce qui semblait être un couloir. Les murs étaient épurés et le parquet flambant neuf. Des portes se succédaient à intervalles réguliers, portant chacune un numéro. En supposant que chaque chambre était occupée, il y avait l'air d'avoir un sacré nombre de personnes, ici. Il jeta un bref coup d'œil au numéro de sa chambre, la numéro deux, et se dirigea vers l'extrémité du couroit qui débouchait sur une sorte de pièce commune, d'après son ameublement : deux canapés, plusieurs fauteuils garnis de coussins disposés autour d'une table basse, ainsi qu'une armoire et quelques plantes en pots dans des coins. Il aperçut un plan accroché au mur et s'en approcha afin de l'étudier. Il repéra assez rapidement le self, une grande pièce rectangulaire située au rez-de-chaussée d'un autre bâtiment de celui dans lequel il se trouvait, d'après l'indication "Vous êtes ici" qui lui sembla un peu ironique. Il mémorisa le chemin pour y aller du mieux qu'il put, puis se dirigea vers le hall d'entrée et sortit.
À l'extérieur du bâtiment se trouvait une multitude de jardins. Arbres, buissons et fleurs se succédaient le long d'en sentier qui se coupait en deux à mi-chemin du bâtiment qui, il le devinait, était sa destination. En suivant l'autre sentier du regard, Noya discerna un troisième bâtiment de forme circulaire, dont les couleurs et l'apparence faisaient vaguement penser à un stade. L'adolescent commença à emprunter le sentier. Il mit ses mains dans ses poches et sentit ses doigts se resserrer autour du lecteur MP3 qu'il y avait glissé avant de quitter sa chambre. Puis, il se mit en marche.
Il arriva assez rapidement devant l'imposant bâtiment, et franchit les quelques marches qui le séparait de la porte en verre. Il en saisit la poignée et entra.
L'intérieur de la pièce était très simple : pas de meubles, simplement deux couloirs qui partaient de part et d'autre d'un long mur percé en son milieu par une double-porte. À en entendre le brouhaha qui s'en échappait, il avait trouvé sa destination. Il alla vers la porte et, sans ménagement, l'ouvrit d'un coup de pied. La rumeur des conversations s'interrompit légèrement suite à son entrée quelque peu... bruyante, et le jeune homme sentit plusieurs regards se poser sur lui. Il les ignora royalement et alla s'asseoir dans un coin, à même le sol en raison de l'absence totale de tables et de chaises. Étrange, pour un self. Il y avait simplement une estrade à l'autre extrémité du self que les autres semblaient éviter. Les comptoirs où d'ordinaire devaient figurer les plats à disposition des consommateurs étaient en face du mur où Noya s'était appuyé. Une jambe étendue au sol et l'autre à moitié repliée contre lui, il sortit son mp3 de sa poche et mit les écouteurs dans ses oreilles, puis sélectionna la playlist contenant une sélection de ses morceaux de rock favoris et mit le volume à fond. Très vite, il oublia les autres adolescents présents dans la pièce. Il ferma les yeux.
Il laissa passer trois musiques, laissa ses souvenirs défiler au rythme des paroles, avant de soulever à nouveau ses paupières. Ses pensées l'avaient ramené à son rêve qui s'était presque effacé de sa mémoire depuis son réveil. Son frère. Il l'avait retrouvé, il y avait environ deux mois. Était-il possible qu'il soit, lui aussi, présent dans la pièce ? Il se mit frénétiquement à chercher parmi les têtes qui se trouvaient dans le self la version réelle de l'apparition qu'il avait vue dans son songe. Des groupes s'étaient déjà formés parmi ceux qui avaient l'air d'être, comme lui, des adolescents - il estimait que le plus vieux qu'il avait vu avait à peine dix-huit ans - : certains étaient particulièrement bruyants, tandis que d'autres restaient à l'écart, comme une fille aux cheveux rose bonbon - il n'avait pas l'air d'être le seul à se faire des teintures. Puis il vit, assis dans un autre coin de la pièce, ou plutôt recroquevillé dans ce coin, un autre garçon dont il aurait reconnue la chevelure noire parsemée de mèches rousses si caractéristiques entre mille. Un seul mot franchit la barrière de ses lèvres :
- Zelyan...
Le son fut tellement faible que seule une personne extrêmement proche de lui aurait pu entendre, ce qui n'était pas le cas. Sa voix était emplie de soulagement et d'inquiétude à la fois. Pendant que le nom de son frère mourait dans les airs, il se releva et, coupant sa musique, il s'avança dans sa direction, bousculant sans s'en apercevoir plusieurs personnes qui se trouvaient sur son chemin. Il ne voyait plus que lui. Le dénommé Zelyan n'avait même pas relevé les yeux. Le pas de Noya se fit, sans qu'il s'en aperçoive, plus rapide, et ne cessa d'accélérer. Il en était presque à courir quand l'autre adolescent fut à portée de bras. Sans laisser le temps à l'autre d'apercevoir son visage, il s'accroupit et l'enlaça.
- Ze-ly-an, chuchota-t-il à son oreille, découpant bien chaque syllabe de son prénom.
Le garçon aux cheveux arc-en-ciel se sentit sourire. Le soulagement se propagea dans son corps comme une traînée de poudre. Le fait qu'ils étaient dans un endroit inconnu et potentiellement dangereux lui sembla soudain beaucoup moins pesant qu'à son réveil, et ses bras raffermirent leur prise sur son frère, qui s'était soudain crispé contre lui. Il ne fallut que quelques instants avant qu'il n'entende un souffle rassuré murmurer son propre prénom :
- N... Noya...
La joie s'ajouta au soulagement qu'il ressentait. Il prolongea le câlin encore un petit moment, avant de laisser ses bras pendre le long de son corps. Le regard brillant, il détailla son frère.
Il était difficile de croire que celui qui se tenait devant lui n'était autre que son jumeau. Haut d'un mètre soixante-quinze, Zelyan était un garçon aux yeux verts au coin desquels perlaient quelques larmes, et Noya devina que le soulagement qu'il ressentait était partagé. Ses longs cheveux noirs étaient assortis de mèches rousses étonnement naturelles attachés, comme à leur habitude, en tresses d'une complexité affolante. À en juger les quelques mèches qui se rebellaient et refusaient se laisser attacher, il n'avait pas pris la peine de vérifier si sa chambre disposait d'une salle de bain. Il était habillé d'un t-shirt rouge à manches longues et d'un pantalon noir sous lesquels on pouvait deviner sa carrure légèrement musclée.
Si son frère avait le teint légèrement pâle, sûrement dû au stress, il avait l'air d'aller bien. Aux yeux de l'adolescent, c'était amplement suffisant. Noya poussa un léger soupir et s'assit contre le mur, à côté de son frère, laissant son regard se perdre au loin.
- J'avais peur qu'on soit séparé, dit-il. Mais on a beau être dans un endroit inconnu dans l'avoir demandé, au moins, on est ensemble...
Il tourna de nouveau son visage vers son frère. Il souriait.
- Hein, frangin, on est inséparable, toi et moi!
S'il ne connaissait pas Zelyan, il n'aurait pas vu l'ombre de sourire qui plana sur le visage de l'adolescent.
- Oui... C... C'est vrai...
Le sourire de Noya continua d'étirer ses lèvres avant qu'un souvenir ne le fasse se fâner. Lentement, son visage se détourna et sa tête bascula en arrière, permettant à son regard de s'accrocher au plafond du self.
- Frangine n'est pas ici... Elle me manque, souffla-t-il. Il sentit son cœur se serrer sous l'effet de la culpabilité. Mais au moins, elle n'est pas dans cet endroit inconnu.
"Et peut-être dangereux", voulut-il ajouter. Son regard fit de nouveau le chemin jusqu'à celui de l'adolescent.
- Quoi qu'il se passe ici, je ne laisserai rien ni personne nous séparer, promit-il.
Dans sa voix se faisait sentir toute la force de sa conviction. Zelyan prit une inspiration.
- J'espère qu'elle va bien... Je... Je ferai de mon mieux, p-pour rester avec toi...
Noya eut un petit sourire, puis ferma les yeux. L'image de la silhouette qui s'évaporait, dans son rêve, continuait de le hanter.
- Elle a sûrement pas la vie facile, mais bon... Elle ne se fait pas fouetter. Enfin j'espère, ajouta-t-il. Ils n'ont pas de raison de faire une chose pareille, elle n'a pas eu la malchance de naître avec une soeur jumelle...
Il soupira à nouveau.
- Enfin bon... Quand on sortira de cet endroit inconnu au bataillon, on ira la chercher.
Un nouveau léger sourire était visible sur son visage. Mais en voyant son frère baisser la tête, il comprit qu'il avait pris personnellement ses paroles.
- Désolé... Si... Si je n'étais pas né... T-tu serais tranquille...
À peine eut-il prononcé cette dernière syllabe que la main de Noya vint donner une légère tape à l'arrière de sa tête.
- Andouille, si tu n'étais pas né, je ne serais pas là non plus ! Ne te reproche jamais le fait d'être né et en vie. Si tu es ici, c'est que tu le mérites ! Comment je ferais, moi, sans toi?
Zelyan frémit légèrement, mais n'osa pas le regarder.
- Je... je le mérite ? Si... Si tu le dis...
- Arrête de te rabaisser, tête de mule ! Tu es une personne incroyable, tu as mon entière confiance et je tiens énormément à toi. Ne l'oublie pas, okay?
Il avait un sourire réconfortant dessiné sur ses lèvres. Il regardait son frère qui lui était absorbé dans la contemplation du sol.
- J... Je ne me rabaisse pas...
Sa voix était presque totalement éclipsée par celle d'un groupe qui semblait s'être lancé en plein débat. Mais Noya connaissait suffisamment son jumeau pour deviner qu'il niait. Alors une expression sérieuse s'installa sur son visage.
- Alors arrête de dire des choses comme "si je n'étais pas né" et blablabla. Et, s'il te plaît, crois un peu plus en toi-même. Moi, je t'accorde toute ma confiance, je sais que tu le mérites.
Tout en parlant, il avait posé une main sur l'épaule de Zelyan. Puis, elle avait migré vers l'arrière de son crâne tout en évitant soigneusement de rester piégée entre les tresses, véritables entortillements de cheveux. Quand Noya la ramena près de lui, la tête de l'autre adolescent suivit le mouvement, et atterrit au niveau du coeur du garçon. Son bras libre vint l'enlacer. Il murmura :
- D'accord ?
Il eut un petit mouvement approbatif de la part de son frère.
- J... Je vais essayer...
Il sourit.
- Merci, frangin.
Il lui donna deux petites caresses sur la tête avant de le relâcher.
"Merci". C'était tout ce qu'il avait pu lui offrir. Noya ne savait que trop bien pourquoi l'estime que son frère avait de lui-même était brisée. Le plus important, c'était... Qu'il apprenne à panser ses blessures. Les blessures nées des coups qu'il avait subis et qu'il n'osait pas toucher. Mais Noya était là, et il lui apportait les bandages dont il avait besoin, quoi qu'il pourrait dire.
Un bruit de porte qu'on ouvre le tira une nouvelle fois de ses pensées. Son frère s'était redressé et bredouillait un vague "de rien". Son regard alla se poser sur la porte du self, dont les battants grand ouverts laissaient apparaître deux silhouettes. La première, un homme ayant l'air d'avoir la trentaine et passablement énervé, qui tenait la seconde silhouette par le haut de son t-shirt. Seconde silhouette qui n'était autre que celle d'un garçon aux cheveux d'un roux éclatant, et avec sur le visage l'expression effrayée de quelqu'un... Qui va se faire manger. Quelques adolescents tournèrent la tête vers lui, notamment lorsque l'adulte le lâcha dans le réfectoire et dit d'une voix forte à l'assemblée :
- Restez tranquilles !
Avant d'ajouter à voix basse :
- Bande de sales gosses...
Il sortit de la pièce en faisant claquer les portes derrière lui. Le garçon se frotta la nuque, les larmes aux yeux. En le voyant ainsi, Noya ne put rester sans rien faire. Abandonnant son frère au mur, il se releva et alla le voir. Le brouhaha reprit autour de lui tandis qu'il marchait vers le rouquin. Arrivé à proximité de lui, il lui tendit une main, tout en lui demandant :
- Ça va ?
L'adolescent releva la tête et regarda Noya de ses yeux bleu clair. Puis, sans prévenir, il lui prit la main avant de venir se blottir dans ses bras.
- Le monsieur m'a fait mal parce qu'il voulait me manger parce que je suis une crevette kawaii ! lâcha-t-il d'un trait. Il n'avait même pas pris le temps de reprendre sa respiration.
L'adolescent aux cheveux arc-en-ciel fut surpris. Dans le self, une voix masculine demanda si quelqu'un, à tout hasard, avait du chocolat sur lui. En tournant la tête, Noya vit qu'il s'agissait d'un des membres du groupe qui débattait, quelques instants plus tôt. Assez grand, les cheveux bruns légèrement décoiffés, il discutait avec trois autres personnes, une fille aux cheveux courts qui portait des lunettes, un garçon aux cheveux d'un roux flamboyant et une dernière personne, aux cheveux longs et blonds, qui arborait une cicatrice autour de l'œil et qui semblait livrer une bataille contre les trois autres. Il détourna le regard pour se concentrer de nouveau sur la "crevette", qui se serrait contre lui comme si sa vie en dépendait. Doucement, il vint l'entourer de ses bras, lui offrant une étreinte protectrice.
- Comment peut-on vouloir manger une crevette aussi kawaii, dit-il, une nuance de colère et de menace dans sa voix, comme s'il défendait quiconque d'essayer.
Une adolescente aux cheveux rouges arpentait la salle, faisant le tour des groupes sans jamais aller discuter avec quelqu'un. Le garçon fut agité de légers soubresauts contre Noya.
- Je sais po, et il était méchant ! gémit-il. Ses yeux commencèrent à se remplir de larmes.
Noya raffermit sa prise sur le rouquin, qui commençait à sangloter. Sa situation le ramena des années en arrière. Il se trouvait alors, lui et Zelyan, dans un immense manoir qui ne lui inspirait que de la peur, de la colère et du dégoût. S'il avait été seul, il n'aurait pas pu supporter cette vie bien longtemps. Mais heureusement, il ne l'avait pas été. Il avait pu compter sur l'aide de sa fratrie, qui à son tour avait compté sur la sienne. C'était peut-être pour ça qu'il était venu voir le garçon. Rien que pour lui tendre la main.
- Ne t'inquiètes pas. À mon avis, ils ne nous ont pas emmené ici et ne se sont pas fatigués à faire des chambres simplement pour nous manger. Je te protégerai, d'accord ?
L'adolescent releva la tête, les yeux rougis à cause de ses pleurs.
- D'accord, renifla-t-il. Je te fais confiance.
Il se colla un peu plus à Noya. Ce dernier sourit, et continua à le serrer dans ses bras en veillant à ne pas lui faire de mal.
- Tu veux bien être mon nami ? demanda le rouquin après un temps. On pouvait sentir la liaison dans sa voix.
Il sourit un peu plus.
- Bien sûr, lui répondit-il.
- Uiiiiiii !
Le garçon rayonnait. Il serra Noya de toutes ses forces, et l'adolescent en eut vite le souffle coupé.
- Hum, la crevette, arriva-t-il à articuler, serre moins fort...!
Ladite crevette ouvrit de grands yeux et se décolla.
- Oh, pardon ! Je suis désolé !
Noya toussota et émit un léger rire, tout en reprenant sa respiration.
- Faut que t'apprennes à contrôler ta force !
Le rouquin parut légèrement dubitatif.
- Ma force ?
Il sembla réfléchir pendant un instant. Avant que Noya ait pu répondre, il lui demanda:
- Tu t'appelles comment ?
Effectivement, ils ne s'étaient pas présentés.
- Noya, et toi ?
Inutile de préciser son nom de famille. Il ne tenait pas à être dévisagé avec des yeux ronds et accueilli par des murmures.
Cette réponse sembla le satisfaire, et il se présenta à son tour.
- Moi, c'est Aiko !
Un sourire éclatant orna le visage d'Aiko. Attendri, Noya posa une main sur la tête de la crevette.
- Enchanté, Aiko-kun !
Son sourire était contagieux, et l'adolescent aux cheveux colorés sentit ses lèvres s'étirer à son tour.
- Pareil, Noya-chan !
Ce suffixe le fit hausser un sourcil interrogateur.
- Chan ?
- Oui, chan ! confirma-t-il. On peut aussi le dire pour les garçons, tu sais !
S'il ne le savait pas jusqu'à cet instant, il dit :
- C'est vexant...
Aiko eut l'air horrifié.
- Mais nion ! Ça se dit aussi pour les garçons ! voulut-il se rattraper, ou essayer de le consoler.
- Ça reste vexant, avoua Noya.
Un silence s'ensuivit, pendant lequel Aiko cherchait les mots justes. Noya tendit une oreille du côté du groupe qui, depuis le début, parlait avec un fort niveau de décibels. Il fut plutôt surpris d'entendre une conversation sur un sujet qui ne lui était pas inconnu.
- Il doit y avoir, quoi... Une quinzaine de personnes ? Vous pensez qu'on est au complet ?
C'était le garçon qui avait demandé du chocolat, quelques instants plus tôt. Le blond - ou la blonde ? Et si iel était non-binaire? - s'était éloigné du groupe. Ne restaient plus que le rouquin et la fille, ainsi qu'un adolescent aux cheveux noirs tout près d'eux.
Le garçon roux semblait en pleine réflexion.
- Moi, je dis qu'on doit être vingt-quatre, dit-il soudainement. Sinon, je vois pas pourquoi on serait comme dans les Hunger Games.
Manifestement, son ami n'avait pas la référence.
- Vingt-quatre ? Pourquoi vingt-quatre ? demanda-t-il en haussant un sourcil.
Jugeant le moment propice pour intervenir, Noya glissa :
- On n'est pas dans les Hunger Games...
Les trois têtes se tournèrent à l'unisson vers lui. Celui qui semblait être le plus âgé sourit.
- Oh, salut ! Comment tu t'appelles ? lui lança-t-il.
- Noya, répondit-il. Noya sans chan, précisa-t-il en glissant un regard vers Aiko. La crevette kawaii devint soudainement rouge et incapable de parler.
- D'acc ! Enchanté, Noya !
- Je vous même pas comment se déroulent les Hunger Games, admit la fille qui avait l'air plus jeune que lui. Moi, c'est Elza !
Il enregistra le prénom, et étouffa un petit rire.
- Dans la réalité ? Hunger Games, c'est juste un film, tu fais. (Se tournant vers le jeune homme qu'il l'avait abordé le premier, il dit :) Et toi, tu m'as toujours pas dit ton nom.
- HUNGER GAMES EST UN LIVRE DE BASE ! s'écria soudain celui qui avait placé la première référence. Il faut qu'on trouve le Capitole.
L'autre adolescent sursauta en entendant son comparse crier.
- Wow ! Euh, moi ? demanda-t-il, désorienté. Je m'appelle Nicolas Scurra, mais tu peux m'appeler Nico, ou bien "Hé, toi, là-bas"! Parfois, on m'appelle le crétin, mais j'avoue que je comprends pas trop...
Elza ricana. Nicolas se tourna vers elle.
- J'ai dit quelque chose de drôle ? demanda-t-il, posant réellement la question.
Noya eut un sourire. Le souvenir d'une parodie venait de lui venir à l'esprit.
- Niconiconiii, dit-il en imitant la voix du personnage ayant prononcé la réplique.
Le garçon aux cheveux noirs éclata de rire, ayant apparemment laissé traîner une oreille. À voir la tête de Nicolas, cette fois-ci non plus, il n'avait pas la référence.
- Si tu le dis?
- J'ai la réf ! intervint Elza, apparemment fière d'elle.
Le garçon qui ne s'était pas présenté semblait à nouveau plongé dans ses pensées.
Le blanc qui s'ensuivit sonna le signal de son départ. Il donna donc une petite tape que la tête d'Aiko avant d'aller rejoindre son frère, qui n'avait pas bougé de là où il était. En revanche, sa nervosité semblait aggravée.
- Ça va, Lyly ? crut-il bon de demander.
La réponse de son jumeau fut froide.
- J'ai l'air d'aller bien ?
Les portes du self s'ouvrirent sur un autre adolescent, qui entra d'un pas hésitant et mal assuré.
- Absolument pas, lui répondit-il en toute franchise. T'es stressé ?
L'adolescent semblait avoir une boule dans la gorge.
- Ça t'étonne, que je le sois...?
"Pas vraiment, t'es beaucoup trop souvent angoissé", pensa-t-il avec un soupir.
- Écoute, y a pas de raison de stresser pour le moment. Tant qu'on ne sait pas ce qu'on fait ici, on ne peut pas savoir si y a à s'en faire ou non. Donc pour l'instant, garde ton calme, je vais pas te dire que ça va aller, je lis pas l'avenir, mais pour l'instant on n'est pas en danger de mort, alors autant en profiter.
Zelyan ne répondit pas. Noya se frotta l'arrière de la tête et son autre main vint cacher sa bouche qui s'ouvrit sur un bâillement. Il s'assit à côté de son frère, le dos appuyé contre le mur. Puis, il chercha son MP3 dans sa poche et remit son écouteur.
Dans le self, Elza était allée discuter avec le membre du groupe qui s'était éloigné alors que la discussion avait dévié sur le best-seller, ou plutôt se disputer, vu la tournure que prenait leur conversation. La fille aux cheveux rose bonbon s'était levée et tournait en rond dans son coin. Il sentit Zelyan se lever du mur. Il regardait les autres adolescents discuter, se déplacer au rythme du morceau de rock qui défilait à son oreille. Plus personne ne passait la porte de la cantine.
Le solo de guitare venait de se terminer quand une nouvelle présence arriva... ou plutôt plusieurs.
Les battants s'ouvrirent sur une jeune femme, qui n'avait pas l'air d'avoir plus de trente ans. Ses longs cheveux bruns tombaient en cascade dans son dos, et ses yeux bleus brillaient d'une lueur étrange. Un sourire éclairait son visage. Elle portait une veste noire sur une chemise blanche qui faisait furieusement penser à un uniforme. Son pantalon noir couvrait à peine le haut de ses escarpins. Un médaillon vert qui scintillait sous le faible éclat du soleil était accroché à son cou par une chaîne dorée. Elle était suivie par deux hommes : l'un était en costume, tandis que l'autre arborait un style plus décontracté. Le silence se fit à leur entrée dans la salle. Les talons de la femme claquaient sur le sol à chacun de ses pas et rythmaient sa progression jusqu'à l'estrade, vers laquelle elle se dirigeait. Elle y monta et se tourna face aux adolescents. Les deux hommes vinrent se placer derrière elle. L'un d'entre eux arborait un petit air narcissique, tandis que l'autre semblait simplement fatigué.
Noya enleva son écouteur lorsqu'elle prit une inspiration, s'apprêtant à parler.
- Mes chers élèves, dit-elle d'une voix forte qui ne nécessitait pas de micro, je vous souhaite la bienvenue ! Je suis mademoiselle Yugure, et j'occupe la fonction de directrice au sein de cet établissement.
Elle marqua une pause, détaillant les visages des adolescents. Noya ne mit pas longtemps à reconnaître la voix du haut-parleur.
- J'imagine que vous avez beaucoup de questions à propos de cet endroit, et notamment sur la manière dont vous y avez été conduits. Je vous promets d'y répondre en temps et en heure. En attendant... Tout ce que vous avez besoin de savoir, c'est que vous vous trouvez dans votre nouveau lieu d'apprentissage !
Un lieu d'apprentissage. Une école, donc. L'adolescent ne put s'empêcher de laisser échapper :
- Dans une école, en principe, on n'enlève pas les élèves...
La directrice ne sembla pas l'avoir entendu, ce qui semblait logique, compte tenu de la distance qui les séparait.
- Vous avez été choisis car nos équipes ont mené des enquêtes sur vous. Seules des personnes exceptionnelles peuvent accéder à cet endroit, et personne ne doit être au courant de son existence. D'où ces méthodes quelque peu brutales.
Apparemment, elle avait une bonne ouïe.
- J'imagine que vous vous en doutez déjà... Ici, vous n'apprendrez pas des choses ordinaires.
Aucun murmure ne vint saluer sa phrase, mais il était évident que les pensées devaient fuser en tous sens.
- Cool ! s'exclama un garçon aux yeux vairons et aux cheveux verts, sûrement le résultat d'une teinture, s'attirant quelques regards.
La directrice fit signe aux deux hommes qui la suivaient de se rapprocher, ce qu'ils firent l'un après l'autre.
Le premier était l'homme à l'air narcissique. Rien qu'en le voyant, on pouvait sentir son originalité. Il possédait des cheveux d'un roux clair qui lui tombaient sur le front en une frange du côté gauche. Ils semblaient à la fois coiffés et en pétard. Noya ne discernait pas bien la couleur de ses yeux, mais il lui semblait qu'ils étaient rouges - des lentilles? Aussi atypiques que le reste, il était habillé d'un costume bleu foncé. On aurait dit que quelque chose dépassait d'une de ses poches.
L'homme adressa un large signe de la main aux élèves. Le doute de Noya fut balayé quand il fouilla dans la poche de son costume légèrement bombée et en sortit... Une carotte. Il tapota un peu dessus comme s'il s'agissait d'un micro, et à la surprise générale, un grésillement se fit entendre dans la salle. L'homme prit une grande inspiration.
- BONJOUR À TOUS ! JE SUIS MONSIEUR SOLEIL, LE PROFESSEUR PRINCIPAL DE LA CLASSE A ! CEUX QUE JE VAIS APPELER SERONT SOUS MA RESPONSABILITÉ !
Effectivement, c'était un micro. Un micro-carotte... Qui avait bien pu fabriquer ça ? Et plus important... Ça, c'était un prof ? Le dénommé M. Soleil sortit un petit papier d'une petite poche de son costume située sur le torse et le déplia soigneusement. Toujours dans son micro-carotte, il énuméra une liste de noms.
- YUKI FUMIS, JUN FUYU, MASAHIRO NORTEL, NICOLAS SCURRA, MARLAN SULEMA, ZELYAN USOMI, SHIKI WISE ! ON SE RETROUVE BIENTÔT EN CLASSE ! YEAH !
Il fit une révérence, s'attendant manifestement à des applaudissements que seulement deux élèves lui offrirent.
- SOYEZ PO TRISTE MONSIEUR ! hurla quelqu'un. Noya reconnut la voix d'Aiko.
Effectivement, face au peu de succès de son spectacle, le professeur avait pris un air déprimé.
Mais autre chose lui occupait l'esprit. Son frère avait été appelé. Pas lui. "Je ne suis pas avec Lyly..." Il eut un peu peur pour son frère. Le cherchant du regard, il le vit près du mur, près duquel il avait dû revenir après avoir fait le tour de la salle,et il devina que le ressentiment était partagé. "Ça ira", aurait-il voulu lui dire, mais ses lèvres restèrent closes. Après un soupir, Zelyan baissa la tête.
La directrice reprit la parole alors que M. Soleil reculait, tenant toujours son micro-carotte.
- Merci pour votre intervention, Monsieur Soleil. Monsieur Sokudo prendra en charge les élèves n'ayant pas été appelés.
M. Sokudo était en train de bâiller quand elle prononça son nom. Il adressa un bref signe de tête aux élèves. M. Sokudo était un jeune homme aux cheveux blond platine qui lui faisaient une épaisse frange. Ses yeux verts semblaient voilés par la fatigue. Contrairement à son collègue, il était vêtu de jean, t-shirt et baskets, et ne prononça pas un mot.
- Je vais maintenant vous dire quelques généralités sur l'académie. Comme vous avez pu le voir, elle est composée de trois bâtiments. Le premier, il s'agit de celui où vous vous trouvez, le bâtiment principal. Vous trouverez, au bout des couloirs, plusieurs salles : la bibliothèque, la salle d'étude ainsi que vos salles de classe. L'infirmerie est dirigée par un médecin spécialisé, disponible à toute heure. Toutefois, évitez de le déranger la nuit. Il y a ensuite des accès aux jardins intérieurs et extérieurs. Mon bureau se trouve dans ce bâtiment, mais vous ne pourrez y accéder que si je demande à vous voir. Enfin, au deuxième étage, il y a une salle polyvalente utilisée pour toutes sortes d'événements. Si vous voulez y organiser quelque chose, il vous faudra une autorisation au préalable. Concernant le self, les repas sont servis à des heures strictes : huit heures à neuf heures pour le petit-déjeuner, midi à quatorze heures pour le déjeuner et enfin, dix-neuf heures trente à vingt-et-une heures pour le dîner.
"Vous avez ensuite l'internat. Cet endroit contient vos chambres, certaines sont encore inoccupées. Il y a également une salle commune. Je précise que nous instaurons un couvre-feu à vingt-deux heures. Tout le monde devra se trouver dans sa chambre passé ce délai."
Des murmures de protestation accompagnèrent les deux dernières phrases, mais qui ne réussirent qu'à arracher un sourire à la jeune femme.
- Enfin, concernant le dernier bâtiment, il s'agit du stade, sous la juridiction de Monsieur Soleil. Je pense que le nom parle de lui-même.
Derrière elle, le professeur prit un visage ravi.
- Passons maintenant à ce qui nous intéresse... À ce qui vous intéresse.
Un murmure parcourut l'assemblée.
- Qu'est-ce qui nous intéresse ? demanda une voix.
"Bah, pourquoi on est là... C'est évident", ne put-il s'empêcher de penser.
La directrice reprit la parole.
- Comme je vous l'ai dit, nous n'acceptons pas les élèves ordinaires. Notre but est de sélectionner ceux qui ont des caractéristiques spéciales... Et de les exploiter. Vous tous qui êtes ici, nous avons perçu votre potentiel.
Noya déglutit. C'était assez incroyable à croire. Il entendit un murmure près de lui :
- ... On n'est pas tous exceptionnels...
Il devina sans mal que la personne qui venait de parler n'était autre que son très cher frère. Il se leva et alla vers lui. Puis, se baissant, lui fit une pichenette sur le front.
- Arrête de te rabaisser.
- Mais je ne vois pas l'intérêt de tout vous dévoiler maintenant, il faut ménager un certain suspense ! poursuivait la directrice.
- Aïe... Mais pourquoi t'as fait ça ? protesta Zelyan.
Mlle Yugure sourit.
- En plus des classe a et b, vous serez répartis en quatre groupe distincts. Une lettre vous sera attribuée à chacun.
- Là n'est pas la question, répondit Noya à son frère.
- Je vais maintenant énoncer les domaines auxquels vous appartiendrez. Retenez-les bien.
Zelyan fit mine de vouloir dire autre chose, mais se ravisa. Noya se tourna afin de faire face à la directrice, à qui il tournait le dos.
- Marlan Sulema, Noya et Zelyan Usomi, vous appartiendrez au domaine Alpha.
Il regarda de nouveau son frère. À vrai dire, il était soulagé d'être avec lui dans ce, euh... Groupe ? Il ne savait pas ce que c'était, comme tous ceux présents ici, il fallait dire. Seuls les adultes détenaient les clés du mystère. Ce qu'il savait, c'était qu'il avait hâte qu'on arrête de prononcer ce nom de famille. Certaines personnes ici avaient l'air de le connaître.
- Masahiro Nortel, Jun Fuyu, Ash O'Neill, Shiki Wise, vous serez dans le groupe Bêta.
- Ohhh, fit le garçon aux yeux vairons, sûrement cité parmi les noms.
- Et on va faire quoi ? demanda une voix, destinée à ne recevoir aucune réponse.
À côté de lui, Zelyan poussa un soupir.
- Nicolas Scurra, Elza Credo et Tosaku Fukuda, le domaine Delta est chargé de vous accueillir.
Du coin de l'œil, Noya vit Nicolas hocher la tête. Près de lui, le rouquin semblait être revenu à la réalité et écoutait le discours de la jeune femme. Certains élèves ayant déjà été nommés se rejoignaient pour faire connaissance : le garçon aux cheveux noirs s'était approché de celui aux yeux vairons. L'adolescente aux cheveux rouges s'était mise à parler avec le dernier arrivé.
- Et enfin, pour le groupe Gamma, Kitty, Yuki Fumis, Aiko et Nils Tamashi, acheva Mlle Yugure.
Elle frappa ensuite deux fois dans ses mains, et quatre autres adultes arrivèrent dans la salle. Ils étaient vêtus de blouses blanches, certains portant en évidence des calepins ou des feuilles dans leurs bras. Le niveau de décibels devint proche de zéro et l'ensemble des adolescents se mit à fixer les nouveaux venus, avec une méfiance plus ou moins masquée. Noya sentit son frère se crisper contre lui.
La directrice avait gardé son sourire, mais l'adolescent n'aurait su dire s'il était censé être rassurant ou non.
- Bien, j'espère que vous avez tous retenu !
La première scientifique ajusta ses lunettes. Elle avait des cheveux clairs relevés en queue de cheval et un air sévère sur le visage. Elle dit, d'une voix étonnement claire :
- Ceux du groupe Delta, venez par ici.
Trois adolescents allèrent vers elle. En plus d'Elza et Nicolas, il y avait un autre jeune homme aux cheveux blancs qui devait sûrement être Tosaku. La scientifique jeta un bref coup d'œil à son calepin avant de faire signe aux trois adolescents de la suivre. Le groupe Delta fut le premier à sortir du self, vers une destination inconnue.
Les deux autres scientifiques parlèrent simultanément. Un premier, aux cheveux longs, noirs et ondulés appela :
- Ceux qui font partie du groupe Alpha, c'est ici.
Réagissant à l'appel, Zelyan se releva et s'avança. Rien que sa démarche traduisait sa nervosité. Le garçon fan de Hunger Games arriva près du même scientifique. C'était donc lui, Marlan. Noya se mit en fin de groupe.
L'autre scientifique avait l'air de tenir à peine debout. Grand, ses cheveux bruns descendant le long de son cou, ses lunettes vacillaient dangereusement sur le bout de son nez quand il appela le groupe Bêta. Le domaine portant la deuxième lettre de l'alphabet grec sortit avant celui de Noya. Alors qu'il passait les portes de la pièce, il eut le temps de jeter un coup d'oeil aux élèves restants, ou le groupe Gamma. Aiko se rapprochait d'un scientifique aux cheveux aussi flamboyants que les siens en souriant.
L'instant d'après, il était dans une salle aux murs blancs dont les néons accrochés aux plafonds projetaient une lueur blafarde.
Le changement de lieu fut si radical qu'il fit volte-face pour se retrouver devant une porte coulissante. Fermée. Il se retourna et vit que les autres adolescents semblaient être victimes de la même sensation. Il avait l'impression d'avoir fait tout le trajet jusqu'à cette salle dans le brouillard. Quand il essayait de se remémorer l'itinéraire... Il se rendit compte que c'était impossible.
Le scientifique se dirigea vers le fond de la pièce, où se trouvait un fauteuil raccordé par de fins câbles à un étrange casque. Il jeta sur une table les feuilles qu'il transportait, coincées entre son bras et son torse. Puis, il se retourna vers le groupe.
- Nous sommes au laboratoire Alpha. Toutes les personnes du groupe sont-elles présentes ?
Le silence lui répondit. Le regard de l'homme se perdit entre les personnes présentes, au nombre de trois. Zelyan se mit à l'écart sitôt arrivé. Noya, lui restait en arrière, entré en dernier dans la salle.
- Super, reprit le scientifique. Nous allons commencer, alors. Dans ce laboratoire, vous allez apprendre à développer vos propres facultés, mais... Ce sera plus... Spécial ? Bref, vous reviendrez souvent ici pour faire toutes sortes d'expériences. D'ailleurs, la première commence aujourd'hui. Des questions ?
Il avait parlé sans mettre trop de conviction dans ses paroles. Le murmure qu'était la voix de Zelyan se fit entendre.
-Pourquoi nous et pas les autres...?
- Est-ce qu'on va devenir des poulpes mutants ? demanda Marlan presque simultanément.
Si Noya trouva la question franchement débile, pour le garçon, elle avait l'air d'être la plus importante en ce moment précis.
L'adulte, qui avait lui-même demandé s'ils se questionnaient sur un propos, ne prit même pas la peine d'y répondre, un air blasé parfaitement identifiable sur le visage. Son regard se perdit sur la table couverte de feuilles et de matériel. Il prit l'une d'entre elles et la regarda machinalement.
- Marlan ?
- C'est moi ! répondit l'adolescent. Mais vous pouvez répondre à ma... à nos questions, monsieur ?
L'homme regarda le garçon puis souffla, exaspéré.
- Non, vous n'allez pas devenir des poulpes mutants ou je ne sais quoi, dit-il en se frappant le front avec la main. Puis, il lui fit signe de s'approcher du fauteuil dont il saisissait le casque. Bref, approche, qu'on finisse tout ça.
Le rouquin intempéra.
- J'dois mettre ce casque sur la tête ?
Il l'ignora royalement. Noya observait calmement la scène, sans réaction apparente. Il ne laissait pas la méfiance de rendre visible sur son visage. Le jeune homme ne faisait confiance ni au scientifique, ni à son étrange casque.
Marlan s'assit sur le fauteuil. Le soulagement et l'appréhension se mêlaient sur son visage, tandis que le scientifique réglait le casque avant de le lui poser sur la tête. Une ombre de surprise passa sur le visage du garçon, puis celui-ci prit une expression neutre et cessa de bouger.
Le silence se fit dans la salle. Le scientifique regardait un terminal accroché au fauteuil, tout en prenant des notes. Deux hypothèses vinrent à l'esprit de Noya : soit cet appareil agissait comme un casque vr, soit il les plongeait dans un coma forcé. Il baissa légèrement la tête, plongé dans ses réflexions. Leur premier "test" se résumait-il donc à mettre un casque sur la tête ? Et si c'était une expérience de mort imminente ? Son MP3 pesa soudain lourd dans sa poche. Il estima qu'une bonne dizaine de minutes s'était écoulée quand un bruit de pas résonna sur le sol lisse du laboratoire.
- Noya?
C'était le scientifique qui avait parlé. Il releva la tête en entendant son nom, mais ne fit aucun pas pour se rapprocher du siège. À la place, il dit :
- Désolé, mais je sais pas que c'est et pour tout vous dire c'est pas hyper tentant.
Marlan s'était assis dans un coin de la pièce. Zelyan, lui, n'avait pas bougé. Le scientifique le regarda de son air désabusé.
"J'ai pas que ça à faire", semblait-il se dire.
- Pose pas de questions et vient.
Noya lui lança un regard mauvais.
- Vous avez beau être plus âgé que moi, je vous dois aucun respect. Je ne vois pas pourquoi je devrais vous obéir.
Il soupira, marquant une pause.
- Mais bon, quand faut y aller... On sortira jamais d'ici, sinon.
Il risqua un regard vers Marlan. Le garçon n'avait pas l'air mal en point, plutôt perdu dans ses pensées. Ce que faisait ce casque n'avait pas l'air d'être douloureux. Il s'avança donc, espérant qu'il voyait juste, et prit place sur le siège. Près de lui, le scientifique écrivait sur une feuille, le casque reposant juste à côté de lui. Le regard de l'adolescent resta accroché à l'adulte jusqu'à ce qu'il lui mette le casque, et que ce dernier obstrue sa vision.
Au moment où le blanc succéda au noir, et où il se retrouva dans un espace immaculé infini, libéré de la chaise, il comprit où il venait d'entrer.
Une simulation, donc. C'était bluffant : il avait réellement l'impression d'être dans la réalité. Puis, le blanc fit place à un nouveau décor. C'était une grotte. Sombre et étroite, il n'y avait aucun accès vers l'extérieur apparent, si ce n'était une ouverture au milieu du plafond qui laissait un puit de lumière éclairer la cavité. Sur le sol de pierre étaient disposés plusieurs objets : une gourde ; un câble électrique ; une pièce de monnaie ; une torche ; un paquet d'allumettes ; un pot contenant une fleur à l'apparence toxique.
Noya fixa les objets d'un air intrigué.
- Donc là, je dois en prendre un, je suppose ?
L'absence de réponse lui indiqua qu'il avait vu juste. Il se mit à réfléchir, son regard se posant frénétiquement d'un objet à l'autre.
Il ne savait pas ce qui allait ensuite lui arriver. Pour parer à toute éventualité, il lui faudrait un objet lui permettant à la fois de se défendre et d'attaquer. Il écarta la gourde, inutile dans ce genre de situation. Sans eau, le câble électrique n'avait aucun intérêt. Les flammes des allumettes étaient trop petites et la torche produisait de la lumière, pas de chaleur. La pièce aurait servi s'il y avait eu un distributeur, or dans une grotte, en trouver aurait été peu probable. Restait la fleur. Peu importe la puissance de l'adversaire, si elle était vraiment toxique, elle pourrait l'empoisonner. Il avait fait son choix.
Slalomant entre les objets, il se dirigea vers la fleur dont il souleva le pot. Un grondement se fit entendre dès que l'argile quitta la pierre, et un pan du mur de la grotte bascula, laissant un flot de lumière se déverser dans la caverne. Aveuglé, il protégea ses yeux avec son bras libre, faisant office de barrière.
Il attendit que ses yeux s'habituent au changement de luminosité avant de baisser son bras. Un morceau de l'extérieur se faisait voir à travers l'ouverture. C'était une invitation à sortir. Tenant toujours le pot de fleur, il laissa ses pas l'emmener hors de la grotte.
La pierre fit place à une étendue d'herbe sous ses pieds. Un vent frais vint malmener ses habits et ses cheveux. Le regard de Noya s'attarda un instant sur le ciel parsemé d'un troupeau de nuages avant de se baisser afin de découvrir le plus haut arbre qu'il ait jamais vu.
Son tronc énorme, renforcé d'année en année, se tordait à la manière d'un serpent. Chaque courbure était accompagnée de branches auxquelles s'accrochaient feuilles vertes, fleurs et bourgeons. La cime était tellement haute qu'elle en perçait les nuages.
L'adolescent se sentit très petit. Il serra le pot contre lui. Il était tout de même soulagé de n'avoir à faire qu'à un arbre.
"On n'est jamais trop prudent. J'ai bien fait de prendre cette fleur."
Il s'avança vers l'arbre. La terre qu'il foulait du pied ne semblait pas être trop dure, et plutôt simple à creuser. S'il devait utiliser la fleur, il aurait simplement à la planter.
Une idée lui vint alors à l'esprit.
"Si je la plante à côté de l'arbre... Est-ce que ça va réellement l'atteindre ? Le but n'est pas de tuer l'arbre mais d'utiliser l'objet, enfin, j'imagine. Autant l'utiliser pour faire quelque chose..."
Il resta planté là, à réfléchir encore pendant quelques instants. Il décida finalement d'aller l'enterrer près de l'arbre. Il se dirigea vers la base du tronc, sentant ses longues racines déformer la terre sous ses pieds. Arrivé suffisamment proche de l'arbre, il posa le pot et commença à creuser un trou dans le sol. La tâche était plus fatigante qu'elle n'y paraissait. Quand enfin il eut enlevé assez de terre, il sortit la fleur de son pot aussi délicatement que ses mains fatiguées le permettaient, et tassa la matière brune autour après l'avoir mise dans le trou. Puis, il se releva et s'étira, laissant le soleil filtrer à travers les feuilles de l'arbre.
C'est ainsi que la simulation s'arrêta. Sa vision lui apporta à nouveau la confirmation qu'il était de retour dans le monde blanc. La luminosité venait de baisser quand le scientifique lui ôta le casque. Il cligna un peu des yeux en redécouvrant le laboratoire.
- Ah ? C'est tout ? laissa-t-il échapper.
Il se leva et regagna la place qu'il occupait avant le test. Le scientifique griffonna quelques mots sur sa feuille.
Zelyan releva la tête en entendant son frère approcher.
- C'était comment ? lui demanda-t-il.
Noya répondit par un bref haussement d'épaules.
- J'ai pas trop compris le but, mais y a rien à craindre.
- Il se passait quoi, dedans...?
- Tu verras, répondit Noya. Peut-être que ça aura un effet sur tes choix si je te donne des précisions, expliqua-t-il, même si je vois pas en quoi. Mais y a aucun danger, tu peux me croire.
Cela ne sembla pas le rassurer.
- ... D-dis moi juste... S-si c'est basé sur nos peurs...
L'adolescent aux cheveux colorés ouvrit la bouche pour répondre, mais la voix du scientifique fut plus rapide que la sienne.
- Zelyan, à toi.
Son frère se figea. Lentement, il se leva du mur et marcha vers le siège, à la manière d'un robot. L'angoisse qui émanait de lui était si forte que Noya eut peur qu'il fasse une crise cardiaque. Le scientifique lui fit signe de s'asseoir, et il obéit. Ils s'échangèrent un regard avant que le casque ne vint couper leur contact visuel. Tout comme Marlan, et probablement Noya avant lui, le garçon s'immobilisa.
Il lui sembla que sa simulation se déroula bien plus rapidement. Le stress empêchait probablement l'adolescent de réfléchir, et le forçait à choisir spontanément un objet et une action. Le scientifique prenait des notes en regardant son écran. Quand le test de son jumeau fut terminé, il lui ôta le casque et le remit à sa place initiale. Puis il agrafa ensemble les feuilles, pendant que son frère revenait vers lui.
- Tu vois, c'était pas méchant, lui dit-il.
- ... C'était bizarre.
Ce fut tout ce qu'il lui répondit.
- Comment ça s'est passé, pour toi?
- J'ai choisi la pièce de métal...
L'image de la pièce de monnaie lui revint en mémoire.
- Je vois, on a donc passé exactement le même test...
"Ça aurait pu varier en fonction des personnes", songea-t-il. Peut-être n'avaient-ils eu assez de temps, ou d'information afin de générer des simulations personnalisées.
- Et t'en as fait quoi ? demanda-t-il à l'adolescent aux cheveux roux et noirs.
- J'ai fait un pile ou face.
Noya ne répondit pas. À la place, il poussa un profond soupir.
- Je vois pas vraiment l'utilité de ce test.
Son frère lui répondit par un hochement de tête approbateur.
- Moi non plus... murmura-t-il.
- Moi, j'ai pris la fleur toxique et je l'ai plantée près de l'arbre pour le tuer !
Un grand sourire accompagna ses paroles. Il avait l'impression que c'était tout à fait normal, alors qu'il était probablement le seul du groupe à avoir eu envie d'assassiner le végétal.
- Ah... répondit simplement Zelyan.
Noya regarda la salle, se demandant ce que fabriquait le scientifique. Lequel était en train de fouiller dans une armoire alignée contre le mur, que l'adolescent n'avait pas remarquée en arrivant. Appuyé contre le mur, il était difficile de savoir si Marlan rêvassait ou écoutait attentivement ce qu'il se passait.
L'adulte revint, les bras chargés d'une boîte en carton blanche, encore scellée par d'épaisses bandes de scotch brun. Il la posa sur une table : s'il n'y avait pas de délicatesse particulière dans son geste, il ne l'avait pas jetée sans ménagement comme les pauvres autres feuilles de papier. L'impression que Noya avait qu'elle contenait quelque chose d'important se révéla juste lorsqu'il en sortit trois seringues, chacune contenant un liquide d'une couleur différente.
Il regarda sa liste, et appela :
- Marlan ?
- C'est moi ! répondit presque aussitôt l'intéressé.
Le scientifique prit la première seringue, remplie d'un liquide rougeâtre. Pas besoin d'être devin pour savoir qu'ils allaient tous avoir droit à une piqûre.
- Viens par ici. Ce ne sera pas long, cette fois.
Le visage de Marlan prit une expression intriguée.
- Euh, d'accord...
Il obéit au scientifique et s'approcha. Ce dernier fit sortir les éventuelles bulles d'air de la seringue, avant d'en placer l'aiguille contre le cou de l'adolescent. Puis, sans même le prévenir, le métal s'enfonça et le liquide se déversa dans le corps du garçon. Une grimace crispa le visage de ce dernier. Le scientifique fit sortir l'aiguille avant de poser l'instrument vide sur la table.
- Retourne à ta place. Suivant, Noya.
Marlan n'attendit pas plus pour s'éloigner du scientifique. Noya, quant à lui, lui lança un autre regard noir, que l'adulte ne sembla même pas prendre en considération. Sans lui offrir le moindre mot, il s'approcha de lui à pas lents. L'homme prit une deuxième seringue, remplie d'un liquide aux reflets violets. Le lourd silence se poursuivit quand il sentit la piqûre et la sensation de liquide qu'on injecte. La voix du scientifique résonna alors que l'aiguille sortait de sa peau.
- C'est bon. Dernier, Zelyan.
Noya se frotta le cou avec la main à l'endroit où s'était plantée le bout de métal. Au moins, c'était fait. Il se dirigea vers la place qu'il occupait avant de recevoir l'injection.
Zelyan n'avait pas l'air très rassuré.
- Euh... M-moi? répondit-il d'une petite voix.
- Oui, toi. Viens.
La dernière seringue contenait un liquide gris pâle.
- Euh... D-d'accord...
Il s'approcha timidement. Le scientifique avait préparé l'injection en attendant. Il lui administra d'un coup le liquide, comme il l'avait fait pour les deux autres adolescents. Puis, en faisant signe à Zelyan de repartir, il posa la seringue vide sur la table en verre.
C'est fini pour aujourd'hui. Le reste de la journée, c'est quartier libre. Demain matin, vous aurez cours en classe avec vos professeurs principaux. L'après-midi, vous reviendrez ici. Donc suivez, leur lança-t-il.
Il prit les feuilles qu'il avait agrafées et se dirigea vers la porte, qui s'ouvrit à son passage. Les deux frères échangèrent un regard. Si Zelyan hésitait visiblement, Noya, lui, avait juste envie de mettre les voiles. Il emboîta donc le pas au scientifique, et sortit du laboratoire, derrière Marlan.
Il eut l'impression que le voyage retour dura à peine une demi-seconde. Le brouillard s'était de nouveau installé dans sa tête, l'empêchant de retenir les contours et intersections qu'ils empruntaient. Quand il fut de nouveau en mesure d'avoir des repères, le scientifique les avait déjà menés au hall d'entrée du bâtiment principal.
- Bon, dit-il, je viendrais vous chercher ici, demain. Au revoir.
Il tourna les talons et s'en alla en direction d'un des couloirs, ayant visiblement hâte de partir. Les deux garçons qui discutaient au self, aux cheveux noirs pour l'un et verts pour l'autre, étaient présents, apparemment en train de chercher quelque chose. Marlan, les mains dans les poches, ne tarda pas à emprunter le couloir que le scientifique n'avait pas pris.
Zelyan s'approcha de son frère.
- On va où...? se risqua-t-il à lui demander.
Noya haussa les épaules.
- Je sais pas. Peut-être dans les jardins. Y a un endroit qui te tente?
- ... Les jardins, c'est bien...
Il hocha la tête et lui sourit.
- Allons-y, alors.
Il poussèrent la porte vitrée du hall et se retrouvèrent à l'extérieur. Un air frais régnait en cette fin d'après-midi. Le ciel était dégagé, bien qu'encombré de quelques nuages. Les jardins extérieurs s'étendaient tout autour des bâtiments. Les frères marchèrent un peu sur le chemin qui reliait les bâtiments entre eux avant que leurs pas ne les mènent sur l'herbe humide. Noya avisa un arbre, un saule pleureur, et ils allèrent s'asseoir contre son tronc. Aucun d'entre eux ne parlait : le garçon aux cheveux arc-en-ciel n'en avait pas l'envie et n'en voyait guère l'utilité. Les évènements de la journée se mélangeaient encore dans sa tête, de son étrange réveil aux tests dans le laboratoire. Il était sûr d'une chose : il était heureux d'être avec son frère. Il finit par s'allonger totalement par terre, regardant les feuilles s'agiter doucement avec le vent. Machinalement, il sortit son mp3 de sa poche et mit les écouteurs à ses oreilles. Les nuages dansaient dans le ciel, éclairés par le pâle soleil de février. Fredonnant légèrement sur le rythme de la chanson, il laissa ses paupières se fermer et sa tête se vider.
Il n'aurait su dire combien de temps s'était écoulé quand il sentit Zelyan se relever. Une heure ou deux, peut-être. Son frère quitta l'arbre, peut-être pour aller manger. Lui ne songea même pas à se relever, profitant de la sérénité que lui offrait ce moment. Coupé du monde.
Il s'était mis à somnoler quand il entendit une voix parasiter sa musique. Ouvrant un œil, il enleva un de ses écouteurs et mit sa musique en pause. Ce simple acte le répugnait. Habituellement, il aurait tout simplement augmenté le volume et laissé la musique noyer la voix qui l'aurait dérangé. Mais il avait reconnu la voix de la directrice : cette annonce risquait donc d'être importante. Ce qu'il entendit lui arracha une grimace. Mlle Yugure rappelait l'existence d'un couvre-feu. Super. Lui qui appréciait regarder les étoiles briller dans le ciel nocturne, cette mesure le désenchantait plus qu'autre chose. Il pourrait toujours regarder depuis sa fenêtre... Alors qu'il pensait l'annonce terminée, la voix qui sortait des hauts-parleurs ajouta autre chose :
- Ceux qui n'ont pas eu le temps de déjeuner auront un plat déposé dans leur chambre à cet effet. Pour finir, je requiers la présence de deux élèves à la salle commune. Il s'agit d'Ethan Martin...
Jusque là, rien de spécial. Il ne se souvenait pas d'avoir déjà entendu ce nom, quand il était au self : peut-être était-il arrivé entre-temps. Il s'apprêtait à remettre en route sa musique quand la directrice prononça le deuxième nom.
Ce nom.
Il sentit son corps se pétrifier alors que la voix finissait de moduler la dernière syllabe.
Impossible...
- ... Et Itu Usomi.
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Une souris sauvage, se traînant au sol, apparaît !
Bonjour, chers lecteurs... Après trois mois, nous nous retrouvons enfin :')
Bon, ce retard ne vous suprend sûrement pas vu que j'écris toujours mes chapitre à deux à l'heure-
Mais sivousplait, celui-ci compte 10k de mots.
10.
K.
De mots.
Laissez-moi être fière.
Donc, dans ce chapitre, nous avons eu la première journée à l'académie de Noya ( LeTransPantastique ) et de toutes ses rencontres (qui sont pas mal nombreuses)
Ci-dessous, je vous propose de faire une plus ample connaissance des OCS apparus dans ce chapitre !
→ PDV du chapitre : Noya Usomi, 16 ans, domaine Alpha, classe b, chambre 2 ( LeTransPantastique )
→ Zelyan Usomi, 16 ans, domaine Alpha, classe a, chambre 5, frère jumeau de Noya ( _-Saho-_ ) (image que vous n'aurez pas tout de suite because je l'ai pas reçue à temps. La personne se reconnaîtra.)
→ Aiko, 15 ans, domaine Gamma, classe b, chambre 18 ( coeurdelila )
→ Marlan Sulema, 15 ans, domaine Alpha, classe a, chambre 1 ( PluieRadioactive ) (Picrew à usage personnel, merci de ne pas reprendre cette image.
https://picrew.me/image_maker/54346/complete?cd=jeKDEJiGW6)
→ Nicolas Scurra, 17 ans, domaine Delta, classe a, chambre 11 ( @moi )
→ Elza Credo, 14 ans, domaine Delta, classe b, chambre 12 ( nuagelunaire ) (Picrew à usage personnel, merci de ne pas reprendre cette image.)
→ Lea non-binaire, alias Ash O'Neill, 15 ans, domaine Bêta, classe b, chambre 8 ( _Saho_ ) (Picrew à usage personnel, merci de ne pas reprendre cette image.)
→ La fille aux cheveux rose bonbon, alias Kitty, 14 ans, domaine Gamma, classe b, chambre 16 ( nuagelunaire ) (Picrew à usage personnel, merci de ne pas reprendre cette image.)
→ Le garçon aux cheveux gris, alias Masahiro Nortel, 17 ans, domaine Bêta, classe a, chambre 6 ( nuagelunaire )
→ La fille aux cheveux rouges, alias Yuki Fumis, 16 ans, domaine Gamma, classe a, chambre 17 ( _Saho_)(Picrew à usage personnel, merci de ne pas reprendre cette image.)
→ Le garçon aux yeux vairons, alias Jun Fuyu, 16 ans, domaine Bêta, classe a, chambre 7 ( coeurdelila )
→ Le garçon aux cheveux noirs, alias Shiki Wise, 16 ans, domaine Bêta, classe a, chambre 10 ( Nouchi_73)
→ Tosaku Fukuda, 18 ans, domaine Delta, classe b, chambre ( Nouchi_73)
→ Mlle Yugure ( @moi )
→ M. Sokudo ( Ecooo-chan )
→ M. Soleil ( @moi )
Maintenant que leurs apparences sont plus claires dans vos têtes, je vous dis au revoir et à dans deux mois à bientôt 👋
PS : Nouilles qui se font attendre 🍜
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