C'est le moment chiant, mais important. Les personnes qui les ont étudiées en cours savent qu'on en trouve une dans les fables, au début ou à la fin, avec pour objectif de donner une leçon de vie. Il ne s'agit pas d'écrire explicitement « le mal c'est pas bien » ou « les méchants c'est pas très gentil » comme après les attentats de Paris, mais d'avoir conscience de ce que votre écrit renvoie. En effet, même si on peut arguer qu'il s'agit de fiction, il s'agit tout de même de donner à voir et à entendre une certaine vision du monde. 

Bien sûr qu'un monde où tout serait rose, et où tout le monde s'aimerait serait chiant à mourir, et j'ai bien conscience qu'il faut développer son intrigue, mais essayez autant que faire se peut de ne pas banaliser les actes (et les pensées) répréhensibles. Il faut montrer d'une manière ou d'une autre la désapprobation de l'auteur.e, d'une manière plus ou moins subtile: ça peut être la punition par les autres personnages, le ton utilisé pour décrire ces actes, ou même montrer un cheminement de pensée qui aboutisse à une prise de conscience de la nécessité de changer en apprenant de ses erreurs ou de celles des autres. 

Essayez de ne pas reprendre les clichés et les stéréotypes pour éviter qu'ils ne se propagent davantage, et sur tous les plans. Genre, systématiquement le meilleur ami gay qui se déhanche sur du Rihanna en combi paillettes; les filles douces délicates fragiles et vierges face aux garçons badass courageux et colériques avec un gros engin et surtout qui ne pleurent pas; la banalisation du harcèlement (je rappelle que quand une personne dit « non », c'est non. Point barre à la ligne); le manque de représentation des personnes racisées, handicapées, avec des identités de genre ou des orientations sexuelles marginalisées, ou même simplement avec un physique « normal » (l'immense majorité des personnages est composée de sex symbols), une neuroatypie ou psychoatypie (surtout qu'utiliser « autiste », « trisomique », ou « schizophrène » comme une insulte, c'est nul), et j'en passe. Evitez également le slut shaming : genre... dire d'une fille qu'elle est une "pute" parce qu'elle s'habille différemment ou qu'elle a une vie sexuelle libérée, c'est nul (d'autant plus que le travail du sexe est une profession aussi digne de respect que les autres). Ce qui vaut aussi pour l'humour : une blague raciste ou une blague sur le viol, ça ne fait rire personne (ou du moins personne qui ne soit un gros beauf). Je vous invite à lire mon texte « Ethique », juste après où je développe mon point de vue sur l'humour oppressif. 

En tant qu'écrivain.e.s, nous sommes des vecteurs de normes, et une oeuvre aura un impact sur les personnes qui seront en contact avec celle-ci. Je ne vais pas vous faire un cours d'Histoire sur la manière dont l'art a été récupéré par la plupart des dictatures à des fins de propagande, mais gardez ça dans un coin de votre tête. Nous sommes tou.te.s responsables des idées que nous véhiculons à travers nos oeuvres.