Chapitre 7 : Le coeur de Lecty

Deux cercles violets, pourpres, qui déteignent sur ses joues pâles dans un affreux contraste. Elle est plus maigre que moi. Comme si cela était seulement possible. Elle serre ma main dans la sienne, ravale un pleur. Je demeure immobile, dépeinte de toute émotion. Ce n'est que l'ombre de Lecty que j'ai sous les yeux. C'est un cadavre aux yeux ternes, deux lèvres gercées, un squelette à la peau translucide.

- Je suis désolée, parvient-elle à articuler.

Je ne réponds rien. Je ne sais que répondre.

- J'ai demandé l'aide à mourir, poursuit-elle dans un souffle. C'est prévu pour dans six mois.

Une larme perle sur ma joue.

- Je te l'interdis, je siffle entre mes dents serrées. Tu vas vivre.

Elle braque son regard bleu dans le mien. Je n'ai d'autre choix que de le soutenir, malgré la douleur et la culpabilité. Je ne veux pas entendre ce qu'elle a à me dire. Je m'y refuse.

- Anora, murmure-t-elle délicatement. Ce n'était pas juste un simple arrêt cardiaque. Pas à mon âge. Les médecins ont dit que...

- Non, s'il te plaît, je sanglote en fermant les yeux, le menton baissé. S'il te plaît, ne le dis pas.

Le silence pleure avec moi. Il s'enroule à ma gorge, appuie sur mes poumons et les contracte. C'est impossible. Pas elle.

- Je vais mourir dans tous les cas, Anora. Ca va se jouer en années. J'en ai pour un an ou deux maximum.

Je serre ses doigts frêles entre les miens. Si j'ai peur de les briser, cela ne m'empêche pas de les frictionner contre ma paume, de me pencher sur Lecty pour redresser fièrement le menton :

- Je t'ai dit que tu allais vivre. Tu vas vivre.

Elle retire sa main, appuie sur l'interrupteur rouge à sa droite. Je fronce les sourcils : que fait-elle ?

- J'ai demandé l'aide à mourir, que tu le veuilles ou non, hoquète-t-elle. Et je refuse que tu y participes.

Je saute sur mes pieds, les yeux écarquillés :

- Quoi ?!

Elle plante son regard dans le mien et un grognement lui échappe lorsqu'elle se redresse, tant bien que mal :

- Si tu restes, tu dois accepter. Il n'est pas question que je passe les deux dernières années de ma vie en légume. Et que tu souffres de me voir dans un tel état.

Je baisse le menton. J'aurais dû être présente. J'aurais dû revenir à WhatsApp et profiter de mon amie. Je n'aurais pas dû jouer l'égoïste. Voilà qu'elle allait s'en aller. Qu'elle quitterait ce monde pour ne jamais revenir. Que son sourire, son regard pétillant, ses joues rosies ne m'apparaîtraient plus jamais. Elle était un soleil, une source de vie pour toute personne qui croisait sa route. Et elle s'éteignait déjà.

Le monde était terriblement injuste.

- D'accord, je murmure d'une voix rauque, les mains tremblantes. Je resterai avec toi. Jusqu'à la fin. Je te le promets.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top