Le grondement régulier se tasse sur la route, et les voitures qui m'encadrent abritent des individus tout aussi las et pensifs que moi. A vrai dire, je suis perdue, noyée dans cet océan de pensées et de doutes. Pourquoi Léha m'a-t-elle parlée de la ville Wattpad ? Insinue-t-elle que je n'ai pas ma place ici ? Qu'il me faut un endroit où me recueillir, avec mes semblables ?

Je passe la vitesse à l'aide de la boîte à ma droite sans même y jeter un coup d'œil. Je connais par cœur chacune des routes ici ; de plus j'ai une maison, un chat, des amis. Ce serait folie de tout quitter, du jour au lendemain, pour me lancer dans cette expédition totalement dingue. Cependant, le doute me tiraille. Je passe le plus clair de mes journées à me plaindre de la ville de WhatSapp, et maintenant que j'ai l'opportunité de la quitter je n'en ai plus la moindre envie. Ou peut-être que si ?

Je lâche un grognement frustré, et sans réfléchir, enclenche le clignotant. Je vire brusquement à droite pour prendre la sortie de la voie principale et m'engage sur les allées pavillonnaires, les yeux plissés à la recherche du numéro où je souhaite m'arrêter.

Je l'aperçois enfin et me gare, sans précipitations, devant la belle habitation qui se dresse là ; les murs d'un jaune cassé, le toit plat et couleur nacre s'accorde bien avec l'harmonie générale de la maison. 

Je claque la portière derrière moi, laissant ensuite le vent chasser les cheveux de mon visage. Les mains dans les poches, grelottant un peu, je me dresse devant le portail noir après avoir appuyé sur la sonnette. Quelques minutes se tassent, silencieuses, et je peux entendre de là où je me tiens la circulation active des grandes routes à quelques centaines de mètres. Comment fait-elle pour vivre ici ? Je ne supporterai pas le bruit, Flocon encore moins.

-Anora ? lance une voix derrière le portail, intriguée.

-Dans le mille ! je m'écris ensuite, un sourire étalé aux lèvres.

Les grandes portes noires s'ébranlent avant de reculer pour me laisser entrer ; sur le seuil de la maison se tient une très belle jeune femme aux longs cheveux blonds, les yeux d'un gris éclatant. Elle se tient droite, une main portée au front pour se protéger de la brûlure du soleil.

-Comment vas-tu, Lecty ? je demande d'une voix douce, tout sourire.

Elle pousse la porte d'entrée pour me laisser entrer et je la remercie d'un signe de tête, essuyant soigneusement mes chaussures sur le paillasson. 

-Tout va pour le mieux, merci. Et toi ? Qu'est-ce qui t'amène ?

Je lâche un frisson tout en retirant mon mentaux ; comment lui expliquer le dilemme auquel je fais face ?

-Hum...

Empathique, Lecty esquisse un sourire désolé et m'invite à m'asseoir.

-Un café ? propose-t-elle, pour me laisser le temps de réfléchir.

Je hausse les épaules, balayant la pièce chaleureuse du regard. Lecty semble se plaire ici. Un choc me prend alors ; ce n'est pas mon cas. Je suis malheureuse, à pourrir à petit feu dans cette ville qui ne me convient sous aucun point. 

-Anora ? insiste mon hôte, sans pour autant se presser.

Je lève alors les yeux dans sa direction, plus sérieuse que jamais :

-Je veux quitter WhatSapp.