Numéro d'octobre 2020

Bonjour Wattpadiens et Wattpadiennes, vous lisez le magazine qui a un mois de de retard - ce qui reste moins que le CROUS... ou la SNCF... ou la sortie du prochain Trône de Fer...

On est passé au cours de ces derniers jours du mojito à la raclette, ce qui a joué sur l'humeur de chacun. Avec en plus la présence continue des gestes barrières, une menace de re-confinement, la morosité économique et une Éducation Nationale pas forcément préparée, il fallait bien que votre équipe préférée vous prépare un numéro multi-vitaminé pour tenir jusqu'aux prochaines vacances.

L'ancien rédacteur en chef, DaRio98, a décidé de laisser sa place pour la gestion de ce mensuel. Tout d'abord, nous voudrions lui témoigner notre admiration une nouvelle fois : nous ne faisons que marcher dans ses traces. Cette nouvelle version se veut plus éclectique, avec le concours de nouveaux et anciens rédacteurs, tous plus motivés les uns que les autres. Je vous conseille vraiment de porter attention à la Vie de l'Aca écrite par Detico, pour avoir plus de détails sur vos prochains rendez-vous.

Enfin, il faut aussi souligner le travail considérable fourni par Aillys concernant les améliorations graphiques. Elle nous a offert parfois jusqu'à 30 variations du même logo, et doit être en ce moment en burn-out. Elle a été rejointe par le déjà cité Detico pour mener à bien ce travail. C'est donc après ce coup de peinture mérité que nous sommes prêts à débuter officiellement la saison 2020-2021 du mag.

Aaron

Comme l'a rappelé Aaron_Roy, c'est donc une nouvelle formule qui inaugure la quatrième saison du Mag. Mais que contient-elle ?

Il faut savoir que nous avons élargi notre champ : en plus de l'aide aux auteurs, on abordera aussi la culture sous toutes ses formes (de la pop-culture aux classiques littéraires...). Ainsi, Kellroye vous contera ses anecdotes, Aaron s'attachera à défendre des causes indéfendables en endossant la robe de l'Avocat du Diable, tout en étant à l'origine de la BAC, la Brigade des Analyses Constructives. On parlera aussi histoire, wait4aturtle croisera même livres et films, et dans les couloirs on murmure qu'un défi mensuel va faire son apparition... ce qui ne nous empêchera pas de continuer à publier les News, le Coup de cœur, la Couv' du mois ou encore les Appels à textes.

Il y a une autre rubrique dont nous voulions vous parler : il s'agit de l'Analyse 2.0
(« On charcute vos textes » était un nom vraiment trop long).

En clair, un auteur envoie son texte à l'Aca, plusieurs membres du groupe l'analysent, en relevant ce qui est bien, ce qui est moins bien ou ce qui ne fonctionne pas du tout. Cette analyse est ensuite publiée dans le Mag.

Dès lors, quelles différences avec les commentaires des « campus » ? D'abord, le texte ne serait pas anonyme, mais surtout, cette analyse serait plus approfondie : des regards différents mais complémentaires posés sur votre texte, le tout en un seul com'...

Vous êtes intéressés ? Attendez, nous n'avons pas tout dit.

Nous nous réservons le droit de ne pas traiter tous les textes reçus. En effet, certains textes se prêtent plus facilement au jeu de l'analyse que d'autres, et nous voulons éviter de nous répéter tous les mois. Nous espérons que vous le comprendrez.

Il y a aussi quelques règles à respecter. Le texte soumis doit obligatoirement faire entre 1000 et 3000 mots. Pour autant, il n'a pas besoin d'être terminé, il peut s'agir du début d'une histoire.

Il doit être envoyé au format word (doc, docx ou rtf) dans un seul document, à l'adresse [email protected]. L'objet du mail doit être [Soumission] + Mag. Merci de préciser votre pseudo dans le corps du mail.

Les textes seront uniquement acceptés s'ils ont été envoyés à l'adresse mail ci-dessus entre le 7 et le 14 octobre, midi, heure de Paris. Nous relancerons les soumissions si besoin.

Toute personne dont le texte sera « sélectionné » recevra un message privé.

Les modalités ne sont pas encore toutes fixées, c'est pourquoi des modifications peuvent intervenir dans les prochaines semaines.

Des questions ? Direction les commentaires : nous sommes là pour y répondre !

Avant de terminer, revenons sur l'arrêt des soumissions publiées sur les campus jusqu'à nouvel ordre, décidé fin septembre. Il en a peut être surpris certains : depuis sa création, l'Aca s'organise autour de ces commentaires. C'est notre « cœur de métier ».

Alors pourquoi y avoir mis (provisoirement) fin ? Tout d'abord, depuis plusieurs années, le nombre de textes reçus a considérablement baissé, il y a donc moins d'intérêt pour les campus. Ensuite, nous sommes très peu nombreux (moins d'une dizaine d'actifs), et nous disposons de peu de temps : comment concilier les coms, le Mag et les amphis avec le reste de sa vie ? Ce n'est pas facile...

Enfin, certains, parmi les plus anciens, commencent à ressentir une certaine lassitude par rapport aux commentaires : on se répète beaucoup entre les différents textes, puisque les points soulevés sont souvent les mêmes. D'où notre envie de développer un nouveau projet, qui prend la forme de ce Mag.

Pour rappel, nous recrutons toujours ! Désormais, vous n'êtes plus obligés de commenter pour candidater à l'Aca. Il vous suffit de d'envoyer un message privé à notre DRH lolaingrid02 en précisant ce que vous aimeriez y faire. Nous en discuterons entre nous avant de vous donner notre réponse. :)

Après ce long article explicatif, place aux News !

Detico

Rentrée Littéraire, Salons et Pandémie

Les mois se suivent et se ressemblent : on a beau être dé-confiné, l'influence du COVID se fait encore ressentir. Et si les librairies ont pu profiter d'une vague de soutien inespérée en début d'été, les chiffres d'affaires restent fragiles. Dans ces conditions, tout le monde a en tête la rentrée littéraire, cette période où de nombreux romans sortent et qui se termine lors des fêtes de fin d'année.

Si un succès au cinéma se fait en quelques semaines, ce n'est pas le cas dans le monde des livres où le bouche-à-oreille a encore une place prépondérante. Pour se faire bien voir et donc espérer un succès, les places en têtes de gondoles sont convoitées et les grandes maisons d'éditions enchérissent pour obtenir notre attention. Ainsi tous les grands noms se retrouvent en face à face : Werber sort la Planète des Chats, Nothomb les Aérostats et Carrère, Yoga. On est presque étonné que Sfarr n'ait pas sorti de bande dessinée, sinon le casting habituel serait complet. Il est d'ailleurs illusoire d'espérer proposer un texte à un éditeur durant cette période, les équipes travaillant d'arrache-pied pour ce qui est considéré comme le moment le plus important de l'année.

Et le défi est d'autant plus ardu que les salons du livre ont soit été annulés, soit « adaptés » pour respecter les règles sanitaires. Le mois dernier, c'était le Livre sur la Place à Nancy et le Festival dans la Boucle à Besançon qui se sont déroulés avec des résultats... mitigés. Il est difficile d'en dire plus, vu que les organisateurs n'ont même pas osé communiquer les chiffres, mais la perte semble sévère, d'autant que les têtes d'affiche étrangères n'ont pas daigné faire le déplacement.

Ne resteront pour les auteurs en mal de promotions que quelques heures d'antenne dans les émissions télés ou radios. Cette année, la grande nouveauté c'est On Est En Direct, la nouvelle création de Laurent Ruquier remplaçant On N'est Pas Couché, animé par le même.. Laurent Ruquier. Une innovation finalement minime donc. On remarque que dans cette bouture, le nombre d'invités a explosé, réduisant le temps de chaque intervenant pour défendre ses projets : la bataille risque d'être rude.

Enfin pour terminer le tour des actualités, notons que le Prix Goncourt a présenté sa liste de présélection de 15 livres (et pour la première fois la parité avec 7 autrices). Cette année, le seul changement au niveau du jury vient du remplacement de Virginie Despentes par Camille Laurens. Officiellement, la sulfureuse écrivaine de Vernon Subutex avait démissionné pour pouvoir se consacrer à ses romans, mais on ne peut que songer dans ce geste à la phrase qu'elle avait eue suite à la dernière cérémonie des Césars : « On se lève et on se casse. », alors même que les Prix sont de plus en plus critiqués pour leur sexisme.. On notera que les membres du Renaudot, mis en cause dans l'affaire Matzneff, n'ont pas été renouvelés. Ils ont présenté eux-aussi une liste de présélection de 20 livres, dont plusieurs se retrouvent dans la liste du Goncourt, le monde littéraire parisien étant un vrai milieu fermé.

Aaron

Le Seigneur des Anneaux est-il surestimé ?

Alors que je profitais de notre villa avec vue sur la mer, entouré des autres membres de l'ACA, j'en arrivais à la conclusion que définitivement, gagner cette location rien qu'en corrigeant le texte de Guillaume Musso, c'était surpayé. Après que nos élèves nous eurent proposé toute l'année des tournures alambiquées, checker de simples sujet-verbe-complément était un repos pour l'esprit. Presque des vacances, à l'image des conditions idylliques dans les Caraïbes où l'on nous avait proposé d'officier - ce qui, par un heureux hasard, était particulièrement proche de notre compte caché au Panama, idéal pour les retraits bancaires donc...

Et pourtant je sentais poindre en moi une vague de mélancolie que je n'osai même plus dissimuler. Irrémédiablement, l'été s'en allait et l'Académie pensait à sa prochaine année. Notre doyen vénéré avait identifié une baisse de nos richesses due à de mauvaises audiences sur notre compte Wattpad.

Oui, malgré notre sagesse, on pense comme de vulgaires influenceurs. D'ailleurs, je vous invite fortement à cliquer sur l'étoile, à laisser un commentaire, et à utiliser les produits de notre sponsor Atmosp'Hair, la gamme de shampoing pour tous types de cheveux, sinon Dario va encore nous faire subir une réunion de trois heures avec des tas de graphiques pour planifier l'année.

Face à cette perspective abominable, j'ai décidé de frapper un grand coup en proposant pour ce numéro de Septembre, le sujet le plus putaclic et le plus à-même de générer des coms, après la chloroquine (oui, ce n'était pas que l'amour de la science qui nous animait le printemps dernier). Déboulonner le Balzac du Boutonneux, le manuel féministe du geek, l'oeuvre réac préféré des hippies : le monstrueux Seigneur des Anneaux qu'on m'a offert à 9 ans, et dont l'introduction sur les Hobbits me fait encore avoir des cauchemars. Bienvenue dans mon Vietnam à moi.

Exercice de Style

Après cette introduction qui peut sembler un peu rude, je dois quand même nuancer un peu mon propos. Il serait vraiment de mauvaise foi d'affirmer que Tolkien écrit mal, et si j'avais trouvé une œuvre pareille sur Wattpad, j'aurai sans doute envoyé directement un message à l'auteur pour lui exprimer ma reconnaissance, voire pour le demander en mariage (toute personne intéressé(e) peut essayer de m'envoyer un manuscrit, pour voir). Je ne pense pas, cependant, qu'il me répondrait autrement que par un sourire condescendant. C. S. Lewis, l'auteur du Monde de Narnia, a d'ailleurs écrit qu'il « n'avai[t] jamais essayé d'influencer Tolkien, autant essayer d'influencer un dragon. »

Hélas, ne passons pas par quatre chemins, le professeur était affreusement réac. Alors je ne vais pas partir dans une pseudo-analyse psychologisante où j'explique que des elfes blancs aux beaux cheveux - sans doute car ils utilisent Atmosp'Hair - qui combattent des hordes de gobelins avec même l'aide des « Suderons et Orientaux », serait la preuve d'un suprémacisme blanc à peine dissimulée. Ce serait un contre sens. Tolkien n'est pas Miller et sa vision à la limite "choc des civilisations" que l'on retrouve dans son Comic Book 300 (contre le stress d'un combat, optez pour la version anti-pelliculaire). Si ce sujet vous intéresse, je ne peux que vous recommander la vidéo de Bolchegeek, dont le lien est en commentaire. Pour moi cependant, le problème est ailleurs.

Durant son enfance, le jeune John est passionné par la littérature épique moyenâgeuse, comme Tristan et Iseult, Beowulf, et, au sommet de son univers, la mythologie de la Table ronde. Or en grandissant, il s'est aperçu avec horreur que le mythe national britannique avait été très influencé par la culture française, ce qui, comme chacun sait, fait très mal à l'ego de la perfide Albion. Car si la figure arthurienne vient du pays de Galles, indépendant ou non, la construction des principaux éléments de la légende (comme le Graal ou le triangle amoureux Roi-Lancelot-Guenièvre) vient de notre Chrétien de Troyes et de ses continuateurs, le belfortain Robert de Boron en tête.

Or quand plus tard, on demanda à l'universitaire d'écrire une suite à son livre pour enfants Bilbo le Hobbit, se déroulant dans l'univers qu'il a créé pour faire vivre ses langues inventées, l'idée de réaliser la fresque nationale manquante à l'Angleterre, équivalente à la Chanson de Roland francophone refit surface. Alors de premier abord, c'est horriblement prétentieux, mais cela peut être excusable pour un romancier. Après tout, Leconte de Lisle dit de Victor Hugo que c'était un mégalomane qui se prenait pour Hugo. Non, le problème, c'est que l'on sent dans son ouvrage la tentation médiévalisante qui consiste à écrire la saga comme une chronique ancienne.

John Everett Millais - Ophelia - Google Art Project.jpg - Domaine Public
Original conservé à la Tate Britain, Londres

Inspiré du Hamlet de Shakespeare, un exemple du Moyen-Âge tel qu'imaginé au XIXème siècle

Même si je considère que les purs exercices de styles comme la Disparition de Perec, écrit entièrement sans la lettre e, le Roman à l'eau de Bleu d'Alonso ou le Finnegans Wake de Joyce (si vous ne connaissez pas, un des articles suivants va vous étonner) comme des œuvres finalement anecdotiques, utiles seulement pour battre Mémé à la prochaine partie de Trivial Poursuit (ou faire semblant d'être plus intelligent qu'on ne l'est devant son mentor vénéré Samaythi), je reconnais que c'est un avis subjectif.

Il y a eu de tous temps des œuvres qui se sont concentrées à reproduire le passé, allant du préraphaélisme en peinture, qui est lié à l'art pompier. Comme exemple, je vous propose la Mort d'Ophélie, reproduite ci-dessus. En fait, il y avait une vraie volonté artistique au cours du XIXème siècle et redécouvrir le patrimoine et d'écrire à la manière de. Même des romanciers, notamment dans l'époque romantique, se sont essayés à l'exercice. Je pense en premier lieu au premier des Trois Contes de Flaubert. Mais soyons honnêtes, pour la postérité, il n'en reste pas grand-chose. C'est que des œuvres comme la Dame du Lac de Scott ou Notre Dame de Paris de Hugo, derrière leur volonté de raconter le Moyen-Âge, avaient une écriture ultra-moderne pour l'époque, n'hésitant pas à briser les conventions. Ce n'est pas vraiment le parti-pris de Tolkien et cela va poser des problèmes dans la réception de son œuvre.

Je n'ai que rarement accroché avec le style des les romans de Fantasy. Je vois trop souvent des livres publiés avec pas ou peu de style - souvent anglo-saxons - ou des œuvres stylisées, mais reprenant une écriture typée XIXème siècle. Je pense que cela est dû à une envie de se situer dans le passé pour crédibiliser le monde créé. Je ne suis pas sûr que ce soit utile - par exemple Jean Teulé écrit Charly 9 avec un style très contemporain, n'hésitant pas à utiliser l'argot dans la bouche royale pour nous évoquer la Saint Barthélémy. Au final, on remarque sur la forme, un certain « formatage » dans la production littéraire de genre, ce qui n'est jamais une bonne nouvelle.

Aller et Retour : Récit d'une décision artistique

Si Tolkien a retourné complètement la geste héroïque en transformant l'histoire de chevalier en pérégrination de hobbits, soit la quintessence de l'humilité, il en a gardé bien des aspects. La place de la femme, notamment, est plutôt portion congrue. Non pas à cause du supposé machisme de son auteur, mais parce que c'était la place qui leur était dévolue dans ce genre littéraire. Par exemple, il n'y a que 46 citations du nom d'Arwen dans toute l'œuvre, et l'histoire d'amour avec Aragorn est reléguée aux appendices.

Et des quelques fragments, le romantisme semble absent : « Je ne chercherai pas à vous réconforter, car il n'est point de réconfort pour pareille peine en ce monde. L'ultime choix vous est posé : vous repentir, retourner aux Havres et emporter dans l'Ouest le souvenir des jours passés ensemble, qui seront là toujours verts, mais jamais plus que des souvenirs, ou subir le Destin des Hommes »

" - Non, cher Seigneur, dit-elle, ce choix est depuis longtemps passé. Il n'est plus de navire pour m'emporter d'ici, et je dois donc subir le Destin des Hommes, que je le veuille ou non : la déperdition et le silence. Mais je vous le dis, Roi des Nùmenoréens, c'est seulement à présent que j'ai compris l'histoire des vôtres et de leur chute. Je les dédaignais comme sots et méchants, mais j'ai enfin pitié d'eux. Car si c'est là en vérité, comme le disent les Elfes, le don de l'Unique aux Hommes, il est amer à recevoir ».

Peter Jackson - The Lord of The Rings: The Two Towers (2002) - New Line Cinéma
Tous droits réservés - Utilisation respectant le Droit à la Citation (Fr) et le Fair Use (US)
Vous voulez faire cracher du sang à un puriste ? Montrez-lui cette image.

De fait, et au risque de recevoir encore des menaces de mort dans ma boîte aux lettres (passez par le compte de l'Académie, notre secrétariat fera le tri), je pense que Peter Jackson, le réalisateur de la trilogie du début des années 2000, a grandement amélioré l'œuvre originale en humanisant fortement les personnages. Il a déjà donné des voix plus importantes à Arwen ou Eowyn, mais a aussi permis de renforcer l'ensemble de son casting en rendant son anneau plus "wagnérien". J'entends par là qu'avec ces plans sur l'anneau, la voix grave, les motifs musicaux de Horner, l'entité devient tellement menaçante qu'il renforce à chaque instant les doutes du personnage, au point de faire faillir Faramir. C'est intelligent parce que ce questionnement est constant dans le travail cinématographique (sauf quand Legolas fait du surf..., le débat reste ouvert en commentaire).

Le mont qui cache l'Everest

Quantité n'est pas gage de qualité, mais lorsque l'on voit les fans du Trône de Fer attendre religieusement pendant dix ans le prochain volet, ils font office d'impatients hystérique face à la patience des aficionados du Hobbit. Tolkien n'a publié que deux œuvres de fiction durant toute sa carrière, et sa meilleure œuvre n'est pas encore sortie.

Avant tout, une mise au point s'impose. J. R. R. n'a pas écrit le Silmarillon : c'est Guy Kay qui l'a rédigé, sous la direction de Christopher Tolkien, et le résultat était vraiment bâclé. Comparé à la poésie mâtinée de simili-mysticisme de cette cosmogonie, les poils de pieds des hobbits font figure de promenade de santé. Le résultat en est un découragement certains pour de nombreux lecteurs, alors que l'œuvre recèle un trésor. Le professeur était un maniaque et a donc réécrit ad libidam son œuvre. Ses héritiers, sans doute pour des raisons pécuniaires, ont tout édité petit à petit. Des sorties comme les Enfants de Hurin, la Geste de Beren et Lutien, mais aussi le Livre des Contes Perdus, racontant peu ou prou la même chose, sont de qualité bien supérieure que l'œuvre abâtardie, faisant passer la suite de Dune pour un Prix Nobel.

Et c'est le dernier clou que je peux ajouter dans le cercueil du Seigneur des Anneaux : il a masqué une œuvre plus grande, dont nous avons été privés par une gestion imbécile de l'édition. Mon conseil est donc explicite : pour ceux qui veulent être écrivains, prévoyez un système d'auto-destruction pour sauver vos récits, ou tuez vos héritiers. Quand à l'objet de mon réquisitoire, je propose de lui faire subir le sort de Boromir, à savoir mettre son cadavre dans une barque et attendre qu'il atteigne la mer. En plus, près de notre villa de vacances, Wait4aTurtle fait un élevage de tortues de mer, ce qui est un moyen un peu plus long que les crocodiles de se débarrasser d'un corps, mais tout de même efficace. J'ajouterai, si la Cour me trouve cruel, que j'ai re-regardé le Hobbit avant d'écrire cet article et que ça, c'est de la torture. Je laisse cependant aux avocats de la défense la possibilité de débattre en commentaire pour essayer de sauver ce livre.

Aaron

Introduction

Ici, on va parler d'écriture et plus particulièrement de trope.

Alors un trope, qu'est-ce que c'est ? Si je reprends la définition du Tropeur de l'Extrême, c'est « un procédé scénaristique utilisé et répété dans de nombreuses œuvres, servant à construire une histoire ». En gros, ce sont tous ces schémas que l'on utilise dans diverses étapes de l'écriture (sans même parfois s'en rendre compte). Ils ne sont ni bons, ni mauvais, mais peuvent se transformer en cliché s'ils sont utilisés trop fréquemment.

Le fusil de Tchekov, le Deus Ex Machina, les Red Shirts ou encore le McGuffin sont des tropes dont Dario vous a parlé dans les précédents mags.

Cette rubrique a donc pour but de vous faire connaître les différents tropes existants et de vous aider à les exploiter. En bonus, vous pourrez vous la raconter en citant leur nom ;)

Le stratagème de Blofeld

Maintenant, passons au trope qui nous intéresse aujourd'hui : le stratagème de Blofeld.

Tout d'abord, petite minute culture. Ce nom vient d'un célèbre méchant dans James Bond : Ernst Stavro Blofeld, qui a l'habitude de tuer ses subalternes pour soulager sa frustration.

Donald Pleasance jouant Blofeld dans You Only live Twice de Lewis Gilbert
Tous droits réservés - Eon Productions, United Artists
Image issue du dossier de presse, utilisation respectant le Droit de Citation et le Fair Use

Comme ce que fait régulièrement ce fameux personnage, le stratagème de Blofeld consiste à tuer, souvent à la place du héros principal, un subalterne, pour montrer la cruauté, l'opiniâtreté froide, du grand méchant. Bien évidemment, on préfère tuer un Red Shirt que le protagoniste. C'est d'ailleurs la différence entre ces deux tropes : le stratagème de Blofeld est la situation expliquée dans cet article, alors que les Reds Shirts sont des personnages figurants que l'on peut tuer à loisir. Pour celui qui nous intéresse aujourd'hui, on se retrouve donc avec ce schéma-là :

« Le grand méchant Ernesto pointe son épée sur le magnifique héros James.

- Je vais te tuer pour que tu ne déjoues pas mon plan maléfique.

Alors que quelques gouttes de sang perlent sur le cou de James, Ernesto virevolte et coupe la tête de son cocher en chemise rouge. »

Cet exemple est très grossier, et souvent, l'antagoniste ne peut tuer le protagoniste car il détient une information capitale, mais vous avez l'idée. Comme dit précédemment, ce procédé n'est pas négatif en soi, mais par le fait qu'il soit beaucoup utilisé le rend prévisible aux yeux des lecteurs qui se disent « naaaan, mais je suis sûr qu'il ne va pas le tuer » voire « ah, ça va être le figurant qui va y passer ». Je suppose que ce n'est pas votre objectif. Si vous voulez réutiliser cette situation, le but, à mon humble avis, va donc être de surprendre vos lecteurs en ajoutant d'autres variables : « oh mon dieu, le figurant détenait le code crucial à l'ouverture du coffre magique essentiel à l'intrigue ». Vous voyez l'idée ? Ou alors de ne pas l'utiliser du tout.

Le stratagème de Blofeld peut être associé avec un En finir avec. Vous savez, ce moment où le héros crie « Tue-moi ! Finis-en ! » car le grand méchant reste l'arme pointée sur lui pendant 5 chapitres en menaçant de le tuer. La plupart du temps, cette mort n'arrive jamais. Mais en de rares occasions, les derniers mots de notre James (le héros si vous suivez) peuvent devenir sa Dernière requête. À ce moment, James peut donner son testament, exprimer sa colère envers son bourreau ou sa tristesse de mourir, plaider pour sa vie, ou encore formuler son dernier souhait : « Mary Sue, récupère les clés du Paradis à ma place. Arg. Je me meurs. »

Voilà pour la théorie, maintenant à vous d'utiliser ces informations à votre convenance ;)

Ce premier article de La gendarme de Saint-Tropes est donc fini. Si vous avez des questions, des suggestions de sujets et/ou des critiques sur le contenu de celui-ci, n'hésitez pas à les signaler en commentaire.

Aïlys

Cette nouvelle rubrique est basée sur le même principe que l'amphi 2 et 2bis. Après la théorie, place à la pratique ! ;) Ce mois-ci, en lien avec l'article précédent, je vous invite donc à travailler sur le stratagème de Blofeld et ses conséquences.

Pour cela, plusieurs possibilités :

Écrire un extrait de roman qui revisite le stratagème de Blofeld.

Écrire un extrait de roman montrant la cruauté du grand méchant sans utiliser ce stratagème.

Réfléchir/exposer vos idées sur comment revisiter/exploiter le stratagème de Blofeld.

Réfléchir/exposer vos idées sur d'autres moyens de montrer la cruauté du grand méchant.

Vos textes ou réflexions postés en commentaires seront lus et commentés. Nos commentaires seront plus ou moins complets et constructifs suivant notre temps disponible. Vous savez que nous sommes en manque d'effectif. ^^" D'ailleurs, nous recrutons pour ceux que ça intéresse. ;)

Aïlys

Laisser une trace

- C'est quoi ce bazar ! s'écria Detico en sortant de la cave.

Il s'épousseta rapidement, développant un nuage de poussière autour de lui avant de prendre la route du hall. Le sol tremblait jusqu'au deuxième niveau de la cave et le son assourdissant d'un marteau piqueur couvrait tout le reste.

Aillys rejoignit le directeur de la communication et chercha, elle aussi, à comprendre ce qu'il se passait.

- Il est où le boss ? demanda Detico. Si personne n'est au courant qu'on fait des travaux, je les renvoie chez eux, les gars !

Un peu rageux, le directeur de la comm' dégaina son portable et contacta la RH en visio.

- lolaingrid02, t'es au courant de travaux en extérieur, du côté de l'entrée ?

- Non, rien. T'as vu avec le patron ?

- Je sais pas où il est...

Sans attendre plus d'information, Detico raccrocha et Aaron_Roy rejoignit le duo juste devant un énorme camion bâché. Le doyen était en grande conversation avec un homme en bleu de travail. Les trois académiciens filèrent vers le patron.

- Il se passe quoi ? demanda Ailys, coupant l'herbe sous le pied de l'archiviste directeur, hors de lui.

- Ah ! Salut les gras, répliqua le doyen. Vous tombez à pic. Juste à temps pour l'installation.

- L'installation de quoi ?

- De ma statue, pardi !

Trois mâchoires tombèrent d'un coup et Ailys s'inquiéta de la santé mentale du vieux, tandis qu'Aaron éclatait de rire.

- Pourquoi t'as commandé une statue de toi ? demanda Detico en faisant de gros efforts pour ne pas perdre son sang-froid. Et puis, t'as pris ça sur quel budget ? On n'a plus d'argent, chef !

- Oh, t'en fais pas pour le budget. C'est un pote à moi qui l'a faite pour rien et la livraison, j'ai payé avec ma carte bleue. Elle est devenue un peu rouge d'ailleurs, mais bon...

- Mais pourquoi t'as commandé une statue ? insista le directeur de la communication.

- Bah c'est-à-dire que puisque Ailys et toi, vous gérez la boite à ma place et qu'en plus maintenant j'ai aussi laissé ma place à la direction du mag, fallait que je fasse quelque chose.

Ailys et Aaron échangèrent alors un regard désespéré, mais ne répliquèrent pas. Detico ne sut quoi répondre dans un premier temps et finit par demander combien de temps le bruit allait encore durer.

- Dans cinq minutes, c'est fini, rayonna alors le doyen.

- OK, on te laisse gérer alors...

Detico entraina ses camarades un peu à l'écart pendant que le directeur reprenait sa discussion avec le chef de chantier.

- Il nous fait quoi, le vieux ? demanda le nouveau rédacteur en chef.

- Je crois qu'il a peur qu'on l'oublie, c'est assez clair, sourit Ailys.

- Il a un pète au casque ou quoi ? D'abord, on risque pas de l'oublier puisqu'il arrête pas de se mêler de tout, contra Aaron. En plus, il a gravé son nom sur tous les murs de l'académie.

- Ouais, mais tu sais, il approche de la retraite, c'est dur pour lui...

- Euh, Deti... murmura Aaron. Il est barge ! C'est tout. Faut lui acheter une camisole. Il pourra mettre son nom dessus, s'il y tient...

Un hourra solitaire déchira le relatif silence qui s'installa ensuite. La statue du doyen était érigée au milieu de la place bétonnée dans la grande entrée du jardin. Les trois paires d'yeux se levèrent vers l'œuvre d'art.

- Quelle horreur ! firent-ils d'une seule voix.

Dario

Ou comment paraître cultivé grâce à des anecdotes littéraires

Un mauvais sens du timing.

Nouveau mag = nouvelles rubriques. Et celle-ci en fait partie. Ici, je vous donnerai quelques anecdotes littéraires que je trouve sympathiques. J'essaierai de ne pas être barbante et vous me direz à la fin si le pari est réussi. ;)

C'est parti : let's talk about Finnegans Wake.

On parle souvent du Seigneur des anneaux en saluant le fait que Tolkien a réussi à inventer une langue. Et bien il n'est pas le seul. James Joyce, un charmant Irlandais un peu barré, ne s'est pas contenté de quelques répliques : il a écrit un bouquin complet. Je vous présente le fameux Finnegans Wake. C'est un idiolecte : un livre écrit dans une langue qui n'existe pas.

Fortiche, hein ? Oui et non. Le principal problème c'est que c'est incompréhensible. Plutôt logique, finalement. Mais ne vous y trompez pas, ce n'est pas parce que les chapitres sont une suite de lettres assemblées au hasard. Joyce a une logique, et Joyce est un champion des mots-valise. Il en met partout. Plusieurs à chaque phrase. Plusieurs à la suite.

Un exemple ? Prenons « dustiny » : un mix de « dust » (poussière) et destiny (le destin). En gros, un ou une « dustiny », c'est le fait d'avoir un destin tout pourri.

Facile ? Et bien, regardez maintenant : « Vachal pour cheval, sourd d'eau pour radeau. Nous concutombulons verveilleusement vers l'Nihil ». Ouais, ça se corse. Ça vient surtout du fait que Joyce mélange parfois deux langues dans un même mot. Il introduit du turc, du grec, et tout ce qui lui passe par la tête. Il crée une langue universelle... que personne ne comprend. (Et d'ailleurs, ne me demandez pas comment le manuscrit de départ a pu être traduit en « français ». Vous avez là un des nombreux mystères de cette œuvre.)

Certains ont trouvé une logique au livre en commençant par le chapitre 5 et en poursuivant avec le 9. D'autres ont débuté par la fin. Si vous avez le courage de le lire, vous me direz ce que vous en avez pensé. Joyce voulait que les lecteurs prennent autant de temps à décrypter son livre qu'il en avait mis à l'écrire. Sauf qu'il l'a terminé au bout de dix-sept ans. Bon courage...

Il disait qu'il écrivait ce manuscrit pour un insomniaque qui, une fois le livre terminé, pourrait le reprendre du début. Ça en dit long.

Eamonn O'Doherty - Anna Livia - Croppies Memorial Park, Dublin
Photo William Murphy (infomatique) - https://www.flickr.com/photos/infomatique/5556223235/ - Licence CC BY-SA 2.0
Sculpture d'Anna Livia, un des personnages du roman

Quelques-uns voient dans Finnegans Wake un coup de maître. D'autres, parient sur une vaste blague. Quoi qu'il en soit, Joyce est souvent qualifié de génie. Et si les nombreuses théories qui circulent sur son œuvre semblent confirmer ce qualificatif, il y a un écueil que l'auteur n'a pas pu éviter. Le brave monsieur, conscient de son talent et de la qualité novatrice de son manuscrit, prévoyait d'en faire LE roman du siècle. Il avait tout prévu. Sauf la broutille nommée « Seconde guerre mondiale » qui lui est tombée sur un coin de la tronche. Et contre toutes attentes, en 1939, l'annonce de la sortie de son livre est passée plus ou moins inaperçue... Mauvais timing, Joyce !

Kellroye

Avant de commencer, j'aimerais profiter de cet article pour envoyer une balise temporelle vers le futur. Je m'adresse à toi, qui va passer l'Oral du Bac de Français dans quelques jours et qui recherche une réponse sur le web à tes angoisses. Et bien mon couillon, si t'avais révisé en temps et en heure, ça ne te serait pas arrivé. Et c'est pas faute de t'avoir prévenu, la preuve, j'en parle dès début Octobre.

Cependant je te rassure, j'aurais fait la même chose. Ou plutôt j'ai fait la même, et comme toi sûrement, j'ai oublié la majorité de ce gavage d'oies quelques jours plus tard. Oui, apprendre c'est bien mais tu n'es en aucun cas obligé d'aimer la littérature « classique », ni même la recroiser par la suite. Je me le suis dit aussi, et puis est arrivé un évènement qui a traumatisé la planète entière.

Alors que nous étions tous confinés, j'ai relu par désœuvrement les livres obligatoires du Bac 2020. Je ne les ai pas tous aimés, mais j'ai redécouvert des merveilles. C'est pourquoi j'ai décidé de recommencer pour 2021, et de te le faire partager. Cela te permettra peut-être de te mettre une anecdote sous la dent, ou de comprendre comment ton texte est construit, puisqu'on est sur Wattpad donc entre écrivains à niveau plus ou moins avancé. En tout cas, ce voyage est passionnant, et je suis ravi de le passer avec toi, mais aussi avec chaque lecteur - quel que soit son âge - qui nous rejoindra.

Molière, le Malade Imaginaire

Commençons par quelque chose de simple : Molière, tu vois qui c'est ? Cette espèce d'amuseur public qui papillonnait autour du roi Louis XIV, et qui lui proposait ses comédies qui te semblaient un peu vieillottes. Peut-être même as-tu entendu un jour sur un site conspi que ce n'était pas lui, mais Corneille qui avait écrit ses textes. Cette idée est tellement répandue qu'il existe même une page Wikipédia rien qu'à ce sujet. Je ne te conseille pas d'en parler à l'examinateur, puisque même si le débat a plus d'un siècle, il n'a toujours pas été tranché.

Ce que l'on peut retenir en tout cas, c'est que Molière est hilarant. Je sais, cela ne paraît pas comme ça, surtout si vous avez lu une version de l'Académie Française mais si. Je vais vous raconter une histoire. C'était en 2003, et si tu es trop jeune pour t'en souvenir ou même faire cette chose vulgaire, à savoir être né, il y avait une canicule d'une belle ampleur. Si tu te plains de l'été dernier, sache qu'on avait eu 15 000 morts. Et mes parents n'avaient pas trouvé mieux que de prendre leurs vacances dans le Vaucluse, dans une maison sans piscine. Alors je sais que cela ressemble à un problème de riche, mais passer la journée de vacances fenêtres fermées sans pouvoir rien faire, ce n'est pas forcément drôle. J'avais onze ans, pas la possibilité d'appeler mes copains et je me faisais suer. Pour sortir de cette atmosphère pas forcément amicale, mes parents m'ont amené voir une troupe de théâtre qui proposait l'Avare. Et il y avait beau avoir des moustiques partout au point que je me suis gratté jusqu'au sang les trois jours suivants, je peux affirmer sans aucun doute que j'ai vu ma meilleure pièce de théâtre ce soir-là.

Pourquoi Molière est bon ? Parce qu'il n'arrête pas de mélanger les genres. Louis XIV est aussi patient qu'un enfant hyperactif sans handspinner, donc il faut retenir son attention en permanence. Sur la comédie italienne, il va ajouter de la parodie, de la pantomime, de la farce bouffonne même, telle qu'on en voyait sur les foires : un genre du peuple, donc pas légitime. Imaginer Emmanuel Macron dans la fosse d'un concert de Jul te surprendrait ? Alors ajoute le fait que le Roi obtient son pouvoir de Dieu et est donc quasiment-sacré. De fait, Molière va loin, tellement que deux de ses pièces sont censurées, parce qu'il s'en prend à l'Église et à des courtisans : Tartuffe et Dom Juan, mais toujours il s'en sort. Et puis arriva le Malade Imaginaire.

Molière n'aime pas le monde médical, il l'a déjà prouvé dans d'autres pièces : le Médecin Volant, l'Amour Médecin et le Médecin Malgré Lui. On a dit que sa haine de ce corps de métier vient de la perte de plusieurs de ses enfants en bas âge, ce qui à l'époque était hélas fréquent. Mais on peut y voir aussi une représentation classique dans le théâtre italien, sans compter que dans Dom Juan, le libertin met déjà en relation le prêtre et le praticien. C'est donc aussi une charge contre la religion. Ici, on s'approche du Tartuffe avec un ascendant qui veut prendre le pouvoir sur la maison, mais la pièce laisse ces hommes en arrière-plan, n'intervenant que dans deux scènes. Dans cette dernière pièce, le ridicule n'est autre que le croyant, et ce dernier s'enferre seul.

Durant ses dernières années, on a dit Molière malade. C'est sans doute la grande difficulté a étudier cette pièce : on ne peut pas la séparer de la mort de son auteur. C'est comme si les légendes qui l'entouraient avait formé un verni sur l'écrit originel. Non, il n'est pas mort sur scène comme on peut le voir trop souvent, ni ne portait du vert le jour de la représentation. Pour la petite histoire, la superstition du vert qui porterait malheur viendrait soit de l'éclairage, qui rendrait le teint cadavérique et ruinerait la beauté des actrices, ou des vêtements de l'époque qui étaient teints au cyanure, empoisonnant leurs porteurs. C'est aussi pour cette raison que l'on considère en Angleterre que les chapeliers sont fous, mais revenons à l'œuvre.

Jamais dans une pièce de Molière la mort n'a été aussi présente. Les amants songent à se suicider et même le personnage principal feint de mourir. La médecine est vue comme un grigri illusoire qui nous attend tous, et que l'on essaye d'éviter par différentes supercheries. Au final, la faucheuse gagnera toujours, donc autant profiter de la vie le plus possible sans se morfondre de ce qu'il y aura plus tard.

Les Essais de Montaigne

Anonyme, Portrait de Montaigne, Domaine Public
Original au Musée Condée, Chantilly
Qui c'est qui a le swag ? C'est Michel !

Du fait de la brièveté de l'année scolaire, nous devons enchaîner directement avec l'œuvre de Montaigne. Je dois avouer que c'était la proposition qui me faisait le plus peur de la sélection. D'abord parce que c'est gigantesque (près de mille pages) en ancien français, et que le bonhomme ne respire pas forcément la joie de vivre. Je vous ai laissé une illustration et il ressemble à votre professeur chiant et un peu chauve. Et pourtant...

Avant de continuer, je dois vous dire qu'une chroniqueuse littéraire du nom de Juliette Arnaud a fait la même chose que moi au printemps dernier, et qu'elle a posté une série de 4 chroniques vidéo sur Michel. Les liens sont en commentaires. Je promets de ne pas trop m'en inspirer, malgré l'admiration que je lui porte.

Retour en arrière. Nous sommes à la fin du XVIème siècle soit près de cent ans avant Molière. A l'époque, on est en pleine redécouverte des penseurs antiques et cela chambarde le milieu universitaire occidental. Cinquante ans plus tôt, René Descartes utilise le doute systématique et invente la pensée scientifique actuelle. Douter de tout, même de Dieu, cela ne plaît pas vraiment à l'Église qui condamne l'humanisme comme œuvre hérétique. Dans le même temps, Rome se sent menacé par l'arrivée du Protestantisme qui remet son autorité en question et va ébranler plusieurs cours en Europe, dont celle du Roi de France.

Michel de Montaigne, lui, est catholique, et est à la fois magistrat, et diplomate traitant avec le roi de Navarre, futur Henri IV. On aurait pu le penser réactionnaire mais c'est tout le contraire. Humaniste connaissant les auteurs classiques de mémoire, il est ami avec Étienne de la Boétie qui a écrit un discours contre l'absolutisme royal. Et sa seule œuvre, les fameux Essais, sera tout aussi détonnante.

Il écrit en Français, ce qui était considéré comme une langue réservé aux bouseux. Et surtout il met au même niveau anecdote personnelle, réflexion d'auteurs contemporains et sujet « classique. » Le tout aurait pu être un beau bordel s'il n'était pas passé maître dans l'art de la digression.

C'est un savant équilibre car le fil doit rester clair pour que votre lecteur ne soit pas perdu. Prenons un exemple, ce sera plus simple et pour cela, je vais devoir spoiler Pulp Fiction. Si tu l'as pas vu, honte à toi et saute le paragraphe suivant.

Dans Pulp Fiction, une séquence souvenir nous raconte comment le père de Butch a dû cacher une montre familiale des décennies auparavant. Cette histoire, le réalisateur va la mettre de côté avant que le personnage interprété par Bruce Willis revienne en arrière pour chercher le fameux objet, bien plus tard dans le récit. Il en profitera pour tuer Vincent Vega, que l'on a vu dans le premier acte du film puis oublié. Il fait donc se télescoper deux intrigues a priori indépendantes.

Et c'est cette rencontre permanente qui redynamise son récit, un procédé que Montaigne a fait sien, 400 ans auparavant. Ainsi dans le passage des Cannibales, qui est celui au programme, il met en confrontation Platon et l'arrivée des indigènes du Nouveau-Monde, que les explorateurs ont conduit dans les capitales européennes comme un sujet de curiosité. Cette méthode, vous pouvez l'utiliser aussi dans vos récits : parler de Tarantino, de Jul, de la canicule de 2003 pour vous faire intéresser à des œuvres plus formelles, c'est exactement le même procédé.

Aaron

À nos années de liberté de EliseBourges

C'est la rentrée ! Il fait 32°C, je meurs de chaud, on est en octobre et c'est le bazar partout, mais on garde les bonnes habitudes pour la nouvelle année : le coup de cœur. Partons sur un bon vieux roman d'adolescent. Enfin ado... les personnages sont à la fac, dans cette histoire. N'empêche qu'une fois le bac en poche, on continue de se poser trois milliards de questions. Donc le roman d'ado est de mise, même en licence ou en master de philosophie.

Ici, on garde les thématiques habituelles de l'amitié, de l'amour, des études et de la famille. Jusque là, rien de très original. Et on rajoute une ambiance de rentrée... dans une coloc. Cliché ? Tout à fait, et j'assume en faire la promotion pour ce roman-là.

La rentrée à l'université c'est toujours n'importe quoi (qu'il y ait le covid ou non). Y a jamais les bonnes infos, l'emploi du temps est mal fichu, y a trop d'élèves, pas assez de profs, des options qui n'existent pas et personne n'a cours en même temps. Et ce roman est assez réaliste pour nous faire ressentir toute la frustration de ces débuts en tant qu'étudiant. Donc voici le premier argument : pas de schéma impossible ou de retournement de situation improbable. Pas de rencontres tirées par les cheveux. Que du réaliste, du simple, du cohérent. Et c'est chouette.

Argument n°2 : la coloc est une pure pépite. En raison des personnages, évidemment (mais j'en reparlerai plus tard parce qu'ils méritent bien un paragraphe pour eux tous seuls), mais pour le bâtiment lui-même. Parce que les meubles bougent, que les placards se vident et se remplissent, qu'il y a un magnifique tableau de citations posé dans le salon. @EliseBourges fait du lieu plus qu'un simple décor. Il est le reflet des états d'âme des personnages, de la tension de l'histoire. Il en est le fil rouge. Il y a une terrasse accueillante, un pot de bonbons trop souvent vide et une porte qui doit rester fermée. J'ai aimé ce lieu comme s'il était un personnage. Alors rien que pour découvrir cet appartement, lisez ce livre.

Les personnages. Ah, les personnages. Ils sont tellement bien décrits, tellement étoffés, riches d'expressions, de mimiques et de petites habitudes qu'ils pourraient exister. Sans rire, je voudrais les croiser dans la rue. Et en lisant ce livre, j'ai eu l'impression que c'était possible.

Bon, et l'histoire dans tout ça ? Maxine est étudiante en philosophie. Elle fait une thèse sur les stoïciens et elle a un prof passionné et un peu trop passionnant. Elle a le meilleur ami du monde et le pire coloc' de la terre. Elle est cynique, mélancolique et un peu accro au tabac et à tout ce qui se fume. Elle a des tas de choses à oublier et des tonnes de souvenirs à créer. Donc elle passe son temps à se fighter avec son coloc et à trouver des moyens de se sentir vivante. Ce résumé ne reflète pas un douzième de ce qu'est vraiment ce livre...

Alors les copains, allez lire ce roman et prenez des mouchoirs. J'ai bien ri (il peut se passer tant de choses dans une coloc, si vous saviez !) et j'ai un peu pleuré aussi. Et ne vous arrêtez pas sur les fautes d'orthographe, prenez le temps de lire cinq chapitres avant d'abandonner cette histoire si vous n'accrochez vraiment pas. Le livre se bonifie au fil des chapitres, et si les premiers ne sont pas les meilleurs, vous serez sûrement conquis par la suite. Cette histoire vaut le coup d'être lue jusqu'au bout.

Kellroye

La traditionnelle couv' du mois est de retour dans cette nouvelle formule du mag !

Et ce mois-ci c'est « Intra 1 » de Hffmbx qui a conquis les académiciens.

Nous vous rappelons que le livre n'a pas été lu, le jugement ne s'est fait que sur la couverture ;)

Aïlys

Quelques AT à signaler ce mois-ci.

Tout d'abord, K ! Story cherche des romans sur la K-pop, les K-dramas et/ou la Corée du Sud. Point intéressant : en plus des traditionnels ebooks, une publication papier est prévue. L'AT est évidemment rémunéré. Vous avez jusqu'au 31 octobre, ce qui est court. Mais si vous avez quelqu'un qui a un manuscrit dans son tiroir, c'est peut-être pour lui.

Autre maison d'édition, l'Aquilon cherche des récits de voyage. Là encore, la publication sera à la fois physique et numérique, et vous avez jusqu'au 15 novembre. Et même si vous n'êtes pas intéressé, je vous conseille de suivre le lien : les auteurs ont fait un bon article sur les points forts du récit de voyage, qui pourrait vous aider par la suite pour renforcer vos écrits.

Partons maintenant nous intéresser aux revues.

Etherval, spécialisée dans la SFFF, a lancé un appel à texte sur le thème de la Mythologie. Le maximum est de 34 000 signes. Attention, si vous avez jusqu'au 31 janvier 2021, vous faire publier vous oblige à céder l'exclusivité du texte jusqu'en 2023.

En SFFF, nous avons aussi la revue Gandahar où vous pouvez proposer des nouvelles sur la Métamorphose. Le maximum est cette fois de 40 000 signes, et la date de clôture le 31 janvier 2021.

Ensuite, le magasine Reticule cherche des nouvelles sur le thème Choc. Une limite de taille, 3500 mots maximum. Vous avez jusqu'au 31 octobre et la publication se fera uniquement en format numérique.

Aaron

Merci de nous avoir lu ! N'hésitez pas à laisser votre avis en com', et à dire ce qui vous a plu ou non :)

Rendez-vous début novembre pour le prochain numéro, et d'ici là, portez-vous bien !

La Rédaction

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