Avertissement : cet article ne se veut en aucun cas polémique. Il reflète une certaine vision du droit d'auteur du point de vue d'un auteur du domaine public vivant.

Cher confrère, qui comme moi sent le poids des années sur tes épaules, tel une grosse masse qui t'écrase, tu risques bien souvent d'avoir les yeux qui saignent. Tu as peut-être déjà remarqué les étranges caractères que je vais citer. Dans le cas contraire, tu peux t'estimer heureux, mais ton bonheur sera de courte durée car ces inscriptions sont légion sur Wattpad.

Tous droits réservés. En l'écrivant ainsi, je t'ai épargné un premier saignement. Parce que généralement, il n'est point écrit correctement : cela va de « TOUT DROITS RESERVE »,en grande lettre capitale, qui te fera sursauter tel un cri dans la cambrousse paisible ; à « Tous drwât Rèsérvès ». Tout cela en passant par moult déclinaisons dont je t'épargnerai l'orthographe massacrée, destinée à te démolir les petites mirettes. Cher confrère, comme moi, tu éprouveras tristesse en voyant ces déclarations. Parfois, elles seront accompagnées de petits mots accusateurs, en disant que si tu oses t'inspirer ou plagier ou que sais-je, le grand Captain Copyright viendra te botter le derrière avec sa grosse matraque. Parfois, on te sortira même des textes de lois. Et ces déclarations ne se limiteront pas aux descriptions des histoires, parfois, elles se retrouveront jusque dans la biographie des jeunes Wattpadiens.

Tu remarqueras aussi que cette déclaration dans les synopsis est un doublon inutile. Car lorsqu'un auteur crée un œuvre sur Wattpad, il doit déclarer une licence sur cette dernière. Et donc, par deux fois, tu verras cet avertissement. Comme pour enfoncer un gros clou dans ton petit crâne, dans le cas plus qu'hypothétique, que tu sois un petit vilain qui oserait s'emparer d'un écrit.

Pardonne-leur parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils font. Ils ne semblent pas encore comprendre qu'une relation entre un auteur et son lectorat se base avant tout sur la confiance. Ils ne comprennent pas qu'accuser directement leur lectorat les dessert. Car une œuvre, si elle est libre de voyager, permettra de les faire connaître. Et qu'accuser n'incite pas à une relation cordiale et franche, au contraire, elle commence directement par de la suspicion.

Pardonne-leur, mais surtout chers petits jeunes, pardonnez-nous. Parce que nous ne vous avons pas expliqué qu'il existe d'autres manières de procéder. Qu'il existe des alternatives qui peuvent permettre à des œuvres de voyager, de les faire vivre autrement. Tout en étant crédité. Car une personne qui fait voyager un écrit ou un autre format artistique a trouvé que cet art mérite d'être connu. Et qu'un fan inconditionnel fera tout pour soutenir son artiste favori.

C'est à nous de corriger cette erreur, de montrer qu'avec l'ère d'internet et du numérique de nouvelles méthodes de « droits d'auteur » sont apparues. Qu'elles sont axées sur des valeurs différentes : le partage, le respect de l'auteur et de son œuvre, mais aussi la possibilité de donner des libertés. Car rappelons-nous cette maxime de Cory Doctorow : La célébrité ne vous rendra pas riche, mais vous ne pouvez être payé sans elle. Et grâce à ces nouvelles manières, il est plus facile, en faisant sauter ce verrou du sacro-saint Copyright désuet, de se faire connaître.

Chers jeunes, un des prochains épisodes vous sera donc destiné. Bien sûr, chers confrères âgés, sages et anciens, une petite cure de rappel ne pourra vous faire de tort. Le comité éditorial de ce guide de survie vous donnera un aperçu des licences Creative Commons, qui est une alternative au droit d'auteur classique. N'oubliez cependant pas une chose : la copie a toujours existé. Que publier, n'est rien d'autre que de rendre public quelque chose. N'ayez pas peur, car c'est le meilleur choix que vous puissiez faire pour vos œuvres.