Chapitre Sept - Willy


Cela fait maintenant une semaine complète que je suis ici et rien n'a changé. Je suis toujours aussi nulle aux entrainements et je me rends compte que je ne cesse de baisser dans le classement, je suis maintenant dans les 20ème sur trente, à ce qu'on dit. Un beau score, somme toute. Caleb m'en fait toujours autant baver, même si je me rends compte que j'ai eu une chance immense en me faisant attraper par lui. Je sais qu'il ne mentait pas en disant qu'Adrianna m'aurait balancé au cachot et que Duke Smith m'aurait abattu sur place.

Je n'arrive plus à le regarder en face et je l'évite dès que faire se peut, j'ai trop peur qu'il change d'avis et me dénonce à Suzanne Reynolds.

Je ne sais pas pourquoi, mais je n'ai aucune confiance en cette femme. Malgré le fait que tout le monde ici semble l'adorer et que la simple prononciation de son prénom en ferait jouir plus d'un, je n'arrive pas à la cerner. Son regard froid et calculateur me fait toujours frissonner, et dès qu'elle pose ses yeux noisette sur moi, bien qu'ils soient bien moins perçants et expressifs que ceux de Caleb, je retiens ma respiration. J'ai l'impression qu'elle me scanne et qu'elle lit en moi comme dans un livre ouvert, et c'est loin de m'assurer, vu toutes les insultes qui me viennent en tête quand je la croise.

Ses sourires sont aussi chauds que l'Alaska en période d'hiver et sa voix aussi douce que du papier de verre. Dès qu'elle ouvre la bouche j'ai l'impression que c'est pour m'agresser, me menacer. Je suis probablement pas mal paranoïaque, aussi, ce qui pourrait d'ailleurs expliquer les regards que je crois voir Caleb me lancer.

C'est alors que je réfléchis au monde qui m'entoure et au sens profond de la vie que David se décide à venir me voir.

- Salut Willow. Je voulais savoir comment ça allait depuis la dernière fois, Elijah t'as bien amoché quand même.

Je reste pantoise devant tant d'attention. Depuis que nous sommes ici, David et moi avons dû nous adresser la parole quatre fois au total, et ça comprend le fait de se demander le sel ou la carafe d'eau à la cafétéria.

- Eh bien il m'a emmené à l'infirmerie, et j'ai même eu droit à deux points de suture, si tu veux tout savoir, je lui réponds, fière.

- Oulah, une vraie warrior ! Dis-moi, je ne sais pas si tu es proche de Sheïla, mais en tant que fille vous devez sûrement plus parler...

Il marque un moment de pause, baissant le regard et se triturant les mains.

- Je voulais juste savoir si tu pouvais lui parler un peu, juste pour savoir ce qu'elle ressent vraiment par rapport à moi, à nous... enfin voilà quoi, termine-t-il, presque essoufflé, rouge comme une écrevisse.

Je retiens un grognement. Si Caleb et Adrianna n'étaient pas en train de nous fixer, je crois bien que je lui aurais balancé mon poing dans la figure, histoire de lui remettre les idées en place. L'entrainement a beau être terminé et la fatigue commencer à se faire sentir, je me sens tout d'un coup plutôt en forme pour un deuxième round.

Non seulement ça fait des jours qu'il ne me parle pas et qu'il ne me reconnait pas, mais en plus il ose venir me voir pour me demander de le mettre dans les petits papiers de Sheïla alors que Dana est sûrement là dehors à se morfondre à son propos. Ah les garçons ! Aucune fidélité n'est-elle donc possible en ce bas monde ?

J'avale méthodiquement ma salive avant de lui répondre, de peur d'être trop cinglante.

- Écoute, je ne veux pas te vexer, mais je suis plus du genre à rester dans mon coin, et m'occuper des petites histoires d'amour en tout genre n'est pas vraiment mon truc.

Je sais très bien que malgré la réflexion préalable et le cheminement de mon cerveau sur le fait que je ne devais clairement pas l'envoyer balader a échoué, mais c'est plus fort que moi. David est un connard, c'est définitif. Si la mémoire lui revient un jour, je me promets de lui donner la raclée qu'il mérite.

N'attendant pas sa réponse et comptant faire une sortie triomphante, je me retourne violemment, me cognant contre quelque chose de dure et chaud à la fois.

Je déglutis et ferme les yeux très fort, espérant ne pas les ouvrir sur la personne à laquelle je pense présentement et qui n'a pas quitté ma tête depuis quelques jours déjà.

Un raclement de gorge me fait remonter le regard et je me fige, ne sachant même plus mon prénom. Je ne sais pas pourquoi il me fait cet effet-là, hormis son physique d'armoire à glace plutôt avantageux. Après tout il est notre Sergent Instructeur, et même si l'information n'a pas été diffusée en masse, je ne pense pas qu'il soit conseillé de sortir avec ses supérieurs.

Enfin, ce n'est pas comme si lui pouvait être attiré par moi de toute manière. La grande gigue qu'est Adrianna semble particulièrement lui convenir, et je ne peux pas le blâmer. Sa beauté est telle que je tournerais bien homosexuelle, juste pour avoir l'honneur de la côtoyer.

Mais qu'est-ce que je raconte, enfin ?

Je reviens à moi quand ses yeux inquisiteurs se pose sur moi, le regard interrogateur, un sourcil levé.

- Un souci, numéro 308 ?

Sa voix est froide, mais je sens un sous ton amusé. Je me renfrogne aussitôt. Je déteste qu'on m'appelle par mon numéro. Mon prénom est tout ce qui me reste de ma vie d'avant, jusqu'à ce que je retrouve la mémoire et que je décide d'envoyer tout balader.

- Rien, Sergent Instructeur Underwater, affirmé-je en me positionnant au garde à vous.

- Bien, allez rompez les rangs.

Je m'exécute non sans marmonner dans ma barbe.

- Je t'entends, Willow.

Je me fige quelques instants, peinant à cacher le petit sourire qui commence à se dessiner sur mes lèvres. Il m'a appelé par mon prénom. La journée n'est peut-être pas si perdue que ça, après tout.

- Tu ne penses pas que tu exagères un petit peu ? Je t'ai connu moins chochotte ?

Je rigole tout en avançant vers le réfectoire, tenant la porte à Elijah.

- Mais non, je te jure, j'ai un mal de crâne du tonnerre depuis que nous sommes arrivés ici, et ça ne fait qu'empirer. Et puis tu peux parler, madame je-me-fais-mettre-des-points-de-suture-dès-le-premier-combat !

- Oui mais au moins, moi, je ne pleure pas, rétorqué-je en m'emparant d'un plateau.

- Qui t'as dit que je pleurais ? me répond-il outré.

- Ça ne saurait tarder, fais-je en lui tirant la langue, changeant d'expression à la vue de la pâtée au menu du jour.

- C'est vraiment dégueulasse, chuchoté-je en m'éloignant.

- Je vous ai entendu, 308. Si vous n'êtes pas contente, venez nous aider, ce sera un plaisir de vous accueillir dans nos cuisines avant l'entrainement, lance Georgina, la cuisinière ventripotente.

- Non merci Gigi, ça ira !

J'aime beaucoup cette femme. Elle a beau savoir que j'ai sa cuisine en horreur, elle est toujours aimable avec moi, et me mets souvent ration double... quel bonheur !

- Bon, changeons de sujet, vu que madame ne semble pas disposée à me plaindre !

J'étouffe un rire en enfournant une bouchée du ragout, quelque peu surprise. Ce n'est pas si mauvais, pour une fois.

- J'ai entendu dire que les classements étaient affichés dans la salle commune ! Ce serait intéressant d'aller jeter un œil, histoire de voir à quelle sauce on va être mangé. J'ai entendu que les derniers en bavaient beaucoup plus que les premiers. Caleb et Adrianna ne les lâchent pas d'une semelle, quitte à les faire craquer ! De vraies teignes, ces deux là !

- Des teignes ? Tu ne me disais pas, il y a quelques jours à peine, qu'Adrianna était la créature la plus merveilleuse engendrée sur Terre, et qu'il faudrait être complètement fou pour ne pas tomber amoureux d'elle ?

- Pour tout te dire, je le pense toujours, physiquement du moins ! Parce que au niveau mental et moral... disons que j'ai du mal avec les gens qui brutalisent gratuitement les plus faibles.

Cette fois, je ne retiens pas mon rire, c'est une blague.

- Qu'est-ce qu'il y a encore ? Je vais finir par croire que tu me détestes, à force de te moquer de moi.

Ses yeux me lancent des éclairs, mais je vois bien qu'au fond de lui, il est aussi amusé de la situation.

- Écoute, franchement, je ne sais pas s'il y a une seule personne dans ce réfectoire qui n'a pas déjà tabassé ou qui ne tabassera pas un plus faible ! Regarde autour de toi, franchement. Et regarde-moi. J'ai un œil au beurre noir, la pommette ouverte, un bleu qui fait la moitié de mon cou et je ne te parle même pas de mon corps recouvert d'ecchymoses.

- Si il n'y a que ça, je peux t'aider à...

- Oh arrête ton char, tu veux !

Son regard pervers et ses allusions ne durent que quelques secondes, et nous éclatons de rire en même temps. Je crois m'étouffer avec mon propre souffle tellement je rigole quand une entrée tonitruante nous coupe dans notre élan.

Caleb est là.

- Arrête de le reluquer, ça en devient gênant, chuchote Elijah, un brin de malice dans le regard.

- N'importe quoi ! Je ne le fixe pas tant que ça, et puis tu peux parler ! Je te vois lancer des regards de braise à Adrianna dès que j'ai le dos tourné !

- Faux et totalement faux !

Je vais pour répliquer quand une voix suave et rauque se fait entendre.

- Il y a un problème ?

- Non, rien ! Aucun souci Sergent !

Je croise encore une fois le regard de Caleb et le détourne presqu'aussitôt, trouvant tout à coup la couleur de mon ragoût bien plus intéressante que tout ce qui pourrait se trouver dans cette pièce.

- Tu vois, qu'est-ce que je te disais, même lui l'a remarqué, chantonne Elijah alors que ma kryptonite – c'est le petit nom qu'on lui a trouvé en attendant, faute de mieux, me tourne le dos et va retrouver sa dulcinée qui m'assassine du regard.

- Tais-toi et mange.

Toute ma bonne humeur s'est envolée d'un coup et je trouve que notre déjeuner n'a plus si bon goût.

C'est une heure après le déjeuner que je retrouve Elijah dans la salle commune, après avoir effectué mes corvées de la journée.

Je dirais bien que Caleb me déteste, car je sais pertinemment que tomber, par pur hasard, bien entendu, sur « récurage des sanitaires » pendant trois semaines d'affilées est plutôt rare. Mais je me laisse faire. Après tout je ne suis pas en train de croupir dans les caves de notre bâtiment, ni en train de pourrir au soleil, un trou béant dans le crâne. Avant, j'aurais sûrement piqué une colère, en ajoutant la liberté d'expression et les droits de l'Homme à mes arguments, maintenant, je relativise.

- Tu es en retard, énonce Elijah tandis qu'il est vautré sur un fauteuil à moitié éventré, un cure dent à la bouche.

- Excuse-moi, mais vous, les garçons, n'êtes pas connus pour être d'une propreté exemplaire en matière d'excréments, et quelqu'un m'avait laissé un petit cadeau, si tu vois ce que je veux dire.

- Pas la peine de donner des détails, j'ai très bien compris sans ! Bon allons voir ce tableau, histoire de constater à quel point je suis génial par rapport à toi !

Je lève les yeux au ciel et le dépasse sans même lui adresser un regard.

Le tableau n'est pas difficile à repérer, tout le monde se tenant devant, excité ou complètement terrorisé à l'idée de voir son résultat.

Personnellement, je ne me fais aucune illusion. Je sais bien que je suis loin derrière Elijah, et je ne suis pas surprise de le voir dans les dix premiers, huitième, pour être précis.

- Devinez qui est le premier toutes catégories confondues ? demande une voix triomphante que je ferais bien taire d'un coup de poing dans la glotte.

Calvin est de plus en plus exécrable. Nous ne sommes là que depuis quelques jours, et déjà il se prend pour le chef attitré de notre section. Je déteste les ordres, je déteste être dirigée, encore plus par un gamin sans cervelle plus jeune que moi qui n'a encore rien compris à la vie.

- Oh, mais dis-moi Willow ! Ce ne serait pas toi, là, en 28ème position ? demande Sheïla le plus innocemment du monde.

Je déglutis à l'entente de ce numéro et m'avance rapidement vers l'affiche. Ce n'est pas possible. Je ne peux pas être descendue aussi bas. Je sais que je suis loin d'être une flèche et que j'ai morflé ces derniers temps à l'entrainement, mais je ne peux pas être dans les derniers, c'est impossible.

Pendant que je fais glisser mon doigt sur l'écran noir, Sheïla ajoute :

- Heureusement que tu es derrière Kira et Kitty, ça en serait devenu gênant sinon, pouffe-t-elle tandis que David sourit, la prenant dans ses bras.

Je souffle le plus lentement possible, faisant sortir toute la rage qui monte en moi à ce moment précis.

Me retournant, je me pare de mon plus beau sourire, bien décidée à ne pas leur montrer à quel point le classement peut m'affecter. Après tout, ce n'est qu'un chiffre comme un autre.

- L'avantage, c'est que je ne peux pas tomber plus bas. Et puis je suis plutôt fière d'être aux côtés de K2 (surnom qu'on leur avait donné car elles étaient inséparables), je les trouve plutôt sympa !

- Si tu aimes côtoyer les perdants, c'est ton choix, Willy.

A l'entente de ce surnom, je me fige. Je ne sais pas si David est conscient de ce qu'il vient de dire, mais c'était exactement comme ça qu'ils me surnommaient tous, quand nous étions encore ensemble, dans notre quartier ravagé de Bakersfield.

- Tu sais David, vaut mieux être en bas de l'échelle et la remonter doucement, à la loyal, qu'être un gros con tout en haut et la dégringoler en se cassant la gueule bien comme il faut.

Je vais pour partir, mais me retourne une dernière fois.

- Et puis, si je ne me trompe pas, tu n'es que quinzième. Ce n'est pas très reluisant, comparé à Sheïla qui est huitième. Si j'étais toi je ferais attention, elle pourrait se lasser.

Je n'attends pas de réponse de sa part, sa tête déconfite et haineuse me suffit. S'il veut la guerre il l'aura, mais pas avec moi. Je ne compte pas gaspiller mon énergie à raviver la mémoire d'un garçon complètement déconnecté de la réalité.

Voilà le chapitre 7 en ligne, et à l'heure cette fois je vous prie ! J'espère qu'il vous aura plu et que vous me laisserez un petit commentaire avec un avis, positif ou négatif ! N'hésitez pas à liker et partager autour de vous !

Plus que 3 chapitres à venir et j'arrêterais ensuite de publier sur Wattpad ! Je me trouverais ensuite quelques betas lecteurs !

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