Chapitre huit - Rendez-vous nocturne



Je ne compte pas me laisser abattre. Et il est clair que quand Elijah me rattrape, je ne suis pas fière des larmes qui coulent sur mes joues. J'essuie d'un geste rageur les gouttes qui dévalent le long de ma mâchoire et lui fais face.

- Eh Willow... allez viens là.

Je me crispe alors qu'il me prend dans ses bras, et me détends au bout de quelques secondes. Son contact est chaud, réconfortant. Ça me rappelle de bons souvenirs. Elijah, lui, au moins, a toujours été gentil. C'est peut-être pour ça que j'ai du mal à trouver des excuses à David. Si Elijah a réussi à garder sa personnalité dévouée, malgré sa perte de mémoire, pourquoi lui n'a-t-il pas réussi à rester comme avant ?

Toutes ces questions sans réponses commencent vraiment à me peser.

Je me détache d'Elijah, le repoussant d'une main sur son torse, enlevant le reste de larmes qui a commencé à sécher dans mon cou.

- Je suis désolée, je sais que je ne devrais pas pleurer pour si peu c'est juste que...

Alors je pense à lui dire. À tout lui raconter. Après tout, peut-être que si je lui parlais de notre passé commun, il se souviendrait et tout reviendrait à la normale. Mais quelque chose me retient, je ne sais pas quoi, mais j'ai le sentiment que je n'ai pas le droit de le mêler à mes problèmes. Pas encore. Pas tant que notre vie n'est pas en danger.

- Je ne sais pas. Je pense que je suis un peu sur les nerfs, soufflé-je en rigolant, nerveuse.

- C'est normal. Ce classement et idiot, mais il est néanmoins important. Je pourrais t'aider à t'entrainer si tu veux. Je suis loin d'être le meilleur, mais je ne suis pas mauvais au combat rapproché, pour le tire par contre, je ne pense pas faire grand-chose pour te venir en aide, sourit-il.

Ses dents sont d'un blanc éclatant, et je ne peux m'empêcher de lui répondre par l'affirmative, laissant mes zygomatiques relever mes pommettes, plisser mes yeux et dérider mon front (ce qui n'était pas une mauvaise chose, car au rythme où je fronçais les sourcils, j'aurais bientôt la peau d'une grand-mère de quatre-vingt ans).

Il m'entraine dans un recoin plus sombre, s'assurant que personne ne nous regarde. Nous n'avons jamais été aussi proche l'un de l'autre, et j'ai alors peur qu'il se méprenne sur mes sentiments à son égard quand ses lèvres se rapprochent dangereusement des miennes.

- Personne ne devra le savoir. Il est clair qu'ici, les gens doivent se débrouiller par eux même, et je ne pense pas que nos entrainements seraient bien vus. Je te propose que l'on se retrouve dans les vestiaires à 3 heures, demain matin.

Je recule, légèrement surprise par la tournure des évènements, mais heureuse.

- Je sais que l'heure est tardive... ou matinale, tout dépend du point de vue duquel on se place et que l'endroit du rendez-vous peut paraitre incongru mais tant que je n'ai pas d'endroit fixé, je préfère qu'on se retrouve quelque part où ce ne sera pas suspect de trouver deux personnes à cette heure de la nuit, finit-il en plaçant un de ses bras à côté de mes cheveux, passant la tête par l'embrasure de la porte.

- Viens, il n'y a personne, on peut partir.

Il me prend la main, et je perçois un froissement de tissu juste derrière nous, croyant voir une ombre, mais nous avons déjà tourné au coin du couloir et je n'entends plus rien.

Sheïla et David sont toujours dans la salle commune quand nous revenons, en train de se bécoter sur le divan. Si je fais tout pour ne pas croiser leur regard, je sais bien qu'ils m'ont déjà vu. Je sens les yeux bleu glace de David dans mon dos.

Un pincement au cœur après, je suis devant le bar en train de me servir à boire.

L'alcool était prohibé chez moi, enfin, je l'avais prohibé toute seule en fait. Mon père était l'alcoolique notoire du quartier, et si David, Dana et Elijah faisaient toujours tout pour me soustraire à sa main plus que lourde, les souvenirs que cette période m'a laissés sont encore inscrits puissamment en moi.

Je passe ma main sur mon épaule, frissonnant au touché rugueux de ma peau, me plongeant dans des souvenirs lointains jusqu'à ce que quelqu'un me bouscule et fasse s'évaporer mes réminiscences comme de la fumée.

- Je suis désolée, je ne t'avais pas vu, me lance une toute petite voix tandis qu'elle ramasse une tonne de papiers.

- Pas de soucis, j'étais un peu dans la lune aussi de toute façon.

Je lève les yeux et aperçoit Kira en train de regrouper le plus vite possible toutes ses feuilles. Je m'en empare d'une et écarquille les yeux, étonnée.

- C'est toi qui a dessiné tout ça ? demandé-je en lui tendant le croquis.

- Oui, ça me calme, parfois, répond-elle en repoussant sa mèche violette de devant ses yeux.

- C'est super beau ! Tu pourrais en faire ton métier, quand on sortira d'ici.

- Oui, sûrement...

Elle s'en va sans rien ajouter de plus, et je sens que je lui fais peur. Tout le monde fait peur à Kira. Et je la trouve d'autant plus attachante pour ça.

Je vais pour me rassoir quand une odeur de brûlé me monte aux narines, acre et noire.

Un nuage gris s'échappe de notre dortoir et c'est quand je m'y précipite en courant, mon t-shirt sur le nez que je me rends compte que c'est ma couverture qui est en feu.

Les flammes sont déjà hautes, et la disposition de ma couchette, entre deux murs juste à côté de la porte, fait qu'elle est difficile à atteindre.

Je jure dans ma barbe tandis que des curieux arrivent et jettent des coups d'œil par-dessus mon épaule, m'emparant à la volée d'un seau de glace disposé près du bar où j'étais accoudée quelques minutes plus tôt, me précipitant vers les toilettes.

L'incendie est déjà pas mal étendu quand je reviens avec mon eau, la balançant presque à l'aveugle dans le brasier. Je tousse et m'attache un foulard préalablement mouillé. Les yeux me piquent et je retourne à toute vitesse remplir mon unique chance d'éteindre ce merdier.

J'insulte deux trois personnes au passage, restée plantées là ou en train de courir dans tous les sens sans changer la situation.

Alors que je rentre de nouveau dans la chambre avec le reste de flotte à balancer, une alarme stridente retentit et je me prends littéralement une douche sur la tête, le feu s'éteignant en un bruit de gargouillis, la combustion se terminant tranquillement en un nuage de fumée noire, la chaleur qui s'en émane encore s'apaisant doucement.

Je reste plantée là, les bras ballants, observant Caleb. Il se tient de toute sa hauteur, les bras croisés dans l'embrasure de la porte. Il me fixe d'un air mécontent, je lis presque le dégoût dans son regard.

- Pathétique.

C'est le seul mot qui traverse ses lèvres, tandis que j'ôte mes cheveux de mes yeux et qu'un Elijah complètement affolé apparaît avec deux seaux dans les mains.

- Bouge pas Willow, j'suis là, je vais...

Il s'arrête net à la vue du tas de cendre, regardant ses mains.

- Ah, je vois. Je crois que j'arrive un peu trop tard, fait-il plus pour lui-même que pour moi, repartant la tête basse.

Alors que Caleb s'apprête à s'en aller et que je me retourne pour ne pas lui montrer à quel point son comportement me perturbe, je me jette sur lui et le saisi par le bras.

Son contact m'électrise et je retire rapidement ma main, le regardant droit dans les yeux, durcissant mon regard au maximum.

- Pourquoi ?

Devant son manque de réponse évidente, je réitère ma question, plus fort cette fois.

- Pourquoi es-tu comme ça avec moi ? Pourquoi m'ignores-tu, puis es-tu gentil, pour finalement devenir cruel avec moi ? Pourquoi ?

J'ai du mal à respirer et ma poitrine se soulève difficile tellement mon énervement est grand.

Je crois voir un sourire se dessiner sur ses lèvres jusqu'à ce que j'entende son ton froid et sa voix cassante.

- Pourquoi est-ce que tu crois que tout tourne autour de toi, 308 ?

Puis il part sans rien dire de plus. Me laissant plantée là, trempée jusqu'aux os et sans endroit pour dormir.

Je n'ai même pas le temps de me retourner et de penser à autre chose que j'entends des ricanements dans mon dos. Je souffle entre mes dents, refusant de les regarder en face. Je sais très bien de qui proviennent ces rires de hyènes. Et je pense aussi savoir qui est à l'origine de toute cette mascarade.

Sheïla et David doivent être heureux. Mais rira bien qui rira le dernier. La vengeance est un plat qui se mange froid, et j'ai beau être rancunière, je suis plus intelligente qu'eux. Je trouverais un moyen de me venger, sans me faire pincer, et à la loyal. Et ce moyen commencera ce soir à trois heures tapantes.

Le réveil est plus facile que ce que je ne l'aurais pensé, le fait que je n'aie pas fermé les yeux de la nuit aidant probablement. Je me lève difficilement et m'étire. Le sol est encore plus dur sans couverture et mon coin commence à me manquer, mais la chaleur qui s'en émane encore m'empêche d'y retourner.

Je passe discrètement devant le lit d'Elijah et me rends compte qu'il n'est déjà plus là.

Je commence à partir, me demandant à quelle sauce je vais être mangée. J'espère qu'il ne mettra pas en place la simulation car je ne me sens pas d'humeur à me faire attaquer de tous les côtés.

Je fais le moins de bruit possible et me fige quand un cri résonne dans les dortoirs, pour finalement me rendre compte que ce n'est que Kitty Eiceman qui hurle dans son sommeil, bougeant et se débattant dans tous les sens. J'hésite entre attendre, la réveiller ou l'étouffer dans son oreiller, mais elle se calme d'elle-même. Par un miracle qui m'échappe, elle ne semble avoir réveillé personne, je perçois cependant du mouvement sur ma gauche m'immobilise instantanément pour la seconde fois de la soirée.

Tournant la tête le plus doucement possible, je plisse les yeux, mon regard ne s'étant pas encore totalement fait à l'obscurité ambiante. C'est alors que je tends le cou qu'un bruit d'essoufflements et de légers gémissements retentissent à mes oreilles. Je recule vivement, rouge comme une tomate, remerciant le ciel de me fournir une nuit aussi noire pour n'être vue de personne.

Une voix résonne suavement, et je reconnais directement la tonalité. David.

- Sheïla...

Il peine à prononcer son prénom qui se termine en un soupir de satisfaction intense.

Ne voulant ni en voir ni en entendre plus, je cours hors de notre dortoir, ne faisant même plus attention à ma discrétion, le cœur brisé.

Je sais très bien que c'est ridicule, qu'il n'était que mon ami, et accessoirement le copain de ma meilleure amie, mais je ne peux m'empêcher de me sentir triste et désolée pour Dana.

Leur couple était si beau, elle était si amoureuse. Je me sens aussi trahis qu'elle se sentirait et je comprends alors que les choses ne feront qu'aller de pire en pire si je ne me dépêche pas de trouver une solution pour tous nous sortir de ce merdier.

Je n'ai pas le temps de me remettre des émotions et de mon dégoût qu'Elijah apparaît devant moi, éclairé par un unique rayon de lune filtrant à travers une fenêtre à moitié couverte par du scotch noir. Il me prend par le bras en m'indiquant de ne pas faire de bruit et m'emmène vers notre salle d'entrainement habituelle. Un feu nouveau brûle en moi.

Voilà voilà ! Oui, aujourd'hui j'ai décidé de publier un Vendredi, parce que j'avais envie !

Plus que 2 chapitres à mettre en ligne puis je continuerais de mon côté et réécrirais cette histoire !

J'espère qu'elle vous aura plu et que vous me laisserez votre avis en commentaires !

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