Acculée dans un coin sombre, je respire avec difficulté. une douleur lancinante me frappe le flanc gauche. j'écarte doucement les pans de ma veste en velours noire et presse ma main contre ma peau. Un liquide chaud glisse le long de mes doigts. Une tâche rouge se répand doucement sur mon top blanc. La blessure ne me semblait pourtant pas si profonde. Je suis épuisée, je n'en peux plus. Je commence à pleurer. Une onde de douleur me parcourt le corps. Je ne peux lui échapper. Les ténèbres viendront bientôt m'enlacer, je ne suis pas de taille à lutter. Je ferme les yeux, secouée de sanglots. Mes larmes se mêlent à mon sang.

"Je veux juste qu'on me laisse tranquille..." je murmure à l'intention de l'univers.

J'ai tellement froid que j'en frisonne. Ce n'est pourtant pas les briques du mur sur lequel je suis recroquevillée qui me refroidissent. Je suis gelée de l'intérieur. Tremblante, j'éclate en sanglots. J'ai essayé, j'ai essayé de tenir aussi longtemps que possible, de tout faire, de tout gérer, de ne jamais lâcher... Voilà où j'en suis maintenant, à vouloir en faire plus que je ne le peux, plus que mon corps ne peut endurer. Parlons-en d'ailleurs, de ce corps qui n'arrive jamais à suivre mes envies, qui me fait régulièrement faux-bond, qui m'abandonne lorsque j'en ai le plus besoin, qui me fait souffrir sans raison.

Je hurle ma douleur à la lune illuminant le ciel. Mes pleurs redoublent en intensité.

Je repense à une chanson qui s'intitule "Princesses don't cry". je dois dire que c'est un peu raté... Je ne suis pas une princesse étant donné le flot de larmes chaudes qui inondent mon visage.

"Non tu n'es pas une princesse" entends-je une voix souffler, faisant écho à mes pensées.

"Tu n'es pas une princesse, tu es une warrior."

Je lève doucement la tête, mais je ne vois personne. Pourtant, je sens une présence à mes côtés, j'ai l'impression qu'une main vient de se poser sur mes genoux, repliés contre ma poitrine.

"Tu es une warrior" poursuit la voix, "tu es la personne la plus forte que je connaisse et je te respecte pour ça."

Mes larmes se tarissent au fur et à mesure que j'entends ces paroles réconforantes.

"Tu as le droit de craquer, tu as le droit de pleurer, mais ne te morfonds jamais."

"Tu es capable de beaucoup de choses Audrey, je dirai même que tu es capable de tout. Tu es belle, courageuse et forte, ne te laisse pas abattre."

J'ai l'impression que quelqu'un me serre dans ses bras. Je ne pleure plus. Une douce chaleur apaisante m'envahit.

La silhouette d'un homme grand apparaît au coin de la ruelle. Son long manteau et son haut-de-forme le grandissent à tel point qu'il semble faire deux bon mètres. Je ne vois de son visage que son sourire machiavélique. Il s'approche de moi avec nonchalance. Il sait que je suis blessée, puisque c'est lui qui m'a infligée cette plaie.

Il vient m'emmener. Je sais qu'il va d'abord me paralyser pour ensuite me saisir et me porter jusque dans les ténèbres de la souffrance.

Je ne veux pas y'aller.

Je refuse de me laisser faire.

J'ai mal, oui. Je suis épuisée, oui.

Mais je n'abandonnerai pas.

Prenant appui sur le mur de briques, je me lève avec lenteur mais détermination.

Je ne finirai pas comme ça. Je ne me laisserai pas aller, je ne lâcherai pas, je ne veux pas laisser tomber !

Je sens une force incroyable monter en moi.

Je gronde à l'intention de l'homme de l'Ombre.

Surpris, il arrête d'avancer. Il pensait avoir drainé ma détermination, il pensait m'avoir blessée au point que je me rende sans faire d'histoires.

C'est à mon tour d'avancer. Après quelques pas hésitants, mes jambes gagnent en force et en assurance. je marche dans sa direction, des flammes dans les yeux ... j'accélère le pas... je suis maintenant en train de courir, non pour fuir, mais pour l'affronter.

"Je suis une warrior !" je crie de toutes mes forces en fonçant vers lui.

Avec un mouvement de recul, l'homme de l'Ombre ouvre son grand manteau. Mille et une lames en jaillissent et me transpercent. La douleur déjà présente dans mon corps s'intensifie. je grogne en ralentissant mon pas. je sais que tout ce qu'il veut c'est que je m'abandonne à lui. Il veut achever ma volonté.

Je ne lui ferai pas ce plaisir.

Je reprends ma course de plus belle. Chaque mouvement est souffrance mais je ne faiblis pas.

"C'est ça, bats-toi" m'encourage la voix.

Un halo rouge flamme m'entoure. La présence de tout à l'heure est revenue. Cette fois, elle me tient la main et court avec moi. Avec elle, je suis capable de vaincre les ténèbres.

J'arrive devant la silhouette menaçante de l'homme de l'Ombre. Je prends mon élan et transmets toute ma force dans mon poing, qui se dirige dangereusement vers son plexus solaire. Mais juste avant que je ne l'atteigne, il disparaît, s'évaporant dans la nuit.

Je me redresse juste à temps pour ne pas tomber. J'attends quelques instants. Il peut revenir à la charge. Je laisse s'écouler une bonne vingtaine de minutes avant de prendre conscience de ma victoire.

Je l'ai vaincu.

Jusqu'à la prochaine fois.

Je sors de la ruelle où je m'étais cachée. Le soleil me sourit et illumine mon visage pâle. La douleur s'atténue et ma blessure n'est plus qu'une cicatrice.

Je sais que ce n'est que partie remise. Je sais que la douleur et l'épuisement m'envahiront à nouveau. Je sais que l'homme de l'Ombre reviendra me chercher. Mais je sais aussi que je le vaincrai encore une fois, comme je le fais depuis quelques années déjà.

Je souris aux rayons chaleureux du soleil. Pour l'instant je vais profiter de ce moment d'accalmie pour faire toutes les choses que j'ai envie de faire.

Je me retourne vers la sombre ruelle dont je suis sortie. J'aperçois le sourire machiavélique de l'homme de l'Ombre dans le coin même où je m'étais recroquevillée tout à l'heure.

"A bientôt."