XII


Marshall s'écarta brusquement. Il venait de réaliser ce qu'il avait fait. A quelques centimètres à peine de son visage, les lèvres d'Anvil étaient toujours humides et entrouvertes.

Son cœur s'était soudain mis à battre à une cadence folle, et il l'avait embrassé sans même pouvoir contrôler son geste. A présent, sa poitrine ne s'était toujours pas calmée, mais il avait retrouvé sa raison.

Marshall ne pouvait plus soutenir le regard d'Anvil. Il tourna la tête, ne sachant pas très bien ce qu'il était censé faire.

Mais avant qu'il n'ait eu le temps d'y réfléchir, le mécanicien s'écarta de lui et se dirigea vers ses machines. Soulagé, Marshall contempla son dos un instant, s'interrogeant toujours sur son geste.

- Ne t'en fait pas, dit Anvil, je sais très bien que retrouver un bras peut être euphorique, je sais que pour toi ça ne représentait rien. Je ne vais pas te retenir plus longtemps maintenant que tu sais le bouger. Il faudra seulement que tu reviennes me voir de temps en temps pour s'assurer que tout va bien, et pour l'exoarmure, bien évidemment.

Marshall était confus, les paroles d'Anvil étaient censées le soulager, et il l'était, mais une autre étrange sensation rentrait en conflit avec la précédente. Il préféra l'ignorer, et se confirmer à lui-même que le bon fonctionnement de son nouveau bras mécanique l'avait rendu heureux au point de montrer une reconnaissance excessive. Rien de plus.

Quelques heures plus tard, Marshall avançait d'un pas confiant, bien que toujours douloureux, dans les longs couloirs des bâtiments de l'armée. Une fois arrivé devant la porte du bureau du colonel, il prit une profonde inspiration. Il allait leur montrer qu'il n'était pas encore hors service.

Il toqua et attendit l'autorisation d'entrer. Une fois à l'intérieur, il vit le colonel Warlock dos à lui, trop occuper à mettre de l'ordre dans ses documents. Il lui lança un vague « repos » sans même lui accorder un regard.

- Colonel, je sais ce que vous avez dit quant à mon futur dans l'armée, néanmoins, je viens vous demander de retrouver mon poste de sergent.

Marshall entendit le colonel Warlock avoir un bref petit rire. Et lorsqu'il daigna enfin le regarder, ses yeux se posèrent sur le bras mécanique. Immédiatement, il eut une expression de surprise qui laissa vite place à la colère.

- Anvil ? demanda-t-il simplement.

Marshall acquiesça. Il n'était pas sûr de comprendre la réaction du colonel.

- Alors ce mécanicien a encore fabriqué clandestinement un membre artificiel. Nous le lui avions pourtant interdit.

Il lui fallut un certain temps pour être sûr d'avoir compris. Marshall pensait que l'armée avait demandé à son mécanicien de lui confectionner ce bras.

- Clandestinement ?

- Oui, répondit le colonel Warlock, il l'a déjà fait pour cette femme de Stygian, et pour ces quelques estropiés qui erraient dans les rues. Ce n'est pas la première fois qu'il gaspille de si précieux matériaux. Et dire qu'ils nous servent à construire des armes. S'il s'est mis en tête de venir en aide à tous les miséreux, nous n'aurons plus d'armes pour la guerre qui s'annonce. Il ne va pas s'en tirer aussi facilement cette fois-ci.

Marshall se crispa, mais ne répondit rien. Compte tenu de ce que le mécanicien avait été forcé de faire par l'armée, il supposait qu'il tentait de se racheter en redonnant des membres mécaniques aux plus lésés. Et la ville de Zeaur débordait d'armes en tout genre, il ne pouvait imaginer qu'un jour l'armée en manquerait. Mais il voyait clairement les priorités du colonel.

- Bref, ce qui est fait est fait, dans votre cas, continua le supérieur. Pour répondre à votre requête, oui, oui, faites comme bon vous semble, réintégrer votre poste de sergent.

Mais soudain, une pensée sembla traverser l'esprit du colonel et d'un air menaçant, il s'approcha de Marshall.

- Dites-moi, ce ne serait pas vous qui avez fait la demande de ce bras à votre mécanicien ?

- Non, bien sûr que non, je ne savais pas qu'il était capable d'une telle chose.

Le colonel se détendit légèrement et esquissa un vague sourire.

- Vous voulez vraiment vous battre, n'est-ce pas, Marshall ?

- C'est ce que je sais faire de mieux, mon Colonel.

Son supérieur lui tapota son épaule valide et lui tourna à nouveau le dos pour s'installer à nouveau derrière son bureau.

- C'est très louable, Sergent. Ce mécanicien a désobéi aux ordres, et pour ça, il sera puni. Toutefois, pour une fois, il a choisi d'aider la bonne personne, quelqu'un d'utile pour l'armée. Vous êtes un bon élément, Sergent Marshall, nous avons été peinés lorsque nous avions constaté que nous ne pourrions plus compter sur vous, surtout avec cette guerre qui s'annonce.

Il y a quelque temps de cela, Marshall aurait certainement été satisfait de ces paroles. Mais aujourd'hui, il gardait une certaine rancœur pour l'armée qui l'avait si vite laissé tomber. S'il était un si bon élément que ça, le colonel aurait très bien pu demander officiellement à Anvil de le remettre en état. Néanmoins, il ne préféra pas relever ce point et se contenta d'acquiescer.

- Sergent, faites vos preuves au terrain d'entrainement avec votre nouveau bras, et je vous confierai un nouvel ordre de mission au plus vite. Vous tombez bien, il y a du nouveau concernant notre guerre avec les Parangons. Les événements s'enchainent et tout s'accélère. Bientôt, très bientôt, nous viendrons enfin à bout de cette faction.

Sur ce, Marshall prit congé colonel et se dirigea au plus vite dans ses quartiers. Il avait besoin d'être seul.

Une fois arrivé dans ce qui avait bien failli ne plus être son chez-lui, il se laissa tomber dans son lit dur et froid. L'appartement qui lui avait prêté l'armée était minuscule, l'intimité était rare à Zeaur. Il ne comportait que le strict minimum, à savoir un endroit dans lequel dormir.

Mais son calme fut de courte durée. Il venait d'entendre des coups frappés à sa porte. A contrecœur, il se releva et parcourut la petite distance qui le séparait de l'entrée.

Une fois la porte ouverte, il vit l'un de ses soldats, Longshot, dans l'encadrement de la porte. Plutôt surpris par cette visite, il l'invita à entrer.

- Eh bien ! Il s'en est passé des choses en si peu de temps. Entre la trahison de Barretta, l'annonce de mon changement d'escadron et la réintégration de mon poste sous vos ordres, je ne sais plus trop à quoi m'attendre.

- Ils m'ont enterré un peu trop vite, répondit Marshall.

Les yeux du soldat Longshot descendirent alors sur le bras mécanique de Marshall, et il eut une expression étonnée.

- Il s'est surpassé cette fois-ci, dit-il.

- Comment est-ce que tu sais ? demanda Marshall, légèrement méfiant.

Il y a quelques jours de ça, Longshot lui avait fait part des rumeurs au sujet d'Anvil. Il avait l'air d'en savoir beaucoup à propos de son mécanicien.

- Je me fais du souci pour vous, Sergent. Côtoyer ce mécanicien, ce n'est pas bon pour vous.

La méfiance de Marshall ne fit que s'accroitre et il n'était pas sûr de savoir où le soldat voulait en venir.

- Qu'est-ce que tu sais au juste sur lui ?

Longshot soupira et se laissa glisser sur l'une des chaises qui faisait face aux barreaux de la fenêtre.

- Vous vous souvenez quand je vous ai dit que je connaissais son ancien pilote d'exoarmure ? Eh bien, c'était moi. Je n'ai pas osé vous le dire immédiatement parce que je ne voulais pas être associé à lui. Quand j'ai découvert ce qu'il a fait, lorsque j'ai vu tous ces cadavres donnés en pâture pour sa pseudoscience, j'ai été profondément dégouté.

- Il a été forcé par l'armée.

Surpris, Longshot leva les yeux vers Marshall. L'espace d'un instant, il semblait le sonder du regard.

- Alors, il vous a raconté ? Ne croyez pas trop vite ses belles paroles. Il a l'art de manipuler les gens.

Marshall fronça les sourcils. Il ne comprenait pas très bien en quoi cela concernait le soldat.

- Tu as l'air bien préoccupé par mon sort, Longshot. Pourquoi est-ce que ça te dérange à ce point qu'Anvil soit mon mécanicien ?

Soudain, l'expression du soldat se fit plus dure avant qu'il ne reporte son attention ailleurs.

- Vous ne savez pas encore de quoi il est capable.

- Quelle était ta relation avec lui, exactement ? demanda Marshall d'une voix dure.

Une pensée venait de lui traverser l'esprit, une pensée qui ne l'enchantait pas, étrangement.

Le soldat ne répondit pas tout de suite. Il passa sa main dans ses cheveux, il semblait nerveux et cela ne faisait que renforcer un sentiment de colère que Marshall avait du mal à identifier.

- Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, Sergent. Je suis un soldat, il n'y a pas de place pour les « relations » au sein de l'armée. Il était simplement mon mécanicien.

Marshall, qui ne comprenait pas ses propres émotions, préféra se calmer et ne pas poursuivre cette conversation trop longtemps.

- Sergent, j'admets que je n'ai pas compris pourquoi est-ce qu'il s'est débarrassé de moi. Au début, j'ai pensé qu'il voulait ne plus travailler pour les pilotes d'exoarmure, puis, lorsque j'ai vu qu'il avait fait une demande spéciale pour être votre mécanicien, j'ai ressenti de la colère.

Marshall lui jeta un regard en biais. Il n'était pas sûr de vouloir connaître les intentions du soldat.

- Je ne cautionne pas ce qu'il a fait, poursuivit Longshot, mais il était... il est vraiment bon dans ce qu'il fait.

- Est-ce qu'il t'a amené à Stygian ? demanda Marshall, surpris par le ton agressif de sa propre voix.

- Pardon ? Euh... oui, pour des missions d'escorte. Pourquoi cette question ?

Il devait se débarrasser de cet agacement qui prenait peu à peu plus de place au fond de lui. Il n'était pas objectif, il devait calmer cette colère.

- Sergent, j'ai beaucoup d'estime pour vous. Je voulais simplement vous mettre en garde.

La présence du soldat commençait fortement à l'agacer. Il voulait qu'il s'en aille, qu'il parte au plus vite.

- Je ne vaux pas mieux que lui.

Longshot lui lança un regard énigmatique avant de se lever de sa chaise. Il paraissait tout aussi mal à l'aise que Marshall de sa présence chez lui.

- Eh bien, Sergent, je suis désolé si je vous ai dérangé, mais je vais y aller, j'ai beaucoup de travail qui m'attend.

Il esquissa un faible sourire et sortit de l'appartement de Marshall avec empressement.

Une fois seul, Marshall se rendit compte qu'il ne ressentait plus le besoin d'être seul, et qu'il avait particulièrement envie de voir quelqu'un en particulier.

C'est pourquoi, quelques minutes plus tard, ses pas le conduisirent presque machinalement vers les garages. Là, il se dirigea comme à son habitude vers l'atelier d'Anvil, celui qui était connu de tous.

Une fois là-bas, il vit le mécanicien très occupé sur les réparations de son exoarmure. Marshall pouvait encore voir quelques pièces du bras gauche absentes, et sur le sol, des débris étaient encore tachés de son propre sang. Un frisson lui parcourut l'échine et il serra le poing de son bras mécanique.

Puis, Anvil remarqua enfin sa présence et déposa les outils qu'il avait en main. Un coupa le générateur pour un semblant de calme dans le brouhaha incessant des machines et s'essuya les mains à l'aide d'un chiffon douteux.

- Marshall ? Qu'est-ce qu'il y a ? Un souci avec le bras ?

A vrai dire, il ne savait pas lui-même pourquoi est-ce qu'il était là, planté en plein milieu de l'atelier d'Anvil. Il s'était contenté de suivre un désir presque instinctif.

Voyant qu'il ne répondait pas, le mécanicien s'approcha de lui, et Marshall détourna immédiatement les yeux. Il n'arrivait plus à croiser son regard rouge duquel une chaleur semblait émaner.

- Marshall...

Il frissonna à nouveau, mais cette fois-ci, c'est parce qu'il venait de sentir la main d'Anvil frôler doucement sa joue. Ce contact le paralysa un peu plus, troublé par les réactions de son propre corps qu'il ne comprenait pas, une fois de plus.

- On dirait que tu commences à devenir plus honnête envers toi-même, n'est-ce pas ?

Chaque mot prononcé par Anvil le brûlait de l'intérieur. Sa reconnaissance avait des limites, il fallait qu'il se calme.

- Est-ce que tu veux me suivre derrière mon atelier ? Nous serons plus tranquilles.

Puis, il comprit. Marshall comprit alors que son corps avait une nouvelle fois besoin d'être calmé de la brulante envie qui le submergeait. Il se décida enfin à croiser le regard écarlate du mécanicien, puis la porte du petit entrepôt où il stockait ses outils, l'endroit qu'Anvil avait mentionné. Faiblement, il acquiesça.

Il suivit Anvil jusqu'à cette pièce à l'arrière de son atelier, et avant qu'il n'ait eu le temps de réaliser, son pantalon était baissé, et son intimité se retrouvait nue, offerte.

Il bascula la tête en arrière lorsqu'il sentit les lèvres chaudes d'Anvil se poser sur son sexe, et son esprit se brouilla un peu plus. A cet instant, seul le plaisir comptait pour lui. Il n'était plus question d'armée, ou de serment, seulement de cette irrésistible envie de soulager son corps et ses désirs incontrôlables.

Peu de temps après, il jouit dans la bouche d'Anvil dans un dernier râle de plaisir. A cet instant, son corps aurait dû se détendre et son esprit s'apaiser, mais il n'en fut rien. Il croisa à nouveau le regard d'Anvil et constata qu'il peinait à reprendre son souffle.

- Est-ce que ça va ? demanda le mécanicien.

Puis, une violente douleur le fit chanceler. Son bras le faisait atrocement souffrir, il avait l'horrible sensation qu'il serrait le poing à l'extrême, que tous ses muscles étaient tendus jusqu'à leur maximum.

Lorsqu'il jeta un coup d'œil vers la douleur, il remarqua alors qu'elle provenait de son bras gauche. Il n'avait pas plus mal à l'endroit où son bras avait été sectionné, non, son membre pourtant manquant était à l'origine de la douleur.

- C'est le bras ? demanda Anvil. Je peux le retirer, mais cela va prendre un peu de temps. Le tien ne fonctionne pas comme ceux de Madame Istar, il est plus performant.

- Non... peina à prononcer Marshall malgré la douleur qui s'intensifiait, c'est mon propre bras qui me fait mal, c'est comme s'il était toujours là, et que je serrais...

- Pourtant ta main mécanique n'est pas fermée... Attends.

Il s'éloigna de lui et le laissa seul pendant quelques minutes qui semblaient atrocement longues pour Marshall. Il ne comprenait pas pourquoi il avait l'impression que son bras de chair ne l'avait jamais quitté, et surtout, pourquoi est-ce qu'il n'arrivait plus à bouger celui fait de métal.

Lorsqu'Anvil revint enfin, il avait un miroir en main. Marshall le regarda, surpris, mais ne dit rien et se laissa faire lorsque le mécanicien l'obligea à s'asseoir et à placer son bras valide à côté du miroir.

- Ça arrive quelques fois, précisa Anvil. Il est fréquent que le cerveau ait du mal à reconnaître le mécanisme et qu'il rejette les nouvelles connexions. En général, ça prend quelque temps avant que tout ne soit totalement opérationnel. Mais ne te fais pas de souci, tu as réussi à bouger ton bras très vite, tu apprendras également à l'accepter sans trop de mal, j'en suis sûr.

- Mais pourquoi est-ce que j'ai l'impression que mon bras est toujours là ?

- Il s'agit d'un membre fantôme, ton bras manquant va mettre du temps à disparaître de ta conscience. C'est un phénomène tout à fait normal, tous les amputés que j'ai traités en souffraient. Ça devrait disparaître avec le temps et de la rééducation. Maintenant, concentre-toi. Serre tes deux bras de toutes tes forces.

Les paroles d'Anvil eurent pour effet de rassurer légèrement Marshall sur la nature de la douleur qu'il ressentait. La sensation était vraiment étonnante et totalement incompréhensible pour lui, mais il s'efforça de faire confiance au mécanicien.

Il regarda le miroir qui était posé à côté de son bras. Le reflet lui donnait l'impression qu'il possédait toujours son membre de gauche. Il se concentra, et fit ce qu'Anvil lui avait demandé.

- Très bien, maintenant, relâche.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, Marshall sentit son bras fantôme se détendre au même moment que son membre valide et la sensation de douleur disparue aussitôt.

- Mais comment est-ce que tu as su ? demanda-t-il.

- Les guerres engendrent beaucoup d'amputés. J'ai lu pas mal de documents provenant de l'Ancien Monde qui traitaient du sujet. Est-ce que tu sais à nouveau bouger ton bras mécanique ?

Marshall s'exécuta et bougea ses doigts de métal avec une totale aisance. Cependant, son expression se rembrunit aussitôt.

- Ça signifie que je ne suis toujours pas prêt ? demanda-t-il. Si ce genre de crise me reprenait lors d'un exercice, ils se rendront compte que je ne suis pas apte à aller sur le terrain.

- Normalement, grâce à cette expérience, il ne devrait plus y avoir de contradiction au niveau de ton cerveau et le membre fantôme devrait disparaître. Mais j'ai connu des cas où les douleurs et les sensations persistaient, surtout si la perte du membre était due à un traumatisme. Mais ne t'inquiète pas, la guerre n'est pas pour tout de suite. Tu auras le temps de te rééduquer jusque-là, tu ne crains rien.

Une fois de plus, Anvil tentait de le rassurer. Marshall se souvint des paroles du colonel et se demanda à quel point les événements avaient avancé la guerre qui approchait. Mais il préféra faire confiance au mécanicien et ne pas se soucier davantage de ce phénomène qu'il ne comprenait toujours pas.

- Pourquoi moi ? demanda subitement Marshall.

- Comment ça ? interrogea Anvil. Je pensais qu'on en avait déjà discuté, je t'ai déjà dit pourquoi.

- Non, je veux dire, pourquoi est-ce que tu as choisi de me faire ce bras ? Pourquoi est-ce que tu penses que je le mérite ? Je sais que tu as désobéi à l'armée pour me le créer.

Anvil soupira longuement et plongea son regard troublant dans celui de Marshall.

- Je pensais que c'était un peu plus clair pour toi à présent, mais j'ai sous-estimé ta stupidité.

Marshall prit immédiatement la mouche et fronça les sourcils, prêt à rétorquer quelque chose, mais Anvil le stoppa aussitôt.

- Marshall, tu ne t'es jamais demandé ce que je pouvais ressentir lorsque je te soulage ? Non, évidemment, ça ne t'est sûrement jamais venu à l'esprit de me rendre la pareille.

A cet instant, le corps de Marshall s'engourdit à nouveau. Pourtant, il venait d'être soulagé, il aurait normalement dû être apaisé pour un certain temps, mais lorsqu'Anvil s'empara de sa main, la sensation d'excitation reprit de plus belle.

- Regarde dans quel état je suis, simplement en te regardant.

Il guida la main de Marshall à travers son corps, pour finalement la déposer sur son bas-ventre. Là, Marshall sentit une érection évidente et il voulut retirer sa main, mais cette bosse qui s'était formée l'intriguait étonnamment.

- J'adore te toucher, Marshall, mais je rêve du moment où tu me ferais la même chose. Désolé, ce que je dis doit sans doute te rendre mal à l'aise, ou même te dégouter. Mais je ne peux pas m'empêcher d'aimer voir ce genre d'expressions sur ton visage.

Les lèvres d'Anvil se fendirent en un sourire lourd en sous-entendus, et un frisson de plaisir parcourut l'échine de Marshall. Il avait toujours sa main valide posée sur l'intimité du mécanicien, et lentement, très lentement, il l'a déploya et l'entoura de toute sa paume.

Lorsqu'il exerça une première caresse, il vit immédiatement le visage d'Anvil se transformer. Il le vit fermer les yeux et entrouvrir les lèvres, comme transporté. Il avait l'impression de revoir l'expression qu'il avait eue dans la boutique de Madame Istar, et il ressentit alors les mêmes sensations de plaisir, bien qu'Anvil ne le touchait pas.

Alors, intrigué, il eut envie d'aller plus loin, de voir les expressions nouvelles que son visage pouvait montrer. Il se surprit à le trouver beau, d'une beauté particulière et électrique, mais envoutante.

Il se surprit à trouver le tissu qui le séparait de sa chair en trop, et aidé de sa main de métal, il défit la fermeture du pantalon d'Anvil.

D'abord surpris, il ouvrit les yeux pour le dévisager avec appréhension, mais Marshall ne semblait pas vouloir revenir sur ses pas.

Et lorsqu'il rentra en contact pour la première fois avec le sexe tendu, Anvil fut comme parcouru d'une puissante décharge, la même qui s'emparait de Marshall sous ses caresses. Il s'aperçut alors que les lèvres entrouvertes du mécanicien étaient bien trop tentantes et captivantes. Il s'approcha, doucement, jusqu'à pouvoir sentir son souffle saccadé sur sa peau.

De sa main valide, il commença de longs va-et-vient. Il n'était pas sûr de son geste, il avait peur de mal s'y prendre, d'être simplement ridicule. Mais l'expression d'Anvil le confortait dans l'idée que c'était agréable, et surtout, il voulait continuer à le voir dans cet état.

Mais soudain, alors que Marshall venait d'augmenter le rythme de ses caresses et que les lèvres d'Anvil n'étaient plus très loin, une voix s'éleva de derrière la porte, provenant de l'atelier du mécanicien.

- Est-ce que le sergent Marshall est ici ? Le colonel Warlock doit le voir immédiatement.

Anvil rouvrit les yeux, et toute trace de désir disparut. A la place, il semblait contrarié.

- Je suppose que c'est important, dit-il.

Marshall ressentait tout autant que lui une profonde frustration. Mais il ne pouvait désobéir aux ordres du colonel. A contrecœur, il s'éloigna d'Anvil et prit la direction de l'atelier.

- Je suis là, dit-il à l'encontre du soldat qui était venu le chercher.

- Vous avez ordre de vous rendre immédiatement dans le bureau du colonel Warlock.

Sans envie aucune, Marshall s'exécuta. Sur le chemin, il contempla ses doigts mécaniques, et s'étonna de l'aisance avec laquelle il parvenait à les bouger et surtout, de la rapidité avec laquelle ceux-ci l'avaient abandonné un peu plus tôt.

Une fois dans le bureau du colonel, ce dernier le considérait avec bien plus d'attention cette fois-ci.

- Sergent, vous vous souvenez de ce que je vous ai dit plus tôt ? Cette guerre s'est considérablement rapprochée, mais j'en avais moi-même sous-estimé l'avancée. Il y a de cela quelques heures à peine, une patrouille au nord-est de la ville a relevé la présence de Parangons. Ils semblaient prendre des mesures, et toutes sortes de notes. Nous ne savons pas ce que cela signifie, mais une chose est sûre : ils préparent quelque chose, et nous n'allons pas attendre qu'ils soient prêts.

- Mais ils n'ont pas d'armes, n'est-ce pas ? demanda Marshall. Que peuvent-ils bien préparer ?

- Question pertinente, mais nous n'en savons rien à l'heure actuelle. Toutefois, nous ne voulons pas le découvrir par surprise. C'est pourquoi nous envoyer notre escadron ainsi que tous ceux des premières lignes à l'assaut de la ville la plus proche, Absol, non loin de l'ancienne Lautern.

Soudain, une peur glaça le sang de Marshall, mais il s'efforça de ne rien laisser paraître. Il savait qu'il n'était pas encore prêt à aller sur le terrain, et que son bras menaçait encore de lui faire défaut, mais il ne pouvait pas en faire part au colonel, de peur qu'ils ne se débarrassent totalement de lui.

- Oubliez ce que je vous ai dit concernant votre bras, poursuivit le colonel, je sais que ce mécanicien fait du bon travail et que vous êtes maintenant opérationnel. Je suis sûr que vous n'avez pas besoin d'exercices et nous manquons de temps. Vous partirez à l'aube, prévenez vos soldats. J'espère que votre exoarmure est totalement réparée.

Marshall fit un bref signe de la tête et s'empressa de sortir du bureau. A peine il eut fermé la porte, que déjà une vive angoisse s'empara de lui. Il releva son bras mécanique et fixa ses doigts qui ne se mouvaient déjà plus avec la même aisance. L'horrible impression qu'il bandait les muscles de son membre fantôme s'empara à nouveau de lui, l'espace de quelques secondes, mais il tenta de se calmer et de reprendre ses esprits. Néanmoins, il le savait, il n'était pas encore prêt à piloter son exoarmure.



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