XI


Uriel fut le premier à bondir, il se releva, et ses traits étaient déformés par la colère. En face de Bishop et lui, les gardes firent un mouvement en avant, prêt à agir à la moindre altercation. Bellona quant à elle ne sourcilla pas, pas le moins du monde impressionnée par cette soudaine rage.

- Vous prétendez peut-être faire partie de la Rébellion, mais vous êtes née Black Steam et vous le resterez, fulmina Uriel. Regardez-vous, à vouloir résoudre un conflit par la violence, à parler de vengeance personnelle alors que vous êtes à la tête d'autant d'hommes.

Bishop se leva lui aussi, il ne voulait pas causer du tort à Uriel par sa faute.

Bellona eut un petit rire sec et les toisa de toute sa hauteur avec dédain.

- Et toi, regarde-toi à parler comme un Parangon. C'est de là que tu viens, n'est-ce pas ? A croire que les Black Steam ne sont pas les seuls à garder leurs vieilles habitudes.

Uriel s'apprêtait à rétorquer avec véhémence, mais Bishop déposa sa main sur son épaule pour l'en dissuadé.

- Vous ne tirerez rien de moi, dit-il. Marshall est peut-être mon frère, mais ce lien ne signifie pas grand-chose pour lui. C'est à cause de lui si je suis un exilé. Lorsque j'ai désobéi à un ordre, il m'a tiré dessus dans hésité, et a manqué de me tuer de peu. Lorsqu'il me reverra, il n'aura aucun mal à terminer le travail. J'ai bien peur de ne servir à rien dans cette vengeance que vous préparez.

A ce moment, Bellona parut contrariée. Elle croisa les bras devant elle et détailla Bishop comme pour deviner s'il disait vrai.

- Nous verrons cela, dit-elle.

Elle leur tourna le dos et s'apprêtait à retourner dans la salle où un rapide camp avait été installé, quand Bishop rajouta :

- Si vous connaissez le Sergent Marshall, alors vous savez qu'il est connu pour être impitoyable.

Elle s'arrêta de marcher, mais ne se retourna pas. Après un court instant à rester immobile, elle se perdit à nouveau parmi les Rebelles.

Uriel se tourna immédiatement vers Bishop, sa colère ne semblait pas l'avoir quitté.

- Tu ne vas tout de même pas la laisser faire ? Bishop, elle veut te tuer !

- Je le sais bien. Je t'avais prévenu, ce clan de Rebelles peut s'avérer plus dangereux que les Hyènes. Mais je t'ai aussi dit qu'ils étaient plus raisonnables. Je suis sûr que j'arriverai à la convaincre de vous laisser partir et de continuer votre route vers l'est.

Mais ses paroles n'eurent pour effet que d'attiser un peu plus la colère d'Uriel.

- Est-ce que tu es stupide ? Nous ne te laisserons pas derrière nous à la merci de ces Rebelles.

Bishop sourit faiblement. Décidément, il avait du mal à cerner les motivations des Auxilium, et cette envie d'aider qui animait Uriel avec autant de passion. Il ne leur avait été d'aucune aide, il n'avait servi à rien si ce n'est à consommes leurs vivres et à leur faire perdre du temps. Il était temps que leurs routes se séparent.

- Je suis un exilé, Uriel, un oméga. Je suis voué à mourir. Toi, tu as une mission, un but. Je n'ai été qu'un poids pour vous, il est tant que cela cesse.

- Imbécile !

Soudain, un des gardes agrippa fermement Bishop par le bras et coupa court à leur conversation. Il les força à avancer. Arrivé dans la grande salle, Bishop se rendit compte que les Rebelles levaient le camp et s'apprêtaient à partir. Il devait retrouver Bellona pour lui faire part de son souhait de libérer les Auxilium.

- Où est votre chef ? Et où sont les trois autres personnes qui m'accompagnaient ? demanda-t-il.

Mais le garde ne lui accorda même pas un regard et ils continuèrent à marcher dans les longs couloirs sinueux des souterrains pendant de longues heures.

Longtemps après, Bishop n'avait toujours pas revu Bellona. A sa droite, Uriel marchait en lui jetant des regards inquiets. Bishop tentait de rester confiant, mais il craignait pour la suite.

Puis, la troupe des Rebelles fit mine de s'arrêter. Là, Bellona apparut enfin, et elle hurla à son clan qu'ils allaient remonter à la surface. Bishop voulut aller vers elle, mais le garde le lui en empêcha, et il se résigna à les suivre jusqu'au mince escalier qui allait enfin les faire sortir de ces souterrains putrides.

Une fois en haut, ils débouchèrent sur un endroit que Bishop ne connaissait pas. Cet endroit était caché de tout, enfoui sous une épaisse végétation. Ici, la nature semblait avoir repris le dessus et la terre semblait plus fertile. Le désert paraissait bien loin derrière eux.

Ils avancèrent encore sur plusieurs kilomètres, et lorsque leur procession prit fin, Bishop écarquilla les yeux de surprise. Il n'avait jamais vu pareil endroit. Le paysage n'en était pas beau pour autant, il semblait toujours meurtri, mais il y avait quelque chose de sauvage, de végétal que Bishop n'avait pas l'habitude de voir, lui qui était plus accoutumé aux cheminées et aux usines de la ville de Zeaur.

Et parmi tous ces arbres biscornus et ces mauvaises herbes, se trouvait une rivière qui serpentait à travers la forêt.

Les Rebelles s'arrêtèrent enfin et un nouveau camp fut installé.

Bishop profita du fait que le garde l'avait enfin lâché pour retrouver Bellona parmi la foule. Il la trouva finalement non loin d'un feu qui venait d'être allumé.

- J'ai à vous parler, dit-il.

Elle eut un sourire carnassier et ne daigna pas tourner son regard vers lui.

- Je ne sais pas pourquoi, mais je sens que tu vas me demander quelque chose.

- Laissez partir les Auxilium, gardez-moi avec vous si cela vous chante, mais libérez-les.

- Pourquoi est-ce que je ferais ça ? Qui ne me dit pas qu'ils vont aller livrer des informations sur nous aux Black Steam ?

- Vous avez dit les connaître, n'est-ce pas ? Alors, vous savez qu'ils ont une mission, et que ces conflits qui sont les vôtres ne les concernent pas.

Cette fois-ci, Bellona croisa enfin son regard. A nouveau, elle semblait le sonder.

- J'ai beaucoup d'estime pour les Auxilium, dit-elle. Lors du massacre de Lautern, beaucoup d'entre eux sont venus aider non seulement la population, mais aussi les soldats blessés. C'est après ce carnage que j'ai décidé de quitter l'armée et de rejoindre la Rébellion. Je les laisserai partir, si c'est ce qu'ils souhaitent. Mais je n'hésiterai pas à les tuer s'ils partent chercher de l'aide ou quoi que ce soit qui pourrait nous nuire.

Bishop eut un léger signe de la tête, pour confirmer leur accord. Néanmoins, il savait qu'Uriel n'accepterait pas aussi facilement.

- Leur guide s'opposera sûrement à cela, mais vous devez les libérer malgré tout.

Bellona planta à nouveau ses yeux durs dans ceux de Bishop. Puis, elle reporta son attention vers le feu, le regard lointain. Pensant que leur conversation était terminée, Bishop s'apprêtait à partir et à rejoindre Uriel, mais la voix de Bellona dans son dos l'interrompit.

- Je sais ce que vous devez vous dire à propos de nous. Parfois, nous ne valons pas mieux que les Black Steam eux-mêmes, et je le sais. Il est difficile d'être juste avec aussi peu de moyens, aussi peu de ressources. Je fais combattre des enfants, des infirmes, mais je n'ai pas d'autres choix. Parfois, il faut savoir faire certains sacrifices pour arriver à ses fins. Je n'arrive pas à me retirer de la tête que ma sœur est morte par ma faute, pourtant, c'est le canon du Sergent Marshall qui a perforé son cœur. Si ce que tu m'as dit est vrai, alors je suis désolée pour toi que le lien qui vous unis ne soit pas plus précieux à ses yeux.

Bishop se tourna vers elle et l'observa contempler le feu. Son visage était toujours aussi dur, mais il y avait quelque chose de triste dans sa voix. Tout ce qu'il souhaitait, c'était mettre les Auxilium à l'abri. Le reste lui importait peu. Sa propre vie n'avait pas de grande importance.

- Nous prenons soin des trois autres Auxilium, poursuivit Bellona. Nous avons une très bonne soigneuse, une ancienne Parangon qui nous accompagne. Elle est très habile, et elle saura arranger le visage de celui qui a été marqué. Elle l'a recousu avec beaucoup de minutie, il n'aura qu'une légère cicatrice. Ce sera autre chose que ce travail de boucher qu'ils ont fait à ma sœur. Quant à vous deux, vous feriez mieux d'aller vous laver dans la rivière. Vous devez vous débarrasser de ce qui grouille dans les souterrains si vous voulez rester en vie plus longtemps.

Et sur ces mots, il s'éloigna pour de bon de la chaleur du feu. Il revint auprès d'Uriel, et lorsque ce dernier l'aperçut, il se leva d'un bon et courut en sa direction.

- Tu as été lui parler, n'est-ce pas ? Mais je ne vais pas t'abandonner entre les mains des Rebelles, tu m'entends ?

- Nous réfléchirons à cela une fois que Jeliel, Aniel et Daniel seront remis sur pied, d'accord ? En attendant, nous avons l'autorisation de nous laver dans la rivière. Après avoir passé autant de temps dans les souterrains, je pense que nous en avons grandement besoin.

Uriel ne se radoucit pas pour autant. Il semblait fermement camper sur ses positions, et Bishop s'en inquiétait un peu. Il ne voulait pas qu'il tente quelque chose de stupide pour lui venir en aide, mettant ainsi sa vie en danger.

Ils s'éloignèrent légèrement du camp, toujours suivis de deux gardes. Ils suivirent la rivière jusqu'à un petit bassin légèrement isolé.

Là, Uriel ne tarda pas à retirer ses vêtements. Bishop l'imitait, mais lorsque son regard croisa le dos nu d'Uriel, il se figea. Il n'avait pas non plus pour habitude de voir des gens dévêtus. A Zeaur et dans ses alentours, il valait mieux être constamment couvert pour protéger la peau de la pollution et des radiations.

Mais ici, si la végétation était en mesure de pousser, c'est que l'air ne devait pas y être aussi irrespirable.

Puis, Uriel enleva ses bottes de marche et son pantalon. Bishop déglutit avec peine, ne s'attendant pas à être hypnotisé par sa chair. Il avait un corps bien fait, des épaules bien taillées et un dos étroit, mais puissant. Bishop se demanda alors si tous les corps étaient aussi beaux, ou si celui d'Uriel était particulier.

Lorsqu'il pénétra dans l'eau, Bishop craignit qu'il ne se tourne vers lui et remarque son regard insistant. Il détourna alors les yeux et se ressaisit, se défaisant lui aussi de ses vêtements.

L'eau était fraîche, mais agréable. Bishop avait presque oublié la sensation de sentir son propre corps, tellement il était habitué à s'armer de couches pour affronter les éléments.

Uriel était un peu plus loin, toujours dos à Bishop. S'il était en colère après lui, c'était sans doute une bonne chose. Cela rendra les adieux plus aisés.

Mais Bishop ne savait pas combien de temps ils allaient encore passer ensemble. Il savait que son envie était égoïste, mais il fallait qu'il lui parle encore une fois. Pour le convaincre de ne rien tenter de stupide, se convint-il avant de nager en sa direction.

- Uriel...

- Tu sais, je n'ai pas rejoint les Auxilium pour qu'on me force à nouveau à faire ce qui ne me plait pas, dit-il immédiatement.

- Uriel, il faut que tu comprennes. Ma vie n'a aucune importance, alors que vous, vous aidez et sauvez des gens. Je ne pourrais jamais être comme vous, je ne suis pas fait pour cela.

A ce moment, Uriel se tourna enfin vers lui. La lumière de la lune faisait briller l'éclat de colère dans ses yeux. Bishop ne l'avait jamais trouvé aussi beau qu'à cet instant.

- Elle n'a peut-être pas d'importance pour toi. Enfin, Bishop, c'est totalement absurde. Pourquoi est-ce qu'elle devrait te tuer pour assouvir sa vengeance personnelle ? Ta mort n'aidera même pas la cause des Rebelles !

- Tout ce que je veux, c'est que vous soyez en sécurité.

- Mais regarde autour de toi, Bishop ! cria presque Uriel. Regarde ! Où crois-tu que nous pourrions trouver un semblant de sécurité ? Les Rebelles et les Hyènes ne sont pas les premiers clans hostiles que nous croisons. Depuis que nous marchons, j'ai perdu cinq des Auxilium qui nous accompagnaient. Nous ne sommes en sécurité nulle part !

- Et vous l'êtes encore moins en restant auprès de moi ! hurla Bishop.

Il se sentait épuiser. Il était bien plus difficile de s'inquiéter pour les autres que pour sa propre survie, et surtout, c'était bien plus douloureux.

Alors, le visage d'Uriel se transforma. Il ne semblait plus en colère, il paraissait plutôt soucieux et accablé.

Le voir dans cet état lui était presque insoutenable, mais il valait mieux pour eux que cela se termine comme ça.

- Je suis désolé, Uriel. Je ne suis pas celui que tu crois. Je ne suis pas ton sauveur, ou celui que tu attendais. Je ne suis qu'un pauvre type, un ingénieur qui a été enrôlé dans l'armée parce qu'il savait se battre. Et j'aurais pu refuser, mais je ne l'ai pas fait. Et au final, je n'ai pas été capable de supporter toutes ces atrocités, mais je n'ai rien su faire pour les empêcher. Je n'ai rien fait, Uriel, je ne suis personne. Celui que tu croyais avoir vu parmi les décombres n'existe pas.

Ces paroles avaient pour but d'achever l'image qu'avait Uriel de lui. Et en voyant son visage dévasté, Bishop se dit qu'il avait sans doute réussi. A ce moment, il eut une irrésistible envie de le toucher, de le consoler, d'aller vers lui. Mais il ne fit rien.

Puis, il vit les yeux d'Uriel parcourir son corps nu, à moitié recourt par l'eau. Il se sentit légèrement déstabilisé, il fallait qu'il sorte de l'eau et qu'il s'en aille, qu'il mette le plus de distance possible entre eux. Mais là encore, il ne bougea pas.

En remontant vers son épaule, le regard d'Uriel s'attarda là, sur une cicatrice profonde et disgracieuse qui parcourait sa chair, quelques centimètres au-dessus de son cœur.

- C'est là que ton frère t'a tiré ? demanda-t-il.

Surpris, Bishop acquiesça et se sentit mal à l'aise. Il n'aimait pas particulièrement exposer cette ancienne blessure.

- Quelques centimètres plus bas, et le coup était fatal, n'est-ce pas ?

Une fois de plus, Bishop répondit positivement, ne sachant pas très bien pourquoi Uriel changeait subitement de sujet.

- Et tu as dit que ton frère était un soldat impitoyable. Est-ce qu'il était loin de toi lorsqu'il a tiré ?

- A quelques mètres, moins de dix, je dirais. Pourquoi ?

Uriel sembla réfléchir. Il continuait de fixer la cicatrice et lentement, il leva sa main vers la peau meurtrie.

Lorsqu'il vit les doigts d'Uriel se rapprocher de cet endroit si particulier, Bishop frissonna. Il craignait autant qu'il désirait que cette main se pose sur lui. Mais au dernier moment, il stoppa son geste.

- Un aussi bon soldat n'aurait jamais raté un tir aussi simple.

Bishop tressaillit à nouveau. Il prit la main d'Uriel qui flottait toujours à quelques centimètres de son torse et la baissa. Il n'était pas sûr d'apprécier ce qu'il insinuait.

- Et où veux-tu en venir ? Je n'ai pas spécialement besoin d'entendre que mon frère a peut-être eu pitié de moi.

- Ce que j'essaie de te dire, répondit Uriel, le ton soudain plus grave, c'est que si Bellona t'amène jusqu'à lui et qu'elle remarque que ton sort ne lui est pas indifférent, elle te tuera certainement.

Le regard d'Uriel se fit plus sérieux et Bishop ne tarda pas à s'y perdre dangereusement. Il tenait toujours sa main dans la sienne, et malgré la fraîcheur de l'eau, il sentait une légère chaleur l'envahir.

Lorsqu'il se rendit compte que cela ne faisait que rendre plus dure encore leur prochaine séparation, il la lâcha enfin et détourna le regard.

- Nous devrions sortir et voir comment vont les autres, dit-il pour rompre le lourd silence qui s'était installé.

Bishop voulut se tourner et partir, fuir ces eaux et Uriel, mais il fut retenu alors qu'il faisait mine de tourner lui tourner le dos.

D'un geste rapide, trop rapide pour que Bishop ne l'esquive, il se rapprocha de lui et le prit dans ses bras.

Le plus étrange fut le contact de sa peau nue, une sensation que Bishop ne connaissait que très peu.

Une fois de plus, Bishop était totalement figé. Il gardait ses bras le long de son corps, sentant la chaleur déstabilisante du corps d'Uriel contre le sien. Et contre son cou, son souffle caressait doucement sa nuque par intermittence. Bishop remarqua qu'il était saccadé, et que voyant qu'il n'était pas repoussé, il resserrait un peu plus l'étreinte.

- Bishop, je t'en supplie, reste auprès de moi...

Bishop sentit quelque chose se briser en lui. Il luttait depuis un certain temps pour ne pas dépasser cette frontière qu'il s'était lui-même imposée, mais à cet instant, il sut qu'il n'y avait plus de retour en arrière possible.

Lorsqu'Uriel s'écarta de son cou, il plongea ses yeux dans les siens. Bishop trouva soudain une utilité à ses mains, et l'une d'entre elles vint caresser le visage d'Uriel. Son souffle se coupa, et plus rien ne comptait à cet instant si ce n'est les lèvres légèrement entrouvertes d'Uriel.

Il était prêt à s'avancer, prêt à briser une bonne fois pour toutes cette frontière.

Et il esquissa un geste, et s'approcha doucement. Les Rebelles lui importaient peu à cet instant, il n'y avait plus qu'eux deux dans cette rivière au faible courant.

Mais soudain, Uriel s'écarta. Revenant à lui, Bishop s'éloigna lui aussi, plutôt confus par ce qu'il s'apprêtait à faire. Il regarda Uriel sans comprendre ce qui avait valu ce retrait plutôt rapide et brusque.

- Tu as entendu ? demanda Uriel, paniqué.

- Entendu quoi ?

Bishop n'avait rien perçu d'étrange, mais Uriel semblait tout à coup affolé.

- Je les ai vus, il faut absolument que j'aille prévenir les autres. Il faut que je rejoigne les autres.

- Mais de quoi est-ce que tu parles ?

- Ils sont là Bishop, je dois les protéger !

Voyant l'état de panique qui s'était soudain emparé d'Uriel, Bishop le prit par les épaules pour l'obliger à se ressaisir.

- Tu vas me dire qui est-ce que tu as vu ?

- Ils ont fini par nous rattraper, les sans âmes.

Bishop regarda Uriel sans trop savoir comment réagir. Il voulait le croire, mais ces sans âmes qui leur courraient après depuis tout ce temps semblait être un peu difficile à imaginer.

Mais Uriel avait l'air sérieux. Bishop ne savait pas si la menace était réelle, mais une chose était sûre, Uriel était réellement effrayé.

Il courut le plus vite qu'il put vers la rive et se rhabilla en toute hâte.

Bishop ne tarda pas à le suivre le plus vite qu'il put.

Une fois arrivés au camp, Uriel se dirigea immédiatement vers l'endroit où les blessés se reposaient, les gardes Rebelles aux talons.

- Nous devons lever le camp, immédiatement ! cria-t-il.

Il avait attiré plusieurs regards vers lui, mais les Rebelles ne semblaient pas le prendre au sérieux.

Bishop et Uriel retrouvèrent les autres Auxilium dans une tente de fortune non loin du feu.

Aniel avait l'air de s'être remise de ses blessures, Jeliel quant à lui était celui qui semblait souffrir le plus. Toutefois, Bellona ne lui avait pas menti, sa blessure était totalement recousue et le travail avait été minutieux.

- Qu'est-ce qu'il se passe par ici ?

Attirée par le vacarme causé par Uriel, Bellona les avait rejoints elle aussi.

- Nous devons partir, dit Uriel, les sans âmes sont là ! Je suis sûr qu'ils ne vont pas tarder à attaquer.

La chef des Rebelles ne semblait pas comprendre. Elle échangea un regard avec Bishop pour tenter d'en comprendre un peu plus sur la situation.

- Il parle des Charognards, rajouta Bishop. Uriel pense qu'ils nous suivent depuis quelques jours.

- Et vous les avez vus ? demanda Bellona.

Bishop ne voulut pas causer du tort à Uriel, mais il ne pouvait pas mentir sur un tel sujet et risquer de causer une levée de camp inutile. Il répondit par un simple signe négatif de la tête.

- Et qu'est-ce qui me prouve que la menace est réelle ? demanda Bellona. Cet endroit est stratégiquement idéal. Nous sommes à côté d'une ressource d'eau potable, et nous sommes cachés. Je ne vois pas pourquoi je devrais demander à tous mes hommes de quitter ce lieu inutilement.

- Mais vous ne comprenez pas ! Les sans âmes sont dangereux, ils n'ont plus rien d'humain, ils ne pensent qu'à tuer.

- Très bien, je vais envoyer quelques hommes surveiller le périmètre. Nous verrons bien.

Elle n'avait pas l'air particulièrement convaincue, mais trop de personnes tout autour d'eux les avaient entendus et avaient certainement besoin d'être rassurés.

Bellona fit un signe à trois de ses hommes qui partirent immédiatement commencer leur ronde autour de leur campement.

Uriel quant à lui, ne paraissait pas plus tranquille. Il resta au chevet de Jeliel et Daniel et furetait sans cesse tout autour de lui.

Non loin d'eux, Bishop vit Aniel les observer légèrement à l'écart. Elle était celle qui avait retrouvé ses forces le plus rapidement.

Bishop ne lui avait jamais encore véritablement parlé. Il s'assit à côté d'elle, désireux d'en apprendre plus sur cette menace qu'Uriel semble tant craindre.

- Ils vous ont déjà attaqué par le passé ? Ces sans âmes, demanda-t-il.

La jeune femme fit un signe de négation de la tête. Elle avait le visage volontaire, ses cheveux d'un roux flamboyant se divisaient en mèches grossièrement taillées et inégales. Ses yeux d'un vert ravivé par les flammes du feu non loin de là ne cessaient de fixer Uriel.

- Nous ne les avons jamais vus, rajouta-t-elle. Haziel lui, disait les avoir vus. Mais bon, il disait aussi voir Hariel alors que cela faisait plusieurs semaines qu'il était mort.

Aniel paraissait fatiguée. Ses traits étaient marqués et ses yeux cernés.

- Tu as envie de croire qu'Uriel n'est pas fou, n'est-ce pas ? demanda-t-elle subitement.

La question étonna Bishop. Il ne s'était jamais vraiment posé la question, mais jusqu'ici il avait toujours laissé une part de doute l'envahir lorsqu'il était question de ces sans âmes.

- Uriel a dû traverser beaucoup de choses difficiles. On ne pourrait pas lui reprocher de voir ce qui n'existe pas de temps à autre.

Aniel eut un faible sourire qui la rendait plus lasse encore.

- Avant que l'on ne te trouve dans ce désert, Uriel était sur le point de se briser. Il n'était pas comme ça au début. Lorsqu'il a rejoint les Auxilium, il était plein de zèle. Puis, tous ses espoirs l'ont quitté un à un. Je ne sais pas très bien pourquoi, lorsque tu nous as rejoints, il souriait à nouveau.

Une nouvelle douleur s'empara du cœur de Bishop. Il sentait sa poitrine se serrer et n'était pas sûr de vouloir connaître une telle chose sur Uriel. Tout cela ne faisait qu'intensifier son désir de rester à ses côtés.

- Je pense qu'il me prend pour ce que je ne suis pas, répondit Bishop. Il faudrait qu'il comprenne que je ne suis pas ce qu'il imagine.

- Je le savais, soupira Aniel. Tu n'es qu'un homme et Uriel place sûrement en toi bien trop d'espoirs. Seulement, tu as simplement peur de le décevoir et tu préfères t'en aller. Oui, notre soigneuse nous l'a dit, tu vas suivre Bellona et tu lui as demandé qu'elle nous relâche. Mais Uriel ne l'acceptera jamais. S'il te plait, beaucoup de choses l'ont déjà assez déçu comme ça.

Bishop se tourna vers la jeune femme puis baissa les yeux vers le sol, là où la mauvaise herbe se frayait un chemin à travers la terre dure.

Il ne voulait pas être cette personne, celle sur qui les espoirs étaient placés. Il ne s'en sentait pas du tout capable.

Mais soudain, un hurlement se fit entendre parmi les Rebelles. Un cri déchirant de douleur qui glaça le sang de tous ceux qui l'avaient entendu.

Après un bref moment de silence, l'agitation s'empara du clan et tous se mirent en position de défense.

Bellona s'était levée et scrutait les alentours. Elle paraissait confuse.

- Ils sont là, murmura Uriel.



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