Chapitre XXXII
/!\
Petit warning : mention de sujets difficiles, viol et abus physiques et psychologiques sur un enfant
-----
Je m'assis sur le lit qu'on m'avait indiqué, me laissant presque tomber.
Je me sentais vide, comme la fois où j'avais tué le déserteur.
Je regardai fixement par la fenêtre pendant une bonne dizaine de minutes, peut-être plus. Sans vraiment le voir, je laissai mon regard traîner sur le grand jardin de l'oncle de Jaebum, monsieur Oh Sehun.
Ces deux là avaient été compréhensifs, en voyant nos visages sombres et les pleurs de Chanyeol, ils n'avaient pas insisté et nous avait juste montré nos chambres.
Seul Taehyung était resté un moment en bas avec Jaebum et son oncle pour tout leur expliquer et se faire soigner par la même occasion.
Nous étions censés nous enfuir à sept, mais nous n'étions plus que cinq, si on ne comptait pas Chaeyong qui nous avait rejoint de façon imprévue.
Je n'avais même pas le courage de pleurer. Je me contentai de fixer la fenêtre.
Ce n'était peut être pas très bon de juste refouler mes émotions pour embrasser ce grand vide, mais j'avais peur de la tristesse, de la haine, de la culpabilité.
Le vide n'était pas agréable, mais pas désagréable non plus, lui.
Je ne savais pas du tout combien de temps s'était écoulé depuis que j'étais entre ici, mais la porte finit par s'ouvrir derrière moi.
Je n'avais toujours pas bougé, gardant mes vêtements et mes cheveux sales et mes bottes pleines de sang, le regard fixé vers l'extérieur.
Sans un mot, Taehyung me prit la main et me fit me lever.
Il passa près d'une heure à s'occuper de moi avec douceur, me lavant dans la petite salle de bain attenante, démêlant mes cheveux, me caressant les épaules et le dos pour les détendre. Je ne réagissais pas vraiment, me contentant de le laisser faire et de suivre ses quelques ordres.
Il comprenait que je n'avais pas envie de parler pour le moment.
Je le laissai me sécher et me rhabiller. Quand il eut fini de s'occuper de moi, le soleil était déjà tombé, il m'emmena donc dans notre lit et s'y glissa à côté de moi avant de nous border soigneusement.
Ses blessures devaient lui faire mal, pourtant il avait fait tout ça sans se plaindre, sans dire un mot.
- Je suis là mon coeur, souffla-t-il en attirant ma tête contre sa poitrine.
Ce geste eut pour effet de briser le barrage que j'avais créé entre moi et la réalité. Comme une immense vague, toutes les émotions refoulées se jetèrent sur moi et me terrassèrent.
Je les laissai me frapper encore et encore, pleurant contre le torse de Taehyung qui me caressait patiemment les cheveux. Je les laissai me balayer jusqu'à ce qu'un semblant de vide revienne, comme un apaisement après la tempête.
Je sentis enfin sa chaleur contre moi et ses bras m'entourant. Je sentis enfin ses mains jouer avec mes cheveux et me détendis finalement.
Je pris également conscience de ma fatigue et à mesure que mon corps se décrispait contre celui de mon amour, le sommeil reprenait ses droits, m'emmenant vers une courte nuit sans rêves.
-----
Je me réveillai dans la même position que celle dans laquelle je m'étais endormi. Taehyung dormait toujours contre moi et sa poitrine recouverte de bandages se soulevait de façon régulière.
Je n'avais pas remarqué les pansements hier, aveuglé par le reste, mais ils firent remonter la douleur et la culpabilité maintenant que je les voyais.
C'était un fiasco.
Taehyung avait été blessé, j'avais quitté le palais sans même pouvoir faire quelque chose au sujet des projets de Jaehee, Chanyeol se retrouvait orphelin et... Et...
Mes yeux se plissèrent fortement pour essayer de chasser la scène de mon esprit.
Rien à faire, elle se rejouait sous mes paupières, me forçant à la vivre à nouveau, à la regarder en face.
Je revis la flèche filer droit devant moi et se planter dans le dos d'un uniforme noir, entre de longs cheveux sombres volant au rythme de notre chevauchée.
Je l'avais vu tomber de sa selle au ralenti, déjà raidi, exactement comme le jeune déserteur.
Il avait touché le sol dans un bruit sourd, mortellement immobile et le visage figé dans une expression de surprise.
Je n'avais pas vu mourir Jaehyun, mais j'avais vu mourir Hoseok, et ça me tuait de l'intérieur.
Je gémis en me rappelant ses traits lorsque je l'avais dépassé à cheval, hurlant aux autres de continuer malgré la douleur qui me labourait la poitrine.
Taehyung s'agita légèrement à côté de moi et finit par ouvrir les yeux.
Son regard accrocha immédiatement le mien et ses sourcils prirent un pli soucieux lorsqu'il se mit à m'observer avec attention.
- Arrête d'y repenser en boucle, murmura-t-il d'une voix encore à moitié endormie. Ça ne sert à rien.
- Mais il... Il est...
- Je sais... Moi aussi ça me fait mal.
Sa main se remit à bouger sur ma tête, essayant de m'apaiser en me caressant les cheveux comme elle l'avait fait hier soir.
Je posai à nouveau les yeux sur les bandages de son torse et les effleurai du bout des doigts.
- Et tu as été blessé...
- Des égratignures et quelques côtes fêlées, je vais m'en sortir. Tout comme Namjoon, et Seokjin, et Chanyeol, et Chaeyong. Pense à ceux que nous avons réussi à sauver si ça peut t'aider à te sentir mieux.
J'aurais bien aimé pouvoir remonter mon moral de cette façon mais c'était difficile...
Namjoon avait perdu son meilleur ami, Seokjin avait laissé la femme qu'il aimait avec un monstre, Chanyeol avait perdu son père et Chaeyong était devenue une fugitive.
Difficile de se sentir mieux.
Mais ils étaient vivants, je suppose que c'était l'essentiel.
Et Taehyung était avec moi, ses jours n'étaient plus en danger immédiat.
Je me concentrai de toutes mes forces sur cette pensée et le laissai me reprendre dans ses bras, ayant peur de l'enlacer moi-même et de lui faire mal.
J'avais envie de tuer Jungwoo. Vraiment.
Si je l'avais recroisé dans la fumée, j'aurais terminé ce que j'avais commencé. Mais la priorité avaient été de récupérer Chanyeol et Hoseok à ce moment là, parce qu'ils étaient à la merci des gardes.
Si j'avais pu, je l'aurais tué, peu importe la promesse que j'avais faite à Jaehee. Je savais que la reine ne voulait pas que nous nous entretuions mais je me souvenais encore des mots qu'il avait craché à propos de Taehyung, menaçant de le livrer à ses soldats, insultant son honneur. Je ne pouvais pas oublier son air dément lorsqu'il m'avait donné le couteau, me demandant de le tuer pour lui éviter les tortures qu'il lui réservait.
Tout me revenait en mémoire et bon nombre de points restaient encore sans réponse...
Par un heureux hasard, la personne capable de les éclaircir se trouvait justement juste devant moi.
- Tae... ?
Il baissa les yeux sur mon visage en s'écartant légèrement de moi, m'interrogeant du regard.
- Tu as vraiment embrassé Jungwoo ?
Il fronça légèrement les sourcils et mit une éternité à répondre.
- C'était il y a longtemps, je l'avais presque oublié jusqu'à ce que je revoie son visage. Lui aussi s'est souvenu visiblement, mais heureusement pour nous il ne savait pas de qui j'étais le fils quand cela s'est produit, sinon il aurait immédiatement fait tous les liens. Il a dû se dire que le hasard était bien drôle et qu'il pourrait jouer de ce qu'il savait plus tard...
- J'étais là je crois. J'en ai quelques souvenirs
- Je le crois aussi. J'ai eu cette impression de déjà vu quand nous avons rencontré Nun la première fois mais je n'arrivais pas à me rappeler dans quelles circonstances je vous avais déjà vus...
Ce rêve avait toujours semblé un peu trop réel pour en être un de toute manière.
Rien que de les revoir s'embrasser en fouillant dans ma mémoire me faisait frissonner. Je ne voulais plus jamais que Jungwoo pose ses mains sur Taehyung.
Il restait cependant un détail très important à éclairer :
- Et... Pourquoi ?
Ses yeux se baissèrent et sa main arrêta de caresser ma tête, faisant se serrer mon ventre.
- Jungwoo a parlé de ta réputation... Qu'est ce qu'il voulait dire... ?
Taehyung retira entièrement ses bras d'autour de moi et se rassit sur le lit, ramenant ses genoux contre lui et grimaçant légèrement.
Je ne l'avais jamais vu comme ça, aussi renfermé. J'avais l'habitude qu'il évite tout ce qui parlait de son enfance, mais pas qu'il se braque à ce point.
Je m'assis à mon tour avec appréhension et lui passai une main dans le dos.
- Parle moi Taehyung... Tu sais tout de moi, je veux te comprendre moi aussi.
Il garda les yeux braqués dans une direction fixe et je reconnus mon comportement de la veille. Il essayait de vider son esprit pour ne pas ressentir la douleur.
- Je vais te parler, finit-il par lâcher en sentant que j'allais lui demander à nouveau, mais laisse moi juste un peu de temps.
Je restai assis à côté de lui longtemps, passant doucement ma main sur les zones de son dos qui n'étaient pas recouvertes par des bandages blancs.
Les minutes s'écoulèrent lentement, installant petit à petit un silence qui sembla rassurer Taehyung. Il sentait que je l'écoutais et que j'étais là pour lui, du moins je l'espérais.
Il finit par prendre une inspiration plus longue que les autres et il commença :
- C'est mon père qui m'a chargé de séduire Jungwoo, il pensait que cela pourrait être utile de contrôler un futur amant du roi.
C'était ce que j'avais cru comprendre, mais cela n'expliquait pas ce qu'avait dit mon frère, il manquait une partie à cette histoire.
- Jungkook... souffla-t-il. Tu étais... vierge quand on s'est rencontrés à la caserne, n'est-ce pas ?
Je hochai la tête, ma main s'immobilisant sur sa peau.
Je n'avais en effet jamais touché personne, mais j'avais supposé que le mignon et innocent Taehyung était dans le même cas.
Alors pourquoi sa voix tremblait ainsi, menaçant de se briser ?
J'eus soudain très peur de ce que pouvait cacher cette réputation.
- Avec qui... ?
Je m'arrêtai, incapable de poursuivre.
- Tu sais, je ne me suis jamais trouvé particulièrement beau. Je ressemble un peu trop à une fille à mon goût. Mais quand j'étais petit, tout le monde n'arrêtait pas de dire que j'étais charmant. Les gens me regardaient avec admiration ou jalousie, mon père me disait toujours qu'il était très drôle qu'il soit le père d'un garçon avec un visage d'ange.
Pour un véritable démon, c'était en effet ironique.
Taehyung s'arrêta à nouveau et essuya ses yeux mouillés du dos de sa main.
Je levai alors la mienne pour la prendre entre mes doigts et la serrer doucement, lui montrer que j'étais là.
Il reprit doucement, d'une petite voix fragile :
- Des amis à mon père ont commencé à être vraiment intéressés...
Je me tendis à nouveau mais ne dis rien, ne voulant pas le braquer ou l'effrayer.
- Moi je ne voyais rien... J'étais bien trop naïf. Un jour, il m'a laissé seul avec un marchand très riche en me disant de faire exactement tout ce qu'il me dirait.
Il serra les draps entre ses poings et renifla.
- Je devais avoir sept ou huit ans... J'avais peur, j'ai eu mal, mais je n'étais pas de taille à répliquer, j'ai tout juste réussi à ne pas vomir.
J'avais envie de vomir moi aussi et sa main serrant la mienne était bien la seule chose qui m'empêchait de le faire.
- Après ça, il m'a prêté à qui me voulait pour s'attirer les faveurs de gens importants. J'ai dû passer sous un tiers des vieux du Conseil et des nobles du palais. Il m'offrait même aux émissaires venu d'autres pays pour étendre ses "relations". Je ne pouvais pas refuser... Sinon il me frappait ou me faisait fouetter... Mais il épargnait toujours mon visage, pour que je reste attirant... J'ai fini... Par m'habituer...
Taehyung éclata en sanglots et sa main libre vint recouvrir son visage dans une tentative complètement inuile de retenir ses larmes.
- Tu dois me trouver répugnant maintenant... ! Je ne me défendais même pas... gémit-il à travers ses pleurs. Même Jungwoo n'a pas voulu de moi à l'époque. Je me dégoûte moi-même alors je comprendrai si tu...
Je l'arrêtai, incapable d'en entendre plus, et le pris dans mes bras, lui arrachant une grimace.
Derrière la douleur occasionnée, je sentis qu'il était soulagé que je réagisse ainsi. Ça ne soignerait pas son esprit mais cela rassurait au moins son coeur, et il s'autorisa à passer les bras autour de mon torse.
- Jamais je ne pourrais te trouver répugnant, les seuls qui me donnent envie de vomir sont tous ces monstres.
Faire ça à un enfant... Il avait dix ans quand il avait embrassé Jungwoo, pourtant, il avait sûrement déjà une réputation. Je n'osais même pas imaginer le calvaire qu'il avait vécu.
- Après l'épisode de Jungwoo, souffla Tae dans mon cou, je me suis rebellé suffisamment pour que mon père cesse de m'offrir. Il disait que de toute manière je n'étais plus assez jeune pour intéresser ses amis. J'ai naïvement cru qu'il allait me laisser tranquille pour de bon... Mais je crois qu'il ne cessera jamais de vouloir m'utiliser, d'une manière ou d'une autre.
Tout ce qui sortait de sa bouche me faisait l'effet de coups de poignards. Je comprenais à présent pourquoi Jaehee, ma mère ou Vielle Nun me disaient que Kim Seok Gong était un monstre et que ses crimes allaient au delà de mon imagination. Elles savaient probablement qu'il fournissait de jeunes garçons aux pervers vicieux de la capitale.
- Je ne pensais pas pouvoir toucher à nouveau quelqu'un de cette façon-là, poursuivit-il en posant timidement une main sur ma poitrine et en séchant ses larmes de l'autre. Je ne pensais pas pouvoir être de nouveau attiré par quelqu'un, tout était trop gravé en moi, comme une cicatrice... Mais quand je t'ai vu assis tout seul pour la première fois, quand j'ai commencé à te parler, quand je t'ai observé en train de dormir...
Il avait enfin cessé de trembler, observant sa main sur ma peau.
- J'ai vu ton visage innocent pendant ton sommeil, je t'ai regardé sans ces barrières que tu t'étais construites et je me suis dit que tu étais peut-être celui qui réussirait à me faire oublier mes blessures. C'était la toute première fois que j'étais réellement attiré par quelqu'un. Et puis, je crois que d'une certaine façon, j'ai senti que tu étais aussi écrasé que moi par ton passé, que toi aussi tu avais besoin d'être soigné là.
Il tapota ma poitrine pour désigner mon coeur.
Il n'avait pas tord, j'étais arrivé dangereusement près du point de non retour à cette époque. Les seuls qui arrivaient encore à me garder sur le droit chemin étaient mes aînés de la caserne. J'avais encore quelques principes, l'ancien Jungkook était toujours là, mais il se laissait lentement étouffer. C'était grâce à Taehyung qu'il avait survécu et était remonté à la surface.
Seokjin m'avait confié avoir remarqué le changement au palais. Selon lui, j'étais plus ouvert, plus tendre avec moi-même, et du coup, avec les autres.
- J'avais besoin de toi autant que tu avais besoin de moi, lui assurai-je. Et j'ai toujours besoin de toi...
Il détenait cette part d'humanité, cette chaleur, qui faisait de moi celui que j'étais aujourd'hui. Sans lui, il n'y aurait plus que le Jungkook froid et renfermé d'avant.
- Si tu veux encore de moi après ça, alors je te suivrai jusqu'à la fin de mes jours.
Évidemment que je voulais de lui, comment pouvait-il en douter après tout ce que nous avions vécu ?
Je passai doucement mes pouces sur ses joues pour les sécher et me penchai vers lui pour l'embrasser délicatement, essayant de lui transmettre tout l'amour que je possédais, pour qu'il comprenne.
Je n'avais pas répondu avec des mots, parce que j'en avais assez de faire de grandes promesses. Je n'arrivais jamais à les tenir, et celle-ci ne faisait pas exception.
Si je pouvais rester avec lui jusqu'à la fin de mes jours, je serais l'homme le plus heureux du monde, peu importait le reste.
Mais il y avait peu de chances pour que les choses marchent dans ce sens.
La vie semblait prendre un malin plaisir à ne pas nous laisser tranquille...
-----
Certain d'entre vous avaient deviné pour Taehyung (et m'avait menacé dans le cas où leurs hypothèses seraient justes d'ailleurs x) )
Maintenant Jungkook est au courant, et ça m'étonnerait qu'il laisse Kim Seok Gong s'en tirer s'il le recroise un jour
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top