Chapitre XXV

- À ton avis Jungkook, quel est le sentiment le plus fort au monde ?

J'avais accepté de l'écouter et voilà qu'elle me posait des questions idiotes.
Essayait-elle de gagner du temps pour pouvoir sauver sa vie ? Pourtant, elle avait mis une arme entre mes mains et ne paraissait pas particulièrement inquiète...

- L'amour je suppose... Vous allez m'expliquer que vous avez tué ma mère pour l'amour que vous portiez au roi ?

La jalousie n'était pas un motif recevable à mes yeux, pour peu qu'il en existe un valable pour assassiner une innocente.

- Il existe quelque chose de bien plus puissant que l'amour qu'une femme peut porter à un homme.

La reine posa une main sur son ventre avec un regard triste.

- Le plus fort des sentiments est celui qui unit une mère à son enfant.

Était-elle en train de me dire quelle avait fait tout ça pour Jungwoo ? Je ne savais pas si elle en avait bien conscience, mais je détestais suffisamment son fils comme ça, pas besoin d'en rajouter une couche.

- Je ne vois pas où vous voulez en venir.

Elle semblait avoir du mal à trouver ses mots. Pourtant c'était elle qui avait voulu parler.

- Si vous voulez juste vous défendre en utilisant Jungwoo comme prétexte plutôt vous taire et accepter la mort tout de suite.

Je vis Taehyung sursauter à nouveau du coin de l'oeil mais Jaehee ne se démonta pas et garda les yeux rivés dans les miens pendant que je me demandais si je devais lever la lame que j'avais dans les mains.

- J'aime Jungwoo comme mon fils, mais il n'est pas mon enfant.

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Elle ouvrit la porte et tendit la main pour recevoir la lettre que son messager personnel venait de lui annoncer.
Elle referma rapidement et retourna s'assoir tranquillement dans son fauteuil, se demandant ce qu'on pouvait bien avoir à lui dire à une heure pareille. Le soleil était déjà couché depuis bien longtemps.

Elle déplia doucement la missive et la parcourut rapidement du regard, allant d'abord à la fin pour s'attarder sur le nom de l'expéditeur.
Min Seulgi, l'herboriste et maîtresse favorite de son époux. Que pouvait bien avoir à dire cette femme... ? Ne savait-elle pas que la reine n'aimait pas entendre parler des aventures du roi ? Encore plus quand celles-ci concernaient la femme qui lui avait donné un bâtard.
Jaehee se fichait que son mari soit infidèle, leur union n'avait jamais impliqué le moindre sentiment, elle voulait juste qu'on lui épargne les détails, était-ce trop demandé ?

Elle reprit le début de la lettre et lut de plus en plus attentivement, survolant d'abord les mots sans bien les comprendre.
Elle finit par saisir leur sens à la troisième lecture et blémit, laissant tomber le morceau de papier sur le sol.

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- Comment ça il n'est pas votre enfant ?

- C'est pourtant clair, je ne l'ai jamais porté et il n'a pas mon sang.

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Elle posa les yeux sur le lit, le coeur lourd. Il était tellement beau avec ses yeux fermés et son doux visage innocent.
Elle s'assit sans faire un bruit sur le rebord du matelas et passa une main dans les cheveux de l'enfant.
Une larme silencieuse roula sur sa joue et elle sourit. Pour la première fois depuis qu'elle était devenue reine, elle était perdue et ne savait pas quoi faire.

- Je t'aime tu sais...

Elle se pencha et l'enfant bougea légèrement dans son sommeil sans pour autant se réveiller.
Elle s'allongea à côté de lui, continuant à caresser doucement sa tête.

Oui elle aimait Jungwoo du plus profond de son coeur, il était son fils unique, son seul amour...
Mais à présent elle ne pourrait plus jamais le regarder sans sentir son coeur se serrer.

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- Jungwoo... N'était pas le fils du roi ?

- Si, son père était bien le roi. C'est bien moi le problème...

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Elle les entendit entrer avant qu'ils n'arrivent. Il y avait peu de monde dans le grand hall et les deux enfants riaient à gorge déployée.
Ils étaient magnifiques tous les deux, ils avaient la prestance de leur père et leur joie plissait légèrement leurs yeux, leur donnant cet air insouciant et heureux que la reine doutait de pouvoir un jour adopter à nouveau.
Depuis qu'elle s'était mariée avec cet homme pour sauvegarder l'avenir de sa famille et de son royaume, elle n'était plus capable de rire.

La seule chose qui lui avait ramené un peu de joie, c'était la venue de cet enfant, ce fils qui avait su faire battre son coeur.
Cela aussi avait été tâché par le pouvoir et la tristesse.

Lorsqu'elle regardait Jungwoo, elle était fière du garçon qu'il devenait, mais elle savait qu'il n'était pas celui qu'elle avait porté durant ces longs mois. Il n'était pas cet être qu'elle avait mis au monde, celui qui avait fait partie d'elle et qu'elle avait aimé avant même de le voir, celui qu'elle avait porté quelques secondes dans ses bras le jour de sa naissance.
Ce bébé-là, ce garçon, elle ne pouvait le regarder sans souffrir, parce qu'il était inaccessible, parce que c'était trop tard.

Le yeux du petit Jungkook se levèrent vers elle et le jeune garçon s'immobilisa. La reine détourna le regard comme à chaque fois, incapable de le regarder plus de quelques secondes.
Elle n'avait pas le droit de l'aimer... Et pourtant.

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- Vous ne pouviez pas avoir d'enfants ? Vous avez fait appel à une domestique pour porter l'héritier... ? demanda Taehyung.

- J'ai eu un fils. Mais on me l'a pris, et pour préserver l'honneur et la crédibilité de la famille royale, j'ai dû les laisser faire.

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Encore une lettre, toujours des lettres !
La reine commençait à avoir l'habitude mais celle-ci la mettait hors d'elle. De quel droit cette putain se permettait d'exiger autant ? De quel droit menaçait-elle la vie d'un enfant ?

Jaehee se leva et ses yeux se posèrent immédiatement sur le sabre de sa mère.
Elle n'était pas comme sa génitrice, tuer ne lui procurait aucun plaisir. Pourtant elle le faisait quand cela s'avérait nécessaire.

"Votre majesté,

Je vous écris ce soir pour la dernière fois. Jungkook se porte bien et il est heureux ici avec moi, vous pouvez en être sûre.
La dernière chose que je vous demanderai sera un titre de noblesse. Donnez moi la plus haute distinction possible et vous n'entendrez plus parler de moi. Refusez, et vous n'entendrez plus parler de Jungkook.
Je n'aime pas l'idée de verser son sang, mais après tout, c'est un peu comme s'il s'agissait du vôtre, et je le ferai si j'y suis contrainte.
Ma demande est simple et ne mérite pas la mort d'un enfant innocent, qu'en dîtes-vous ?

Min Seulgi, votre obligée."

La reine eut un rictus désabusé. Ce n'était pas la première fois que la guérisseuse demandait cadeaux et privilèges, mais cette fois elle allait beaucoup trop loin.
Jaehee pouvait passer sur les bijoux, les robes, les chambres plus grandes, la nourriture exotique et tous les goûts de luxe de madame, mais elle ne supportait pas qu'elle menace la vie d'un enfant.

De cet enfant.

Elle froissa la lettre dans son poing.
Elle n'avait plus le choix...
Seulgi avait attendu que les visages des deux garçons soient suffisamment différents, qu'ils deviennent grands, que Jungwoo soit connu du peuple, pour envoyer son premier message. À moins de couvrir de honte toute la famille royale et de perdre toute légitimité, elle n'avait rien pu dire. Comment expliquer que l'héritier officiel du royaume n'était qu'un bâtard, que la royauté avait été fourfoyé si facilement ? Et même si elle l'avait révélé et que le véritable prince avait repris sa place, il était déjà bien trop attaché à sa mère... La guérisseuse aurait alors eu la vie de reine à laquelle elle aspirait.

- Taemin ! cria-t-elle à son garde à travers la porte. Fais parvenir un message à Seulgi, l'herboriste. Dis lui que je l'attends dans mon boudoir avec ce qu'elle demande.

Elle entendit le jeune homme taper du pied et s'en aller puis se retourna vers la table pour prendre le sabre.
Seulgi aurait ce qu'elle demandait. Du sang.

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- Je ne comprends pas... Qui vous a pris votre enfant ?

- Tu ne devines pas Jungkook ?

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Le jeune garçon venait juste d'avoir huit ans. Jaehee voyait bien qu'elle avait échoué quelque part, et cela lui faisait mal...
Jungwoo avait passé bien trop de temps avec Kim Seok Gong pour son propre bien, mais avant qu'elle ne s'aperçoive de la mauvaise influence de son précepteur, il était déjà trop tard.

Il venait d'avoir huit ans et il avait fait fouetter jusqu'au sang l'une des jeunes domestiques qui travaillait en cuisine parce que sa viande n'était pas assez tendre à son goût.

- Tu te rends compte de ce que tu as fais... ?

- Elle le méritait, répliqua le jeune garçon avec un sourire, c'est son travail de surveiller la cuisson de mon repas.

- Jungwoo, tu ne peux pas... !

- Taisez vous mère, ou c'est vous que je ferai fouetter.

Jaehee n'avait même pas réalisé qu'elle l'avait giflé avant que le bruit ne retentisse dans la pièce.

- Ne m'appelle pas mère, laissa-t-elle échapper, complètement à bout de nerf.

Elle venait de perdre sa plus grande amie, la seule personne qui l'ait jamais aimée.
Elle avait dû congédier Vieille Nun car la nourrice n'aurait jamais pu comprendre tout ce que la reine avait fait, avait dû faire. Elle avait déjà réagi tellement violemment avant même d'entendre un dixième de l'histoire... Et elle l'avait frappée, comme elle venait de frapper Jungwoo.

Jaehee était à bout, elle avait l'impression de perdre l'esprit. Son mari n'était d'aucun soutien et elle devait pratiquement diriger le royaume seule, se battant contre ces chacals du Conseil et regardant son fils adoré devenir comme eux, rongé par le pouvoir.
Son fils... Ce n'était même pas son fils.
Son véritable enfant, elle devait le regarder souffrir et lutter pour rassembler les morceaux de sa petite vie brisée sans pouvoir rien faire pour l'aider.

Elle aurait voulu le serrer dans ses bras, avoir l'occasion d'être la mère qu'elle avait toujours voulu être. Mais tiraillée entre deux enfants, elle n'avait même pas réussi à être une bonne mère pour Jungwoo.
Et voilà ce que cela avait donné : un monstre.

- Pourquoi tu ne peux pas être ton frère ?! cria-t-elle, rendue folle par la douleur. Pourquoi est-ce qu'il a fallu qu'elle vous échange ?! Elle ne pouvait pas garder son fils et me laisser vivre en paix avec le mien ?!

La reine reprit son souffle et ses esprits après avoir déballé tout ce qu'elle avait sur le coeur.
Jungwoo la fixait, interdit.
Elle sut alors que c'était trop tard pour lui. S'il y avait encore eu de l'espoir et qu'il avait réagit comme un enfant normal, il aurait peut être pleuré, il aurait en tout cas semblé perdu... Mais il se contenta de regarder froidement sa mère, avec une colère qu'elle ne lui avait jamais vu.

- Il est le véritable prince ?

Jaehee hocha la tête, il était inutile de nier à présent.
Jungwoo réfléchit quelques secondes avant de sourire de façon cruelle.

- Je vais le faire exécuter, je suis sûr que papa et Kim Seok Gong seront de mon avis quand ils sauront ce que vous cachez, "mère". Une telle menace ne peut pas rester dans mes pattes.

Le sang de Jaehee se glaça et elle regarda cet enfant qui avait grandi bien trop vite, entouré des mauvaises personnes.
Elle se sentait affreusement coupable... Elle aimait ce garçon et elle aurait dû passer plus de temps avec lui, lui donner tout son amour et oublier ce fils qu'elle ne pouvait atteindre.
À cause d'elle, il était perdu...

- Ne dis pas ça Jungwoo... C'est ton frère... !

- C'est une menace à ma montée sur le trône ! Que faire s'il l'apprend et qu'il décide de prendre ma place ?

Elle eut très envie de lui mettre une deuxième gifle, mais cela n'aurait servi à rien.
Elle se redressa et comprit qu'il fallait parler comme lui, comme Kim Seok Gong, pour gagner cette partie.

- Si tu promets de ne pas le tuer, je l'enverrai dans une école militaire. Un soldat ne peut pas prétendre à un titre.

- Sauf s'il est appuyé par un noble.

- Je ne veux pas faire de lui le roi.

Le seul moyen pour Jungkook d'être heureux un jour était probablement de rester très loin de la haute société.
Très loin d'elle, du palais et de toutes ses manigances, quand bien même cela signifiait lui dire adieu.

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- Jungkook, si Jungwoo veut ta mort, c'est parce que c'est toi l'héritier légitime du trône. Il n'en est que le bâtard.

Je la regardai pendant de longues secondes, peinant à mettre des mots sur ce qu'elle venait de dire.
Elle poursuivit.

- Seulgi voulait utiliser cela contre moi pour obtenir richesses et puissance. Elle a menacé de te tuer, je n'avais pas le choix... Elle a pleuré et a juré qu'elle n'avait jamais vraiment eu l'intention de lever la main sur toi, mais je ne pouvais pas la laisser en vie, pas s'il y avait le moindre doute... Je ne laisserai personne te faire de mal. J'y ai veillé de loin toutes ces années et je continuerai à y veiller.

Je ne pus retenir complètement ma respiration qui se mit à accélérer. J'avais envie de vomir, la terre tournait autour de moi.

- Parce que je suis ta mère.

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Hé hé
Boum.

Vous pensez qu'il va la tuer maintenant ? X')

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