Chapitre XXIV
Je me levai sans un mot et m'éloignai du lit dans un état second, voyant à peine la pièce autour de moi. J'avais besoin d'air, de beaucoup d'air.
- Je suis désolé ! fit la voix plaintive de Taehyung derrière moi. J'aurais dû te le dire plus tôt, je le sais !
Il avait l'air de se sentir coupable, mais ce n'était pas contre lui que j'étais en colère.
J'étais furieux contre moi même.
J'avais abandonné tout le monde... Taehyung, Vielle Nun, Seokjin, Namjoon, Hoseok, Jimin, Yoongi, Chaeyong, même Chanyeol croupissait en prison sans que je puisse rien y faire.
Je passais mon temps à laisser les gens derrière et ils souffraient par ma faute.
Ma mère était morte et c'était quelque part ma faute, pour avoir officialisé l'amour du roi et d'une servante, chose que la reine n'avait pas pu supporter. Taehyung avait été arraché à ses amis et à tout ce qu'il connaissait et c'était ma faute, parce que je n'avais rien trouvé d'autre pour le protéger. Vieille Nun était morte et c'était ma faute, parce que je les avais envoyés sur les routes sans personne pour veiller sur eux...
- Ce n'est pas ta faute ! s'écria Tae comme s'il venait précisément de lire mes pensées.
Je me retournai, sidéré, et croisai son regard humide.
- Tu n'as pas à te sentir coupable, tu as toujours tout fait pour les autres sans jamais penser à toi ! Tu m'as sauvé la vie et tu es prêt à sacrifier la tienne pour sauver des gens que tu connais à peine !
Je secouai la tête, même plus sûr de ce que je ressentais. Est-ce que c'était de la tristesse, de la colère, du désespoir ? Un mélange infâme des trois probablement, et ça n'avait rien d'agréable.
- Arrêtes d'essayer de me rassurer ! soufflai-je entre mes mains qui s'étaient plaquées d'elles même sur mon visage.
- Je ne mens pas ! Tu as fait bien plus que me sauver la vie en m'aidant à m'échapper ! Jungkook, il faut que je te dise... Tu...
Je secouai la tête, refusant d'en entendre plus. Je me sentais monstrueux pour le moment et la dernière chose dont j'avais besoin était qu'on me dise que je n'avais rien fait de mal. Je méritais de me sentir mal, pour ce qui était arrivé à Nun au moins.
- Arrête. Tu peux rester ici ou rentrer dans ta chambre, je sors.
Je me détournai de lui, ayant tout juste le temps de croiser son regard désespéré avant de passer la porte.
De nouveaux gardes étaient devant la porte, ils devaient avoir tournés.
- Ne me suivez pas, ordonnai-je, veillez plutôt sur la personne qui se trouve à l'intérieur.
Puis je m'éloignai à la recherche d'une porte, n'importe laquelle du moment qu'elle menait à l'extérieur.
J'avais besoin de respirer hors de ce palais étouffant, cette chaleur suffoquante. Malgré l'automne bien avancé, il faisait toujours aussi chaud dans les parages et la fraîcheur de la nuit ne parvenait pas à apaiser la brûlure que je ressentais.
Je grimaçai en tombant devant le battant du petit jardin de la reine mais il y avait peu de chance qu'elle s'y trouve à cette heure et je ne supportais vraiment plus de rester à l'intérieur.
Je sortis et refermai derrière moi, prenant une grande inspiration.
Il ne faisait pas froid, mais c'était toujours mieux que l'ambiance moite et pesante du palais.
Je levai les yeux et découvris une lune pleine qui me rappela à quel point il nous restait peu de temps.
Peu de temps pour quoi au final... ? Délivrer tout le monde et aller mener une vie de fugitifs dans la peur ?
Combien de morts allait-il encore falloir semer derrière moi pour que je m'apperçoive que tout ça ne rimait à rien ?
Tout était écrit depuis ma naissance, je ne pouvais aspirer à une vie normale ou même paisible... Pas tant que mon frère serait de ce monde également.
Mais malgré toute la haine que j'éprouvais pour lui, je ne savais pas si je serais capable de le tuer... Ne risquais-je pas d'être arrêté par le souvenir de tout ce que nous avions partagé ?
Je n'étais pas un tueur... Il n'y avait que quelques rares personnes que je me voyais bien tuer sans hésitation...
- Bonsoir Jungkook.
Je me figeai, les yeux toujours plantés dans la lune, puis laissai échapper un rire sombre en fermant momentanément les paupières.
À quel point le destin était-il sadique ? Son ironie semblait en tout cas n'avoir aucune limite.
Je me retournai vers l'entrée du jardin, m'appliquant à masquer mes émotions sous un visage neutre.
La lune était si grande dans le ciel qu'elle suffisait pour éclairer les traits de la personne qui se trouvait devant moi. Sa beauté, bien qu'elle ne m'atteigne pas, était exacerbée par cette lumière pâle et bleutée.
- Vous m'avez suivi ?
- Je t'ai vu passer dans le couloir, avoua-t-elle en faisant quelques pas dans ma direction.
Elle s'arrêta à la limite de la terrasse en bois et leva la tête vers moi.
Elle était petite, fragile et seule... J'aurais pu la tuer en entourant son cou gracieux avec mes mains, cela aurait été si facile, mais je ne pouvais pas le faire au risque de rompre ma promesse et de briser tous nos plans.
Elle ne détournait pas le regard ce soir, même quand je plantai mes yeux dans les siens, lui faisant l'affront de la regarder pendant de longues secondes.
- Tu dois t'en aller... souffla-t-elle si bas que je crus l'avoir rêvé.
Pourquoi me disait-elle cela maintenant ? Pourquoi ne m'avait-elle pas ordonné de partir la première fois qu'elle m'avait croisé dans ce jardin ?
- Vieille Nun est morte, déclarai-je finalement, sans lui répondre vraiment, indirectement tuée par la façon dont marche votre royaume, votre Majesté.
Jaehee ne détourna pas le regard mais ses yeux s'agrandirent et sa bouche se pinça.
J'étais complètement fou de lui parler sur ce ton, lui crachant presque mes mots à la figure, mais son regard me mettait hors de moi.
Tout ce qui arrivait aux gens que j'aimais était peut-être de ma faute mais elle y avait aussi une énorme part de responsabilité.
- Ne faites pas cette tête, ce n'est pas la première mort que vous aurez sur la conscience...
Son visage se calma petit à petit, comme si elle s'était rendue compte d'à quel point elle avait étalé ses émotions devant moi.
- Pourquoi être venue me voir ? Si vous voulez vous débarrasser de moi, autant envoyer l'un de vos hommes, je ne comprends même pas pourquoi vous ne l'avez pas déjà fait.
Elle me détestait depuis ma naissance. Pourquoi me garder en vie alors qu'elle m'avait à sa portée ? Je ne m'en plaignais pas mais je ne pouvais m'empêcher de trouver ça absurde.
- Je ne veux pas ta mort.
- Je ne vais pas vous mentir, je veux la vôtre.
Elle accusa le coup avec un calme royal. Elle ne devait pas être bien surprise, contrairement à moi qui ne comprenais plus rien.
Voulait-elle me garder en vie pour me faire souffrir encore davantage ?
- Tu veux me tuer Jeon Jungkook ?
Elle laissa échapper un léger rire presque silencieux, comme un souffle. Elle ne m'en croyait pas capable ?
Mon poing se serra contre ma cuisse.
- Alors pourquoi ne le fais-tu pas ?
- Je veux des réponses avant, mentis-je.
Autant qu'elle continue à croire que c'était la seule chose qui me retenait.
- Pour avoir des réponses, peut-être faudrait-il poser des questions.
Elle détourna enfin le regard pour voir où elle marchait et elle descendit de la petite terrasse pour se diriger vers le banc en pierre derrière nous, passant à côté de moi sans me regarder.
Elle n'avait absolument pas peur de moi, on aurait presque dit qu'elle se fichait de ce que je déciderai de faire.
Mais pour l'instant, tout ce que je retenais, c'était qu'elle m'avait autorisé à poser des questions.
Cette scène était tout simplement surréaliste, et ça n'avait rien à voir avec l'ambiance lunaire.
- Pourquoi m'avoir envoyé dans cette caserne ?
Elle releva le visage vers moi, toute trace de sourire l'ayant déserté.
- Qu'est ce que tu penses ? Tu demandes, mais tu as l'air de déjà avoir ton idée sur la réponse.
- Je pense que je vous rappelais trop ce que vous aviez fait. En me voyant, vous vous revoyiez tuer ma mère.
Elle me dévisagea calmement pendant de longues secondes, de ses yeux que je détestais tant.
Ils ne ressemblaient pas à ceux de son fils, ils étaient beaucoup plus en amande, beaucoup plus gracieux pour une femme, mais ils se posaient sur les choses comme ceux d'un aigle, avec une précision qui vous clouait sur place quand vous en étiez la cible.
- Ce n'est pas ça... J'aurais pu supporter le souvenir de cette nuit-là.
Mon souffle se coupa brusquement et je sentis mes doigts se glacer et un drôle de frisson me parcourir de l'intérieur.
Elle venait d'avouer.
- Vous n'essayez même pas de nier...
- À quoi bon ? Oui, j'ai tué la catin qui te servait de mère, c'est bien ça la seule vraie question que tu voulais me poser ce soir, non ?
Mon sang ne fit qu'un tour dans mes veines et je m'approchai d'elle, menaçant.
Elle ne cligna même pas des yeux, me regardant approcher avec un calme sidérant.
- Je vais vous tuer, déclarai-je.
- Tu n'es pas un tueur Jungkook, tu n'es pas comme ton frère.
Si elle disait ça pour me faire reculer, elle allait être surprise.
J'attrapai son col et la soulevai légèrement de terre, jubilant en voyant que j'étais parvenu à lui arracher de nouveau un sursaut de stupeur.
- Jungkook, non !
Je faillis lâcher la reine et la laisser tomber au sol en entendant cette seconde voix.
Je tournai la tête vers l'entrée du jardin de par laquelle accourait une troisième silhouette.
- Reste en dehors de ça ! m'écriai-je en direction de Taehyung.
- Non, elle a raison, ne deviens pas comme ton frère ! Tu as promis !
Il nous regardait d'un air terrifié.
Je l'avais déçu, il se sentait trahi, et moi je me sentais coupable d'avoir cédé à cette femme, mais il ne semblait pas comprendre que c'était déjà trop tard. À l'instant où j'avais posé les mains sur Jaehee, je m'étais coupé toute possibilité d'un retour en arrière.
Voyant que je ne réagissais pas, Taehyung accourut vers nous et posa les mains sur mon bras.
- Tu l'étouffes Jungkook... ! s'exclama-t-il avec colère.
Il réussit à me faire lâcher en me déconcentrant avec son ton suppliant et Jaehee glissa sur le sol recouvert d'herbe en toussant légèrement. Elle n'avait même pas cherché à se débattre, elle pensait réellement que je n'étais pas capable de le faire...
- Taehyung, pousse toi.
Il ne portait même pas son masque, elle avait vu son visage. Rien que pour ça, je ne pouvais pas la laisser vivre, mais il s'obstinait à se mettre entre elle et moi, les bras levés pour faire bouclier, voulant à tout prix que j'honore ce stupide serment.
- Non !
La reine se releva lentement derrière lui sans qu'il la voie et je remarquai avec horreur un morceau de lune se reflétant sur du métal. Une lame.
Je voulus écarter Taehyung mais elle me devança.
Jaehee ne frappa par le jeune soldat contrairement à ce que je pensais, elle posa une main sur son épaule et l'écarta avec une force que je ne lui aurais pas soupçonné. Elle brandit alors un grand sabre au manche rouge entre nous deux et je remarquai le fourreau dans son autre main.
- Prend le ! gronda-t-elle. C'est l'arme qui a tué la guérisseuse. Je vais parler, et si ce que je dis ne te conviens pas, tu pourras toujours me tuer avec ça.
Je faillis ne pas le faire, trop surpris pour bouger, mais je finis par attraper le manche devant son insistance.
N'était-il pas préférable de lui planter maintenant dans le coeur et d'en finir avant qu'elle ne saisisse la chance de cracher une dernière fois son venin ?
- Si tu le fais, je ne te le pardonnerai pas !
Taehyung nous regardait sur le côté, terrorisé. Je savais très bien ce qu'il pensait, que j'avais encore une fois failli à ma parole... J'avais vraiment prévu de ne pas lever la main sur la reine, mais si je ne le faisais pas ce soir, je n'avais pas de doute quant à la fin que nous connaitrions dans les jours qui suivraient...
Je soutins son regard une seconde avant de le détourner, montrant que j'avais pris ma décision.
- Tu es sûr que tu veux que ton ami entende tout ça ? demanda la reine.
Au point où j'en étais avec lui, il pouvait bien entendre ce qu'elle avait à dire.
- Je n'ai pas de secrets pour Taehyung. Dîtes moi plutôt ce qu'une femme comme vous, sans coeur et sans honneur, pourrait avoir à me dire avant de mourir.
Tae tressauta à côté de nous et baissa la tête, les poings serrés par un mélange de peur et de rage.
Je savais qu'il devait avoir envie de me frapper, mais le sabre dans mes mains le dissuadait sûrement de m'approcher.
- Tu peux douter de mon coeur si ça te chante mais ne viens pas me parler d'honneur. J'ai bien trop sacrifié en son nom pour m'entendre dire une chose pareille...
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Et c'est tout pour aujourd'hui ^^
Bon week end les petits 💜
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