Chapitre XLV

Les premiers à crier furent les rebelles, qui se mirent à scander son nom. Cela répondait donc à ma question : Jongin les avait tous amenés, ou en tout cas un bon nombre.

Seokjin ne comprenait rien à la situation, la princesse non plus, mais après m'avoir fixé pendant quelque secondes, mon aîné plongea son regard dans celui de Hyorin qui hésitait entre les larmes et un sourire, sanglotant avec une sorte de grimace heureuse.

Je m'attendais à ce que Taehyung se retourne vers moi et ne me lance à son tour un regard ahuri, mais il avait gardé quelque chose à l'esprit depuis le début et il comptait visiblement en finir.

- Cet homme ! énonça-t-il en désignant son père, pendant que Seokjin était poussé sur l'esplanade par la foule, interrompant momentanément les cris. A comploté contre le véritable roi, torturé des innocents et participé au meurtre de la reine Jaehee et au complot visant à faire exécuter la princesse Hyorin. La liste de ses crimes est encore longue mais ceci suffit à ce que je demande à notre roi légitime de prononcer une sentence.

Le peuple approuva bruyamment et Kim Seok Gong devint étonnamment rouge, fulminant de colère.
Il fit quelques pas en avant pour s'adresser au peuple et je devais bien lui reconnaître une certaine prestance, il en imposait malgré son grand âge.

- Qui nous prouve que ce rustre est bien l'homme dont parle la lettre ?! Vous êtes bien prompts à vouloir porter des accusations !

Seokjin s'avança à son tour vers le centre de l'esplanade où séchait le sang du premier soldat exécuté et il leva un poing fermé vers le ciel, révélant un bracelet en forme de paon en argent serti de petites pierres.
Le public cria son approbation. La plupart était des rebelles qui estimaient l'homme qu'ils voyaient devant eux, les autres se réjouissaient simplement de voir quelqu'un se lever à la place de Jungwoo.

Je souris en observant mon ami. J'avais eu peur de lui en demander trop d'un coup, qu'il refuse de prendre cette responsabilité. Mais j'avais beau chercher, je ne voyais pas meilleure personne pour prendre cette place. Seokjin était fort et intelligent, il savait comment parler mais aussi comment agir et comment mener des hommes, il ferait un très bon roi, notamment aux côtés de Hyorin.

- Tu l'as volé ! cria Seok Gong en désignant le bracelet.

L'accusé ouvrit la bouche pour réfuter cette accusation mais il fut coupé par une voix grave s'élevant du public :

- C'est faux !

Seokjin se tourna vers celui qui avait parlé et un homme à l'air rude monta à son tour sur le devant de la scène.
Évidemment, il avait été invité, comme tous les officiers importants de l'armée de Gamyeon. Le commandant de Silbok.

Il se planta là, à la vue de tous. Nous ne savions pas encore s'il cherchait à démentir les paroles de Seok Gong ou la légitimité de Seokjin, mais je vis du coin de l'oeil Taehyung afficher un grand sourire et mes hyungs de la caserne avaient l'air plutôt confiants. Je me détendis donc légèrement quand l'homme reprit :

- Kim Seokjin est arrivé dans mon régiment quand il avait une dizaine d'années, je l'ai toujours vu porter ce bijou, et j'ai trois cents soldats qui peuvent en attester sur leur vie !

Les trois cents soldats, ou presque, manifestèrent bruyamment leur approbation à leur tour.

Kim Seok Gong se tourna vers moi, les yeux grands ouverts. Il était en colère bien sûr, mais au delà de ça, il commençait à avoir peur, et voir la terreur déformer ses traits était réellement jouissif.

Il savait que je mentais, mais expliquer aux autres pourquoi Seokjin ne pouvait pas être le vrai roi passait par prouver que ce titre me revenait, ce qui n'aurait rien changé à sa situation.
Tout le monde commençait à s'emballer là en bas, la colère du peuple, si longtemps enfouie, était en train d'exploser. Il était coincé.

Je vis dans ses yeux l'instant où il le réalisa. Cette foule hostile qui lui faisait face désirait du sang, elle criait vengeance et même si nos arguments avaient été futiles, elle n'aurait probablement pas fait la fine bouche. Tous ces gens n'attendaient qu'un prétexte et nous leur avions simplement donné.

Seokjin vint relever la princesse Hyorin qui avait l'air d'une revenante dans sa robe abîmée et avec son visage strié de larmes séchées et de mèches de cheveux en bataille. Elle devait être magnifique à ses yeux, plus encore que toutes les autres fois où il l'avait vue. Parce qu'à présent elle pouvait être sienne.

Il lui tint les mains pendant quelques secondes et lui toucha le bras, lui demandant sans doute si elle allait bien.
Quand elle eut hoché doucement la tête, il se tourna vers le peuple qui le regardait, les yeux brillants, comprenant que tout était en train de se jouer maintenant, que leur libération dépendait de cet instant.

- Si vous m'acceptez comme votre souverain, annonça Seokjin, je prendrai ce trône et redonnerai à ce royaume son éclat d'autrefois !

Les cris furent approbateurs. Les plus réservés n'étaient pas vraiment opposés à lui, seulement rendu septiques par la royauté qui les avait déçus depuis quelques générations.

Le nouveau roi presque officiellement nommé se tourna alors vers le grand conseiller. Celui-ci amorça un demi-tour mais son fils le retint fermement par le col.
Le regard qu'il se lancèrent tous les deux en disait long. Le premier maudissait son enfant tandis que l'autre lui souhaitait de mourir l'esprit rongé par les remords et les regrets.

- Il y aura bien une exécution aujourd'hui, s'écria Seokjin assez fort pour qu'on l'entende, je déclare Kim Seok Gong coupable de haute trahison et le condamne à mort. La sentence prendra effet immédiatement.

Normalement, le Conseil devait au moins se réunir pour approuver une telle décision, s'il n'y avait pas carrément un procès. Mais le pas de côté que firent tous les camarades de Seok Gong quand il se tourna vers eux pour chercher du soutien ferait aussi bien l'affaire.

- Vous ne pouvez pas ! Non !

Taehyung jeta le vieillard en avant, ignorant ses cris de terreur, et le força à rester à quatre pattes en lui posant un pied sur le haut du dos.
Il releva ensuite les yeux vers moi et hocha lentement la tête.
Je soutins son regard pendant quelques secondes, me demandant si j'avais bien compris ce qu'il me demandait de faire, mais il n'y avait aucun doute, le message était clair.

Je passai à côté du bourreau qui observait toute la scène d'un oeil affolé et lui pris son arme après avoir croisé son regard dans une demande muette. Je me dirigeai alors vers le grand conseiller agenouillé.
À l'odeur, il s'était pissé dessus.
Pitoyable jusqu'au bout.

Seokjin avait déjà ordonné, tout le monde attendait que la sentence soit exécutée, personne ne s'y opposerait, personne ne chercherait à le défendre.
Je me disposai juste à côté du vieil homme, le sabre encore baissé.

- Une dernière parole ? demandai-je.

Peut-être voudrait-il saisir sa dernière chance de demander son pardon à son fils. J'étais presque sûr que, défiant toute logique, ce dernier aurait accepté de lui accorder.
Comment pouvait-on pardonner des choses pareilles... ?

- J'aurais dû te tuer à la naissance Taehyung... gronda Kim Seok Gong contre le sol.

S'il voulait gaspiller ses dernières gouttes de salive pour dire de nouvelles horreurs, grand bien lui fasse.
Je n'allais pas lui laisser de seconde chance, la foule s'impatientait et si je ne le tuais pas moi même rapidement, les gens finiraient par monter pour achever le travail eux-même.

Tae retira son pied mais garda le regard braqué sur son père.
Au moment où ce dernier releva la tête pour soutenir son regard, ma lame passa à travers sa nuque, avec une facilité déconcertante.

La tête du monstre roula un peu sur l'esplanade, les yeux hagards fixés sur le vide. La dernière chose qu'ils avaient vu étaient ceux de Taehyung, parfaitement impassibles.

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Je remerciai l'homme qui venait de m'ouvrir la porte et entrai dans la petite pièce, attendant qu'il referme pour aller poser un pichet d'eau et un bol de nouilles sur une dalle en pierre légèrement surélevée.
Une légère lumière filtrait par une fente dans le mur opposé à l'unique porte et de la paille sur le sol était censée camoufler l'odeur qui planait dans la pièce.

Je baissai les yeux sur la forme repliée sur elle même dans un coin de à cellule.

- Le mariage se déroulera dans trois jours, annonçai-je. J'imagine que je ne transmets pas tes voeux aux mariés ?

Il ne répondit pas, gardant les bras fermement serrés autour de ses jambes repliées contre sa poitrine.

- Seokjin a fait du ménage parmi les vieux du Conseil. Tous ceux qui étaient du côté de Seok Gong, autrement dit tous ceux qui avaient touché à Taehyung quand il était petit ont été enfermés à vie. Certains ont été exécutés aussi, parce qu'ils étaient plus impliqués que les autres dans vos magouilles.

Il me laissa poursuivre mon récit sans broncher, comme s'il était mort à l'intérieur.

- Taehyung et moi nous allons habiter dans une maison de la capitale, un peu à l'écart. Ce n'est pas moi qui l'aurai construite mais nos voisins seront Chaeyong et Jaebum. Ces deux-là ce sont pas mal rapprochés quand les sauvages, comme tu les appelles, sont arrivés au palais et ils ont pris Chanyeol sous leur aile. D'ailleurs, tu savais que tous les grands combattants rebelles sont devenus des membres du gouvernement ou des officiers de la nouvelle armée ? Jongin et Yoongi sont les nouveaux grands conseillers.

Jongsin était plus âgé mais l'arrivée de Yoongi à ce poste avait fait un peu de bruit.
Seulement, on ne pouvait pas vraiment dire que la vieillesse était un gage de sagesse et d'efficacité au vu des prestations du précédent titulaire du poste. Alors après de vives protestations, le peuple avait finalement décidé de lui laisser sa chance.

- Baekhyun est chef des gardes au palais maintenant, mais je dois dire qu'il a moins de travail que celui qui était à sa place durant ton règne. Il n'y a pas grand monde qui ait essayé de détrôner Seokjin pour le moment. Le fait qu'il ait autorisé l'accès à la capitale à tous a été très controversé mais, au final, cela lui a rapporté le soutien de la majorité. Là où les gens te détestaient, ils le voient comme un héros.

À partir du moment où nous avions posé les pieds sur l'esplanade, tout avait été très facile. Jungwoo s'était vaincu tout seul, la plupart de ses sujets auraient été prêts à mentir en notre faveur pour se débarrasser de lui.

- Tu dois être aux anges, siffla le prisonnier, tu peux enfin vivre heureux avec ta putain.

J'aurais pu le frapper pour ça, mais la mort de Kim Seok Gong avait étrangement calmé ma colère.
Il était la troisième personne que je tuais de ma vie, pourtant je n'éprouvais aujourd'hui aucune culpabilité.

- Plus aucun type dans votre genre ne pourra lui faire de mal, ça suffit à me rendre heureux oui.

- Tout ça grâce à un bracelet de bonne femme...

- Nous n'aurions même pas eu besoin de bracelet pour t'enfermer ici Jungwoo, tu avais déjà amorcé ta chute toi-même. Ce sont tes propres soldats qui nous ont laissés passer.

Le roi déchu soupira, faisant se soulever ses vêtements simples de prisonnier.

- Ces traîtres.

Mon frère releva enfin les yeux vers moi après avoir jeté un coup d'oeil à la nourriture.

- Tu es seulement venu me raconter ta vie ? Ou ton merveilleux roi a enfin décidé de la manière dont il allait se débarrasser de moi ?

Cela faisait tout juste une semaine que Jungwoo avait été détrôné, pourtant, le peuple réclamait déjà une exécution.

- Seokjin m'a laissé le privilège de décider ce que j'allais faire de ta vie, expliquai-je simplement.

Il eut un rire sans joie et repoussa ses cheveux longs et sales de son visage.

- Après avoir retourné ma propre mère contre moi, tu vas donc me tuer...

Je le regardai un long moment et secouai la tête avant de tapoter le sabre qui pendant à ma hanche, un sabre au manche rouge distinctif.

- J'ai fait une promesse à quelqu'un que j'estimais beaucoup. Je ne suis pas très doué pour tenir ma parole, tu m'obliges souvent à passer outre, mais je ne compte pas briser celle-ci.

Jaehee m'avait demandé de ne pas le tuer. Elle ne voulait pas que ses deux fils s'entretuent, peu importe combien l'un des deux pouvait mériter la mort.

- Tu vas donc me laisser vivre en la mémoire de mère ? cracha Jungwoo avec un dédain évident. Comme c'est beau de ta part.

- Ce n'est pas ce que j'ai dit, fis-je en m'accroupissant devant lui.

Il plissa les yeux et me regarda sans comprendre.
Les sentiments violents que je ressentais à son égard jadis étaient forts parce qu'ils étaient contradictoires. J'aimais mon frère et les traces de cet amour d'enfant se mêlaient à ma haine. C'était ce qui m'avait rendu si faible face à lui, incapable de me contrôler.

Mais aujourd'hui, j'avais fait le deuil sur le petit garçon qui, malgré ses manières, veillait sur moi et jouait avec moi.
Mon frère n'existait plus, depuis longtemps.
Il ne restait plus en moi que de la pitié pour cet homme qui s'était laissé manipuler par un monstre, faute d'avoir reçu assez d'amour ou d'attention.

Et la pitié me permettait de ne pas lui hôter la vie par colère.
Elle me permettait aussi d'être juste, car elle n'était pas assez forte pour m'empêcher de voir la vérité : Jungwoo devait payer.

Ce n'était simplement pas moi qui allait m'en charger.

Je posai une main sur sa tête, lui faisant écarquiller les yeux.

- Adieu mon frère. Pars en sachant que la reine t'aimait de tout son coeur, probablement jusqu'à la fin.

C'était la dernière chose que je pouvais faire pour lui, apaiser ce doute. Jaehee n'avait jamais voulu lui faire de mal et elle n'avait jamais cessé de l'aimer comme son enfant. Je ne l'avais pas retournée contre lui comme il le pensait.

Il baissa la tête quand je me relevai et se mit à pleurer, cessant peut-être de se voiler la face et comprenant qu'il avait tué la seule personne qu'il aimait, pour rien. J'aurais pu me sentir mal pour lui mais je le trouvais juste misérable.

Je me dirigeai vers la porte pour m'arracher à ce spectacle pitoyable et sortis pour tomber sur les deux personnes qui attendaient dehors.

Les visages de mes deux amis se relevèrent vers moi ensemble.

- Je vous le laisse, essayez de ne pas trop faire traîner ça en longueur.

Jimin et Hoseok hochèrent la tête avant de prendre ma place dans la cellule.
Ils portaient encore tous deux les marques de ce qu'ils avaient subis à cause de Jungwoo. Jimin était encore dans une chaise roulante que l'autre soldat poussait sur leur passage.

J'avais promis une vie à mon ami et Jimin avait autant le droit que lui d'être en colère.

Ils seraient la justice ce soir.

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Deux morts dans ce chapitre, je ne sais pas si elles vous font plaisir ou non, j'espère au moins avoir réussi à vous faire ressentir quelque chose pour celle de Jungwoo, je voulais réussir à bien l'écrire ^^"

Ceci était donc le dernier chapitre :)
L'épilogue conclura bientôt la belle aventure Touch/Look/Wang ^^

A bientôt pour la fin, ne pleurez pas trop, gardez vos réserves d'eau pour la prochaine fiction et achetez des mouchoirs ;)
The spoil de titre :

Le Jeu.

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