Chapitre XLIV
- Ils les ont attrapés, à trois ils n'avaient pas beaucoup de chance de s'en sortir. Mais il manque leur chef, c'est pour ça que le roi fait retourner le palais.
Je soupirai depuis notre cachette derrière une grande tenture. Les gardes passèrent devant nous dans nous voir et j'attendais que leurs voix s'éteignent avant de sortir en emportant Taehyung derrière moi.
Nam, Baekhyun et Yoongi avaient donc été capturés.
On allait probablement les frapper un peu avant de les jeter en prison, mais il était prévu qu'ils racontent tout à leurs geôliers pour ne pas être torturés.
Je n'avais accepté le plan qu'à cette condition.
À ce stade, Jungwoo devait de toute manière se douter que je m'étais infiltré de mon côté, ils n'avaient pas à souffrir pour le plaisir de lui tenir tête.
Nous nous rapprochions petit à petit de la grande salle du Conseil. Il fallait absolument faire passer la lettre au père de Jimin, Park Yeon Sil.
Ce dernier, s'il n'était pas déjà motivé par notre cause, le serait en apprenant que Jungwoo s'était amusé à torturer son fils à quelques pièces de lui.
Je tenais toujours la main de Taehyung quand j'arrivai en vue de la salle convoitée.
Nous nous faufilâmes encore un peu, et j'ouvris le battant que nous visions, entrant sans perdre de temps dans une salle de taille conséquente.
Une table très longue se trouvait là, entourée d'un immense banc en U. Vide.
J'avançai un peu pour jeter un œil au fond, la main de Taehyung toujours fermement serrée dans la mienne.
J'entendis alors la porte que nous venions de passer se refermer.
Je me retournai au même moment que mon compagnon pour aviser une silhouette familière qui me fit serrer les mâchoires.
Il se tenait là, les mains croisées et un fin sourire aux lèvres.
- Jungwoo.
- Il fallait bien qu'on se retrouve mon frère. C'est aujourd'hui que tout se termine, après tout.
Taehyung fit un pas en avant, menaçant.
- Tu es seul contre nous deux, s'écria-t-il, qu'est ce que tu crois pouvoir faire ?
Jungwoo sourit, visiblement très amusé.
- Mes hommes vous ont laissés passer jusqu'ici, ils attendent derrière la porte, répondit-il sans me quitter des yeux. Amuse toi à me tuer pour aller vérifier si ça t'amuse mais je te conseille plutôt de m'écouter. Je veux seulement te parler.
Je regardai la porte, évaluant la situation. Si une dizaine de gardes nous attendaient derrière, attaquer Jungwoo maintenant pourrait nous condamner Taehyung et moi.
Je ne bougeai donc pas, attendant de voir comment les choses allaient tourner.
- Bien, fit mon frère en voyant que je restais calme, tu es raisonnable finalement.
Il s'appuya contre la porte sans se départir de son sourire.
- Je dois dire que je n'avais pas prévu que tu sacrifierais tes amis pour entrer dans le palais, c'était finement joué de ta part. Le problème, c'est qu'une fois que tu étais à l'intérieur, il était facile de prévoir ta trajectoire. La salle du Conseil... Bien joué, mais tous ces vieux croûtons sont en route vers la place. Ils doivent peut-être même déjà à y être à l'heure qu'il est.
Il s'approcha légèrement de moi et perdit son sourire pour m'adresser un soupir faussement désolé.
- J'aurai toujours un temps d'avance sur toi Jungkook, il est temps que tu le réalises. Tu ne peux pas m'échapper et ce qui te terrifie le plus est inévitable.
Il désigna alors Taehyung et je me raidis, serrant les poings pour ne pas me jeter sur lui.
- Quoi que tu fasses, il souffrira. Tu aurais dû accepter ma proposition dans la grande salle.
- Plutôt mourir.
- Justement, j'y viens.
Jungwoo croisa lentement les mains sur son torse et me regarda droit dans les yeux, soutenant mon regard plein de dégoût et de colère.
Toute ma haine n'était même pas apaisée par la couleur et la forme de son nez, de toute évidence encore cassé.
- Que comptes tu faire Jungkook ? Devenir roi avec une lettre ? Me détrôner et gouverner à ma place, ta pute à tes côtés ?
- Taehyung a mille fois plus d'honneur que tu n'en auras jamais, grondai-je.
- Oui, et il a aussi servi de jouet à mille fois plus de pervers que moi si tu veux tout sav...
Je m'avançai et l'attrapai par le col, ne pouvant me retenir plus longtemps. La seule chose qui m'empêcha de le frapper fut son sourire extrêmement satisfait qui me criait d'essayer quelque chose si je l'osais. Il avait forcément quelque chose de prévu en cas de problème...
Je reposai ses pieds sur le sol mais ne lâchai pas son cou pour autant.
- Je compte bien prendre ta place oui, et sauver tous ceux que ta folie et ton égoïsme mettent en danger. Tu es cupide mais pas idiot Jungwoo, tu dois bien te rendre compte que tu es un roi exécrable.
- Ce royaume, il est à moi. Je me fous de ce qu'un groupe de sauvages peut penser.
- Il n'est même pas à toi, répliquai-je en m'appliquant à sourire pour le faire enrager. Ta mère est une herboriste, la mienne la reine.
Le visage de Jungwoo se tordit dans une expression mauvaise et il serra mes mains comme pour me dire de lâcher prise.
- J'ai été élevé pour devenir roi, par mon père et Ma mère. Toi tu n'es qu'un bouseux qui débarque d'une caserne militaire, comment tu pourrais gouverner un royaume ?
- Vous êtes la preuve vivante que suivre un enseignement dans ce but ne suffit pas à faire d'une personne un bon souverain.
Jungwoo tourna la tête vers Taehyung qui se tenait à présent de l'autre côté de la grande table, près d'une fenêtre.
Il posa une main sur le battant et le fit coulisser l'ouvrant en grand.
- Partons Jungkook, il faut vite trouver Park Yeon Sil. À mon avis, il essaie seulement de nous faire perdre du temps.
Jungwoo se mit à rire et m'attrapa le menton, me faisant me tendre au delà de ce que je pensais possible.
- C'est complètement inutile, il est déjà trop tard pour vos amis. Dès que j'ai su que vous étiez entrés, j'ai fait faire une grande annonce.
Je tournai la tête vers son immense sourire fier. Avec son nez cassé, cela aurait presque pu être comique.
- L'exécution à été avancée de quelques heures, tous vos petits camarades sont déjà en rang d'oignons devant le palais sur la grande place. C'est pour ça que tout le Conseil se trouve là bas. La foule aura le sang qu'elle réclame...
Je profitai qu'il soit en train de se vanter de son exploit pour lui expédier mon poing dans la figure. Il ne perdit pas connaissance tout de suite et je dus frapper encore un peu pour qu'il arrête complètement de bouger.
Je fis signe à Taehyung de sortir le premier tout en sautant par dessus la première partie de la table et il enjamba la fenêtre juste avant moi.
En sortant, j'entendis la porte de la grande salle s'ouvrir.
- Votre majesté ? Tout va... ! Rattrapez les !
Et voilà... Nous étions de nouveau poursuivis de toutes parts.
Je me mis à courir aussi vite que je le pouvais, traversant jardins et couloirs, me dirigeant vers la porte principale en trombe.
Je n'étais pas sûr d'emprunter le meilleur chemin. Mes souvenirs s'emmêlaient dans l'urgence.
Il était peut être déjà trop tard... Je me mis à espérer très fort que Jungwoo nous ait menti.
Arrivés dans le grand hall, un problème plus important s'imposa à moi : la pièce était truffée de soldats gardant l'entrée.
Je m'arrêtai sur le carrelage parfaitement lisse et tout le monde se retourna vers nous, main au fourreau.
Ils étaient nombreux, et Taehyung s'arrêta en manquant de déraper, lâchant un juron.
Nous ne pouvions pas nous battre, c'était impossible.
Les hommes qui se tenaient face à nous ne nous sautèrent pas dessus, ils ne crièrent même pas. Ils raffermirent leur prise sur leur arme, presque... Hésitants ?
Je n'en étais pas sûr, mais je devais tenter quelque chose...
- Je vous en prie, commençai-je, assez fort pour qu'ils m'entendent tous, laissez nous parler à Park Yeon Sil, ouvrez simplement les portes et dites lui de venir.
Les hommes devant nous n'esquissèrent pas un geste vers la porte, mais ils ne se précipitèrent pas non plus sur nous, restant encore une fois parfaitement immobiles.
Je me souvins alors des gardes que j'avais combattu pour entrer, et je sus quoi dire.
- Pourquoi obéissez vous à ses ordres ? Seulement par crainte d'être punis ? Vous avez peur des représailles mais si vous nous laissez passer, je vous promets qui'il n'y en aura plus aucune. C'est la dernière étape pour renverser Jungwoo, et nous pouvons faire ça ensemble.
J'attendis patiemment une réaction, le ventre serré. Je ne faisais que dire la vérité, c'était la dernière porte à franchir, la dernière marche vers la réussite.
Ici et maintenant, nous pouvions gagner. Mais si ces hommes prenaient la décision de nous arrêter pour se faire bien voir par leur roi, ou par quelconque loyauté, tout s'arrêterait.
Les regards commencèrent à se détourner de nous pour se poser brièvement sur l'un des soldats, un jeune homme qui se tenait au milieu.
Ils attendaient la réponse de cet homme pour décider.
Je me tournai alors vers lui et le regardai dans les yeux, espérant le convaincre de la sincérité.
- S'il vous plaît...
Il soutint mon regard, et je vis ses mâchoires se serrer spasmodiquement.
Il finit par se redresser, et baisser son sabre, l'écartant légèrement sur le côté. Sa voix s'éleva, forte, dans tous la salle.
- Messieurs, un civil vient de nous signaler la présence des deux intrus dans l'aile sud ! Vous avez tous entendu ?
- Oui chef, crièrent tous ses hommes dans un bel ensemble en hochant la tête, non pas vers leur supérieur mais vers nous.
- Alors bougez vous ! ordonna le commandant.
Ses soldats lui passèrent devant et il hocha la tête dans ma direction avant de filer.
Il me demandait clairement de réussir, car sa vie en dépendait à présent.
Jungwoo venait de se détrôner tout seul. Nous n'aurions jamais réussi si la haine qu'il inspirait à tous ses sujets n'était pas plus grande que la peur qu'il insufflait dans leurs coeurs.
Taehyung se jeta presque sur la porte, me tirant avec lui. Je l'aidai à pousser sur le lourd battant et la lumière entra d'un seul coup dans la grande salle, aveuglante et glaciale.
Je sortis le premier, me précipitant sur l'esplanade. Le bourreau tenait son sabre au dessus de sa tête, le soleil d'hiver illumina sa lame d'un éclat rouge écarlate. Rouge sang.
- Arrêtez ! hurlai-je en même temps que Taehyung.
Je venais de reconnaître Yoongi agenouillé devant l'homme de main de mon frère.
Le bourreau stoppa son geste et tous les gens présents sur l'esplanade se tournèrent dans notre direction, tous ceux du public également. Une goutte de sang tomba sur la nuque pâle de notre ami qui n'osait même pas tourner la tête, le regard fixé sur le sol devant ses genoux.
Tout le monde était là.
Le Conseil, avec Park Yeon Sil et Kim Seok Gong, Hyorin et Baekhyun qui s'étaient arrachés à la contemplation du corps d'un de leurs camarades pour se tourner vers nous, Namjoon, Hoseok, Jaebum et son oncle...
Les soldats de la future armée du roi, nos anciens camarades, servaient de barrière entre la foule et les exécutions.
Et je ne savais plus quoi dire.
Taehyung me vit m'immobiliser totalement et il prit la lettre dans ma poche avant de s'avancer vers les membres du Conseil, bravant les regards étonnés d'un bon nombre de ces derniers, qui reconnaissaient sûrement le garçon de jadis, certains reconnaissant leur jouet.
Bravant celui de son père.
- Jungwoo n'a aucune autorité sur la vie de qui que ce soit ! s'écria Taehyung. J'ai ici une lettre de la reine Jaehee qui le prouve. Elle l'a écrite juste avant d'être assassinée par Jungwoo !
Il avait parlé assez fort pour que tous ceux placés devant l'entendent et relaient l'information aux rangs suivants. Bientôt, la grande place entière raisonna de murmures grondants et de quelques cris d'exclamation.
Park Yeon Sil fixa Taehyung un instant, semblant le reconnaître. Il était le meilleur ami de son fils après tout.
- Il a torturé Jimin, ajouta Taehyung plus bas, à l'intention du grand conseiller. On ne sait toujours pas s'il va s'en sortir. Aidez nous à mettre fin à tout cela...
Le vieil homme prit la lettre entre ses mains, interdit, et l'observa longuement avant de la montrer à ses collègues dont certains affichaient maintenant un air clairement tendu.
Le sceau d'un membre de la famille royale était toujours enterré avec ce dernier. Celui de la reine, le seul exemplaire existant, était donc six pieds sous terre depuis quelques jours.
Park Yeon Sil savait de quelle lettre il s'agissait, il connaissait peut-être même son contenu dans les grandes lignes.
Il l'ouvrit et ne parut pas surpris outre mesure.
Pendant qu'il déclarait à l'assemblée que le document était parfaitement authentique, je parcourus le public d'un oeil attentif.
Tout le monde avait été invité, tous les gens importants de la capitale et d'ailleurs.
Mais deux visages accrochèrent toute mon attention, parce que c'étaient eux que je cherchais.
Seokjin et Jongin.
En cherchant mieux, j'aperçus même Jongdae dans un coin.
Je me demandais si ils avaient emmené tous leurs combattants dans le but d'attaquer le roi ou s'ils étaient juste venu en petit nombre pour essayer de nous porter secours.
- Moi, commença à lire Park Yeon Sil, Jeon Jaehee, reine mère du grand royaume de Gamyeon et souveraine de ces contrées, déclare sur mon honneur ne pas être la véritable mère de l'actuel monarque le roi Jungwoo. Il est de issu d'une union illégitime et est l'unique bâtard de feu mon mari. Celui qui porte mon sang, le véritable héritier du trône et le seul qui soit légitimement capable de régner sur notre pays, est celui qui détient depuis l'enfance le paon d'argent, symbole de l'ancien ordre de combattantes de la reine Hyuna, ma défunte mère.
Tout le monde s'était tut en écoutant la tirade du conseiller. Ce dernier fouilla d'ailleurs les plis de sa toge et sortit la réplique exacte du bracelet qu'on m'avait offert à la mort de Seulgi la guérisseuse.
J'avais maintenant compris que la servante qui me l'avait apporté à l'époque n'était pas une amie de celle que je croyais être ma mère, mais bien une femme au service de Jaehee. Tout comme une autre avait dû donner son jumeau à Park Yeon Sil pour préparer ce moment.
- Et le nom de cette personne est...
- Jeon Seokjin, mieux connu sous le nom de Kim Seokjin.
Yeon Sil s'interrompit et tourna la tête vers moi avec étonnement, tout comme Taehyung et Kim Seok Gong, les trois qui étaient assez proches pour m'entendre.
Je confirmai ce que je venais de dire en hochant la tête.
- C'est bien son nom.
Rien n'était écrit à ce sujet sur la lettre. Jaehee n'avait pas voulu marquer directement mon nom sur le papier au cas où il tomberait entre de mauvaises mains avant son passage à Park Yeon Sil.
Elle avait utilisé le bracelet car c'était le seul élément qu'elle savait être en ma possession, ou en tout cas qu'elle croyait en ma possession.
Lors de notre première et dernière conversation, elle m'avait expliqué d'où venait le bijou et m'avait demandé si je l'avais encore. Je lui avais répondu que oui et qu'il ne m'avait jamais quitté, sans lui préciser qu'une autre personne l'avait toujours porté pour moi.
Le père de Jimin se retourna vers la foule qui attendait la grande révélation dans un silence de mort et mes yeux à moi se posèrent sur mon hyung, dans le public, qui attendait qu'on me présente comme le nouveau roi.
Le conseiller reprit :
- Et son nom est Jeon Seokjin, mieux connu jusqu'à présent sous le nom de Kim Seokjin !
La mâchoire de ce dernier manqua de se décrocher, ainsi que celles de quelques unes des personnes agenouillées face à la foule.
Le destin n'avait jamais été très clément avec nous, mais cette fois-ci, il avait décidé de nous aider un peu.
Il y avait effectivement de quoi être surpris.
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Alors ? Tous les derniers éléments se mettent en place ?
Vous y êtes ?
Le bracelet, qui avait l'air sans importance et qui était là depuis une vingtaine de chapitres (voir une trentaine), vous l'aviez vu venir ?
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