Chapitre XLIII
- Il suffit qu'ils en reconnaissent un ou deux, ça suffira.
- Même comme ça, je refuse, répétai-je. En plus, vous ne serez que trois...
- T'as une meilleure idée ?
- On va en trouver une.
- Ça fait des heures qu'on en cherche une, fit remarquer Namjoon, sans vouloir te casser le moral.
- Je refuse. Jimin s'y opposera aussi.
- Ne mêle pas Jimin à ça, grogna Yoongi depuis le coin de la pièce.
- Justement, m'emportai-je, je ne veux mêler personne à ça, encore moins Jimin. Mais si tu y vas, il sera forcément concerné.
Le brun garda les bras croisés et posa les yeux sur Namjoon qui s'évertuait depuis tout à l'heure à me faire comprendre que son plan était le meilleur que nous ayions.
- Jungkook... soupira mon ancien camarade. De quoi as-tu peur ?
- D'échouer, d'être responsable de votre mort à tous, de voir Taehyung être torturé devant moi... Mine de rien ça fout les jetons.
- Si tu échoues, nous mourrons, c'est vrai. Mais si on ne fait rien, on mourra quand même. On ne peut pas tout miser sur Seokjin, on a aucun moyen de le contacter. Et tu crois vraiment que les clients qui nous ont vus vont nous laisser tranquilles quand nous sortirons ? Nous serons dénoncés à la minute où nous mettrons un pied dehors. La seule solution, c'est que tu réussisses.
- Trois, c'est trop peu, ils comprendront qu'il y a quelque chose de louche.
- De toute manière ils comprendront l'astuce dès qu'ils verront nos visages, déclara Baekhyun, resté silencieux jusqu'à présent.
Je les regardai tous les trois.
Si je n'acceptais pas, ils étaient capables de le faire sans moi...
Je finis par baisser les épaules en soupirant, vaincu.
- Très bien... Mais vous avez intérêt à ne pas en parler à Jimin ou Taehyung, parce qu'ils ne céderont pas aussi facilement que moi.
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Nous n'avions donc rien dit aux deux autres. Je me sentais assez mal parce que, pendant plusieurs jours, ils étaient restés dans le flou.
Ils ne savaient pas ce qui allait se passer, ils ne savaient pas que nous avions un plan.
Ils pensaient que nous espérions la venue des rebelles le jour de l'exécution pour pouvoir faire quelque chose avec Jongin et Seokjin, sortir de la ville avec eux et la foule.
Taehyung ne cessait de se serrer contre moi depuis que nous étions à l'auberge.
Dès que nous étions seuls, il venait se mettre dans mes bras, évacuant sa peine. Voir les blessures de Jimin tous les jours et savoir que son état ne s'améliorait pas minait son moral.
Le blessé, lui, n'était pas souvent conscient. Il dormait de plus en plus fréquemment, et je commençais à craindre plusieurs infections, mais nous étions coincés ici jusqu'à ce que le plan aboutisse.
Quand le jour tant redouté vint enfin, je retrouvai les autres dans la chambre de Namjoon et Baekhyun.
Nous ressemblions à une bande d'assassins avec nos manteaux noirs et nos larges capuches. C'étaient ceux que nous avions emportés du camp rebelle et que nous portions déjà pour secourir Jimin, ils seraient reconnus immédiatement. C'était le but.
- Vous êtes prêts ? demanda Namjoon.
Tout le monde hocha la tête dans le noir. Il était encore très tôt et le soleil n'était pas levé. Il commencerait à rosir le ciel dans une heure ou deux, le temps pour nous d'atteindre le palais.
Entre l'obscurité et la foule qui allait se presser dans la capitale aujourd'hui, nous pourrions espérer arriver à bon port sans encombres.
Les paysans se fichaient pas mal de l'exécution, mais nous étions sûrs que les spectateurs allaient être innombrables.
À défaut de vouloir assister à ce triste spectacle, à cette démonstration de force de Jungwoo, ils viendraient dans la capitale pour acheter à manger et de quoi vivre. C'était une chance qui ne se présenterait pas deux fois pour eux.
Une fois dehors, Namjoon et Baekhyun prirent la tête de notre groupe.
Je les suivis en regardant leurs pieds, pour être sûr de ne pas relever mon capuchon.
Il faisait encore nuit, mais à mesure que nous nous rapprochions du palais royal, nous rencontrions de plus en plus de monde.
Arrivés au pied de la silhouette sombre du bâtiment se découpant sur le ciel qui s'illuminait peu à peu, la foule était carrément dense.
Aucun de nous de s'arrêta ni ne recula face au palais. Les trois autres prirent la direction de la porte principale, tandis que je virais à gauche de mon côté.
La porte des arrières cuisines donnait sur une partie de la ville relativement boisée, comme un parc public qui longeait le demeure du roi sur le flanc ouest, je pus donc me dissimuler assez facilement en vue de cette dernière et l'observer.
Depuis ma position, je comptais cinq gardes qui passaient le temps autour de la porte, discutant entre eux. Nous étions passés deux fois par cette porte déjà, Jungwoo l'avait évidemment fait surveiller.
Je restai assis dans mes feuillages, attendant patiemment qu'il se passe quelque chose.
Je dus attendre une bonne dizaine de minutes avant qu'un sixième homme n'ouvre la porte à la volée et ne crie des instructions aux autres.
- On a besoin de tout le renfort possible ! Les recherchés ont été repérés près de la grande porte !
Il vociféra encore quelques phrases à l'égard de ses compagnons mais plus bas, trop pour que je le comprenne.
Cela m'importait peu, j'avais saisi la partie qui m'intéressait.
Les autres s'étaient fait repérer, la première partie du plan avait donc fonctionné. Je devais me dépêcher d'entrer avant qu'ils ne soient effectivement attrapés et qu'on ne se rende compte que je ne faisais pas partie du groupe. Il serait alors aisé pour nos ennemis de comprendre que je tentais quelque chose ailleurs, de mon côté, et de placer plus de soldats aux autres entrées.
L'homme repartit en emmenant trois des gardes de la porte.
Ces gens allaient arrêter mes amis et les rajouter à la liste de noms prévue pour l'exécution.
Exécution qui aurait lieu dans quelques heures...
Autrement dit, si j'échouais, j'aurais juste donné trois têtes de plus à mon frère, gratuitement.
Si j'avais refusé d'emmener Taehyung, c'était parce qu'ils ne l'auraient pas exécuté s'ils l'avaient capturé.
Jungwoo m'avait clairement prévenu qu'il comptait se servir de lui pour me faire souffrir en me forçant à regarder tout ce qu'il lui ferait avant qu'il ne s'occupe de moi.
Je refusais de prendre le risque que cela arrive.
Il ne me restait donc plus que deux adversaires. C'était jouable.
Je m'avançai vers eux, sortant de mes fourrés sans retirer ma capuche.
Dès qu'ils me virent, les deux hommes pointèrent leurs armes sur moi.
- Arrête toi, cria l'un d'eux. Montre ton visage !
Je ne m'arrêtai pas, continuant de marcher vers eux en sortant mon sabre de son fourreau.
Les deux autres comprirent évidemment la menace et se mirent en garde, prêts à m'attaquer.
Selon toute logique, ils ne prendraient pas le risque de me tuer. Un intrus devait dans le mesure du possible être capturé, puisque le roi désirait certains d'entre nous vivants.
Ils ne donnaient cependant pas l'impression de vouloir m'épargner.
Ils s'élancèrent vers moi, lames au clair et le premier coup de sabre rasa de près mon visage, manquant de me toucher à l'épaule.
Seulement, ils n'avaient aucune chance.
Ils étaient motivés par les ordres et la menace de mon frère planant sur leur tête, je me battais pour la survie de tous mes amis et pour l'avenir du royaume.
Je me battais en pensant à la reine assassinée, à Jaehyun qui n'avait pas eu le temps de revoir son fils à nouveau libre, à Vieille Nun qui aurait encore pu vivre de longues et belles années et à tous ceux qui nous avaient quittés.
Mon arme atteignit une première fois l'un d'eux à la jambe, le rendant plus lent. Légèrement concentré sur sa blessure, il m'offrit une ouverture sur son visage.
J'abattis donc le plat de ma lame de toutes mes forces sur sa tête, le faisant s'écrouler entre moi et son acolyte.
Ce dernier sembla hésiter une seconde, comme s'il se demandait s'il ne ferait pas mieux d'arrêter là et d'aller prévenir les autres. Il avait maintenant vu mon visage, il savait qui j'étais.
Je ne lui laissai pas le temps de me tourner le dos et attaquai à nouveau en me retenant de crier furieusement.
Le soldat ne se laissa pas démonter pour autant et il para mes coups avec plus de technique que le précédent.
Nous étions de niveau à peu près équivalent et il m'avait laissé m'épuiser sur son camarade. Il me toucha le premier, à la cuisse, comme une vengeance pour son ami assommé.
Je fis alors mine de tomber à terre et lui fauchai les jambes.
Mon opposant tomba sur le dos et le choc lui fit lâcher son arme, que j'éloignai d'un grand coup de pied avant de m'assoir sur sa poitrine pour le plaquer au sol.
Il tenta de crier l'alerte mais le manche de mon sabre s'écrasa sur sa tempe et il arrêta de bouger à son tour.
Je me relevai et vérifiai l'état des deux hommes avant d'aller les dissimuler derrière des buissons.
Au moment où je me retournai vers la porte, une main se posa sur mon épaule.
Heureusement, les réflexes de l'époque où j'étais encore un soldat ne m'avaient pas quittés : j'attrapai le bras de mon agresseur et me penchai en avant pour le faire passer par dessus mon épaule et le plaquer au sol avant qu'il ne m'attaque vraiment.
Mon poing se leva mais ne s'abattit jamais sur le visage de mon adversaire qui me regardait avec des yeux aussi ronds que les miens.
- Remarque, finit-il par dire comme pour conclure les pensées qui venaient de lui traverser l'esprit, c'est aussi comme ça que ça s'est passé la première fois que je t'ai posé la main dessus, j'aurais dû me méfier un peu plus.
Pardon...?
Qu'est-ce qu'il faisait là ?
- Tu n'aurais surtout jamais dû venir ! pestai-je contre Taehyung en le relevant rapidement.
Son léger sourire s'éteignit et ce fut à son tour de plisser les yeux sur un air contrarié.
- Je t'interdis de me faire la leçon alors que tu viens à nouveau de comploter dans mon dos pour risquer ta vie. Tu as de la chance que je ne t'aie pas tout simplement assommé ce matin lorsque tu es sorti du lit !
Je ne trouvai rien à répliquer à cela. J'étais parfaitement fautif.
Je pensais vraiment avoir été discret, mais de toute évidence, il avait jamais été berné par notre petit manège.
- Jimin sait ?
- J'ai été obligé de lui dire pour partir. Il n'est pas content non plus.
- C'était le seul plan possible, tentai-je de me justifier.
Taehyung fronça encore un peu les sourcils et enfonça son index sur ma poitrine.
- C'est discutable, mais soit. Reste que vous auriez pu nous mettre au courant bande d'imbéciles !
J'allais répliquer qu'il aurait essayé de me suivre si je l'avais fait. Mais dans la situation présente, cela aurait été stupide...
Taehyung attendit de voir la culpabilité s'installer dans mes yeux puis il recula et se tourna vers la porte.
- Maintenant je te suis, et tu n'as pas intérêt à essayer de me faire changer d'avis.
Je soupirai et lui passai devant sans dire un mot. Je ne pouvais pas le retenir, à moins de l'assommer et de l'attacher dehors, ce qui était une très mauvaise idée car en cas d'échec de ma part, il serait juste coincé à quelques mètres du palais...
J'étais terrifié par tous les scénarios qui se jouaient dans ma tête. Dans de nombreux d'entre eux, Taehyung finissait comme Jimin, attaché à un pilier, nu et brisé. Dans d'autres, Jungwoo et ses gardes lui faisaient subir les pires outrages devant moi.
Dans les pires, on m'obligeait à le tuer à la fin pour abréger ses souffrances.
Le plus horrible, c'est qu'ils étaient tous plausibles, et que les trois n'étaient pas incompatibles.
Je le tenais par le bras depuis notre entrée dans le bâtiment, refusant de le lâcher. En voyant que mes doigts tremblaient sur ses vêtements, il avait recouvert ma main de la sienne, et nous marchions ainsi dans les couloirs peu fréquentés de la partie des domestiques.
Nous avions passé les cuisines curieusement désertes sans devoir jouer aux espions infiltrés. Tout le monde était tenu d'assister au spectacle sans doute...
Je finis par arriver devant la porte entrouverte que je cherchais et ne libérai Taehyung que lorsque nous fûmes à l'intérieur et que le battant fut refermé derrière nous.
- On est où ? demanda-t-il.
- Dans l'ancien laboratoire de ma mère.
J'avançai vers la pièce du fond sans m'arrêter, entrai dans cette dernière qui était toujours complètement vide, comme le fameux laboratoire.
- Et là, c'était notre chambre.
Je regardai tout autour de moi, écoutant Taehyung s'approcher d'une oreille distraite.
J'étais pratiquement sûr que c'était là, c'était forcément là qu'elle l'avait laissée pour que je puisse retrouver la lettre dans le cas où elle ne serait plus là pour me la donner elle-même.
Si ce n'était pas dans le jardin, ni dans le boudoir, ça devait être ici.
Je venais parfois te regarder dormir quand je savais que Seulgi était avec le roi... Je restais simplement dans l'encadrement de la porte, à te regarder et à me demander ce que nous aurions pu être.
Je n'avais eu qu'une seule discussion avec ma véritable mère, celle pendant laquelle elle avait exprimé son désir de faire de moi le nouveau roi.
Elle avait aussi eu le temps de me dire ce qu'elle ressentait, pas tout, mais au moins une partie.
Elle s'était excusée pour tout ce qu'elle pensait m'avoir infligé et j'avais eu le temps de lui dire que je lui pardonnais. J'étais heureux d'avoir pu le faire avant qu'elle ne parte...
Je sus dès que je fis quelques pas dans la pièce où était cachée la lettre. Là où avait jadis été mon lit, une latte du plancher avait toujours eu un peu de jeu lorsqu'on la touchait, craquant légèrement lorsqu'on posait le pied dessus, comme à l'instant.
Le cœur battant, je fouillai dans l'une de mes poches en m'accroupissant, et attrapai mon petit couteau pour le glisser sous la planche de bois et la faire sauter.
Elle résista à peine et découvrit une cavité dans le sol et un papier blanc parfaitement roulé et portant le sceau royal.
Je le pris et l'ouvrit sans avoir à briser le sceau qui avait été apposé, pas pour des raisons de confidentialité mais d'authenticité, autrement dit, pas pour refermer la missive.
Mes yeux parcoururent rapidement le papier et un grand sourire s'étira sur mon visage quand j'eus terminé d'en lire le contenu. C'était peut-être bien la première fois que je ressentais autant de soulagement depuis longtemps.
J'allais replacer la latte quand je remarquai un autre papier, plus petit et plié en carré. Celui-ci arborait mon nom.
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Alors, prêts à être soulagés vous aussi ? :)
Je ne vais pas vous spoiler mais il reste quelques morts à écrire encore :D
Bisou sur votre front !
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