J'avais toujours eu une excellente mémoire. Mes souvenirs d'enfance, tout particulièrement, refusaient de s'effacer.
C'était à la fois une chance et une malédiction.
Ma mère était morte quand j'étais jeune, pourtant je me souvenais parfaitement d'elle et je pouvais chérir les moments que nous avions passés ensemble. Je me souvenais aussi de choses qu'elle m'avait apprises et cela m'avait servi toute ma vie, cela m'avait même permis de sauver Taehyung une première fois.

Mais d'un autre côté, je n'avais pas ce privilège qu'ont les enfants qui perdent un parent dans leur petite enfance, le privilège d'oublier et de surmonter ce traumatisme.

Je me souvenais également que tout le monde avait pensé que la mort de ma mère m'avait laissé de marbre. On avait murmuré de drôles de choses à mon sujet pendant quelques mois, tout ça parce que je n'avais pas versé une larme.
À l'époque, j'étais choqué et en colère, pleurer devant les autres, alors que je détestais ça, n'aurais rien arrangé.
J'avais pleuré, seul, et je me fichais bien de ce que pouvais penser les autres.

J'avais retrouvé un sorte de deuxième maman avec Vieille Nun. Elle s'était occupé de moi avec attention, plus que ce qu'elle faisait déjà lorsque ma mère était en vie, et parfois, j'avais l'impression qu'elle me comprenait aussi bien que ma génitrice.
Dans ces moments-là, je me rendais compte que je tenais beaucoup à ma vieille nourrice, et je me sentais un peu coupable. Je n'avais pas envie de remplacer ma mère...

Je n'en avais cependant pas eu le temps car on m'avait rapidement arraché Vieille Nun aussi.
J'aurais pu oublier ce moment de ma vie, oublier la façon dont Jungwoo m'avait rejeté, oublier ma peine, mais tout restait gravé dans un coin de ma mémoire.

Je me souvenais également du désespoir que j'avais ressenti lorsque j'avais su qu'on m'envoyait dans une caserne militaire.
Je ne voulais pas me battre et je ne voulais pas quitter ma maison, le seul endroit que je connaissais.
Mais on ne m'avait pas demandé mon avis, on m'avait balancé dans une charrette sans pouvoir emporter aucune autres affaires personnelles que celles que je pouvais prendre dans mes mains et j'avais quitté la capitale.
La raison officielle était que je perturbais le jeune prince. C'était l'avis de la reine mais le roi ne s'y était pas opposé, se contentant de poser un regard indifférent sur moi. Pire, de me cracher aux visage des insultes qui restaient gravées au fer rouge dans mon esprit depuis.

Les premières années à la caserne avaient été les pires de ma vie. J'étais le plus jeune, et de beaucoup, si la reine elle-même ne m'avait pas envoyé, le commandant n'aurait sûrement jamais accepté de m'enrôler à cet âge là.

J'avais d'abord été garçon d'écuries, mais on m'avait vite intégré aux autres élèves.
J'étais seul, complètement seul pendant deux ans. Les autres ne me ménageaient pas même s'ils avaient parfois un bon paquet d'années de plus que moi, et j'étais un de leurs boucs émissaires préférés.

Les choses avaient commencé à s'arranger lorsque Seokjin hyung était arrivé dans l'école.
Il avait été mon premier ami là-bas et il m'avait protégé jusqu'à ce que je sois assez fort pour me débrouiller tout seul et que Hoseok et Namjoon hyungs n'arrivent à leur tour.

À nous quatre, nous formions une petite bande plus ou moins soudée. Disons que je les aimais bien et que je les considérais comme mes amis, des frères de substitution, même si je devais leur mentir sur qui j'étais, ou plutôt sur ma famille, et garder un certain nombre de choses pour moi.

J'avais fini par devenir performant à force d'entraînement et le commandant s'était révélé plutôt fier de moi.
Puis j'avais été appelé par mon nouveau roi, Jungwoo, pour remplir une mission à la capitale.

Je me souvenais de toutes ces années de souffrance et de solitude, de la peur enfouie, qui m'avait suivie pendant des années, de m'attacher à quelqu'un, de peur qu'on me l'arrache.

Je me souvenais des choses que j'avais été réduit à faire lorsque j'étais devenu un soldat, tuant au nom de mon roi.
Je n'avais ôté la vie qu'une fois, mais ça non plus, ça ne s'effacerait jamais.

Je me souvenais d'absolument tout ce que j'avais enduré à cause de la femme qui se tenait devant moi.

Qui j'étais ? Elle me demandait qui j'étais ?

La reine mère se reprit rapidement et fronça les sourcils.
Je n'avais pas besoin de répondre à sa question, elle se souvenait très bien elle aussi.

- Qu'est ce que tu fais ici ? demanda-t-elle d'une voix sèche, pressante.

- Si vous vous posez la question, le roi sait que je suis au palais.

Je serrais les poings depuis son arrivée, faisant littéralement blanchir mes articulations. Cette femme était juste devant moi... La vipère qui était la cause de tout ce qui allait de travers dans ma vie.

Je m'attendais à ce qu'elle engage une conversation, peut-être à entendre enfin de sa bouche les raisons pour lesquelles elle me détestait, mais elle n'en fit rien.
Elle se contenta de se détourner et de ressortir du jardin sans même m'adresser un mot de plus.
Une fois encore, elle n'avait pas pu supporter ma vue. Étais-je si ignoble à ses yeux, ou est-ce que je lui rappelais ce qu'elle avait fait à ma mère, faisant remonter en elle au moins un peu de culpabilité ?
Cela l'aurait rendue plus humaine mais n'aurait rien enlevé à ma haine, ce qu'elle avait fait ne pouvait pas être effacé.

Cette entrevue avait été très courte, pourtant elle avait chamboulé beaucoup de choses.
J'avais cru pouvoir ignorer ce que je ressentais à l'égard de cette femme mais dès que mes yeux s'étaient posés sur elle, j'avais été de nouveau submergé par mes envies de meurtre.

Je devais cependant me contenir.
Si je tuais la reine, je n'avais plus aucune chance de m'en sortir vivant et de retrouver Taehyung.
Si elle m'enlevait ça également, continuant de me pourrir la vie même après sa mort, je ne le supporterais pas.

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- La reine est revenue ? Il me semblait que c'était pour dans quelques jours.

Hyorin se laissa glisser sur son lit et défit ses cheveux après avoir retiré sa tiare et les différentes épingles de son chignon.

- Je l'ai vue tout à l'heure...

- Tu es aussi tendu avec elle qu'avec Jungwoo ?

- Si ce n'est plus...

Hyorin roula sur le côté, la tête sur l'un de ses bras replié.
Si quelqu'un nous avait vu, j'aurais pu être immédiatement arrêté. La jeune femme était une princesse, et la fiancée du roi en plus de cela, notre proximité n'était pas convenable.
Il n'y avait aucun ambiguïté entre Hyorin et moi, mais n'importe qui nous surprenant ainsi, elle dans sa tenue de nuit et moi assis sur le rebord de son lit, aurait pu se méprendre.

La princesse avait finit par comprendre que je n'aimais pas être touché. Il n'y avait jamais de contact entre nous, seulement cette complicité qui nous permettait de parler librement.

- Demain matin, nous pourrons enfin amener notre première preuve au Conseil, pense à ça et à ton amoureuse, ça te permettra de tenir.

Oui, penser à Tae et au témoignage du tavernier arrivait à détacher mes pensées de Jaehee. Mais ce n'était pas facile...

- D'ailleurs, reprit Hyorin, il n'y a pas qu'elle qui soit arrivée, Jungwoo s'est vanté aujourd'hui de ses nouveaux gardes du corps. S'ils sont déjà arrivés c'est qu'il avait prévu de les appeler avant de te croiser au palais, donc c'est bien moi qu'il visait en premier lieu. Tu l'aurais vu vanter leurs mérites... C'était clairement pour m'impressionner et me dire qu'il n'aurait pas peur de s'en servir, ce type est détestable, comme tous les membres de sa maudite famille.

- Oui enfin... Peut-être pas tous, grommelai-je dans ma barbe.

Hyorin se redressa légèrement, ayant entendu ce que j'avais marmonné malgré le volume sonore que j'avais employé.

- Comment ça ?

- Le... Le roi était plutôt sympathique.

La tête de la princesse retomba sur le matelas, faisant légèrement onduler le tapis de cheveux noirs qui entourait sa tête.

- J'ai entendu dire que c'était un bon souverain en effet. Je ne comprends pas comment son fils a pu virer aussi mal... La reine sans doute.

C'était probable. Grandir avec une meurtrière et entouré de membres du Conseil peu recommandables avait eu raison de la bonté et de tout ce qu'il pouvait y avoir de bien dans le coeur de mon frère.

- Des fois, les enfants ne deviennent pas comme leurs parents. La personne que j'aime est la gentillesse incarnée, et pourtant, son père est loin d'être un ange.

- Comment vas-tu demander sa main alors ? demanda Hyorin avec un grand sourire, soudain beaucoup plus intéressée par la conversation.

- Son père... Ne fait plus partie de sa vie depuis un moment...

Et puis, il m'était impossible de demander Taehyung en mariage, peu importe combien je tenais à lui.
Cela ne nous dérangeait pas vraiment, nous en avions déjà parlé, et vivre notre vie ensemble nous suffirait.

- Ce n'est pas plus mal, si c'est un homme mauvais, autant qu'il reste éloigné de votre famille.

Hyorin se rassit et se rapprocha de moi, gardant tout de même une distance respectable entre nous.

- Il faudra qu'on se revoit plus tard ! Quand je serai reine, je viendrai te rendre visite, je veux absolument rencontrer cette fille, et les enfants que vous allez avoir ! Rassure toi, je ferai en sorte que vous ne manquiez de rien et Jungwoo ne sera jamais au courant.

Sa joie et son enthousiasme me touchaient mais je savais bien en hochant la tête que je ne serais pas en mesure de combler ces promesses.
J'avais renoncé à une vie de famille et à une descendance en choisissant Taehyung.
Mais j'espérais qu'un jour je pourrai le présenter à Hyorin. Puisqu'elle était devenue mon amie, j'espérais qu'elle comprendrait.

- Il se fait tard, soufflai-je, je vais te laisser.

- À demain Jungkook, tu verras, ça va enfin s'arranger pour Chanyeol.

Je répondis doucement à son sourire avant d'incliner la tête et de me diriger vers la porte.
Deux gardes attendaient toujours devant, je passai en les saluant comme tous les soirs. Vu que la princesse, Jaehyun et moi travaillions ensemble, ils ne me regardaient jamais de travers quand je sortais une heure après le chef de village. Ils savaient pertinemment que nous ne faisions que parler, les murs étaient assez épais pour retenir le contenu exact de nos paroles mais pas le bruit d'une partie de jambes en l'air.

Ma chambre n'était pas très loin, c'était juste à deux couloirs d'ici. Je ne disparaissais de la vue des gardes de Hyorin que quelques secondes avant d'entrer dans le champ de vision de celui qui était posté devant ma porte.

Je profitai de ce laps pour prendre un autre chemin et m'éloigner.
J'appréciais que les hommes de la princesse nous protègent Jaehyun et moi mais j'avais aussi besoin d'être un peu seul parfois.

Je ne me baladerais que quelques minutes, personne n'aurait le temps de me voir ou de s'apercevoir de mon absence.
Juste cinq minutes, ça n'était pas grand chose.

Pourtant cela suffit pour que mon bras soit violemment attrapé et que je ne me fasse tirer dans un couloir parallèle.

Je me maudis mentalement, me répétant à quel point j'étais stupide de m'être laissé avoir tout en me débattant pour que la personne qui m'avait attrapé me lâche.
Elle ne devait pas être très costaud car elle me laissa me dégager assez rapidement.
Mais un coup de poing me cueillit au visage avant que je puisse me retourner complètement vers mon agresseur.

- T'es qu'un abruti Jungkook, un putain de salop ! Tu m'abandonnes et tu me laisses crever d'inquiétude pour aller baiser une putain de princesse !

Toutes ces insultes avaient été criées à voix basse pour ne pas attirer l'attention, mais j'avais tout de même reconnu cette voix.
J'étais tellement abasourdi que je n'évitai même pas le coup suivant et me laissai juste glisser au sol, le visage endolori.
Je levai alors les yeux vers mon agresseur, tout de noir vêtu, qui baissai sur moi un regard rempli de fureur.

- Taehyung... ?

Il ne répondit pas et m'attrapa par le col, me forçant à me relever.

- Je te déteste... !

J'avais déjà vu un Taehyung apeuré, agacé, perdu, triste, excité, terrifié,... Mais je ne l'avais jamais vu en colère comme ça.

Il ne me laissa pas le temps de me défendre et ouvrit une porte avant de me jeter dans la pièce que je devinai immédiatement être une chambre, occupée si on en croyait la cheminée allumée.

- Tae, où on est ? Qu'est ce que tu fais...?

- Ferme là, s'écria-t-il avant de me jeter sur le lit. C'est ma chambre.

Ses forces étaient peut être inférieures aux miennes mais il en avait assez pour que je m'y écrase sur le dos.
Attendez... Sa chambre ? Depuis quand Taehyung avait-il une chambre au palais ? Pire, depuis quand était-il au palais ?
Est ce qu'il était revenu vers son père pour pouvoir entrer ?

J'eus à peine le temps d'entendre la porte se refermer avant d'avoir brusquement son poids sur la poitrine.
Il me regardait avec ses yeux brillants de rage et de larmes et je sentais qu'il avait encore envie de me frapper. Sa main était enroulée autour de ma gorge, m'immobilisant sans pour autant serrer, mais je voyais bien qu'il fixait ses doigts comme s'il hésitait sérieusement à m'étrangler.

- Tu m'as menti, tu m'as abandonné et quand je te retrouve enfin, prêt à te pardonner, je te trouve avec une fille... ?

- C'est mon amie ! essayai-je de me justifier.

- Tu la laisses te toucher... ? demanda-t-il d'une voix brisée en ignorant totalement ce que je venais de dire.

- Non, bien sûr que non, il n'y a que toi qui...

- Menteur ! me coupa-t-il.

Et il commença à serrer.

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Taetae vous avait manqué ? :3
Moi aussi ^^

Je me doute que son retour doit pas vous plaire des masses à cause de la façon dont ça se déroule
Sorry ^^

Mais promis, ça va s'arranger entre eux :)
Un jour