Chapitre IV
Je regardais Taehyung dormir depuis une bonne heure, me demandant si j'avais pris la bonne décision.
J'essayais de me mettre à sa place, me demandant comment je réagirais s'il m'annonçait qu'il partait demain au palais royal sans moi.
Je deviendrais fou, sans aucun doute.
Mais si la reine avait tué la mère de Taehyung, je pense que je comprendrais ses motivations. J'essayerais tout de même de venir avec lui, mais je ne pouvais pas autoriser l'inverse. La ville était beaucoup plus dangereuse pour lui que pour moi depuis qu'il était censé être mort.
Je passai une main dans ses cheveux et me serrai un peu plus contre lui, indécis.
Je ne pouvais pas supporter de laisser Jaehee s'en tirer, mais si je venais à mourir, Taehyung en souffrirait.
Je ne voulais pas le blesser, mais je ne pouvais pas vivre en sachant que cette vipère respirait encore... Et puis, le fils de Jaehyun avait aussi besoin d'aide...
- Pardonne moi... soufflai-je contre le haut de sa tête.
- Hmm ? fit-il d'une voix endormie en relevant légèrement le visage vers le mien.
Il se redressa légèrement sur un coude en voyant que je ne répondais pas et il regarda autour de lui, l'air un peu perdu.
- Je me suis endormi il y a longtemps ?
- Ça fait quelques heures déjà...
Il regarda par la fenêtre un instant avant de se retourner vers moi et de m'observer attentivement.
- Quelque chose ne va pas ?
Est ce que je devais lui dire ?
Si je le faisais, il risquait fortement de s'y opposer, mais si je partais dans son dos, qui sait ce qu'il pourrait faire.
- C'est... Cette histoire avec le fils de Jaehyun. Cet homme a été généreux avec nous et nous a accueilli, j'aimerais pouvoir faire quelque chose.
Taehyung pinça les lèvres et vint replacer sa tête sur mon torse. Le contact de sa joue sur ma peau nue parvint presque à me détendre.
- Oui mais ce n'est pas de notre ressort... Malheureusement, on ne peut rien faire.
Je sentais qu'il recommençait à s'endormir, le poids de sa tête sur ma poitrine s'alourdissait au fil des secondes.
- Tae... Je dois faire quelque chose.
Je sentis ses doigts se crisper légèrement sur ma peau.
- Qu'est ce que tu veux dire ? demanda-t-il sur un ton presque méfiant.
Je pris une grande inspiration avant de lui répondre, un peu plus bas que ce que j'aurais voulu :
- Je vais retourner là-bas, j'essaierai de parler à ses conseillers plutôt qu'à Jungwoo, peut être que l'un d'eux m'écoutera. Après tout, le roi ne s'occupe pas du menu fretin, il y a même fort à parier qu'il n'a jamais entendu parler de Chanyeol... Il n'aura même pas à savoir que j'étais là.
Il se redressa comme si je lui avais versé un seau d'eau sur la tête, ou comme si mon contact l'avait soudainement brûlé.
- On ne peut pas faire ça ! s'écria-t-il, paniqué. Ton frère ou mon père risquent de nous faire prisonnier aussi !
- Je... Je n'avais pas prévu de t'emmener avec moi Taehyung.
Je vis ses yeux s'écarquiller dans la nuit et il se releva rapidement sur le matelas de paille, emportant avec lui notre couverture.
- C'est une blague ?!
- Chhhut ! sifflai-je tout bas. Tu vas réveiller Vieille Nun !
- Je m'en moque, poursuivit-il en baissant tout de même la voix, tu te rends compte de ce que tu dis ?
Oui, je m'en rendais parfaitement compte.
Je me tus, le regardant d'un air coupable en attendant qu'il se calme un peu.
- Je ferais attention Tae, je-
- Non, me coupa-t-il avant de reprendre d'une voix beaucoup plus tremblante. Tu ne peux pas partir comme ça...
Je crus distinguer son menton trembler et mon coeur se serra. Combien de fois son visage avait-il été strié de larmes par ma faute ? J'avais beau me sentir affreusement coupable à chaque fois, ça ne changeait rien.
- Ta vie aurait été plus simple si tu ne m'avais pas rencontré hein... ?
Il secoua la tête et essuya son visage.
- Ne dis pas n'importe quoi. Si je t'avais pas rencontré, ton frère aurait envoyé un assassin digne de ce nom pour me tuer et je ne serais plus là à l'heure qu'il est.
C'est vrai qu'on faisait mieux que moi en matière de tueur. J'avais tout fait pour que ma cible reste en vie et j'avais fini par tomber amoureux d'elle...
Mais là n'était pas la question, j'aurais préféré qu'il puisse mener une vie paisible, et arrêter de le tourmenter...
- Tae... Je serai vite de retour.
Lui mentir aussi éhontément ne me ressemblait pas, je me donnais presque envie de vomir.
- Non, tu ne peux pas y retourner ! Je suis aussi triste que toi pour le fils de Jaehyun mais je ne pourrai pas supporter de te perdre !
Je restai un instant interdit devant son emportement. Je n'étais pas habitué à ce qu'il se rebelle de cette façon, et je n'étais pas sûr de savoir ce que je préférais entre ses larmes ou le fait de savoir qu'il était en colère contre moi.
- Promets moi que tu n'iras pas, Jungkook.
J'essayai de masquer mon désespoir mais il m'avait privé de toute chance de pouvoir être droit et sincère avec lui sur ce coup là.
Les mots suivants manquèrent de m'arracher la bouche, mais je les prononçai quand même :
- C'est d'accord... Je te le promets.
Il garda un instant les yeux plantés dans les miens, comme pour s'assurer que je disais bien la vérité, puis il décida de me faire confiance et vint reposer sa joue sur mon torse, nous recouvrant à nouveau de la couverture.
Ses doigts s'entremêlant aux miens arrivaient à me calmer la plupart du temps, mais cette nuit, ils me donnaient juste l'impression d'être aussi horrible que mon frère...
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- Hansoo ! Hansoo ! Regarde !
Le gamin leva son grand bâton vers le ciel avant de l'abattre sur un gros tas de terre qui vola en éclat, éclaboussant ses petits camarades.
- Joli Jinyoung ! Encore un peu d'entraînement et tu seras aussi fort que moi.
Le garçon gonfla la poitrine, fier comme un coq, et continua de lancer son bâton dans tous les sens, faisant mine d'attaquer ses amis.
Ils se bagarraient comme ça depuis une heure déjà, Tae leur servant de professeur.
J'étais sidéré par la facilité avec laquelle Taehyung attirait les gens à lui, les enfants tout particulièrement.
Ces gosses le connaissaient depuis moins d'une journée et certains étaient déjà accrochés à ses jambes ou pendus à son cou.
Il faut croire que ce n'était pas que moi, tout le monde était irrésistiblement attiré par son aura joyeuse.
J'aurais tout de même préféré qu'il attire un peu moins les foules. Depuis mon observatoire, à la fenêtre de la chaumière de Vieille Nun, j'entendais le groupe de jeunes villageoises qui servait de public aux futurs petits guerriers.
Elles étaient adossées contre le mur de la maison juste à côté de moi et ne me voyaient pas, mais je ne ratais rien de leurs discussions.
Elles gloussaient dès que Taehyung se tournait par ici, sans se douter que j'étais la personne à qui il lançait ses sourires de gamin, et elles lui faisaient des signes de mains aguicheurs auxquels il répondait par politesse. S'en suivait ensuite une cascade interminable de babillages ayant pour unique but de déterminer à laquelle d'entre elles allait son affection.
Les gamins finirent par devoir rentrer chez eux et Taehyung rejeta ses cheveux en arrière avant de se diriger vers moi.
Je retins un soupir agacé lorsque les adolescentes se mirent à piailler en le voyant s'approcher de la maison et me concentrai sur mon compagnon.
L'une des filles, la plus téméraire sans doute, s'avança et lui barra la route. Elle avait l'air toute petite devant lui, ce qui me fit me rendre compte que, même s'il était moins développé que moi et me semblait fin et fragile entre mes bras, Taehyung avait tout de même une certaine carrure.
Il baissa les yeux vers la jeune fille et lui sourit.
- Bonjour Hansoo ! s'écria la jeune femme. Puisque tu vas rester un moment au village, tu ne voudrais pas venir manger chez moi un jour ?
Tae releva la tête vers moi, m'interrogeant du regard. Il ne me demandait pas mon avis pour accepter, il avait plutôt l'air complètement perdu face à sa demande.
La fille se retourna, suivant son regard et elle tomba sur moi sans retenir une grimace de surprise. Je pense qu'elle venait de réaliser que j'avais entendu toute leur discussion, parfois bien imagée.
- Désolé, s'excusa Taehyung. Je ne pense pas que cela plaise à Jungkook.
Elle me lança un regard de travers avant de se tourner de nouveau vers lui.
- Ton ami n'a pas à te dire quoi faire, tu peux venir si ça te fait plaisir.
J'observai attentivement la scène, curieux de savoir comment Taehyung allait réagir. Je le vis se frotter l'arrière de la tête, se demandant quoi dire, puis il lança un sourire qui éblouit probablement tout le petit groupe.
- S'il était un simple ami peut être, mais Jungkook est bien plus que ça pour moi.
J'étais resté de marbre tout le long de leur échange mais je commençais à avoir envie de me dandiner d'un pied sur l'autre. À quoi jouait-il ?
J'eus ma réponse lorsqu'il se rapprocha encore un peu plus de la fenêtre et m'embrassa sans prévenir.
Mon regard surpris et celui, dégoûté, de la jeune femme, se posèrent sur lui, mais il n'avait pas l'air d'en avoir grand chose à faire.
Il s'inclina légèrement devant elle pour la saluer avant de regagner la porte de la maison de Nun.
Puisqu'il n'était plus là, j'en profitai pour lancer un petit sourire victorieux à son groupe d'admiratrices déçues avant de refermer la fenêtre.
Je ne comprenais pas pourquoi il avait fait ça, mais au moins, ça ne manquerait pas de les calmer.
- Si on doit rester ici, fit la voix de Taehyung derrière moi, autant que les gens soient au courant pour nous. Ça aurait fini par se savoir.
- Ah bon ? demandai-je en me retournant, retenant mon sourire.
Il se rapprocha de moi avec une lueur amusée dans les yeux.
- Si tu me construit la maison que tu m'as promise et qu'on y vit ensemble, ça paraîtra plutôt évident, non ?
Il vint me prendre dans ses bras et j'essayai de passer outre la tempête de pensées qui se mettaient à tourner dans ma tête.
- Tu ne les avais pas remarquées jusqu'à ce que celle-là te demande de venir chez elle ?
- J'aimerais bien dire que je n'avais d'yeux que pour toi, mais elles étaient difficiles à ignorer.
Il se mit alors à rire et je sus que je ne pourrais pas partir.
Il m'avait piégé, aussi sûrement se s'il m'avait attaché et enfermé dans cette maison.
Je ne pouvais pas lui faire ça alors qu'il était enfin heureux dans ce village...
Je le serrai à mon tour un peu plus contre moi, écartant de mes pensées le visage de la reine Jaehee qui vivrait sûrement de nombreuses longues années encore.
Taehyung devait passer en premier. Il était plus important que mon désir de vengeance, quand bien même celui-ci était dirigé contre l'assassin de ma mère.
Je n'avais pas le droit de sacrifier son bonheur pour quelque chose d'aussi égoïste, et même si ça me coûtait, j'allais me tenir loin de la capitale, et espérer qu'on trouverait un autre moyen de sauver Chanyeol avant son exécution.
- Tu sais, il me semble avoir déjà croisé Vieille Nun quand j'étais plus petit. En fait, je crois même t'avoir déjà aperçu toi aussi.
Je mis une seconde à comprendre ce qu'il venait de dire puis m'écartai légèrement de lui pour le questionner du regard.
- C'est à cause de mon père, expliqua-t-il, par moments, il m'emmenait avec lui au palais. Je crois me souvenir d'une vieille dame et d'un petit garçon.
- Sûrement mon frère, le couple royal ne voulait pas que je traîne dans les parties publiques du palais, histoire que je ne croise pas les invités comme toi.
- Pourtant je crois me souvenir d'une fois...
Il réfléchit quelques instants avant de hausser les épaules.
- Tu as sans doute raison, ton frère et toi vous ressemblez un peu j'imagine.
Je souris, content qu'il me parle un peu de son passé, même s'il ne s'agissait que de ça, et qu'il venait de me comparer à Jungwoo.
Il avait tendance à se refermer dès qu'il fallait évoquer son enfance. Soit parce que cela le ramenait à son père, soit parce que cela lui faisait penser à Jimin, et Yoongi, qu'il avait dû abandonner avec son ancienne vie.
Nous étions encore l'un en face de l'autre à penser à nos vieux souvenirs lorsque Vieille Nun fit soudain irruption dans la maison, le visage livide.
- Nun ? demandai-je. Ça ne va pas... ?
- C'est une catastrophe oui !
Taehyung s'écarta de moi, surpris par le ton virulent de la vieille femme.
- Qu'est ce qui se passe ?
- Il se passe que Jaehyun est parti récupérer son fils, demander à ce qu'on le tue à sa place ou je ne sais quelle folie du même genre !
Elle s'assit furieusement sur une de ses vieilles chaises en bois, la faisant légèrement craquer.
- Quand ? fis-je en me rapprochant d'elle.
- Hier soir apparemment.
- Il n'a pas beaucoup d'avance, on pourrait le rattraper avec-
Vieille Nun me coupa en relevant ses yeux yeux cernés de ridules vers moi, l'air si grave que j'en perdis mes mots.
- Il a pris vos chevaux mon garçon, on n'en a pas par ici.
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