Chapitre 2
Mais le lendemain, le jour ne fut pas aussi beau que le village pouvait le penser.
Bien sûr, il y avait un grand ciel bleu, une belle chaleur et un temps agréable pour se rendre dans les champs, passer proche du terrain occupé par l'armée afin de pouvoir les admirer, se battre torses nus, préparer un repas ou tout simplement vaquer à leurs occupations, sans se douter qu'un des leurs venait de rentrer pour annonce le résultat de son enquête.
Kael, le vieil homme et sage fut appelé précipitamment auprès du Prince sans qu'on ne lui expliqua pourquoi. Sortit du lit de force, il avait été traîné jusqu'au Prince et son conseil, dans sa longue tenue de nuit.
- Nous l'avons amené, déclara un militaire qui leur présenta l'homme complètement choqué et inquiet.
- Seigneur, souffla le sage. Allez-vous bien ? Qu'est-ce que tout ceci ?! J'ai été tiré de mon lit comme un criminel !
- Ne soyez point choqué, soupira un oméga, habitué à ce genre de pratique, peu conventionnelle, de la part de son dirigeant. Au moins êtes-vous encore en vie.
- Sa tête ne roule point encore sur le sol de ma tente, gronda le Prince. Tila.
- Seigneur ?! s'exclama le soldat qui avait accompagné Kael la veille, debout, droit comme un i.
- Ton rapport.
- Si fait, Seigneur, s'exécuta-t-il. Comme vous me l'avez ordonné, je suis allé au village pour tenter d'en apprendre plus sur le Héro de Talway.
Ce nom figea Kael qui sentit la sueur glisser froidement le long de sa colonne vertébrale. Pourquoi vouloir connaître la vie de ce garçon ? Que lui voulaient-ils ?
- Il est né d'une maîtresse et est, à ce jour, le seul fils du chef du village, raconta donc le soldat. Le chef a quatre filles de sa femme légitime.
- Ainsi, soupira l'oméga. Le Héro de Talway est un bâtard. Que c'est bien dommage...
- Continue, ordonna le Prince.
- Bien sûr. Après la guerre, il est revenu ici pour y être soigné, mais d'après les dires, personnes ne souhaite le rencontrer.
- Pourquoi cela ? demanda un bêta qui participait à la réunion, regardant le vieil homme.
- Parce qu'il est infirme, Général Bradnir, répondit le soldat.
- Il est vrai que l'infirmité chez un fils est souvent très difficile à vivre pour une famille, mais il a été grassement payé et reçoit chaque mois une compensation militaire. Comment sa... Oh... Je vois. Ainsi, la cupidité de ce monde est sans faille.
- Bradnir ?
- Mon Seigneur, si j'en crois ce que Tila raconte, la famille du Héro ne sait rien de ses faits militaires. Ce n'est point lui qui reçoit cette compensation, mais directement le chef du village et ses filles.
- Tila, la femme est-elle encore en vie ? demanda le Prince.
- Mon Seigneur, la mère de ce garçon est-
- Lens, gronda le soldat Tila.
- Plait-il ? fit le vieil homme choqué.
- Son nom est Lens, Lens Folk. Il est un héro de guerre qui a permit à cet Empire de ne pas sombré dans un complot meurtrier ! Il a perdu ses jambes pour nous sauver !
La colère et la frustration de l'homme fut si palpable que personne n'osa le réprimander.
- Et oui, Seigneur, reprit-il. La femme qui donna la vie à Lens est décédée avant son départ pour l'armée.
- De quoi est-elle morte ?
- Maladie et maltraitance.
Le silence retomba lourdement à l'intérieur de la tente, laissant à chacun un instant pour réfléchir à ce qu'il venait d'être dit. Puis on interrogea le vieil homme qui n'osa ouvrir la bouche, beaucoup trop coupable d'avoir participé à l'exil de ce pauvre garçon, dont effectivement, il n'avait jamais connu les faits militaires et visiblement héroïques de ce dernier. On le renvoya s'habiller pour revenir au pas de course.
Pendant se temps, le Prince décida qu'il était temps qu'il aille lui-même rencontrer ce héro dont il avait tant et tant entendu d'histoires sans jamais l'avoir rencontré. Tila semblait le connaître assez pour l'avoir reconnu dans le village. Aussi, quand le vieillard revint, il fut décidé qu'il les guiderait vers la maison de ce dernier. Kael déglutit en les voyant sortir un à un, une aura destructrice les entourant. Rien de bon n'allait en ressortir, il le savait d'avance, mais ne pas obéir serait du suicide.
Il les précéda vers une demeure grandiose depuis laquelle on pouvait entendre des hurlements et quelques gémissements de douleur.
Kael toqua à la grande porte et un domestique vint lui ouvrir.
- Kael ? Que puis-je pour toi ? Le Chef est... occupé pour le moment, il-
La porte s'ouvrit en grande. Le Prince força le passage et piétina le sol à peine lavé de cette maison affreusement luxueuse. Lui et son groupe suivirent les cris de rage et les bruits d'objets utilisés pour frapper quelqu'un qui ne pouvait se défendre, ainsi que des gloussements satisfaits.
Était-ce ainsi que ce garçon était traité ? Le Prince fronça les sourcils, ses phéromones se propageant autour de lui, laissant un avant goût d'une colère qu'il maîtrisait à peine.
Quand il déboucha sur une cour, la scène fut si choquante qu'il ne put qu'intervenir avant que l'homme ne tue l'infirme qui ne se défendait pas., Il ne voulait plus se défendre, serait peut-être plus juste. Car beaucoup trop affaiblit, marqué par des années de maltraitances, de défouloir injuste sur sa personne, il avait arrêté de compter sur la bonté des gens et sur une aide divine, il attendait la prochaine claque qui lui ferait enfin quitter l'enfer.
Alors que l'homme levait le bras pour brandir haut dans le ciel un tison chauffé pour l'abattre une dernière fois sur le garçon, le Prince lui attrapa le poignet et le lui brisa.
Dans un cri de douleur, le chef du village se tourna pour voir qui avait osé le défier et dû faire face au Prince. L'homme devint livide.
- Que... Que me vaut l'honneur de votre présence ici, mon Seigneur ? bredouilla-t-il.
- Le Prince ? murmura une des filles.
- Oh, c'est lui ! chuchota une autre.
- J'étais curieux de rendre visite au Héro de Talway, déclara la voix forte et courroucé de l'homme dont le regard froid transperça le chef du village.
- Que...
- Seigneur ! s'exclama une des quatre filles du chef du village, s'approchant du Prince. Il n'y a aucun Héro de guerre ici.
D'un coup sec, le tison alla se ficher dans la gorge de celle-ci, la tuant sur place, faisant crier de terreur les trois autres.
Mais le Seigneur n'en eut cure, il contourna le chef du village pour s'approcher de l'être couvert de boue et de sang qui respirait à peine. Mais alors qu'il posa son index sur sa peau, sous son nez pour sentir son souffle, une sorte de connexion se fit entre eux, telle une étincelle avant un grand incendie.
Un oméga. Le Héro de Talway était un oméga ! pensa-t-il avec surprise. Et pas n'importe lequel ! Le mien !
La colère fut si grande en lui qu'il ne put contrôler son aura. Ses phéromones explosèrent, ricochant sur les murs ou chacune des personnes présentes dans la cour, effrayant les trois filles restantes du chef ainsi que l'homme qui tenta de s'éloigner de lui.
Un soupir brisa cette colère.
- Se...Sei...gneu-
- Silence, souffla l'alpha qui eut un mal fou à ne pas tous les tuer. Silence, jeune fou.
Pourtant, un lent sourire se fit voir sur le visage tuméfié et couvert de cicatrices, du jeune homme qui tenta, malgré la douleur, de lever sa main vers le Prince qui se laissa toucher. Son geste suspendit le temps, comme s'il en avait le pouvoir, mettant fin à ce massacre. Mais quand la force le quitta, la réalité reprit et Cainnech se pencha pour passer ses bras sous les jambes inertes du garçon ainsi que dans son dos.
- J'ose imaginer, que ce cloaque est la chambre de votre fils.
- Vous insinuez, Seigneur, que notre Héro vit dans ce... fit le soldat, choqué par tant d'inhumanité.
- Vieillard, va donc chercher tes onguents et tes potions, ordonna Klaus. Tila, accompagne-le.
Le soldat quitta l'endroit, ayant besoin de souffler, accompagné du soigneur qui se précipita vers son laboratoire pour y récupérer un sac de soins. Quand ils revinrent, les trois filles n'avaient pas bougées, espérant que Kael soit revenu pour soigner leur père et aider à retirer le tison, toujours planté dans la gorge de l'aînée, elles tentèrent de l'appeler, mais il n'en eut pas l'occasion. L'oméga qui possédait un grade assez haut dans l'armée, ayant eut beaucoup de mal à ne pas ressentir les phéromones destructeurs de son Seigneur, le réceptionna pour le diriger vers ce qu'il semblait être un boxe pour cheval aménagé en chambre.
Même lui en fut choqué, mais quand il vit que le Prince, installé sur le lit du jeune homme, le lavant pour lui retirer boue et sang, lui-même, il ne put esquisser le moindre moment. Personne n'osa bouger ni même respirer. C'était une scène exceptionnelle et ils l'avaient tous bien comprit. Pourtant, Kael fut poussé vers le couple pour venir en aide à l'homme silencieux qui trempait linge après linge, dans ce qu'il ressemblait à un bac où on versait de l'eau aux chevaux, afin de nettoyer ce garçon inconscient.
- Votre Altesse, murmura le vieil homme, conscient qu'au moindre faux pas, il pouvait finir comme la fille ou le père. Je vais m'occuper de lui.
Mais il n'arrivait pas à lâcher.
Son oméga... Vraiment ? Comment avait-il pu le reconnaître alors qu'il ne l'avait jamais vu une seule fois ?
Pourtant, cette odeur était très spéciale et il était visiblement le seul à la connaître.
- Cainnech, l'appela Klaus, faisant réagir le Prince. Le sage est là. Il va prendre soin de lui. Tila va rester avec. Mendon est nauséeux, il doit retourner au camp. Ta colère est trop grande.
- Sais-tu qui il est ? gronda alors son ami à voix basse. Sais-tu donc pourquoi ma colère est elle aussi instable ?
Klaus était le seul à posséder autant de libertés avec le Prince. Meilleurs amis depuis l'enfance, ce fils de forgeron et le futur Empereur avaient noués un lien très fort dès leur tendre enfance. En grandissant, ils étaient devenu encore plus proches, au point où Cainnech avait lui-même marié son ami à son oméga et avait été désigné comme parrain de leur fils. Tels deux frères inséparables, les deux alphas pouvaient agir comme bon leur semblait. Alors, Klaus s'approcha pour venir s'agenouiller devant son ami et lui demanda :
- Dis moi, mon frère. Qui est-il ?
- Mon oméga, laissa tomber le Prince, plantant son regard dans celui de son général et ami qui ne broncha pas sur le coup de la surprise. Il est mon oméga, Klaus. Sens-tu cette odeur ?
- Celle du sang et du purin ?
- Ah, soupira Cainnech. Tu vois. Je ne puis me tromper ! Non, son odeur est attirante, presque comme une drogue. Un sort dont je ne puis me défaire. Si ma colère est démesurée, c'est à cause de lui...
Dans ce taudis, ceux qui s'y trouvaient à cet instant, se turent, sous le choc. L'oméga du futur Empereur était le Héro et un enfant infirme, battu à mort, un bâtard ?! Qui pouvait y croire ? Mais quand Kael voulu toucher le poignet du garçon, la réaction du Prince fut sans appel. Il se mit à gronder, son regard devint plus sombre, se cerclant de rouge, son souffle devint hachuré, son aura plus étouffante. C'était bien là, la preuve d'un Alpha protégeant son oméga. Mendon, se mit à tousser, attirant l'attention du Seigneur.
- Je suis un oméga, Seigneur. Laissez-moi rester avec lui. Il ne risquera rien avec moi.
- Mendon a raison, dit Klaus. Kael et lui vont en prendre soin, tandis que nous nous occuperons de ce qu'il se passe ici.
S'en occuper ? Oh oui ils allaient faire ça.
Cainnech se leva et déposa très doucement l'infirme sur le lit peu confortable.
- S'il lui arrive quoi que ce soit...
- Je vous le promet, Votre Altesse, lui répondit l'oméga. Il est entre de bonnes mains avec moi.
Quand les deux alphas eurent quitté la chambre, l'oméga s'approcha de l'endormit et entreprit de l'inspecter.
- Que faites-vous ? demanda le vieux sage.
- Nous autres, omégas, avons certains talents, répondit simplement Mendon sans chercher à s'expliquer plus.
Quand il posa son regard sur le visage du jeune homme inconscient, il ressentit une vive douleur au coeur.
- Tu m'as sauvé ce jour-là, murmura-t-il de façon à ce que personne d'autre que lui ne l'entende. Il y a cinq ans, j'étais enceint de ma fille, Amada. Mon époux et moi avions été pris au piège par ces scélérats qui se sont retournés contre l'armée. Je fais partit des rescapés que tu as fais évacuer. Mon époux est sauf, notre fille également et tout ceci est grâce à ce courageux éclaireur qui s'est sacrifié pour nous. Réveille toi, que nous puissions te remercier comme il se doit.
Mendon posa une main sur le front du jeune homme et le sentit froid. Il poussa un long soupir et ordonna :
- Tila.
- Chef ?
- Retourne à l'intérieur et somme les de préparer un bain chaud pour lui. Il ne va pas survivre ainsi.
- Tout de suite !
Le soldat se précipita à l'extérieur, courant vers la maison, poussant les pauvres soldats que le chef avait dû appeler en urgence pour se protéger du Prince et de sa colère explosive, pour faire irruption dans la maison et crier :
- Toi là ! Prépare un bain chaud !
- Pour quoi faire ? s'exclama une femme prise par surprise.
- C'est un ordre ! gronda le soldat en sortant sa lame pour la pointer sur la femme. Ton maître a décidé de traiter un héro de guerre comme un moins que rien, alors qu'il vous a permit de dormir sur vos deux oreilles ! Si tu ne désires pas finir comme l'une des filles de ton maître, je te conseil d'obéir !
- Quoi ? Qu'est-il arrivé à-
Mais la lame commença à s'enfoncer dans sa chair, la faisant saigner. Elle fit rapidement demi-tour pour ordonner à ce qu'on prépare un bain chaud. Mendon souleva l'oméga infirme quand Tila revint pour les prévenir que tout était prêt. Il quitta l'endroit avec le vieux sage et suivit Tila vers la maison et fut guidé par la femme que le soldat avait menacé pour les mener vers la salle d'eau.
- Par ici ! dit-elle.
Mendon se déshabilla pour plonger avec Lens dans l'eau chaude, quasi brûlante du bac. Tila se retrouva les manches et lança l'ordre à la femme de l'aider à décrasser Lens de toute cette boue et du sang qui le recouvrait encore. Kael mit dans l'eau des plantes qui aideraient à réchauffer l'oméga. Il nettoya les plaies visibles. Laissant Mendon dans le bac, il eut un accès total au corps en charpie du jeune homme dont ils découvrirent l'état des jambes avec effroi. Détruites ? Le mot était si loin de la réalité et le terme était si faible en comparaison de ce qu'ils avaient devant eux.
- Sage, soigne lui ses jambes, souffla l'oméga.
- C'est malheureusement trop tard, Sir.
- Je me fiche qu'il soit trop tard ou non ! hurla le haut gradé. Traite ses jambes ! Vous l'avez tous volontairement ignoré alors qu'il est un héro de guerre qui a sauvé des vies dont vous faites tous partit ! Alors soigne le si tu ne désires pas finir avec ma lame à travers ta tête !
Kael sentit la culpabilité le ronger. Bien qu'il sache que traiter les jambes de l'infirme soit impossible, il tenterait tout de même de traiter les douleurs et de les rendre plus jolies.
Pendant que le trio tentait de garder l'oméga en vie, dans la cour, l'histoire était toute autre.
Klaus, deux bêtas ainsi que le Prince se retrouvèrent dehors, en silence. Cainnech essayait de comprendre comment un père pouvait en arriver à un tel extrême. Il savait que Lens était un enfant illégitime, mais cela ne signifiait pas non plus qu'il devait s'en prendre à lui d'une telle manière. Si Lens était issue d'une maîtresse, cela signifiait que le chef avait eut un manque de désir pour sa femme. Mais il avait beau retourner la situation dans tous les sens, il ne comprenait pas comment un héro pouvait finir ainsi.
- Klaus, penses-tu que je sois en train de délirer ?
- Non, Seigneur, répondit le général.
- Sir Man ? Sir Ellwayn ?
- Non, Seigneur, répondirent les deux en chœur, le dos droit, la main sur le pommeau de leurs épées, prêts à dégainer.
- Et vous, Sir ? fit-il en s'adressant au chef du village qui n'en avait visiblement rien à faire de sa fille, morte, un tison dans la gorge, les yeux encore grands ouverts.
- Que... Je...
- Ah, soupira-t-il quand il vit Tila revenir et le groupe quitter la pièce sordide dans laquelle vivait Lens, pour foncer dans la maison.
Cainnech leva son visage vers le ciel, ferma les yeux et laissa un lent sourire étirer sa bouche. Quand il les rouvrirait, plus rien ne serait pareil.
- Gardes ! À moi ! hurla le chef, le poignet brisé, toujours par terre.
- Ah, soupira le Prince, faisant trainer la pointe de sa longue épée, sur le sol.
En fait, si. Il était peut-être fou et il allait pouvoir se le prouver en tuant cette famille, mais il fini par en décider autrement quand il entendit Mendon hurler dans la maison. Son sourire disparu et il décida :
- Enfermez les.
- À vos ordres, Votre Altesse.
***
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