Dernière Partie

Cette ambiance intimiste qui venait de s'instaurer entre les deux hommes, leur permettant de briser la glace et de faire des aveux délicats et intimidants, fut malheureusement brisée par la fin du repas du mourant. Il n'avait plus touché à son plateau depuis le début de l'interrogatoire infligé par Chanyeol et les minutes s'étaient enchaînées jusqu'au retour de l'infirmière dans la chambre. Elle examina les restes tristement abandonnés par le malade, se pinça les lèvres pour seule réaction et emporta le plateau encore à moitié plein hors de la pièce. Baekhyun le savait, il n'avait pas assez mangé, pas la quantité que les demoiselles auraient aimé. Mais il promettait d'avoir fait de son mieux, de s'être même un peu forcé pour les dernières bouchées, il ne se sentait juste pas capable de faire plus.

La digestion allait d'ailleurs mettre à mal son corps engourdi par la fatigue. Les efforts de son estomac et de ses entrailles pour trier et évacuer le peu de ce qu'il avait avalé ne faisaient que le faire se sentir plus lourd encore, tout comme ses paupières qui faisaient le yoyo devant la mine inquiète du géant. Le petit homme s'était rapidement endormi, laissant à nouveau Chanyeol dans la contemplation de sa personne, divinement assoupi devant l'immense fenêtre ensoleillée. Il était déçu de se retrouver à nouveau seul, face à lui, devant garder ses questions sous silence dans l'attente de son réveil. Mais pouvait-il lui en vouloir ? Absolument pas. Le malheureux s'était brisé pour lui, l'inquiétude qu'il lui avait inspirée le faisait à nouveau sombrer dans les méandres de la maladie et l'accidenté s'en voulait fortement pour cela.

Alors il lui donnait envie de vivre ? Il partageait ce sentiment également ? Rien ne pouvait plus lui faire plaisir. Le muet était désormais persuadé que leur rencontre n'était pas due au hasard malgré leur rencontre chaotique et délicate. Il avait eu cet accident pour lui, c'était certain, pour le découvrir et lui insuffler ce nouvel espoir et ce nouveau désir de se sentir vivant. Ils se remettraient de leurs tragédies ensemble, marcheraient main dans la main vers un avenir rayonnant et plein d'espoir, cela ne pouvait en être autrement. Et le blessé en fut d'autant plus persuadé lorsque ses médecins entrèrent dans leur chambre pour annoncer un changement, un nouveau tournant pour atteindre la guérison.

De son côté, Baekhyun n'avait pas aussi bien dormi depuis bien longtemps. Il s'était senti soulagé d'avouer son attirance pour son colocataire, avait cru percevoir une réciprocité chez ce dernier et surtout, il s'était senti bercé par sa chaleureuse présence tout au long de son profond sommeil. Il n'avait pas eu peur de fermer les yeux, n'avait pas eu peur de ne plus jamais les rouvrir, car Chanyeol l'attendait désormais, il était obligé de se réveiller. Il ne lui était plus permis de sombrer, plus permis de s'enfoncer dans les enfers, il se devait de reprendre les armes et de se battre pour profiter de cet être qui lui avait été offert. Alors il avait pu dormir sereinement, s'était senti choyé par les prunelles aimantes du blessé lui faisant face, et s'était permis de se réveiller quelques heures plus tard.

Son réveil fut doux et agréable, comme il ne l'avait plus été depuis bien longtemps, alors ses fines lèvres s'étaient immédiatement étirées en un fin et tendre sourire pendant qu'il se recroquevillait sous les draps, son corps se retournant naturellement vers le brancard alors qu'il ouvrait lentement les yeux. Mais le bien être s'envola et l'angoisse lui comprima la poitrine. Face à lui, il ne trouvait que le mur blanc de sa chambre. Ce mur qu'il avait toujours connu, ce mur qui l'enfermait, seul dans cette pièce vide et silencieuse. Il aurait dû y faire attention plus tôt, le silence était trop pesant, trop présent, tout l'inverse de ce qu'il avait connu avec la présence de Chanyeol à ses côtés. Il avait disparu. Les lèvres du malade s'entrouvrirent et l'air eut du mal à se frayer un chemin jusqu'à ses poumons. La peur le tétanisait, la peur que le géant soit parti, la peur qu'il soit mort, la peur qu'il n'ait jamais existé. Tout ceci n'avait été qu'un songe ? Tout ceci n'avait été que son dernier fantasme et sa dernière joie avant que la faucheuse ne vienne lui prendre la main ?

L'esprit se mettant à délirer, son cœur s'emballa rapidement et faillit à nouveau. Il s'était étouffé, avait eu le temps de sentir les larmes dévaler son délicat minois puis ses oreilles furent envahies par ce signal continu qui le plongea dans le noir. Une fois de plus, il s'était fait du mal et avait fait un grand saut en avant vers sa fin, prématurément. Il n'en était pas décédé, fort heureusement, pas encore, comme toutes les fois précédentes, mais il avait amené son pauvre corps au-delà de ses limites. C'en était désormais trop, son esprit refusa de refaire surface durant les jours à venir, imposant dans cette chambre déjà bien triste un silence terriblement écrasant.

Pourtant, ce fut un grondement qui permis à l'âme de Baekhyun d'apercevoir la surface. Perdu dans cette noirceur pétrifiante, dans cette solitude déprimante, un bruit sourd se faisait entendre. Il disparaissait, puis revenait et, lorsque l'esprit du malheureux réussissait à se concentrer suffisamment, il lui semblait grandir, s'amplifier, lentement. Le grondement se changea en un brouhaha léger qui lui fit imperceptiblement frémir les paupières puis, s'y accrochant comme si sa vie en dépendait, le mourant put traduire ce bruit par des paroles. C'était une voix. Elle était calme, plongée dans un monologue qu'il eut du mal à comprendre jusqu'à ce que son réveil soit imminent. Il ne lui était pas encore possible d'ouvrir les yeux mais ses oreilles se cramponnaient à ces mots planants dans la chambre, et le lien se fit.

C'était son livre. Ce long monologue était en réalité un des paragraphes dont il connaissait la moindre virgule. Les images de ce qu'il s'était toujours imaginé en lisant ces pages s'affichèrent derrière ses paupières closes, il revivait cette aventure avec une nouvelle saveur. Dictée par une voix rauque, quelque peu écorchée et parfois victime de déraillements, il se surprenait à redécouvrir ces lignes qu'il avait tant de fois lues. Les mots ne résonnaient pas en lui de la même manière, les sentiments se faisaient plus forts, plus réels, et le souvenir des pages jaunies était remplacé par un cinéma intime, immergé dans l'esprit rescapé du jeune mourant. C'était agréable pour le petit homme de se sentir bercé par une histoire durant son sommeil qui avait été trop longtemps traversé en solitaire. Comme lorsque sa mère lui lisait des livres pour enfant pour l'aider à s'endormir, il avait l'impression d'être en sécurité et pouvait se laisser porter par les songes en toute sérénité jusqu'à trouver la force d'ouvrir les yeux.

Ce ne fut pas chose aisée, il lui fallut forcer, il s'était maîtrisé pour ne pas céder à la panique ni au désespoir, mais la lumière finit par l'atteindre. Il fit face à son plafond, longtemps, avant de faire rouler ses prunelles vers la fenêtre qu'il trouva cachée derrière les rideaux, plongeant la chambre dans une ambiance tamisée et bien plus chaleureuse qu'il ne l'aurait pensé. Son corps lui parut démesurément lourd, aussi inerte que de la roche, il craint de se briser en entamant un geste et préféra rester immobile. Ses lèvres s'entrouvrirent tout de même pour une bouffée d'air légèrement plus conséquente, timide et pourtant bénéfique. Il reprenait lentement possession de ce corps qu'il avait malmené et se sentit de faire un effort.

Une voix se mêla à la première, prononçant avec fatigue mais poésie, la fin du livre qu'elle avait tant récitée par le passé.

Le silence se fit long après ces quelques lignes littéraires et philosophiques, mais la voix rauque osa se manifester à nouveau, non pas pour conclure le récit des remerciements de l'auteur, mais pour s'assurer que, durant ces ultimes mots, elle avait bien eu une compagne.

- Baekhyun ?

Elle prononça son prénom, il en eut des frissons. Ainsi écorchée, cette voix avait eu le don de creuser son poitrail jusqu'à prendre racine dans son cœur affaibli. Ce fut cette sensation à la fois terriblement agréable et étrangement douloureuse qui donna à l'interpelé la force de se mouvoir. Le geste fut minime mais les efforts titanesques pour ce mourant qui ne vivait désormais que pour l'espoir d'apercevoir son tant désiré. Il n'eut pourtant pas la force de pleurer lorsque le visage éraflé de Chanyeol apparut à ses côtés. Le brancard était de retour, l'accidenté toujours vivant et alité, son cauchemar s'en était allé. Sourire ne fut plus un effort insurmontable, il étirait les lèvres avec légèreté malgré la présence de picotements dans son nez et son souffle fébrile. Il était heureux de le revoir, si heureux de l'apercevoir, si soulagé.

- Chanyeol... Tu m'as manqué.
- J'ai cru que tu ne te réveillerais jamais...
- J'ai cru ne jamais te revoir.

Les deux esquissèrent un sourire empli de tendresse pour l'homme leur faisant face, Chanyeol refermant le livre qu'il déposa contre son torse avant de tendre sa main dans le vide comme il l'avait tant de fois fait. Vers celui qu'il aimait, celui qu'il désirait toucher et enlacer, celui pour qu'il avait discrètement pleuré. Il n'avait jamais voulu disparaître et n'aurait jamais imaginé que sa disparition soit si fatale à ce petit homme qu'il connaissait à peine. Il avait été obligé de quitter la chambre, emporté par les médecins, pour subir plusieurs examens avant de pouvoir être libéré de cette trachéotomie qui lui encombrait la gorge et le privait de ses mots.

Il avait été heureux d'être libre, il avait eu peur de prononcer ses mots, ne sachant s'il devait les garder pour ce nouvel être cher qui partageait sa vie, ou s'il devait répondre franchement aux questions des toubibs. L'accidenté s'était montré coopératif et s'était essayé à parler, pour la première fois depuis ce qu'il lui semblait être une éternité. Jamais il n'aurait cru la parole si vitale et libératrice. Elle n'était pas revenue très facilement, sa voix s'était montrée voilée, encombrée, tant sa gorge avait été meurtrie durant ses soins. Mais il était certain que ces quelques murmures et grondements suffiraient à le rendre heureux, lui. Chanyeol avait imaginé son ange surpris, souriant de tout son cœur en l'écoutant parler. Il rêvait de prononcer son nom et de le voir se retourner vers lui, que leurs regards s'accrochent et qu'il lui réponde par de multiples risettes adorables qui feraient d'autant plus fondre sa poitrine pour lui.

Il en avait été tout autrement lorsqu'il regagna sa chambre. Le couloir avait été encombré d'infirmiers, à tel point que son brancard n'avait pu entrer tout de suite. Il n'avait eu qu'à lire les visages inquiets et désemparés des aides soignants pour comprendre ce qui était en train de se passer. Son ange était rappelé par les cieux, encore, et il n'était pas là pour le retenir près de lui, pour le supplier de ne pas le quitter. Fort heureusement, il n'avait pas eu le temps de s'agiter sur son lit qu'il avait aperçu soudainement une vague de soulagement chez tout le monde. Ils avaient repris leur souffle, les épaules s'étaient affaissées et les mains s'étaient précipitées vers les visages pour en sécher les larmes. Il devait être revenu. Pour que les sanglots de tous s'arrêtent, il ne pouvait en être autrement. Pourtant, le géant ne fut rassuré qu'en regagnant sa place dans la pièce, ses grands yeux s'accrochant à cette silhouette encore entourée de blouses blanches, toujours plus pâle et fantomatique.

Les jours sans lui avaient été très longs, trop longs, alors qu'il ne s'était pas même écoulé une semaine. L'observer sans pouvoir interagir avec lui avait été un supplice, le blessé en était devenu ronchon, bougon, et n'avait pu s'empêcher de lâcher toute sa frustration par de longs sanglots en solitaire durant les nuits plongées dans le silence. Reviendra-t-il un jour ? Il s'était posé maintes fois cette question sans être certain de la réponse. Voyant son désespoir, ce furent les infirmières qui lui proposèrent de lire ce vieux livre usé posé sur la table de nuit du fantôme. Il avait hésité puis s'était convaincu que c'était une bonne idée. Une manière de retrouver sa voix, de retrouver la force de parler, une bonne manière de l'appeler. Il se mit à lire durant la nuit, lentement, comme le lui permettait sa gorge endolorie et ses cordes vocales rouillées, et ne s'était pas arrêté jusqu'à atteindre la fin. Fin qui fit renaître son aimé, fin qu'il partagea avec lui, fin qui représentait pour eux un nouveau départ.

- Tu le connais par cœur on dirait. Constata-t-il en tendant le bras pour reposer le bouquin sur la table de nuit. Il est assez long pourtant.
- Je te l'ai lu aussi. Pendant ton coma.

Chanyeol en fut surpris et étonnement désolé de ne pas s'en souvenir. Ce n'était pourtant pas sa faute, il ne pouvait pas s'en rappeler, mais il était particulièrement touché d'apprendre que Baekhyun avait partagé ce qui semblait être son monde secret avec lui, dans l'espoir de le réveiller. Ils étaient semblables, cela les surprenait tous deux, de se comprendre aussi simplement, d'avoir les mêmes pensées, les mêmes envies et les mêmes espoirs, mais ils devaient bien accepter leur destin d'avoir rencontré leur alter-égo. C'était un cadeau du ciel au milieu de leur malheur.

- Tu as une belle voix.

Baekhyun souriait, toujours allongé avec épuisement dans son lit, il semblait pourtant retrouver un peu de sa lumière en dévorant son géant des yeux, son esprit faisant résonner en boucle ces quelques phrases qu'il avait pu entendre. Il aimait cette voix qu'il avait tant de fois essayé d'imaginer. Elle était tellement plus belle, tellement plus chaleureuse encore qu'il ne l'aurait pensé, elle le faisait se sentir bien, au chaud, en sécurité et choyé. Il se sentait chanceux d'avoir pu l'entendre et que ces mots lui aient été offerts. Mais, alors qu'elle avait déjà prononcé son prénom, ce dont il avait tant de fois rêvé, il se surprenait à espérer qu'elle articule une nouvelle phrase, plus intime, plus significative, plus belle encore. Pouvait-il se permettre de l'espérer et de l'attendre ? Avait-il le droit de vouloir entendre ces mots ? En aurait-il le temps ? Les mériterait-il de la part de Chanyeol ?

Il n'en était pas certain. C'était difficile mais il était désormais temps de se rendre à l'évidence, Baekhyun le savait très bien. Sa fin n'était plus très loin. Tout comme celle du livre, il aurait aimé la partager avec lui mais il trouvait cela trop cruel. C'était pour éviter cela qu'il s'était isolé dans cet hôpital, qu'il avait coupé tout lien et s'était appliqué à ne plus en tisser d'aussi fort et puissant. Il avait fait une erreur en se permettant un écart avec Chanyeol, là qu'il se sentait s'éteindre plus vite à chaque heure qui passait, il regrettait de l'avoir mêlé à tout ça. Il ne voulait pas le faire souffrir, il ne voulait pas le faire pleurer, il ne voulait pas lui laisser les souvenirs douloureux d'une perte après un paradis éphémère. Alors, malgré son sourire, il fut le premier à verser quelques larmes. Son regard ne lâchant pas l'homme qui avait illuminé ses derniers jours, désirant graver son image dans sa mémoire à jamais, par peur de l'oublier une fois de l'autre côté, il pleurait déjà de devoir le quitter.

- Baekhyun... Pourquoi tu...
- Je vais partir, Chanyeol.

Cette simple phrase suffit à tétaniser le grand blessé dans son lit. Serrant le poing et les mâchoires, il avait ravalé un sanglot pour s'accrocher à ses yeux humides et brillants qui déversaient à eux seuls tout l'amour que ressentait le mourant pour lui. Il en était touché mais dévasté. Son cœur lui faisait terriblement mal, sa tête semblait peser des tonnes et tout son visage faisait de son mieux pour retenir les lames qu'étaient ses larmes.

- J'aurais tellement aimé... Rester avec toi plus longtemps. Continuait alors Baekhyun, les lèvres tremblantes. J'aurais aimé apprendre à te connaître... Découvrir ton plat préféré, les musiques que tu écoutes... J'aurais aimé que tu me lises le livre que tu aurais choisi. J'aurais aimé t'entendre parler pendant des heures, entendre ton rire...
- On a encore le temps pour ça...
- Merci, Chanyeol. Merci d'avoir redonné du sens à mon existence, d'avoir fait de ma fin l'instant le plus heureux de ma si courte vie. J'avais tort de vouloir mourir seul, il est plus agréable et plus rassurant de partir en se sentant soutenu, grâce à toi je n'ai pas peur. Mais...

Le chagrin le gagna, son visage se crispant peu à peu dans cette grimace qui serra d'autant plus le cœur du géant. Ses joues furent inondées, ravagées par les torrents d'eau salée qui les dévalaient sans retenue. Sa voix fut chevrotante, saccadée, tant il lui fallait désormais pleurer à chaudes larmes ce qu'il avait sur le cœur.

- Je n'ai plus envie de partir... Je veux rester avec toi, Chanyeol... Je veux te parler, tout te raconter... Je veux... Te tenir la main, me blottir contre toi, te... T'embrasser... Avait-il avoué avec difficulté, ayant du mal à exprimer ses désirs les plus intimes, se calmant étrangement après cet aveux. Même sans faire tout cela, je veux simplement rester à tes côtés... Je veux pouvoir te regarder, veiller sur toi, apprécier ton sourire et me sentir m'envoler en voyant ton magnifique visage...

Les pleurs s'étaient arrêtés, le pauvre homme était épuisé. Ses yeux rouges et fatigués s'efforçaient pourtant de s'accrocher à ceux du blessé. Il avait déjà l'air ailleurs, sa raison s'était envolée, ne restaient que ses sentiments désireux d'être dévoilés.

- Je suppose que je pourrai le faire, là haut. Je ne manquerai rien de ton avenir, Chanyeol. Acceptes-tu... Que je reste avec toi, même après ?... Peux-tu me donner le droit de t'aimer, même après ?...

Ce fut au visage de Chanyeol de se crisper désormais, contenant cette peine qui lui dévorait les entrailles et le poitrail, le grand homme s'était contenté d'acquiescer en se mordant violemment les lèvres pour ne pas craquer. Il ne put se le permettre qu'une fois les yeux éreintés du malade fermés, plongeant son visage dans son immense main éraflée, il se permettait enfin de pleurer à chaudes larmes, en silence, comme se sentant mourir lui aussi. Sa peine s'était tarie lorsque des infirmiers étaient entrés dans la chambre, bien plus tard, interrogeant le géant sur la cause de ses reniflements discrets et pourtant pleins de souffrance. Il s'était pincé les lèvres, son regard roulant naturellement vers le visage endormi à l'autre bout de la pièce.

- Il s'est réveillé. Avait-il commencé, pour rassurer les soignants, mais ses sanglots revinrent, le faisant grimacer et soupirer pour ne pas plonger à nouveau dans des pleurs incontrôlables. Mais... Il dit qu'il se sent partir... Il m'a fait ses adieux...

Les infirmiers ressentirent la même peine, se crispant à leur tour, ils avaient du mal à garder leur rôle, à ne pas faire tomber le masque pour s'inquiéter ouvertement pour ce petit homme qu'ils avaient tant aimé.

- Mr. Byun est remonté dans la liste d'attente, nous avons informé que son état devenait critique... Il reste un espoir, ne baissez pas les bras.
- Vous... Vous pourriez me l'amener ? Je ne supporte plus de le voir si loin, tout seul, à pleurer... Amenez-le moi s'il vous plait...

Ce n'était pas très conventionnel mais, s'il avait été de la famille du malade, il aurait eu le droit de lui tenir la main jusqu'à ce qu'il s'éteigne, alors ils n'avaient pas à le lui interdire là, qu'il était si désemparé. Les jeunes hommes en blouses furent discrets et exceptionnellement doux pour extirper le mourant de son lit, l'un le portant dans ses bras et l'autre attrapant les perfusions et les machines qui le tenaient encore un peu en vie. Son corps assoupi fut déposé au coté du géant, ce dernier offrant son bras comme oreiller pour mieux l'emprisonner contre lui. Ce fut un soulagement immense de l'avoir dans ses bras. Il avait remercié les jeunes hommes avant que ceux-ci ne partent et n'avait eu de cesse de garder son pauvre amour contre lui. De la pulpe de ses doigts, il avait arpenté son visage, avec délicatesse et légèreté, il avait pu redécouvrir ses traits, priant de toute son âme de ne plus jamais pouvoir les oublier. Chanyeol imprimait ces derniers instants dans sa mémoire, il n'oubliait aucun détail, jusqu'à inconsciemment compter les timides grains de beauté qui parsemaient ce visage qu'il avait toujours cru blanc comme neige. Il les effleurait, suivait ensuite les courbes de ses pommettes, parcourrait son profil en longeant son front et le haut de son nez, déçu d'être interrompu par le masque à oxygène qui faisait tâche sur ce visage idyllique. Il avait plongé ses doigts dans ses cheveux immaculés, les caressant avec tendresse, marquant dans son cœur leur éclat et leur douceur, laissant son souffle se faire envahir par son parfum et son odeur. Tant de détails qu'il n'oublierait jamais, tant de détails qui lui manqueraient alors qu'il avait vécu jusque là en s'en passant, tant de détails qu'il ne retrouverait chez personne d'autre et qui lui feront penser à lui, à jamais.

Dans sa contemplation, il ne loupa rien du vague réveil de Baekhyun. Ses paupières avaient très faiblement papillonné, assez pour que leurs regards se rencontrent et que le sourire toujours éclatant du mourant se dessine derrière le plastique disgracieux et pourtant nécessaire. Il avait soufflé le prénom du géant, déclenchant chez ce dernier une nouvelle vague de tendresse qu'il pouvait enfin assouvir en refermant son bras sur le petit corps du malade qu'il aimait tant.

- Je suis là. Tu peux dormir tranquille, je ne te lâcherai pas.

Ne pouvant retenir ces sentiments soudains et pourtant ravageurs, il avait couvert le front et le visage de Baekhyun de nombreux baisers, pleins de chaleur et de tendresse, il désirait noyer ce petit être épuisé sous son amour débordant. Désirant rallumer une petite flamme de vie chez lui, il était prêt à tout pour lui prouver qu'il avait sa place sur Terre, parmi les vivants et dans sa vie. Il n'était pas obligé de se laisser partir, il pouvait s'accrocher à lui, lui qui n'avait de cesse de l'étreindre et de respirer son odeur, il pouvait se permettre de l'aimer et de ne pas le quitter. Chanyeol espérait réellement que ses sentiments réussiraient à le retenir, à lui redonner la force. Alors il lui offrit ces quelques mots auxquels il n'avait pas cru avoir droit, pas maintenant qu'il allait s'en aller, dans un couinement de désespoir il put les entendre.

- Je t'aime, Baekhyun.

Son cœur eut un battement plus virulent, puis un deuxième, alors qu'il ouvrait mieux les yeux pour les lever vers les siens, cherchant la véracité de cette phrase dans leurs iris. Il n'eut pas à chercher, c'était le corps entier du blessé qui lui avouait son amour, il n'y avait aucun doute à avoir, il était bel et bien aimé par celui qui prenait trop de place dans sa poitrine. Une main fébrile sortit de sous les draps et vint agripper le masque pour libérer le visage de l'ange qui souriait déjà, avec bienveillance, délicatesse et reconnaissance. Sa main étrangement froide abandonna le plastique pour continuer son chemin et venir s'échouer sur la joue du géant, épousant sa rondeur, appréciant sa chaleur, son pouce y entamant une caresse amoureuse.

- Merci, Chanyeol.

D'une faible pression, il l'invita à se pencher et put obtenir ce baiser qu'il avait misérablement mendié plus tôt. Cette tendresse lui permis d'oublier sa condition, d'oublier son départ imminent, de se sentir vivant, une dernière fois alors qu'il profitait de ces lèvres charnues qui caressaient les siennes. Les pressions se faisaient timides, hésitantes et pourtant désireuses. Désireuses d'exprimer tout ce qu'ils n'auraient pas le temps de se dire, tout ce qu'ils n'auraient pas le temps de ressentir et de partager. Le géant emprisonnait son visage contre le sien, de peur qu'il s'enfuie, de peur qu'il disparaisse, de peur qu'il s'évapore, ses baisers attaquaient ses lèvres avec une telle détresse, qu'ils se mirent tous deux à pleurer durant cet échange pourtant miraculeux. Ils partageaient leur souffrance de devoir se séparer, leur peur de ne jamais se revoir, leur amour qu'ils n'avaient pas le temps de s'offrir. Baekhyun se sentait un instant plus vivant, sa main s'engouffrant dans les cheveux noirs de son aimé, il s'y agrippait avec dépendance, en manque de lui, il l'embrassait comme il n'aurait jamais osé le faire. S'abandonnant à lui, laissant leur corps se répondre et s'exprimer, ils se rougissaient les lèvres sur la peau de l'autre, les baisers ne suffisant pas, ils étaient à la recherche du moindre contact pour se prouver leur attirance et leurs sentiments. Chanyeol caressait son flanc par de grandes et envieuses poignées, sa main découvrant ses formes, son moelleux et son ossature, pendant que le mourant noyait son visage contre le sien. Faisant se rencontrer leurs nez, caressant avec appui sa joue de la sienne, plongeant sa bouche dans son cou bouillant, il fermait les yeux dans l'espoir de se sentir envahi par lui, perdu dans son étreinte et son parfum.

Soufflant, haletant même, le plus petit fut forcé de calmer le jeu, reposant sa tignasse blanche sur le bras accueillant de son géant, il se permettait un long soupir d'aise en profitant de douces caresses sur sa taille et de tendres baisers sur son front. Il partirait heureux, empli d'amour et de sentiments, il pourrait se sentir léger d'avoir été aimé si fort par un homme aussi adorable que Park Chanyeol. Il était heureux de la vie qu'il avait eue, bien plus heureux encore de la fin partagée avec lui. Ce fut donc avec le sourire qu'il se recroquevilla contre son homme d'un jour, son minois se fourrant contre son torse, ses doigts s'accrochant à son vêtement, son corps épuisant le sien, il ferma les yeux. L'étreinte de l'accidenté se fit peu à peu plus forte, il serrait contre lui ce jeune homme qui partait trop tôt, ce jeune homme qu'il aurait voulu voir vieillir à ses côtés, ce jeune homme qu'il aimait tellement qu'il serait prêt à toutes les folies pour lui désormais. Il le sentit se détendre dans son étreinte, il le sentit plus lourd et vinrent à ses oreilles ces battements incertains, ces bips de plus en plus espacés qui lui faisaient monter les larmes.

- Baekhyun.... Non... Baekhyun, s'il te plait... Réveille-toi...

Il couinait, les lèvres perdues dans ses cheveux et contre sa peau, il lui murmurait sa détresse et sa souffrance de le sentir s'envoler. Il ne voulait y croire, il ne voulait pas accepter que cet être qu'il tenait si fortement contre lui était pourtant en train de s'éloigner, irrévocablement, de lui. Il désirait tellement le retenir, il désirait tellement le garder contre lui qu'il ne faisait qu'augmenter la pression de son corps contre le sien, sa large main lui emprisonnant le crâne pour lui appuyer avec douleur le visage contre lui, venant y frotter le sien pour lui donner envie de reprendre ces baisers enflammés. Mais il n'ouvrait plus les yeux. Comme une poupée, il se laissait étreindre et embrasser au bon vouloir de celui qui l'aimait, mais ne répondait plus à aucune forme de tendresse.

- S'il te plait...

Les supplications n'eurent pour seule réponse que le signal continu de l'électrocardiogramme, annonce de son départ. L'enfermant contre lui, Chanyeol ne se retint pas de pleurer, même lors du retour des toubibs affolés, il n'avait retenu ses larmes en les laissant s'emparer de ce corps qui lui était si précieux. S'en séparer fut une déchirure, sentir le froid prendre sa place, et le voir être déposé avec précipitation sur son lit lui perfora la poitrine. Comme un cri du cœur, le cri du désespoir, le géant s'était violemment redressé dans son lit, lui qui était obligé de rester allongé depuis si longtemps, prenait le risque de se redresser pour l'appeler une dernière fois. Un appel déchirant au beau milieu de l'enfer qui avait pris possession de son petit Éden.

- BAEKHYUN !


Ce ne fut qu'un mois plus tard que l'aventure put continuer. Dans un lit, un jeune homme s'était réveillé avec difficulté, y voyant trouble, replongeant parfois pour un court instant, il fallut un bon moment pour papillonner convenablement des paupières. Il se sentait vide, brisé, extrêmement lourd et épuisé. Pourtant, la jeune femme présente à ses côtés s'était exclamée avec enthousiasme, appelant ses collègues, elle fêtait l'évènement comme si un temps abominable s'était écoulé. Lui, n'en savait rien. Il avait l'impression de s'être perdu dans un profond cauchemar, d'avoir sombré dans le néant, comme s'il s'était laissé tomber dans le vide. Alors les entendre s'affairer autour de lui ne fut pas reposant, il s'était senti agressé et bousculé, et n'avait pu que froncer les sourcils sans prendre la peine de répondre à leurs questions, il aurait préféré se rendormir paisiblement. Dans toutes leurs paroles, alors qu'elles lui tournaient autour comme des vautours pour vérifier ses constantes, une phrase attrapa tout de même son attention.

- ... Si vos constantes restent ainsi pour la semaine à venir, vous pourrez sortir d'ici.

Voilà qui l'intéressait mais surtout, qui le surprenait. Son esprit encore dans le brouillard, il se mit à observer autour de lui, plus en détail, et compris qu'il était à l'hôpital. Mais il pourrait apparemment en sortir bientôt ? Que faisait-il là déjà pour commencer ? Il n'était plus sensé y être et, surtout, il n'aurait jamais dû en sortir alors pourquoi...

- Vous vous sentez bien ? Prononça soudainement une voix grave qu'il connaissait, celle d'un médecin qu'il avait déjà côtoyé. Mr. Byun ? Vous me reconnaissez ?

Le dénommé hocha lentement la tête, positivement, il se rappelait oui. Cet homme était son cardiologue et jamais il ne l'avait vu avec une mine aussi détendue et satisfaite, il avait l'air serein et enthousiaste, ce n'était pas normal. Son cas avait toujours été désespéré et ce médecin lui était toujours apparu comme étant désolé, comme s'excusant sans cesse de cette tragédie qui pesait sur les épaules du petit homme, alors qu'il n'y était pour rien. Cette culpabilité ne semblait plus être là, un fin sourire la remplaçait, perdant d'autant plus le jeune homme qui ne comprenait toujours pas la raison de sa présence ici.

- Vous êtes inconscient depuis presque un mois, depuis votre dernière crise, nous sommes heureux de vous voir de retour parmi nous. Vous avez mal à quelque part ? Non ? Bien. Aujourd'hui vous respirez très bien, vos constantes n'ont jamais été aussi satisfaisantes donc n'ayez crainte, vous allez très bien. Tentait-il d'expliquer sans noyer son patient d'information, se disant qu'il lui expliquerait tout en détail plus tard. Vous vous souvenez de quelque chose ?

Les yeux naturellement tristes de Baekhyun s'abaissèrent, cherchant dans sa mémoire un petit quelque chose mais ce n'était pas si simple. Il ne voyait que du noir, se souvenait de Mme. Cha et de Mr. Noh mais ne pouvait strictement pas se souvenir de cette fameuse dernière crise dont parlait le grand homme. Alors qu'il relevait le visage pour répondre négativement d'un signe de tête à son médecin, son regard capta un échange de mimiques entre les infirmières, elles étaient peinées, embêtées et désolées. Ce qui suffit à piquer la curiosité du mourant.

- Ce n'est pas grave, cela va vous revenir petit à petit, ne forcez pas les choses. Nous allons vous laisser reprendre vos esprits tranquillement et reviendrons plus tard. Je vous informe seulement que vos jours ne sont plus en danger, n'ayez pas peur de vous endormir, vous vous réveillerez désormais.

Cette information aurait dû lui faire plaisir. Il aurait dû pleurer de joie, crier à gorge déployée, mais il restait pourtant imperturbable dans son lit, seulement touché par les attentions toujours si particulières que l'équipe médicale avait envers lui. Ils étaient adorables. Mais la tristesse dans jeunes femmes n'était pas normale. S'il était tiré d'affaire, comme le disait si bien le médecin, pourquoi sembler si peinées ? Baekhyun tenta de comprendre par lui-même, ne réussissant plus à fermer l'œil, il lui fallait redécouvrir ce qu'il avait oublié. Se détendant dans son lit, il leva les yeux vers son plafond et laissa son corps agir comme il le désirait. Il finit alors par rouler sur le côté, se recroquevillant pendant que ses prunelles pointaient instinctivement vers le mur face à lui. Il fut pris d'un vent de panique, se sentit soudainement mal et ne put que se griffer le torse tant sa poitrine le tirailla avec hargne. Il manquait quelque chose contre ce mur, quelque chose qui lui était précieux et essentiel. Ce furent alors ses lèvres qui retrouvèrent d'elles-mêmes ce qui manquait tant à son réveil.

- Chanyeol...

En un simple souffle, son esprit fut submergé par tous ses souvenirs, par son visage, sa voix et son sourire. Il l'entendait réciter son livre alors que son corps se rappeler de son toucher, de ses caresses et de ses baisers, il enfouit son visage dans son oreiller et se souvint de son parfum et de ces quelques mots qu'il lui avait confiés. C'était cela qui lui manquait, c'était l'absence de sa présence qui laissait un trou béant dans sa poitrine et qui l'écrasait de la sorte par la peine de se retrouver seul. Sans même s'en être rendu compte, il s'était mis debout et avait titubé vers le souvenir qu'il avait du brancard alors installé contre ce mur à l'entrée de sa chambre. Tâtant l'air comme dans l'espoir de le retrouver, il se sentait perdre pied de ne pas le voir ni le retrouver et était effaré de ne pas voir les infirmières se précipiter à ses côtés pour lui expliquer. Mais elles ne pouvaient plus avoir connaissance de cette crise de panique qu'il traversait, son cœur ne s'emballait plus de la sorte, il battait vite, certes, mais pas jusqu'à ce point critique où il était urgent de faire s'allonger le patient. Elles ne viendraient pas d'elles-mêmes, il n'était plus en danger, même là qu'il se sentait défaillir.

Il lui avait fallu se saisir du bouton pour les appeler, c'était tellement rare qu'il n'en avait pas l'habitude, et les demoiselles furent bien perturbées de le voir debout à errer dans la chambre comme un possédé, les yeux effarés et la mine perdue. Elles le firent se rasseoir avant d'oser lui demander ce qu'il se passait, se doutant malgré tout parfaitement de ce qu'il lui était revenu à l'esprit.

- Park Chanyeol, où est-il ? Ce n'était pas un rêve, il a bien été là un jour n'est-ce pas ?

La réponse ne vint pas, les femmes se regardaient mais n'entamaient aucune paroles. Se pinçant les lèvres, elles semblaient hésiter sur la manière de s'exprimer.

- Par pitié, dîtes-moi !
- Mr. Byun, je ne pense que cela soit à nous de vous informer de ce qu'il est advenu de Mr. Park...
- Comment ça ? Je n'aime pas vraiment ce que vous venez de me dire. Vous ne me rassurez pas du tout... Aidez-moi, s'il vous plait... Je veux savoir où il est...

La peur laissa place à la peine et le petit homme fut pris de sanglots d'angoisse. Chanyeol lui manquait et il avait peur de ne jamais le revoir. Il avait peur qu'il ait quitté l'hôpital sans prendre la peine de s'inquiéter pour lui, qu'il l'ait abandonné, qu'il se soit lassé de le voir dormir sans jamais se réveiller. Il avait peur que son cas ce soit aggravé, que les blessures de son accident se soient accentuées et qu'il en soit décédé. Il appréhendait tellement de chose que cela ne lui était plus supportable, il ne pouvait que laisser ses larmes faire le grand plongeon pour se soulager de cette angoisse qui lui comprimait le poitrail. Ce n'était pas habituel, de voir Mr. Byun pleurer ainsi, il était un petit homme joyeux et plein de vie malgré sa maladie, les jeunes femmes ne purent alors résister longtemps. Il leur fallait apaiser sa peine, c'était plus fort qu'elles.

- Baekhyun, regardez-moi. Commença l'une d'elles en s'accroupissant face à lui. Mr. Park ne vous quittera jamais, il vous aime bien trop pour ça. Mr. Park sera toujours ici...

Baekhyun pria pour qu'elle ne fasse pas ce geste et pourtant, elle tendit bien le bras pour déposer avec délicatesse sa main sur le cœur du jeune homme. C'était un geste certes poétique, mais empli de sous-entendus qu'il avait espéré ne pas envisager. Il partait du principe que Chanyeol n'avait pas pu rentrer chez lui, qu'il n'avait pas pu revoir sa sœur ni sa mère, qu'il ne... Qu'il ne pourrait plus jamais le revoir. Muet, bien trop blessé pour prononcer la moindre la parole, le patient n'avait pu que secouer peu à peu la tête, n'osant y croire et ne voulant surtout pas s'y résoudre, il s'était recroquevillé sur lui-même en rejetant cette idée qui germait en lui. Chanyeol n'était plus. Les infirmières ne voulant pas le brusquer, s'étaient reculées pour lui laisser le temps d'apprivoiser cette horrible nouvelle, elles avaient bien des choses à lui avouer et ne savaient absolument pas comment il le prendrait.

- Pouvez-vous... Être plus claires, s'il vous plait ? Que lui est-il arrivé ?

Il réussit à prononcer ces deux questions, entre deux prises d'air, tant il sentait l'angoisse le gagner et le tirer de plus en plus vers une crise de larmes qu'il ne pourrait plus contrôler. À sa question, la seconde infirmière pressentit qu'il avait fait quelques pas vers l'acceptation, il désirait en savoir d'avantage, il ne niait plus, il allait donc falloir lui montrer le chemin vers la guérison et vers la paix. Elle s'était donc approchée à son tour, se permettant de s'asseoir sur le lit à côté de lui, attrapant l'une de ses mains dans les siennes.

- Vous vous souvenez un peu de ce qu'il s'est passé ? Vous avez fait un arrêt important lorsque vous étiez avec lui.
- Oui, je l'ai prévenu que je m'en allais...
- Lors de votre arrêt nous nous sommes précipités pour vous venir en aide, c'était votre dernière chance, si nous n'étions pas capables de vous sauver cette fois-ci, vous ne reviendriez pas, nous en étions tous conscients. Tentait-elle d'expliquer, serrant la main de ce patient auquel ils s'étaient tous tant attachés. Les chirurgiens ont décidés de vous emmener au bloc pour tenter de vous opérer, tenter de trouver une solution, il y avait des risques mais dans tous les cas vous étiez déjà dans le rouge.
- C'est en vous faisant sortir de la chambre que nous avons remarqué l'état de Mr. Park... Intervint la première infirmière en baissant la tête, attristée par la suite de l'histoire qui avait du mal à être prononcée.
- Dîtes-moi ce qu'il lui est arrivé, s'il vous plait. Je n'en peux plus de ne pas savoir...
- Il a fait une rupture d'anévrisme.

Ce jour-là, alors que tous s'affairaient à faire le massage cardiaque du mourant, alors qu'ils craignaient tous pour la vie de ce malheureux que personne ne voulait voir partir, Chanyeol s'était effondré. D'abord dans tous ses états par peur de ne plus jamais revoir le jeune homme qui remplissait désormais ses pensées, il ne s'était pas inquiété de ces maux de tête qui lui avaient traversé le crâne avec violence. Il n'avait pas non plus donné d'importance à sa vue qui s'était considérablement détériorée, très vite, alors qu'il n'avait pas lâché son aimé des yeux. Comme la première fois, la scène lui avait paru floue, comme voulant le préserver de l'horreur qui avait lieu devant lui, comme si son être tout entier avait refusé ce qui arrivait à son ange. Ses oreilles n'avaient plus rien capté, se sentant d'abord dans une bulle, il crut que le signal continu n'avait de cesse de s'intensifier, comme hanté par cette présence auditive si angoissante qui lui avait retourné les entrailles. Il en avait eu la nausée, une envie de vomir telle qu'il en avait perdu l'équilibre et s'était laissé retombé sur son lit, le bras pendant dans le vide, essayant toujours d'atteindre l'inatteignable, sa lumière éteinte. Tout ceci aurait pu n'être que le rejet de cette situation, tout ceci aurait pu être l'extériorisation de son mal-être, de la douleur qu'il ressentait de voir mourir celui qu'il aurait aimé garder près de lui à jamais. Mais il avait eu faux, il n'en avait rien été. L'hémorragie s'était déjà répandue, elle comprimait son cerveau et éteignait peu à peu la lumière qu'il lui restait. Le corps médical ne s'était rendu compte de sa perdition qu'une fois le brancard du cardiaque parti à vive allure dans les couloirs de l'hôpital. Le médecin restant s'était précipités à son chevet, il avait pu constater de ses pupilles dilatées et de son absence de conscience cohérente, il s'en allait à son tour, comme suivant le chemin tracé par Baekhyun, comme ne pouvant vivre sans lui, il avait semblé pressé de le rejoindre.

- Nous l'avons emmené au bloc en même temps que vous, vous avez tous deux été opérés mais... Il était trop tard pour Mr. Park. Les chirurgiens ont découvert l'ampleur de l'hémorragie, ils ont essayé de faire quelque chose mais elle avait eu le temps de faire des dégâts.
- Mr. Park a été déclaré en état de mort de cérébrale... Nous sommes réellement désolés Baekhyun, recevez toutes nos condoléances. Nous savons à quel point il était précieux pour vous... Nous redoutions de vous l'annoncer.

Ce fut un coup dur pour le petit homme. Il avait déjà du mal à réaliser qu'il était toujours vivant, il lui fallait désormais accepter la condition de celui qu'il avait tant espéré revoir.

- Mais... Du coup il... Il est où aujourd'hui ?
- Nous devons encore nous confesser mais... Êtes-vous certain de vouloir toutes les réponses maintenant ? Vous devriez vous reposer un peu avant de continuer.
- Ce que vous me dîtes ne va certainement pas me permettre de me reposer ! Perdait-il patience, repoussant la tendresse de son infirmière en se levant de son lit, agrippant ses cheveux blancs de ses doigts effilés et tremblant de peur. J'ai compris que ça n'allait pas me plaire, j'ai compris que j'allais souffrir, j'ai compris que j'allais devoir prendre sur moi. Maintenant parlez-moi ! Cessez de vouloir me protéger inutilement et avouez-moi ce vous avez fait !

Baekhyun perdait pied. Il donnait l'impression de les accuser de sa mort tout en sachant qu'elles n'y étaient pour rien, mais les voir ainsi hésitantes à lui révéler les faits ne faisait que lui faire perdre toute la confiance qu'il avait en elles. Il l'avait compris, sa vie resterait triste, injuste et funeste, jamais il ne trouverait la paix, jamais il ne pourrait vivre heureux sans un trou béant à la place du cœur. C'était difficile de devoir l'accepter une fois de plus, là que le bonheur l'avait effleuré, là qu'il aurait pu y avoir droit, là qu'il ne s'était jamais aussi bien senti, il allait encore devoir travailler sur lui, sur son mental, sur sa philosophie. Il en étant conscient, malgré sa tristesse, il était prêt à l'accepter, comme pour tout ce qu'il avait dû endurer. Alors il les suppliait de ne pas faire durer cet affreux moment plus longtemps. Il les implorait de lui assener les plus grands coups, de n'avoir aucune pitié pour lui, il s'occuperait de panser ses blessures plus tard. Pour l'heure, il ne désirait que connaître le sort de son géant, ce qu'il était devenu et où il pourrait le retrouver. Elles semblèrent enfin comprendre la détermination du jeune homme lorsqu'elles aperçurent ses yeux brillants pleins de volonté, ne déversant plus aucune larme, il était prêt à recevoir toute l'histoire.

- Bien. Mr. Park n'est plus là, sa famille est venu le récupérer très vite et... Ses funérailles ont malheureusement déjà eu lieu. Nous sommes terriblement navrées que vous n'ayez pu y assister...
- Il est réellement mort alors ? Répétait-il dans l'attente d'une confirmation pour ne plus se permettre aucun espoir, pour enfoncer le clou, pour cesser de rêver.
- Oui. Mais, comme je vous l'ai dit Baekhyun, il vit toujours, en vous.
- Vous n'avez pas besoin de me consoler comme un enfant, je suis parfaitement conscient qu'il restera dans mon cœur, je suis le mieux placé pour le savoir...
- Je ne parle pas de sentiment, Baekhyun.
- Alors expliquez-vous ! Arrêtez vos métaphores et soyez claires.
- Le cœur de Park Chanyeol bat toujours en vous, Mr. Byun.

Lui qui avait désiré une réponse claire, il ne pouvait être plus satisfait. Il en fut d'ailleurs sous le choc, un instant muet et fébrile, il lui fallut traiter cette nouvelle information avec précaution. Il s'était immédiatement calmé, ses yeux se baissant vers son buste alors qu'une de ses mains venait se poser sur son torse, sa paume s'aplatissant contre le tissu de sa blouse pour sentir ces battements qui ne sonnaient pas comme ceux qu'il avait toujours connu. Son cœur n'était plu, il était mort comme il en avait été décidé pour les cieux, mais celui de quelqu'un d'autre battait désormais dans sa poitrine à sa place. Quelqu'un qui n'était pas n'importe qui, quelqu'un qu'il rêvait de voir et de toucher, quelqu'un qu'il désirait embrasser et faire rire, son quelqu'un. Silencieusement, une unique larme traça son chemin sur la joue ronde et de nouveau rosée du patient alors qu'il réalisait que oui, Chanyeol serait à jamais là, avec lui.

- Vous vous rendez compte... De l'absurdité de cette situation ?...

Les larmes suivantes plongèrent à leur tour, sans soubresaut, sans vague, il laissait couler son chagrin et assimilait que son avenir serait bien plus compliqué qu'il ne l'aurait pensé. Baekhyun avait voulu vivre avec lui, à ses côtés, partager leurs journées. Il aurait aimé traverser de bons comme de mauvais moments, il aurait tout donné pour échanger des baisers avec lui, pour découvrir l'amour avec lui. Le sachant mort, il aurait dû faire une croix sur tout ça, se résoudre à le faire seul, à trouver quelqu'un d'autre après une période de deuil insurmontable. Mais maintenant qu'il connaissait la présence de cet organe si précieux à la place du sien, il n'arrivait pas à envisager son avenir. Il était alors terrifié, perdu entre le soulagement de garder ce souvenir inestimable de l'homme qu'il avait tant aimé, et le dégout de le lui avoir volé. L'ange s'était laissé tomber à terre, à genoux au sol, il griffait son torse avec douleur et angoisse.

- Lorsque Mr. Park a retrouvé la parole, il nous a demandé comment devenir donneur d'organe. Se sentit obligée d'expliquer l'une des deux femmes. Il nous a confié avoir été chamboulé par votre situation, il a pris conscience de l'importance que pouvait avoir cette décision, et nous lui avons fait signer des papiers avant votre réveil. Jamais nous n'aurions pensé que cela finisse de la sorte, qu'il était compatible avec vous... Mais je suis certaine qu'il serait heureux d'apprendre que vous êtes celui qui protège aujourd'hui son cœur.
- Il n'aurait voulu le donner à personne d'autre, Baekhyun.
- Je n'en veux pas... Avait-il difficilement couiné entre deux sanglots. J'aurais préféré mourir, comme il était convenu, je devais disparaître, c'était à moi de partir, j'étais prêt pour ça, j'avais accepté mon sort... Jamais je n'aurai accepté de lui voler cette chance de vivre... Je refuse...
- Vous désirez mourir, alors ? Sachez que désormais, si vous mourez, Mr. Park disparaîtra avec vous. Comme vous le dîtes si bien, cela reste son cœur, si vous vous tuez vous le tuerez aussi.

Les paroles de l'infirmière étaient violentes, traumatisantes mêmes pour le petit patient qui s'en retrouvait fortement déstabilisé. Mais elle avait raison, Baekhyun n'était pas bête, il n'était pas négatif non plus. C'était un jeune homme en soif de vie, rayonnant de bonne humeur, qui avait toujours su se relever des épreuves pourtant difficiles qu'il avait rencontrées. Il fallait qu'il se relève également de celle-ci. Elle serait certainement la plus dure, la plus blessante et la plus mémorable, mais il était capable de se remettre sur pied et de marcher la tête haute. Il lui fallait seulement un coup de pouce, ou en l'occurrence un coup de pied qui le forcerait à bouger et à retrouver ses esprits.

- ... Que vais-je dire à sa famille ? ...

Le coup faisait effet. Baekhyun retrouvait peu à peu ses esprits, la cicatrisation serait certainement longue et épuisante, pleine de lamentations, mais il en ressortirait plus fort et plus rayonnant encore. Les jeunes femmes lui avaient donc souri avec tendresse, l'invitant à se relever pour s'installer dans son lit. Le deuil et l'acceptation de soi pouvaient commencer, mais il allait très bien s'en sortir, elles en étaient certaines.


Un an plus tard, Baekhyun se tenait effectivement toujours debout comme l'avaient prédis ses infirmières. Il avait quitté l'hôpital une semaine après son réveil, ses constantes ne s'étaient jamais aussi bien portées, et il avait pu faire ses premiers pas en liberté depuis de nombreuses années. Cela lui avait fait bizarre. Lui qui n'avait plus pu faire trois pas sans rendre l'âme, sans se faire réprimander par le corps médical, sans risque, avait désormais eu le droit de déambuler en ville sans aucune surveillance. Cela n'avait pas été simple de regagner le monde des vivants, le temps n'avait pas cessé d'avancer pendant sa maladie, les choses avaient changé, évolué, il découvrait un nouveau monde, un univers qui lui fit d'abord peur et qui l'impressionna. Ne serait-ce que prendre le bus avait été une épreuve. Pour la première fois depuis des années, il s'était servi de sa carte bleue, s'était acheté un titre de transport et avait pu se mêler à la foule le temps d'un long trajet. Au fond, il en avait été très heureux, mais son malheur avait longtemps plané au-dessus de lui.

Alors qu'il profitait des rayons du soleil qui passaient à travers la vitre du véhicule, il repensait à Chanyeol qui ne pouvait partager ce moment avec lui. Alors qu'il se permettait de sourire à une jeune femme désirant s'asseoir à côté de lui, il ne pouvait plus offrir aucune risette à l'homme qu'il aimait. Qu'il avait aimé ? Il ne savait vraiment comment dire car, il l'aimait toujours. Leur amour était désormais impossible mais, devait-il pour autant le renier, le refouler, en parler au passé ? Non, il l'aimé toujours. Même en ayant perdu son cœur, il possédait toujours les mêmes sentiments envers Park Chanyeol, et les choses n'étaient pas prêtes de changer. Le trajet en bus lui fut bénéfique, il lui avait permis de redécouvrir la vie et d'accepter cette nouvelle chance qui lui était offerte. Il lui fallait faire des efforts, balayer les remords pour faire battre toujours plus fort le cœur de son homme. Il avait alors retrouvé sa famille, ces gens si précieux qui avaient cru ne jamais le revoir. Sa mère avait pleuré à chaudes larmes, son père les avaient certainement retenues de toutes ses forces mais il n'avait pas contenu cette envie d'étreindre son fils revenu d'entre les morts. Les discussions avaient été longues et chaotiques, ses parents avaient eu du mal à accepter son choix de les mettre de côté dans cette épreuve. Ils réalisèrent qu'ils auraient un jour pu recevoir un document leur annonçant la mort de leur petit dernier, l'idée leur glaça le sang et ils ne comprirent pas pourquoi Baekhyun s'était mis à pleurer.

Parce qu'il avait pensé à sa famille à lui, à cette mère qu'il avait vu sangloter à côté du brancard de son enfant, à cette sœur qui avait fait de son mieux pour garder bonne figure malgré son chagrin dévastateur. Comment étaient-elles désormais ? S'en sortaient-elles ? Pleuraient-elles toujours ? Certainement... Chanyeol devait terriblement leur manquer, il avait même peur de ne pas mériter cette sensation de manque lui aussi, tant il l'avait peu connu. Mais c'était ainsi, ils s'étaient instantanément aimés, à en mourir. Baekhyun avait eu terriblement peur d'aller les rencontrer quelques jours après son retour chez lui. Il avait eu peur d'être rejeté, que la faute lui soit renvoyée, de recevoir la colère de sa mère qui lui en aurait voulu d'avoir volé le cœur de son fils, sous tous les sens du terme. Mais il n'en fut rien.

Il avait appréhendé en appuyant sur la sonnette de la famille Park, il s'était mis à trembler et à piétiner, et avait hésité à prendre ses jambes à son cou lorsqu'il entendit quelqu'un déverrouiller la porte de l'intérieur. Il avait reculé d'un pas avant que la porte ne s'ouvre sur une femme qu'il reconnut immédiatement. Femme qui se mit instantanément à pleurer en apercevant le malade devant chez elle. Tout comme elle avait attrapé les mains de son fils avec tendresse le jour où il l'avait rencontré, elle s'était saisi des siennes, avec douceur et tendresse, comme elle l'aurait fait avec son géant. Baekhyun compris alors. Chanyeol vivait réellement à travers lui. Il était toujours en vie, tant que lui respirait toujours. Cette pauvre femme le choyait désormais comme son enfant, sans rejeter aucune colère, acceptant la peine d'avoir perdu son fils, elle ne pouvait que chérir le peu de lui qui restait toujours en vie. Il n'était pas devenu leur fils de substitution, loin de là, mais il était devenu le seul lien entre Park Chanyeol et sa famille. Il avait été invité chez eux avec énormément de bonté, ils avaient partagé du thé et bon nombre d'anecdotes, jusqu'à ce que la mère comprenne que le lien qui unissait son fils à ce pauvre enfant rescapé était bien plus fort qu'elle ne l'aurait pensé.

- Votre fils, Mme. Park, m'est précieux. Avait-il alors commencé pour panser les blessures de la malheureuse femme. Je m'étais toujours résigné, mon destin était scellé et je n'espérais plus rien. Maintenant que j'y pense, j'avais l'impression de vivre mais je ne faisais qu'attendre ma fin sans réellement profiter de mes derniers instants. Ils n'ont eu de saveur que lorsque Chanyeol est entré dans ma vie. Il est devenu mon ami, mon confident, mon espoir puis ma raison de vivre... Aujourd'hui encore, et pour toujours désormais, il le restera. Je vivrai pour lui et avec lui. Croyez-moi Mme. Park, je vais partager avec lui mes meilleurs jours et ne gâcherai plus aucun instant. Le temps m'était précieux à l'époque, il l'est aujourd'hui d'autant plus.
- Comment furent ses derniers jours, Baekhyun ?
- Heureux, lumineux et surtout, sachez qu'il a été immensément aimé. Nous... Nous nous sommes éteints en amoureux, dans une étreinte bouleversante... J'ai parfois peur qu'il soit parti en se faisant du soucis pour moi... Avouait-il lors d'un premier sanglot. J'ai peur qu'il m'attende... J'ai peur qu'il soit seul... Mais je vous promets lui avoir transmis tout l'amour que je ressentais pour lui, j'aurais aimé avoir plus de temps pour le chérir, encore et encore, lui qui a su me redonner goût à cette vie que je pensais perdue... Je l'ai aimé de tout mon être, Mme. Park...
- Et tu n'as de cesse de l'aimer, mon enfant. Tenta la mère du géant en enlaçant ce jeune homme qui pleurer son fils comme elle ne l'aurait jamais pensé. Il est parti empli d'amour, la tête, le cœur et l'âme imprégnés de toi et des sentiments qu'il te portait. Je suis certaine qu'il serait heureux de te savoir ici aujourd'hui. S'il te plait, Baekhyun, n'oublie jamais mon Chanyeol.
- Comment pourrais-je l'oublier madame ? Il hante mes pensées chaque seconde, il n'y a pas un instant où je ne vois pas son image, pas un instant où je ne désire pas lui parler ou l'enlacer... Il me manque tellement...
- Il nous manque à tous mais nous pouvons toujours lui parler, nous pouvons toujours penser à lui et nous pouvons toujours l'aimer. Fais vivre mon fils, Baekhyun. Ne te punis pas d'être en vie sans lui, profite sans honte du cadeau qu'il t'a fait.

Cette rencontre avec la mère de Chanyeol était un souvenir gravé à jamais dans la mémoire du jeune homme. Elle lui avait donné le droit de vivre, le droit de se tenir debout, le droit d'avancer. Yoora, la sœur aînée, avait appuyé cette impression et n'avait de cesse de le faire. Car un an après cette épreuve, la jeune femme traitait désormais Baekhyun comme son frère, et se mêlait de sa vie comme elle ne le devrait pas. Ils s'appelaient souvent, partageaient de nombreux repas et parlaient tous les jours du grand homme qui manquait tant à leur vie. Le malade qui ne l'était plus, pouvait aujourd'hui trouver du bonheur chez deux familles, vivant sa vie de Byun et remplissant ce vide béant dans sa poitrine par un peu de Park. Il avait découvert les albums photos, la chambre encore intacte de son homme, ses vêtements et ses nombreuses affaires. Sur les étagères, peu de livres mais beaucoup de disques, cela l'avait surpris mais il en avait souri. Il ne pourrait connaître son livre préféré mais avait passé de longues heures à écouter les musiques tant appréciées par Chanyeol.

Et ce jour spécial arriva. Ce jour où il croisa Yoora entièrement vêtue de noir. Elle lui avait souri, s'était permis une étreinte réconfortante avec son nouveau frère et lui avait caressé la joue avec tendresse.

- Merci d'être venu.
- Je m'en veux toujours d'avoir loupé son enterrement, il m'était impossible de ne pas venir aujourd'hui.
- Je comprends. Baekhyun ? Un an est passé, tu nous as été fidèle jusqu'à aujourd'hui, tu as illuminé notre famille comme il l'aurait fait, tu t'es efforcé de vivre pour nous et pour lui. Désormais, fais-nous plaisir, et vis pour toi. Tu t'es déjà tant privé lors de ton hospitalisation... Profite de ta liberté maintenant, tu ne nous dois rien, ne t'enchaine pas à notre passé commun et regarde l'avenir, fais-moi plaisir, s'il te plait.
- C'est Chanyeol qui m'a donné le droit de l'aimer à jamais, même après. Je ne gâche rien, j'ai la vie que je désire avoir, à un détail près.
- Ne veux-tu pas tourner la page ? Chercher un nouvel homme à aimer ? Quelqu'un que tu pourrais enlacer et embrasser ? Quelqu'un avec qui partager ta vie ?
- Pour tout t'avouer, Yoora, j'ai essayé une fois, mais j'ai dû me rendre à l'évidence. C'était lui, ma vie. Il n'est peut-être plus là mais je continue de la partager avec lui, je ne suis pas seul, crois-moi. Je suis heureux ainsi, ne vous faites pas de soucis pour moi, toi et ta famille.

La jeune femme s'était avouée vaincue, elle ne pourrait rien face à cet amoureux transi. Les sentiments de Baekhyun ne s'étaient pas estompés et ne s'estomperaient certainement jamais. Pour lui, il n'y avait que Chanyeol, l'homme qui partageait son cœur, l'homme qui partageait son amour. Alors, seul devant sa tombe, faisant face à la pierre qui illustrait son nom et affichait une photo de son si ravissant sourire, Baekhyun ne pouvait qu'être comblé. Il était avec lui, comme il le lui avait promis, ils ne se sépareraient jamais.

- Bonjour, Chanyeol. C'est un jour spécial aujourd'hui pour tout le monde, mais je dois t'avouer qu'il n'est pas si spécifique pour moi. Il m'est douloureux, je te l'avoue, mais j'ai la chance de partager ma vie avec toi à tout instant. J'espère que tu es heureux avec moi, que tu apprécies mon quotidien et que je ne te saoule pas trop à te parler sans arrêt. Même quand tu étais dans le coma je ne pouvais m'empêcher de te parler, je suppose que je ne m'arrêterai jamais.

Il avait ricané, bien heureux de parler ouvertement à son aimé qui lui manquait tant mais qu'il gardait près de lui à chaque instant. Il avait fini par s'asseoir dans l'herbe, déposant sur le marbre un bouquet de fleur qu'il avait pris soin de faire lui même, désirant lui transmettre tout l'amour qui lui restait en réserve, se doutant qu'il en ferait de plus en plus immense au fil de années, ne pouvant retenir ses sentiments envers celui qui lui avait fait redécouvrir l'amour et l'envie de vivre.

- Yoora m'a fait un cadeau étonnant pour mon anniversaire ! L'ardoise que tu avais à l'hôpital. En elle-même elle constituait déjà un cadeau émouvant pour moi, mais j'ai été surpris en la retournant. Quand diable m'as-tu dessiné ?! Tu m'as caché ce talent, mon portrait est réellement splendide, j'ai même eu du mal à me reconnaitre, j'étais pourtant mourant à cet époque. Il n'y a pas à dire, tu m'as réellement embelli, Chanyeol. Je te dois tout. Il me tarde de terminer cette aventure pour venir te rejoindre, j'aurai tellement de choses à te raconter !

C'était ainsi, désormais, il vivait grâce à lui et surtout pour lui. Chaque journée était pour Chanyeol, chacune de ses expériences était pour lui et il se ferait un plaisir de lui raconter Ô combien était belle la vie, grâce à lui. Avec lui. Alors que Baekhyun ne ressentait pas le besoin de venir se recueillir sur cette tombe pour partager son temps avec son géant, il était revenu chaque année, tous les ans, le même jour, muni de ce trésor qu'avait été son livre jauni pour leur idylle. Accusant les années comme Baekhyun au fil du temps, le bouquin s'était retrouvé marqué par la vie et par les nombreuses lectures qui le traversèrent encore. Année après année, des décennies plus tard, le vieil homme qu'était devenu le garçon condamné à trépasser, n'avait eu de cesse de revenir s'installer près du marbre marqué du nom du seul homme qu'il avait aimé, s'asseyant dans l'herbe et écartant ces pages fatiguées.

- Chanyeol ? Je te lis une histoire ?

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Petit mot d'Injae-Nim :

Bonjour les enfants.
Nous voici arrivés à la fin de cette histoire, j'espère que vous ne m'en voulez pas trop et que vous m'aimez toujours tout de même...

Cette dernière partie a été une torture à écrire, je me suis fait du mal toute seule, j'ai mis trois plombes à écrire chaque paragraphe, c'était terrible.
J'espère néanmoins qu'elle vous aura plu. Que cette histoire entière vous aura plu ! Je ne fais pas souvent d'histoire triste, du drama gratuit, mais j'avais besoin de douceur et de sentiments, j'espère que ça s'est ressenti et que vous avez trouvé leur idylle aussi belle que je l'imaginais ^^

Est-ce que ce format d'écriture vous a plu ? J'ai pleins de petits concepts en tête qui seraient certainement parfaits pour des histoire courtes et rapides dans ce genre, plutôt que de me lancer dans une dizaine de chapitres en brodant pour avoir du contenu. Si cela vous a plu, je tenterais certainement d'en faire d'autres en peu de chapitres comme ça. Beaucoup moins tristes, c'est promis !

Encore une fois je vous remercie de m'avoir lue ! Et j'espère vous revoir très bientôt pour la sortie d'une prochaine histoire <3

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