Chapitre 6: Niveau supérieur
On atteint la fin du quartier, en passant par le chemin derrière les maisons. C'est derrière où je me cache, pour me rendre dans mon endroit. J'arrive devant un grand amas de buissons et passe par le trou. Il est étroit et invisible à l'œil de la plupart des gens. Après avoir eu un peu de mal à passer, Sebastien me suivant toujours, demande étonné:
-Comment t'as trouvé cet endroit?
-En ligne.
On arrive à la fin d'un deuxième chemin caché et la maison se révèle à nous. Sebastien s'exclame:
-Wow! Où en ligne?
-Un vieux forum privé. Il est mort maintenant, donc...
Je m'approche des buissons bordant le côté le plus bas du vieux portail. Je l'escalade, à l'aide de la petite chaise pliante de bambin, que j'avais trouvé le moyen de faire passer ici. Sebastien me suit à l'intérieur et je contourne la maison mourante. Je me tourne pour le voir regarder partout, puis à nouveau la maison. Une bâtisse victorienne massive, maintenant habitée par les arbustes et les branches. Elle est plus large que haute, c'est pour ça qu'elle est si bien cachée. Je ne peux retenir un sourire face à l'air de Sebastien. J'étais comme ça quand j'ai découvert ce lieu. Je continue de marcher et atteins mon Eden. À perte de vue, il y a un lit doux d'herbes et de plantes herbacées vertes claires. Elles sont parfois parsemées de fleurs. Certaines ressemblant à des pompons violet pâle, et d'autres ont des pétales mauves, qui pourraient passer pour des petits buissons. Je me tourne vers Sebastien, qui regarde l'endroit en souriant. On dirait bien qu'il le trouve beau aussi. Il dit encore:
-Wow...c'est cet endroit que t'appelle ton sanctuaire?
-Oui.
-Il est super.
Ma parano demande:
-Donc tu vas le prendre? Et ce sera plein d'ados en train de faire tout et n'importe quoi...putain pourquoi j'ai fait ça? Je suis trop conne.
Je secoue la tête les yeux sur les plantes quand il s'approche. Je le regarde et il m'assure sérieusement:
-Je te jure que je dirais rien...ok?
J'inspire profondément. Je le regarde et décide de hocher la tête, ce qui le fait sourire. Je l'imite et lui rappelle:
-T'avais pas dit que t'avais des gâteaux?
-Merde! C'est dans la voiture.
Il propose:
-Je peux aller les chercher.
-Tu vas te perdre.
-Je pense pas, je suis bon avec les chemins.
-T'es sûr?
-Oui, j'arrive.
Pendant qu'il s'éloigne je m'assieds. Je sors mon téléphone, pour écrire plus de mes stupides paroles. Quand j'ai fini de déverser mes sentiments sur l'écran, je réalise qu'il n'est toujours pas revenu. Depuis quand est-ce qu'il est parti? Oh merde. Si ça se trouve, il est allé chercher ses potes. Je fronce les sourcils, saisie par l'angoisse. Oh non...
Je mets ma tête entre mes mains, pour ralentir l'inflation de mon anxiété. Je suis aussi en train de respirer profondément, quand je sursaute, en sentant une main sur mon dos. Je lève la tête sur Sebastien. Il a un air concerné formant un filtre différent sur lui. Il me demande:
-Hey, ça va?
Je respire encore profondément en hochant la tête. Il s'assied à côté de moi et continue:
-T'es sûre que t'es pas malade?
Je secoue la tête et il prend quelque chose qui était de son côté. Une boîte assez grosse. Il me dit désolé:
-Je crois que ça a été un peu secoué. Parce que j'ai pas pu me pencher trop bas pour la jeter par terre, en me penchant depuis ta chaise de bébé.
Je souris un peu et il ouvre la boîte sur un tas de gâteaux, ayant l'air plus bons les uns que les autres. Ils alimentent un nouveau sourire malgré moi. Il m'explique:
-C'est surtout des pâtisseries françaises du coup.
-Ah oui, la pâtisserie de ta mère.
-Ouais, aller choisis quelque chose.
-Euh...
Je prends l'espèce de dôme brun foncé avec des rainures en disant:
-Merci.
Il dérobe une meringue et je croque dans mon gâteau. Ça a un goût sucré caramélisé. Un peu comme le rhum si je me souviens bien du goût, que je n'étais pas censé essayer, au point de pouvoir le reconnaître. Je me rends compte que je souris un peu en finissant le gâteau, quand Sebastien demande:
-Donc c'est un succès?
Je ne peux pas m'empêcher de rire doucement et il m'apprend:
-C'est un cannelé.
Un peu impressionnée, je commente:
-Tu l'as dit avec un accent parfait.
-Eh ben en même temps mon prénom c'est Sebastien donc...
J'essaie de ne pas rire, mais fais doucement un bruit intérieur bizarre. En mangeant son macaron, il se met à me regarder. C'est sûrement parce que je le fixais comme une idiote. Mais du coup là c'est pire. Je me retiens de rire, puis réponds à son regard confus et amusé par:
-T'as des miettes.
Il fait un mouvement trop distrayant, en suçant sa lèvre inférieure. Il me sort de mon bug en demandant:
-Là? C'est bon?
-Le coin.
Maintenant, je ne sais pas pourquoi, mais je ne peux retenir un rire en le regardant lécher le côté de sa bouche. Il se met à rire aussi. Il se calme pour me dire:
-C'est cool de t'entendre rire.
-Hmmm.
-Dis-moi y'a quoi dans ta playlist?
-Pourquoi tu veux savoir?
-La curiosité.
J'hésite donc, il me dit:
-Aller je juge pas, vu que j'ai des goûts bizarres.
-Comme?
-Essaies pas d'y échapper, c'est toi la première.
-Il y a beaucoup de genres, mais c'est surtout du R&B, du rap, de la pop et de l'alternative, je pense.
-C'est quoi, ta dernière découverte?
Je soupire, mais me décide à ouvrir mon application. C'est juste parce que je ne peux pas résister, à l'occasion de partager ma trouvaille, que je pense être juste trop bien. J'appuie sur le bouton et ça résonne dans l'air. Une instru trap et des basses mélangées à une voix féminine, qui rappe comme sans faire d'effort.
Sebastien bouge la tête et je me rends compte que je l'imite. Je ne sais pas trop pourquoi. Maintenant, je ne peux m'empêcher de bouger les lèvres avec les paroles, et leur signification assez arrogante. Je me souviens soudain qu'il est là et en train de me regarder en souriant. Je me mords la lèvre et coupe la musique, même si elle arrivait à la fin. Je marmonne:
-Voilà.
-Pas mal du tout, c'est quoi son nom?
-Snow Tha Product. T'écris Tha: t-h-a.
Il hoche la tête en tapant sur son téléphone et j'ai l'impression d'avoir complété une quête. Il me regarde à nouveau et je lui dis:
-Ok à toi, une bien honteuse.
Il rit et répond:
-T'es sans pitié.
Il soupire et appuie sur "play". Le son est de deux rappeuses qui parlent du fait qu'elles ne prennent pas les relations au sérieux et ne veulent pas s'engager. Malgré la catégorie en commun, il fait plus girly que le mien. C'est ça son son honteux? Juste parce que c'est un peu girly? Rah la la, les gars.
Je prononce les paroles du son que je connais aussi et Sebastien rit sûrement content que ce soit le cas. Il se met à articuler les paroles en faisant comme moi, de légers mouvements de tête en bougeant ses mains. Notre numéro nous fait rire pendant que la musique s'arrête, mais même après on continue de rigoler. Je tourne la tête à cause de son regard trop trainant, quand un son country commence. Sebastien prend son téléphone en disant:
-Merde.
Une autre chanson honteuse. Pourtant ça va. Je lui dis:
-Eh! Attends, je crois que je l'aime bien.
Il hoche la tête et laisse jouer. Il finit par bouger sa tête en articulant les paroles de la chanteuse au cœur brisé. Elle vient de se faire abandonner par son copain, alors qu'ils étaient censés se barrer de leur ville. Je bouge aussi un peu la tête et le remarque, en train de me regarder en faisant son petit show. Je finis par le regarder plus longtemps et bouger ma tête avec lui. La chanson se termine, à nouveau avec nos fous rires. Je finis par détourner la tête et il me dit:
-Hey j'ai une question bizarre.
-Quoi?
-Tu m'as montré ton sanctuaire, tu veux pas voir le mien?
-C'est où?
En échouant à réprimer un sourire gêné, il répond:
-C'est ma chambre.
Plus ennuyée qu'enragée, sûrement grâce à la musique et au sucre, je réplique:
-Sérieusement? T'as même pas fait l'effort de la subtilité. Tu crois toujours que je suis aussi bête?
-Je crois rien du tout. Je sais très bien que tu vas pas te glisser dans mon lit, et c'est pas ce que je veux.
Après une courte pause, il ajoute:
-J'ai juste, je sais pas...
Je soupire puis lui rappelle:
-En plus, tes parents vont sûrement te tuer, s'ils nous trouvent. Les miens le feraient.
-Il y a des chances pour qu'ils soient pas ravis de voir une inconnue, comme ça oui, mais ça, c'est s'ils te voient.
À son sourire malicieux, je le vois déjà me pousser à faire une partie de cache-cache de la honte. Le lit ou l'armoire? Je lui rappelle un autre obstacle qui va compliquer ce niveau absurde:
-Et il y a ta sœur.
-Non, elle passe le week-end chez sa pote de l'autre côté de la ville. Et mon père va aider ma mère à la pâtisserie. Parce qu'elle a tendance à fermer tard le week-end maintenant, avec tous les clients. Donc on a le temps.
Je ne sais même pas pourquoi j'y pense. Je continue de fixer l'herbe pendant que mon esprit tourne vite, puis je le regarde. Il est en train de m'observer avec ses yeux sombres, mais paradoxalement brillants. Comme une idiote je dis:
-Ok, mais pas de délire bizarre. Dans ton intérêt.
Son visage s'affine tandis que ses pommettes s'arrondissent, avec son sourire presque enfantin. Il me répond:
-T'inquiète pas. On y va?
Je hoche la tête et me lève. Qu'est-ce que je fous? Je l'ai ramené ici et je ne sais toujours pas s'il a menti, sur le fait de révéler mon endroit aux autres. En plus, maintenant, je le suis chez lui où ce serait encore plus suspect d'être, pour moi. Pourquoi je lui fais confiance? Peut-être que je suis en mal d'aventures. Je soupire et escalade le portail.
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