Chapitre 34: Le débat
Ce matin, j'ai à peine eu le temps de mettre la boîte rouge que j'ai reçue dans mon sac avant d'être en retard. J'espère que mes recherches ne m'ont pas trompée. Je ne pourrais la donner à Sebastien qu'après le cours, vu que je ne l'ai pas trouvé dans les couloirs avant. Mais là, c'est un tout autre moment. La classe s'amuse bien grâce à nous. Je suis sûre que mon groupe de débat m'a choisie exprès et insisté quand ils ont vu que les autres ont choisi Sebastien.
J'évite toujours les débats. Répondre aux arguments des autres ne me pose pas problème. C'est les commentaires que l'on fait sur le côté et surtout après qui me rendent anxieuse. Je ne sais pas pourquoi j'ai cédé, mais je dois finir ce que j'ai commencé. Je dois gagner ce débat sur la justesse de l'utilisation de la violence durant les révolutions.
Sous les regards attentifs et les sourires, j'inspire. Debout derrière la table au milieu de la classe que l'on a réarrangée, je réponds à Sebastien en face de moi:
-Je comprends tes inquiétudes sur les conséquences de la violence, mais parfois c'est le seul moyen de changer la situation. Si tu regardes l'histoire, des études ont montrés que les révolutions naissent souvent d'un sentiment d'injustice collectif et donc un désir pour le changement.
J'enchaîne avec:
-On peut prendre comme exemple la révolution haïtienne, où les descendants d'africains réduits en esclavage se sont soulevés contre leurs oppresseurs, pour former la première république noire indépendante. Malgré la violence de la révolution, ça a mis fin à l'esclavage et à la domination coloniale là-bas. Ça a ouvert la voie pour la liberté et l'autonomie pour d'autres pays.
Je provoque encore des sourires et des regards étonnés tandis que Sebastien qui m'écoutait avec attention hoche la tête et répond:
-Oui Amina, mais la violence mène souvent à plus de violence. Effectivement, la révolution violente amène le changement, mais à quel prix? Les conséquences de ces révolutions peuvent être le chaos et l'instabilité. La destruction de l'ordre, la perte d'infrastructures et les traumatismes infligés à des communautés peuvent avoir des conséquences à long terme. C'est vraiment l'héritage que l'on veut laisser? Haïti est devenue une dictature le siècle qui a suivi sa révolution. Et ça, c'est après des années d'instabilité.
Certains des autres émettent des bruits confirmant que sa réponse n'est pas mauvaise du tout, malheureusement. Je ne me laisse pas démonter et dis:
-Sebastien, je crois que tu passes à côté de ce que je veux dire. Comme je l'ai dit, une révolution violente est une réponse à une injustice systémique qui a été perpétuée par ceux aux pouvoirs. Les méthodes non violentes ont leur place, mais des fois elles ne sont tout simplement pas assez pour démanteler des systèmes d'oppression bien enracinés.
Je réfléchis rapidement, puis ajoute:
-Si on regarde le mouvement des droits civiques, des figures comme Malcolm X ont plaidé pour des formes de résistance plus radicales, tandis que d'autres étaient non violentes comme Martin Luther King Jr. Les deux approches ont joué un rôle crucial à l'avancement de la cause pour l'égalité raciale.
Les regards intéressés se posent maintenant sur Sebastien qui réfléchit brièvement, d'après le mouvement de ses yeux s'étant baissé une seconde. Il me sourit et je me retiens de faire pareil, ce qui amuse d'autres élèves que j'arrive à voir. Ce sale tricheur. Il me dit:
-Je saisis ta frustration, vraiment. Mais la violence est un chemin dangereux à prendre. La résistance non violente prend peut-être plus longtemps, mais c'est au final plus durable et moralement défendable.
"Moralement défendable", pff. Je réplique:
-La non-violence met plus de temps à être exécutée, mais au final quels changements majeurs tout ce temps produit? La révolution peut être un catalyseur pour des changements transformateurs. Détruire les anciennes structures de pouvoir et ouvrir la voie pour des sociétés plus équitables. Des fois la seule façon de se libérer de la tyrannie c'est de la confronter directement, même si ça veut dire recourir à la force.
J'ai soudain un flash de l'impression que j'ai ressenti quand mon poing a écrasé le nez de Papa. Pourquoi tout est toujours applicable à tout? Sebastien me tire de mes pensées en rétorquant:
-D'accord Amina, mais je pense toujours que la violence n'est pas la solution. On doit aspirer à un changement fait à travers des moyens pacifiques, même face à l'adversité. Comme l'a dit Martin Luther King Jr. : "L'obscurité ne peut pas chasser l'obscurité: seule la lumière peut faire cela.".
Les autres osent carrément à sortir des:
-Ouh!
Une voix s'exclame:
-C'est toi qui lui as appris ça Amina?
Une autre réplique:
-Toi t'es trop bête.
Sous les rires, Ms.Ronan crie:
-Andre! Nola!
Andre dit:
-Pardon, pardon. Continuez avec le couplicide.
Ms. Ronan réplique:
-Je vais te coller très vite.
Andre répond sur son ton de manipulateur:
-Pardon Ms.Ronan.
Cette dernière secoue la tête et nous dit:
-Continuez.
Je me sens las à cause du côté têtu de Sebastien qui refuse de reconnaître que sa perspective est nulle. Face à son invitation à le faire par regard, je reprends en lui répondant:
-Sebastien, je sais ce que tu veux dire, mais tout ça est un peu utopique.
Il y a des bruits et même un:
-Ouh.
Sebastien me sert son sourire déconcentrant, mais je continue maintenant irritée:
-De l'anthropologie à l'histoire, on a vu que les actions drastiques sont plus nécessaires à l'obtention d'une réaction qui a un impact. Par exemple, on a eu la révolution française, la révolution haïtienne, le mouvement des droits civiques comme on l'a mentionné...
Je continue:
-Ce sont des moments où les gens en ont eu assez d'accepter leur situation ou d'attendre qu'elle s'arrange seule. Ils ont pris les choses en main. Oui, la violence ne devrait être qu'un dernier recours, mais c'est aussi ce qui permet de débarrasser et recommencer.
La fin était un peu familière, mais il y a des bruits d'approbation et des commentaires amusés. Ils m'indiquent aussi que mon agacement commence à se montrer dans mon ton. Merde. C'est ce qui doit faire sourire Sebastien comme ça. Il calme son air idiot pour inspirer et me dire d'une façon presque infantilisante:
-J'apprécie ta passion, mais on ne peut toujours pas ignorer les conséquences de la violence. Tout ça n'est pas juste sur comment obtenir un changement, mais aussi sur quel genre de changement on veut voir. On doit considérer les effets à long terme sur la société et les individus affectés.
"J'apprécie ta passion", il me cherche. Pendant que les autres montrent à nouveau leur perplexité avec leurs réactions, je réfléchis à une réponse plus calme qui pourrait lui faire comprendre que je n'essaie pas juste de justifier des méthodes d'hommes des cavernes.
La prof me coupe en s'approchant et disant:
-Merci Amina et Sebastien pour vos contributions réfléchies. Il est clair que c'était un sujet complexe sans réponse facile, mais notre temps arrive à sa fin. Malheureusement, je n'ai pas pu trancher entre vous, mais en concluant notre débat rappelons-nous qu'il faut toujours apprendre des perspectives des autres, comme je suis sûre que vous l'avez fait.
Quelqu'un se met à applaudir et donc les autres suivent. Je me retiens de soupirer et croise le regard de Sebastien qui s'approche sous les bruits moqueurs. Il ne va pas faire de connerie maintenant quand même? Il me tend la main. Je la prends et la serre en imitant son sourire. Maintenant, j'ai plus trop envie de faire un coup d'État pour montrer mon irritation. Il s'éloigne tandis que la prof menace Alissa qui avait crié "Un bisou!". C'est vraiment nous les adultes de demain...
Je rejoins les autres pour les aider à remettre les tables en place. Je suis sûre que la prof a menti et évité de désigner un gagnant pour ne pas faire de vagues, reste à savoir qui. Tisha qui est dans mon groupe plisse ses yeux en amande noirs quand elle me sourit. Elle tape dans ma main en disant:
-Tu l'as écrasé avec son discours à la Gandhi.
Je pouffe avec les autres et lui réponds:
-Ses arguments sont pas absurdes non plus.
Jamari s'approche et me dit:
-Non, tu t'es bien défendue et je dis pas ça parce qu'on est dans le même groupe. T'as toujours eu ça en toi non?
Je lui souris et il me rend mon regard en plissant ses grands yeux rieurs. Je profite toujours de son sourire réchauffant, parce que mes occasions de lui parler sont rares. Ce n'est pas facile. Il hoche la tête et brise notre échange en continuant d'aider à range, donc je l'imite.
Quand le cours est fini, je marche dans le couloir avec Tisha et Charlotte. J'en ai eu marre d'attendre Sebastien qui parlait avec la prof et elles m'ont tiré avec elles. Andre passe en me criant:
-T'as tout déchiré!
Je rigole et en passant Richard un autre gars de notre classe qui se spécialise dans la critique de tout le monde, me dit:
-Tu t'en es pas mal sortie ouais.
Tandis qu'il s'éloigne, Tisha me regarde avec un air choqué me faisant pouffer. Charlotte commente:
-Putain, je devrais le rappeler pour qu'il répète et que je filme Richard le connard faire un compliment.
Je réponds en riant:
-T'es dure.
Lara et sa chevelure rousse intense s'approche pour me dire:
-Amina, t'aurais dû le défoncer. Je sais que t'allais le faire vers la fin, mais il a fallu que Ronan l'épargne en vous stoppant.
Je rigole et elle ajoute:
-Je compte sur toi pour le prochain débat, t'es une crack.
Elle s'en va sous le regard malveillant de Charlotte qui me fait rire. Elle dit:
-Ok, c'était quoi ça? Elle te parlait jamais.
Tisha ajoute:
-Mais pire, c'est la pote de Maya. L'hypocrite.
Je dis:
-Je sais, je sais. Je suis pas aveugle. Tout ça, c'est aussi l'effet Sebastien.
Je soupire et souris. Ça fait quand même du bien de ne pas toujours avoir cette hostilité ambiante quand ils viennent me voir. Je ne sais pas. Je sens quelqu'un près de moi de derrière et donc je me retourne sur Sebastien. Il a son sourire débile, plissant ses yeux noirs pétillants. Il se déplace jusqu'à devant moi où il se met à marcher à reculons sous les rires de Tisha et Charlotte. Je le tire à côté de moi en lui disant:
-C'est dangereux.
Il étire ses lèvres voluptueuses et répond:
-Oh, je pensais que si je rentrais dans quelqu'un ça te ferait plaisir, vu que tu me veux mort.
Je ne peux retenir un sourire en disant:
-Moi?
Il rétorque:
-Oui.
Je demande incrédule:-
Pourquoi tu penses ça?
Il lève les yeux en tordant ses belles lèvres en une moue perplexe. Ça me fait à nouveau sourire et il s'arrête de prétendre de réfléchir pour dire:
-Je crois, je suis pas sûr hein. Mais je crois que tu me regardais comme si tu voulais me mettre en pièce vers la fin du débat.
Je réplique:
-Pas du tout.
Tisha et Charlotte me trahissent en disant:
-Si.
Elles rigolent tandis que je les mitraille du regard. Je souffle et continue pour Sebastien:
-Ok peut-être, mais c'est parce que j'étais dans le mood. Là, c'est fini.
Il plisse son regard nuit et émet un:
-Hmmm.
Je demande ennuyée:
-Quoi? Tu veux des excuses publiques?
Il étire ses lèvres bien esquissées et répond:
-J'en demande pas autant, un bisou ce serait pas mal.
Je plisse les yeux sous les rires des filles. Sebastien hoche la tête et dit:
-Très bien, j'ai compris. Je vais juste aller pleurer du côté des non-violents.
Je ne peux retenir mon rire puis je me calme et le tire vers moi. J'ai à peine le temps de le regarder que ses lèvres emportent les miennes dans une chorégraphie sensuelle. Malgré le plaisir me faisant vibrer, je finis par devoir le stopper. Je souris à l'air contrarié plissant ses yeux et y réponds par:
-Ok, euh, les gens qui passent doivent en avoir marre de nous contourner et e...
Il réplique avec un sourire insouciant:
-J'en ai rien à foutre.
Je souris et lui rappelle:
-Ok d'accord, mais on a cours. Tu te souviens?
Il grogne et je rigole. Il se remet à marcher, mais je le tire, attrape sa joue pour le ramener à moi et l'embrasse doucement. J'arrête un peu trop abruptement ce contact doux, avant de me faire entraîner trop loin. Il grogne de frustration et je me retiens de rire pour marcher rapidement. Il me suis en prenant ma main. Quand on arrive dans la salle, le prof n'est pas là. Sebastien se plaint:
-Pff, t'as interrompu notre bisou pour ça.
Je ris tandis qu'Ivan et Raj nous rejoignent devant ma table. En étirant ses lèvres charnues, Raj commente:
-Elle est tout le temps en train de rigoler quand t'es à côté, t'as pris des cours chez les clowns ou quoi?
Je grimace pour retenir mon
rire, contrairement à Ivan. Sebastien réplique:
-Ferme-là toi. Elle est comme toi, elle aime juste se foutre de moi.
Ivan plisse ses yeux bleus étroits en disant avec un sourire:
-Donc t'es un masochiste hein? Est-ce qu'elle te fouette aussi?
Raj éclate de rire et j'ouvre grand les yeux. J'essaie de ne pas rire en poussant l'image qui me vient, mais craque en pouffant. Ça empire le fou rire de Raj et Ivan. J'essaie de m'arrêter en respirant et refrénant un sourire. Sebastien s'arrête de fixer ses amis ennuyé pour me regarder à mon tour. C'est encore pire. Je tourne la tête et inspire profondément puis quelque chose me revient. Je dis à Sebastien:
-Oh! Avant que Mr. Sissier revienne ou que tu me jettes, je t'ai pris ça en retard pour la Saint Valentin.
Je fouille dans mon sac et en sors la petite boîte rouge contenant une carte de composants électroniques, si j'ai bien compris. J'explique à Sebastien:
-J'ai fait un peu de recherches. Tu m'as dit tous ces trucs sur les robots et si je me trompe pas quand vous en construisez un ça c'est un peu comme le cerveau dont vous avez besoin non?
Ivan siffle tandis que Raj hoche la tête comme impressionné. Sebastien lève les yeux de la boîte et dit en souriant:
-Et c'est le modèle sur lequel je préfère bosser. T'est trop forte.
Je rigole et il me noie dans ses bras à l'odeur boisée et fruitée, avant que ses lèvres ondulent avec les miennes. Il s'arrête sûrement parce qu'on l'a tiré, vu que Raj nous crie presque:
-Sissier arrive là-bas.
Sebastien grogne et Ivan dit moqueur:
-Eh ben putain. J'ai cru que t'allais la déshabiller et tout.
Raj pouffe et tandis que le prof entre. Sebastien dit à Ivan:
-Il te manque vraiment de bonnes raclées.
On rigole et Ivan a son sourire qui a le don d'énerver. Pendant que les gens commencent à aller s'asseoir, Raj me dit:
-Bonne trouvaille en tout cas.
En s'éloignant, Ivan, demande moqueur:
-Tu nous construiras un robot la prochaine fois, hein?
Je plisse les yeux tandis que Sebastien embrasse rapidement mon front avant de les rejoindre. Je m'assied avec un léger sourire idiot sur le visage.
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