Chapitre 29: Au revoir
Après lui avoir envoyé les messages j'attends Jamari dehors sur le banc. Le froid fait que la plupart des gens sont sous le préau ou à l'intérieur, donc il ne pourra pas me rater. Apparemment l'amitié et l'amour peuvent souvent être flous, même coexister. Moi et Jamari c'est donc pas un cas isolé. Pourtant j'ai l'impression d'être seule au monde avec ce problème-là, qui m'a l'air sans fin, enfin le dénouement je le redoute. Est-ce qu'on pourra vivre avec cette ambiguïté? Au bout d'un long moment il n'y a toujours pas de Jamari. Il ne viendra pas. Je regarde mon téléphone pour lui envoyer un dernier message, quand quelqu'un vient de derrière moi. Je lève la tête et souris en voyant Jamari qui s'assied. Inhabituellement il ne me sourit pas en retour, donc je m'arrête de le faire.
Je lui dis:
-Salut....
Il réplique platement:
-Salut.
J'observe mieux son visage. Parce qu'il est beaucoup plus foncé que Sebastien, les bleus de Jamari se voient moins. Pourtant vu qu'il a un teint marron presque clair, je distingue les bleus qui doivent encore partir. Ils sont sous ses yeux, sur sa joue et il y a sa blessure à la lèvre. Jamari me dit:
-Tu peux arrêter de me fixer comme ça? Je suis pas mourant.
-Désolée.
-Du coup, qu'est-ce que tu me veux?
Je dis doucement:
-M'excuser.
Il lève les sourcils, en plissant son regard en amande d'une façon qui pourrait passer pour de la joie, mais moi j'y vois qu'un sentiment me piquant. Il va avec son sourire qui me brûle à l'aide de sa cruauté. Il se met à ricaner puis demande comme si j'étais stupide:
-Tu veux t'excuser de sortir avec quelqu'un? Vraiment?
-Je voulais pas te blesser, je voulais pas que tu me déteste. Je v...
-Je te déteste pas Amina, j'ai juste mal.
Je sens mes yeux se réchauffer, mais je me retiens et demande:
-Mais pourquoi maintenant? Tu m'as ignoré pendant des années et...
-Et maintenant j'arrive et je demande à t'avoir sur un plateau? Oui j'ai été un connard pour t'avoir juste regardé sans rien faire tout ce temps. Et c'est bizarre comme comportement vu que...vu que je t'aimais bien depuis la primaire.
Je fronce les sourcils choquée et il me demande:
-Toi tu m'as aimé? À un moment?
Je n'ose pas répondre donc il insiste:
-Amina.
J'avoue:
-En primaire aussi, et puis après t'as changé...
-J'ai tout fait foiré et je suis revenu trop tard. Quelqu'un d'autre a la chance de t'avoir maintenant.
J'inspire doucement pour calmer mes sentiments douloureux. Il dit:
-Tout était tellement plus facile quand on était gosses.
-Oui c'est vrai, grandir c'est nul.
-Ouais...
Je demande craintivement ce que je redoute:
-Tu veux plus être mon ami? Mon meilleur ami.
Son sourire triste humidifie mes yeux et il répond:
-Je peux plus être ton meilleur ami Amina, je t'aime trop pour ça.
J'inspire profondément et hoche la tête en essayant de ne pas pleurer. Il me dit:
-Pleures pas.
Il se rapproche avec son odeur ambrée aux épices. Il s'assied à côté de moi et prend ma main. J'apprécie la chaleur de la sienne et incapable de parler je hoche à nouveau la tête. J'ai envie de crier quand il lâche ma main avant de me dire doucement:
-Je te reverrais un jour, quand je me sentirais mieux. J'en suis sûr.
Je me réfugie dans son regard noir et chaud et son beau sourire qui va me manquer. Je lui souris aussi, il hoche la tête et s'en va en disant:
-À plus tard.
Je n'ai pas besoin de livre pour savoir qu'il s'est senti trahi. J'avais son cœur sans le savoir et je n'y ai pas fait attention. En plus je ne peux pas lui donner le mien en échange. J'en paye donc le prix. Après avoir essuyé mes larmes je fixe longuement le sol en respirant, quand soudain des basket que je connais approchent. Je regarde Sebastien, dont le visage est inhabituellement durci par la colère. Je n'ai pas l'énergie d'effacer mon air triste et me contente de demander faiblement:
-Quoi?
Sebastien ricane et dit:
-Quoi? Je t'ai regardé tout le long avec Jamari et tu me sors "quoi"?
Fatiguée je regarde le vide en disant:
-J'ai rien fait.
Sebastien me dit:
-Regarde-moi.
Je ne l'écoute pas donc il ordonne plus clairement:
-Amina regarde-moi.
Je le fais avec une colère naissante et il me dit énervé:
-C'est pour lui que tu pleurais?
Je fronce les sourcils et il continue:
-Tu te pleins que les gens te regardent, mais tu fais ce genre de trucs.
Je réplique piquée:
-Fous-moi la paix.
-Ouais c'est que tu me demande depuis ce matin, maintenant je me demande plus pourquoi.
Mes sourcils bougent à cause de ma peine, mais il s'en va déjà. Je retiens ma respiration. Je sens l'angoisse saisir mes membres, avec cette impression qu'une substance bizarre pollue mon corps. Tout peut aller se faire foutre, je dois me barrer d'ici. Je ne referais pas une crise au milieu de ces gens, pour leur donner de quoi se foutre de moi. Je prends rapidement mon sac et m'enfuis.
De retour dans mon petit paradis, malgré la dureté du bois du porche du jardin je repose ma tête sur mon sac. Mon manteau me sert de matelas au final. Je ferme les yeux et le froid accentue ma somnolence. Je ne sais pas combien de temps après, je suis tirée de mon obscurité par quelqu'un qui me secoue. Je regarde au loin en clignant des yeux et la lumière du soleil est toujours là, malgré le froid hivernal. Maintenant je vois Sebastien au-dessus de moi avec un air inquiet. Il me dit doucement:
-Hey.
Je cligne des yeux et m'assied. Sebastien me dit:
-Cet endroit peut être confortable bizarrement, mais là t'abuse en restant dans ce froid des heures. Prends au moins un sac de couchage.
Je me contente de le fixer donc il me demande inquiet:
-Aller dis quelque chose, crie même, mais fais quelque chose.
Je regarde ailleurs et sa voix continue sur un ton emplit de peine:
-S'il te plaît, dis-moi au moins que c'est pas fini parce que j'ai été un connard.
Je le regarde et mes larmes coulent tandis que son regard devient de plus en plus désespéré. Il dit doucement:
-T'en as fini avec moi...
Je l'approche et me réfugie dans ses bras. Il me tient pendant que je continue à pleurer. Il me dit doucement:
-Calme-toi.
À travers mes sanglots je réponds:
-Je l'ai tellement blessé, il est parti maintenant. Il a dit que ça sera pas pour toujours , mais je sais que c'est fini. C'était mon meilleur ami. Le seul. Depuis la maternelle et maintenant...
Sebastien me serre plus et j'ajoute:
-Et maintenant t'es en colère, parce que je suis triste et que j'ai laissé tout le monde me voir parler comme ça à Jamari. Alors qu'ils savent que vous vous êtes battus et tout...
-Tout le monde peut aller se faire foutre, j'étais en colère parce que je pensais pas. J'agissais juste comme un homme des cavernes débile qui essaie de défendre son territoire.
Je souris un peu et il me frotte le dos en disant:
-Je suis désolé, je suis désolé que t'aies perdu ton meilleur ami parce que ça te fait vraiment souffrir. Je déteste te voir souffrir.
Je retiens mes larmes et il essuie celles sur mon visage. Il demande:
-Tu veux toujours pas me laisser manger avec toi?
Il esquisse son sourire de chiot et j'ai presque envie d'étirer mes lèvres aussi, mais je lui dis:
-J'ai pas envie que tu finisses comme moi et que tes amis me détestent.
-Raj et Ivan peuvent être chiant comme pas possible, mais je pense pas qu'ils iraient jusqu'à te détester. C'est mes meilleurs amis, ils vont pas me laisser tomber comme...
-Dis-le, comme Jamari.
Il soupire et dit:
-Laisse-moi manger avec toi au moins demain. Steuplé?
J'hésite puis réponds:
-Ok.
Il sourit et ses lèvres sur les miennes me font flotter.
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