Une fois debout, en tant que récompense pour le coup d'hier, je constate que j'ai mal au poing. J'ai vraiment tapé si fort? Après être revenue de la salle de bain, je rappelle Sebastien, qui m'avait appelée. Je n'avais pas osé le réveiller hier soir en voyant ses appels après mon réveil nocturne, donc je lui ai pas envoyé de message. Il décroche directement en demandant inquiet:
-Amina tu vas bien?

-Oui, je suis vivante et je suis pas en train de voler en avion au-dessus de l'Atlantique.

Il rit un peu, mais me demande encore:
-Tout va bien hein?

Je pense à mentir, mais je n'aime pas quand on me ment et j'imagine que lui non plus, mais je ne sais pas. Mon hésitation prend la décision en me dénonçant. Il demande donc sérieusement:
-Qu'est-ce qu'il s'est passé?

J'essaie de répondre le plus nonchalamment possible:
-Je l'ai frappé au nez, il était super en colère et je sais pas, je sais pas comment c'est arrivé.

Je sens sa colère quand il demande:
-Il t'a frappé?

-Il m'a un peu raté, c'est pour ça que je l'ai frappé, je crois.

-Ok, non on va a...

-Je t'en supplie commence pas, je me fais pas battre h24.

-Mais des fois?

-Non...

Je soupire puis me décide à lui raconter:
-Ça fait des années qu'il n'a pas levé la main sur nous. Parce que notre mère en a eu assez, qu'il nous fasse ça pour nous discipliner. Elle est partie en nous emmenant. On a fini par revenir après qu'il ait changé. Mais un peu, parce qu'il gueule toujours comme un possédé et tente de nous intimider parfois. Normalement, c'est juste ça, mais l'autre jour dans le jardin j'avais entrevu l'ancien lui, comme hier, bien sûr. Mais ma mère est là.

Il garde le silence et mon malaise est mélangé à de la honte, je flotte par-dessus pour dire:
-Sebastien t'énerve pas. Je vais bien, je te le jure.

-Hmmm, s'il te touche tu me le diras?

-Promis.

-Ok...

Il y a un silence et il me dit:
-Lui trouve pas d'excuses hein, c'est pas ta faute. Ça le sera jamais.

Je souris le cœur réchauffé puis répond:
-Merci.

Mon ventre gargouille et l'inconfort de mon estomac se fait ressentir. Je lui dis:
-Je peux te rappeler? Mon estomac pleure.

Il rigole et dit:
-Ok à tout à l'heure Guenièvre.

Je ris, raccroche et descends. À la table du petit déjeuner que je partage avec Maman, malgré notre moment d'hier je mange mes céréales en silence. Elle le brise pour dire:
-J'espère que tu n'as pas raté de test quand tu as raté les cours l'autre jour.

-Non.

-Tu n'y es pas allée pour rester avec lui je ne sais où?

Je fronce les sourcils face à cette idée absurde, donc elle y répond par:
-Ne me regarde pas comme ça. Je ne sais plus ce dont tu es capable.

Je regarde mes céréales flottantes en respirant, mais assez vite mes larmes coulent et je n'arrive pas à contrôler mes sanglots. Elle se lève et me prend dans ses bras. À travers mes larmes, je lui dis:
-Je suis pas...je suis pas aussi mauvaise. Je suis désolé, j'aime vraiment pas mentir. Maman je suis désolée d'avoir menti tout ce temps. J'ai juste...

-Oui, je sais, ça peut être comme la prison ici hein?

Elle essuie mes larmes et son regard couleur onyx me caresse. Maman me dit:
-Je veux savoir où tu es pour ta sécurité aussi tu sais, pas juste te juger.

Je hoche la tête et elle continue:
-Je suis sûre que ce n'est pas la dernière fois que tu me mentiras...mais réfléchis si ça en vaut la peine avant.

Elle embrasse ma joue et je souris un peu.
De nouveau dans mon lit je me pose encore une de ces questions intrusives sur pourquoi Sebastien m'aime. Est-ce que je suis celle qu'il veut pour de bonnes raisons? La saveur se casse...et si je n'étais qu'une saveur? Non. Je soupire puis regarde mon téléphone inutilement, car Jamari n'a toujours pas répondu à mes messages, comme mes appels. Ça fait des jours. Je réessaie et, à ma surprise et ma plus grande joie, il décroche. Son timbre de voix cette fois calme me demande:
-Hey, comment tu vas Ami?

Je souris et réponds:
-Bien, et toi surtout?

-Bien, mon visage me fait plus mal.

-Je suis désolée, et je suis désolée pour les matchs.

-Comment tu sais ?

-Sebastien me l'a dit.

-Tu lui reparles? Tu l'as revu? Après tout ça?

-Il s'est excusé. Et en plus, c'est pas comme...oui, vous vous êtes battus, mais je vois pas ça comme un camp à choisir. On peut tous être am...

-Amis? Je suis pas ami avec lui.

-Ok...ok.

-Qu'est-ce qu'il t'a servi pour que tu le pardonnes hein?

Je ne réponds pas donc, il insiste:
-Amina? Qu'est-ce qu'il se passe?

-Je ne l'ai pas pardonné pour ça, c'est arrivé après. Mais Sebastien m'a dit ce qu'il ressentait pour moi et...je l'aime aussi. Donc on...on sort ensemble.

Repensant au chaos ambiant avec Papa, j'ajoute:
-Je suppose.

Jamari ricane donc je dis:
-Jam...

Il raccroche et je crois que je suis en train de me mettre à trembler pendant qu'une larme coule.