Chapitre 19: Photoshoot
Je me tiens en face de la porte, à moitié ouverte sur la pièce lumineuse. Papa crie:
-Amina! Tu nous as ramenés ici, donc tu sors!
Je grimace. Il a raison, mais j'ai peur que les photos, ne soient pas super au final. J'entre et m'approche d'eux. Papa fait son "Ih!" distinctif, en écarquillant les yeux. On se met tous à rigoler et il dit avec un ton exagérément étonné:
-C'est ma fille?!
Je souris et Maman m'imite. Ça arrondit son visage. Il a un maquillage naturel mettant en valeur, ses traits ronds et ses lèvres rose pâle vraiment pulpeuses. Elle me dit avec douceur:
-Tu es magnifique.
-Merci, vous aussi.
Aya arrive à avoir l'air mieux, que "l'après" d'un tuto maquillage, avec seulement du gloss et du mascara. Avec ses longs cils encadrant ses yeux noisette. Je ne dis même pas ça parce qu'on partage des gènes, surtout pas pour elle. Heureusement, Papa ne la laissera pas avoir le mascara, sans raison valable. Ça réjouit mon côté mauvais qui se réveille, face au regard qu'Aya pose sur moi. Elle dit catégorique:
-Je vais pas faire exploser son égo.
Papa s'exclame:
-Aya!
Je ris avec Maman tandis que ma sœur prend son air boudeur. Le photographe nous crie presque:
-Ok, on va essayer plusieurs poses, si le petit prince ne pleure pas.
Aya marmonne:
-Un vrai prince, en effet.
Depuis derrière eux, je sais avec certitude qu'Aya a levé les sourcils, de façon sarcastique, et que Papa la mitraille du regard. Moi, je me contente de bouger, vers là où indique le photographe. Espérons que ça aura l'air bien.
Ça a fait beaucoup trop de jours d'attente, mais je peux enfin coller mes photos favorites de notre séance, sur mon mur. On est juste trop beaux! Je ris et attrape mon sac pour m'échapper. Quand je suis au jardin, Sebastien est en train d'écouter de la musique, sur son téléphone. Je saute à côté de lui en criant. Au lieu de sursauter, il me regarde comme si j'étais cinglé, ce qui me fait rire. Je m'assieds et il enlève ses écouteurs, avant de me demander:
-Tu vas bien? Parce que t'as pas l'air très lucide.
Je souris malgré mon hésitation, donc il demande inquiet:
-Qu'est-ce qu'il se passe?
-Euh donc, j'ai fait un truc que j'aime beaucoup et que je voudrais te montrer. Mais je sais pas si tu vas aimer.
-Ok...
Sur mon téléphone, j'affiche la photo que je regarde un peu trop, depuis que le photographe nous a envoyé son beau travail. Je me rapproche un peu de Sebastien. Il regarde la photo.
J'ai dû supplier Papa, de me laisser porter le deux pièces dessus. Il est fait d'un dérivé de tissu wax africain, qui est bleu, avec du marron très clair, et il y a un peu de blanc. Le haut est enroulé autour de ma poitrine, et il y a le pagne assorti. Tombant sur mon ventre et mes hanches, il y a aussi des "ferr" colorés, des colliers pour la taille.
On voit aussi que, sur mon visage, j'ai imité les tatouages de certains Peuls. Avec un eyeliner noir assez foncé, pour bien ressortir sur ma peau, j'ai fait quatre points noirs, comme des parties d'un carré sur mon front. J'ai refait le motif sur mes pommettes. Ensuite j'ai pris un rouge à lèvres noir, pour recréer les fameuses lèvres tatouées noires. Leur couleur dépasse en dessous, et peint mon menton. J'ai conclu le tout avec un voile assorti, pour recouvrir en partie mes tresses.
Ma tenue va avec le boubou bleu de Papa, et la belle robe en wax bleue, avec des touches de blanc de maman, elle a les épaules découvertes. Sumai a un petit boubou qui s'accorde aussi, avec ma tenue en ayant la même couleur. La robe cintrée puis large d'Aya aussi, va avec tout le monde.
Je m'arrête de sourire à la photo, pour me remettre à observer Sebastien, nerveuse. Il est en train de sourire, puis finis par dire:
-C'est toute ta famille.
Je réponds fièrement:
-Oui.
-Vos tenues sont cool et elles vont ensemble, avec toutes les couleurs. Vous avez tous l'air super beaux. Maintenant, je veux convaincre mes parents de le faire aussi.
Je ris un peu soulagée et il demande:
-Y'en a d'autres?
-Beaucoup trop.
-Je peux voir?
-Ok...mais les différentes se suivent pas dans l'ordre des photos, pour juste swiper. Tu vas devoir cliquer dessus, depuis la grille de la galerie. Voir ma galerie.
Avec un air moqueur affinant ses pommettes et plissant ses iris onyx, il émet un:
-Ouh.
Je le regarde blasée et il dit:
-Ok, ok, je vais pas te faire chier. Je vais rien dire. Montre...steuplé?
Je soupire et cède à son sourire en hochant la tête. Il étire encore plus les lèvres, puis navigue sur mon téléphone. Au bout d'un moment, je lui dis stressée:
-Tu mets trop de temps.
Il répond distraitement:
-Je cherche une photo sur laquelle cliquer. Je fixe pas le photoshoot, du gars à moitié nu au-dessus.
Je tends la main en ordonnant:
-Donne-moi mon téléphone.
Mais il s'éloigne en riant. Il calme son bruit d'hyène pour me dire:
-Pardon, pardon. Laisse-moi juste regarder. Steuplé.
Je cède encore aux diamants noirs, entre les courbes dessinant ses yeux. Après m'être rassise en soupirant, je tente d'expliquer:
-C'était juste une référence pour...
-Tu dessines pas et t'écris pas d'histoires, donc...
-Tss, y'a des choses dans ma tête.
-J'imagine.
-Continue et je vais t'arracher le téléphone.
-Pff.
Il s'arrête de sourire d'un coup en fixant l'écran, puis recommence à étirer ses lèvres, encore plus intensément. Je l'approche à nouveau pour voir ce qu'il observe. C'est une de mes photos préférées. Je suis presque couchée sur le côté, avec une main qui me supporte, pour que je ne sois pas affalée. C'est un peu une position de sirène. Je regarde aussi la caméra intensément. Ça peut être intimidant, si on continue de fixer la photo.
Pourtant c'est moi, et je ne suis pas intimidante d'habitude, pas du tout.
Malgré le fait que j'aime beaucoup la photo, je dis embarrassée:
-Ouais, le photographe voulait essayer un truc. Il m'a dit de me mettre comme ça. Et il m'a juste dit de le regarder, comme si j'étais énervée. Juste les yeux. Du coup, j'ai pioché dans une des millions de choses qui m'énervent, et voilà.
Je ris doucement, puis raconte:
-Quand mon père a vu la photo, il était énervé. Il disait que je me prenais pour je sais pas qui et tout.
Sebastien continue de fixer l'écran en silence, donc je dis:
-Hey! Elle est pas si bizarre, ou nulle ou...je me prenais pas pour je sais pas qui. J'ai juste essayé.
Il tourne la tête. Malgré moi, mon cœur fait des choses étranges, face au sourire et au regard qu'il a. Il me demande:
-T'es vraiment sûre que tu veux pas devenir mannequin?
Je rigole beaucoup trop en ressentant un mélange d'émotions, puis me calme. Je secoue la tête et réponds:
-Je suis pas faite pour, mentalement. Je t'ai raconté le documentaire sur leur quotidien. Surtout à leurs débuts, et y'a le reste plus sombre, et nah.
Il rigole puis regarde à nouveau l'écra. Il appuie encore dessus de façon comique, pour ne pas qu'il se verrouille. Pour plaisanter, je lui dis moqueuse:
-Je suis vraiment si fascinante que ça?
Il rit en regardant la photo, puis hausse les épaules, pendant que je rigole. C'est sûrement beaucoup de nervosité. Il me demande:
-Mais c'est quoi, le truc sur tes lèvres? Donne-moi un peu de contenu encyclopédique.
Je ris et explique:
-En vrai, ça doit être carrément tatoué en noir, avec une plante piquante. Oui, ça fait mal. À l'adolescence, les filles peuls se font tatouer sur la partie inférieure de la bouche. Mais c'est pas toutes les filles qui font les gencives en bas aussi, vu qu'on les voit pas. Quand elles se marient, elles se tatouent sur la partie supérieure de la bouche. Mais ça, c'est traditionnellement. Maintenant, il y en a qui ne suivent pas forcément cet ordre.
Je réfléchis puis ajoute:
-Et en gros, ça sert à mettre en valeur la blancheur des dents, et le sourire. Et aussi protéger des maladies. En pulaar c'est le verbe "tupaade", pour dire "se faire tatouer la lèvre", et "sokaade" pour les gencives. Pour l'origine, il y a une histoire vers les années 1800, sur une fille qui allait se marier. Mais il y en a aussi une sur un roi censée être plus vieille.
Sebastien me dit excité:
-Balance tout.
Je rigole et commence à conter.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top