Un traître est plus dangereux qu'un fou.

Un traître est plus dangereux qu'un fou.
Jules-Paul Tardivel.

Les affrontements s'étaient multipliés, ainsi que les disputes.

Il y en avait eu tant qu'Ana n'avait pas remis les pieds chez elle depuis plusieurs jours, prétextant vouloir être au plus près de sa barrière magique si une autre attaque survenait. Le colosse non plus n'avait pas dormi dans son lit depuis bientôt trois semaines, il avait donné tant d'ordres que sa gorge lui faisait un mal de chien ! Les humains de leur village se relayaient jour après jour pour leur donner de quoi se nourrir ainsi que des nouvelles des soldats blessés ; et jour après jour la faucheuse fuyait l'ami.

Elle ne supportait plus de l'entendre dire que tout cela était à cause de son âme sœur. Que tout ce sang versé, tous ses os brisés et ses muscles broyés étaient parce que Sabryne avait débarqué un beau jour ici sans crier gare. De son côté la brune n'en pouvait plus de se défendre bec et ongle contre le témoin, ils auraient dû vivre ensemble et non l'un contre l'autre.

- Kosilka, c'est plus calme de l'autre côté, mais ça bouge du côté de la forêt.

- Merci Zoran... soupira la jeune femme en passant une main sur son front, une trainée plus claire s'y dessina.

Tout son corps tremblait, sa peau légèrement mate d'origine avait pris une teinte presque verdâtre.

- Il faut que tu tues ! Se mit à gronder, son second fila rapidement sans demander son reste et en touchant à peine le sol.

- Zoran a dit que ça bouge près de la forêt de l'autre côté.

- Pourquoi tu ne les achèves pas ! C'est toi ou eux ! Ebat' !

La jeune femme soupira une fois de plus puis se leva sans répondre, ses jambes tremblèrent légèrement. Elle se doutait que tous ses mots, prononcés ou non, seraient interprétés de mauvaise façon.

Dans son dos, elle l'entendit rugir, devant elle, la rue était déserte comme toujours quand ils se disputaient. Elle traina sa carcasse lentement jusqu'à atteindre l'endroit ou elle et Archi dormaient depuis quelque temps. Le serpent, lui, tuait et surtout mangeait tout son soûl à chaque bataille tout en veillant farouchement sur la vie de sa maîtresse.

Tout cela tournait en boucle dans son esprit, trop de questions se percutaient et bien trop peu de réponses y naissaient.

- Reste là, je reviens vite. Dis la jeune femme à son serpent qui venait de lever péniblement sa petite tête verte. Il fit darder sa langue bifide dans sa direction et s'enroula de nouveau sans la quitter du regard.

Kosilka traversa de nombreux petits camps montés à la va-vite avant d'atteindre sa toute première demeure. Tous les siens s'y étaient regroupés sous le regard à la fois attentif et sévère de la brune. Quand la jeune femme franchit cette porte le silence se fit, humains ou soldats, tous étaient vigilant a ses moindres gestes et sons.

- Je peux te parler ?

- Allons à l'étage, lui répondit son âme sœur après l'avoir prise dans ses bras. Dis-leur quelque chose.

- Je vous remercie pour tous les soins et l'aide que vous nous apportez, dit rapidement la jeune femme sans vraiment fixer qui que ce soit.

Ces quelques mots lui demandaient beaucoup, outre son corps fourbu de douleurs et de fatigue, parler en public avait toujours été quelque chose de difficile pour elle. Pourtant, ses humains semblaient ravis, une vague chaude délicatement dessinée par leur joie caressait avec tendresse le cœur de la jeune femme. Ce fut si bon, si incroyable, que ses jambes eurent une faiblesse.

- Suis-moi, lui souffla la brune avec un sourire discret tout en lui touchant son coude.

Elles gravirent les marches en bois bancals de l'escalier sans un mot, dans leurs dos une rumeur galvanisante les poussait.

L'étage ne comportait aucune ouverture, il était poussiéreux et regorgeait d'armes en tous genres ainsi de vivres liquides. La brune se laissa devancer par Ana, son dos posé contre un mur fait de bois elle se laissa glisser paresseusement sur le sol. Sabryne grimaça quand elle se rendit compte à quel point ses traites étaient tirées par la fatigue et une douleur sourde qui avait élu domicile dans son cœur.

- C'est comment dehors ?

- Mouvementé...

Un certain malaise reprit son odieux droit entre les deux jeunes femmes, depuis qu'Aton et sa Kulka se disputaient au propos de la brune, ce venimeux sentiment avait vu le jour entre elles.

Ana souhaitait que son âme sœur la reprenne dans ses bras, ils étaient moins forts que ceux de l'ami, mais tout aussi tendres et vrais.

- Encore une dispute ?

- Une quinzaine...

- Je suis désolé. Conclut Sabryne en s'agenouillant devant la faucheuse. Ses doigts s'égarèrent sur son visage, la jeune femme tressaillit, mais ne bougea pas d'un iota.

- Ça passera, lui assura Kosilka sans conviction.

- J'ai vu la façon dont il...

- Tais-toi, juste tais-toi. La coupa la jeune femme en mettant ses deux mains devant visages en signe d'arrêt.

- Comme tu veux, soupira la brune en laissant ses épaules se baisser. Je n'y suis pour rien, je...

- Je sais. Je sais que tu ne nous as pas trahis.

De nouveau, ce maudit lourd silence reprit son odieux droit.

- J'irais parler à Anton.

Ana tiqua, déjà, entendre le vrai prénom de l'ami lui tordit le cœur. Ensuite, imaginer les deux personnes qu'elle aimait le plus au monde et qui se détestaient cordialement se parler seul à seul lui donnait des sueurs froides.

- Ça ira, lui assura la brune en voyant le regard inquiet de Kosilka.

- Ca pu la catastrophe... se plaignit la jeune femme en posant l'arrière de son crane contre le mur.

Un nuage de poussière épais et sombre s'éleva laissant derrière lui une odeur âcre.

- Où est Archi ?

- Il digère. Ana apprécia sa tentative.

- Il y a forcément un traitre, Sabryne se mit à sonder intensément les yeux blancs de la faucheuse. Il y a eu bien trop d'attaques, trop d'endroits diffèrent... énuméra la jeune femme sans vraiment voir son âme sœur devant elle.

- Tu as une idée de qui pourrait avoir fait ça ?

- Tu ne me contredis pas ? s'étonna la jeune femme en la regardant enfin vraiment.

Pour toutes réponses Sabryne soupira tout en fermant les yeux.

- Admettre qu'un traitre est entré ici par ma faute m'est plus insupportable que tout le reste.

- Tout le reste ?

- Anton et moi, lui répondit la brune en haussant les épaules et les sourcils.

- Je suis désolé...

- Une faucheuse qui s'excuse ! on aura tout vu !

Les deux femmes partirent dans un rire en se regardant, un instant plus tard, Ana sentit une immense fatigue la gagner.

- Zoran veille.

- Il est tes yeux.

Ce fut au tour d'Ana de répondre par une simple mimique pincée.

- Quand tu le sauras, dis-le-moi. Le ton de la voix de la brune perdue toute sa chaleur. La faucheuse tiqua une nouvelle fois.

- Tu feras quoi ?

- Je le tuerais. Claqua la brune en serrant les poings.

Au lieu de répondre, la jeune femme bascula en avant pour la prendre dans ses bras, puis se leva avant de redescendre toujours aussi péniblement.

Sabryne resta immobile un instant, cela avait toujours été elle qui la prenait dans ses bras et non le contraire. Elle n'avait rien dit non plus sur sa promesse sanglante, car cela en avait été bien une. L'âme sœur tuerait de ses mains l'ordure qui osait faire voler en éclat l'équilibre fragile de Kosilka.

Ana salua rapidement son peuple quand elle se retrouva au rez-de-chaussée de la drôle de demeure. Avant de partir, elle saisit un sac en peau tanné plein de nourriture et sortit sans un bruit.

- Zoran.

- Oui Kosilka ? répondit l'intéressé en sortant sa tête de son abri. La faucheuse comprit que

son soldat était en charmante compagnie.

- Je dois repasser plus tard ? demanda la jeune femme en haussant un sourcil, cette ligne noire

contrastait étrangement au-dessus de ses yeux blanc empli de fantôme d'un autre Mira et gouverné par un autre Bog.

- Que puis-je faire pour toi Kosilka ? répondit simplement le second du colosse en sortant

entièrement de son antre.

Avant de lui répondre, Ana tordit le cou pour regarder ce qu'il se passait dans son dos. La curiosité la rongeait, mais elle ne lui demanderait rien. Cela ne la regardait pas et surtout elle n'en avait pas le droit.

- N'oublie pas de laisser trainer tes yeux et tes oreilles, je veux que le traitre soit démasqué rapidement.

Le soldat, surpris, croisa ses énormes bras sur son torse tout aussi musclé.

- Je peux te poser une question ?

- Tu ne t'en es jamais privé jusqu'à présent.

- Ta magie ne peut pas...

Je souhaite lui laisser une chance. Fais-le-lui comprendre. Répondit abruptement la jeune femme.

Kosilka pouvait faire tout ce dont elle imaginait et elle désirait vraiment lui donner l'opportunité de s'expliquer. Voilà pourquoi, la jeune femme s'interdisait de sonder chacun des siens.

- Ce sera fait Kosilka. Conclut le soldat avec un air grave.

Sans dire un mot de plus, elle tourna les talons pour rejoindre son familier dans leur petit camp de fortune.

- Amuse-toi bien. Souffla la jeune femme sans se retourner.

Il ne pouvait pas la voir, mais le sourire qu'il avait entendu dans sa voix en lui échappa pas. Il regretta de ne pas l'avoir vue, seules deux personnes pouvaient se vanter de l'avoir vue, mais le soldat était plus que ravis de ce petit échange.

- Kulk...

- Avant que tu ne m'en parles encore une fois, commença la jeune femme tout en soupirant, je viens de demander à Zoran de garder les yeux ouverts.

Le colosse regarda la jeune femme, elle était sale et épuisée tout en restant aussi redoutable. Il cacha son sourire en se raclant la gorge.

- Tu as besoin de quelque chose ?

De calme, de solitude, d'une vie normale, de lui...

- Tout va bien, mentit la jeune femme en secouant la tête de droite à gauche sans le regarder.

Le colosse franchit les quelques pas qui les séparaient en un battement de cœur, ses deux énorme et mains rugueuses se posèrent sur ses joues avec une tendresse infinie. La jeune femme se raidit un court instant avant de partager leur souffle.

- Promets-moi de continuer à faire attention à toi.

La jeune femme opina du chef en posant à son tour ses deux mains sur ses poignets. Elle ne recula pas quand il se pencha pour l'embrasser.

- Kosilka ! Ebat' ! Zoran venait de débarquer dans sa tente précipitamment, quand il aperçut.

Ses deux supérieurs s'embrasser avec gourmandise il leur tourna le dos sans arrêter son flot de paroles. Attaque simultanée !

Tout avait basculé et en moins de temps qu'il en fallait pour le dire Ana quitta sa quiétude pour revêtir le sombre manteau de la faucheuse qu'elle avait toujours été. Tout en sortant, Archi se précipita sur elle pour se fondre sur sa peau, la jeune femme aboya ses ordres sans reprendre son souffle. Le colosse lui imposa un bataillon lourdement armé juste avant de partir à l'autre bout du village pour le protéger. Ils se jetèrent un dernier regard avant de se quitter. Zoran partit lui aussi seul avec une poignée de soldat en direction d'un autre endroit.

Elle continua de donner ses instructions sans se fier aux battements bien trop rapides de son pauvre cœur. Quand elle saisit son bâton, ses mains tremblaient. Sa faux apparut quand, devant elle, toute une troupe d'ennemis prenait forme. Jamais, elle n'avait dû en affronter autant. Kosilka s'hasarda à jeter un coup d'œil par-dessus son épaule. Les siens, pieds profondément ancrés dans le sol, mains prêtes à tuer et regard vaillant, étaient dés plus déterminés.

Tout en détournant son regard, la faucheuse ouvrit grand le sien. Elle aurait aimé être partout ailleurs sauf ici.

- T'es prêt ? Le serpent opina du chef tout en sifflant, bavant d'excitation. 

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