Se laisser aimer, c'est aimer déjà.
Un peu de douceur ! Qu'en penses tu lecteur de mon coeur ?
Se laisser aimer, c'est aimer déjà.
Henry de Montherlant.
- Je ne sais pas si je dois t'étrangler ou t'embrasser. Gronda le colosse une fois que la porte de la maison de sa Kulka fut fermée.
- Câlin d'abord et dispute après ? proposa la jeune femme en lui faisant face. Elle était épuisée,
C'est à peine si tout son corps ne s'effondrait pas sur lui-même pourtant elle ne pouvait s'empêcher de le regarder fixement.
L'ami fut déstabilisé. L'espace d'une seconde, ce n'était plus la faucheuse en piteux état qu'il avait devant lui, mais une femme dans toute sa splendeur. Tout son corps se raidit, une petite voix dans son esprit lui murmurait qu'il était le seul à l'avoir vue ainsi et il espérait qu'il serait toujours le seul. Sa main se perdit sur son crâne, ses cheveux courts lui chatouillèrent la paume, son regard se planta sur ses pieds. Il ne savait que faire, dans le fond il avait réellement envie de lui passer un savon, tout autant que de la serrer dans ses bras, mais pour l'heure, il était impressionné.
- Commence par aller te laver, s'entendit dire Anton avec tant de regret dans la voix que la peau d'Ana se couvrit de frisson.
Ce fut donc avec le cœur lourd de regret qu'elle prit le chemin de sa salle de bains, elle posa son bâton contre le chambranle d'une porte sans se retourner. Archi en profita pour glisser le long du bras de sa maitresse pour aller se faufiler dans un tas de linge propre de la jeune femme. Il s'enroula sur lui-même et s'endormit instantanément. Anton glissa quelques bouts de viande séchée de renard dans sa cachette, le pauvre animal était épuisé.
Dans sa salle d'eau, Ana frissonna une nouvelle fois et prit son temps pour se déshabiller. D'un rapide geste de la main, elle alluma un feu sous son bac d'eau. Pendant que l'eau montait en température, la jeune femme regarda son reflet dans son miroir fissuré et déformé. Ses os déformaient sa peau, elle avait encore perdu trop de poids. D'après elle, ses jambes étaient bien trop longues pour le reste de son corps, son ventre et ses bras bien trop athlétiques pour la rendre belle et rien en elle ne la rendait féminine, toujours selon elle. Sa cicatrice lui donnait un air constant de malade, elle l'a maudissait parfois, en cet instant, la jeune femme aurait voulu s'arracher la peau pour ne plus la voir. Ana se sentit soudainement triste, pendant que la vapeur recouvrait la surface lisse de son miroir, elle laissa échapper une seule et unique larme. Cette dernière fit une trace plus claire sur son visage donnant l'impression qu'il se tranchait en deux. Quand elle l'essuya avec sa main, sa peau se barbouilla une nouvelle fois d'une mélasse sombre et orangée. Ses doigts se perdirent sur sa cicatrice, l'effleurant, la grattant même. Elle aurait aimé qu'elle n'existe pas, qu'il ne la regarde plus avec peine et regret.
Toujours selon la jeune femme, cela l'enlaidissait un peu plus tout en lui rappelant sa condition. Sa malédiction. Pourtant sans elle, sans la Zabyl et ce maudit Bog elle serait morte au fond de sa grotte ou pire elle serait encore l'esclave sexuelle du gros ! Et surtout, elle n'aurait jamais croisé le chemin de l'ami. Cette possibilité lui fit mal au ventre.
Anton faisait les cent pas dans le salon de sa Kulka, se demandant encore et encore quel comportement il devait adopter et pourquoi elle avait frappé le soldat au visage, deux fois. Agacé, il se laissa tomber sur son tas de peaux qui s'effondra sous son poids dans un grand fracas.
- Ebat' ! grommela le témoin quand il se rendit compte que ses fesses touchaient terre. C'est pas solide c'truc de merde, se crut il bon de rajouter tout en se relevant avec peine.
Une fois debout, après avoir détruit ce qu'il restait du meuble et percuté la table en bois de plein fouet, il erra chez elle en marmonnant tout bas sur tout un tas de choses. Passant de pièce en pièce sans vraiment regarder ou ses pieds le menaient. Il s'immobilisa devant la porte de sa salle de bains ne sachant pas s'il devait lui parler ou non.
Son ombre se découpait sous la porte, la jeune femme nue souhaitait qu'il tape sur ce foutu pan de bois ! Ne serait-ce que pour lui parler, ou juste pour lui parler. Elle aussi voulait lui dire tout un tas de choses, mais les mots semblaient être bloqués dans sa gorge. Elle craignait qu'en ouvrant la bouche pour tenter de prononcer le moindre son, une cacophonie infâme n'en sorte.
Quand l'ombre du colosse s'amincit, la jeune femme fut prise de panique. L'ombre sombre et sournoise, venait d'ouvrir un œil, et du fond de son esprit torturé elle la guettait avec tant de perfidie qu'Ana en eut la nausée.
- Pars pas...
Ce ne fut qu'un soupir, un son infime plein de supplication et d'espoir qui réduisit à néant l'esprit du colosse.
- Je suis là...
Anton se laissa glisser sur ses genoux un son mat résonna quand ses os touchèrent le sol en bois, son front touchait la porte et ses bras soutenaient le reste de son corps. Il tremblait. À le voir ainsi, il n'avait plus rien d'impressionnant, il ressemblait plus à un homme désespéré qu'au soldat puissant qu'il pouvait être. Dans le fond, il l'était, c'est à peine s'il avait pris le temps de se reposer ou de manger pendant son absence. L'ami s'était obligé à occuper chaque minute de ses journées et nuits pour ne pas penser à elle. Pour ne pas céder a ses penchants les plus primitifs. Un nouveau soupire torturé sortit de ses lèvres.
Des clapotis résonnèrent de l'autre coté de la porte suivit un soupire d'aise.
- Ça fait du bien ?
- Tu ne peux pas savoir à quel point oui.
La gorge de l'ami forma un petit rire étranglé, une réflexion prit naissance dans son esprit en colère. Il l'a tua rapidement. Ce n'était ni le moment ni le lieu et cela ne servirait pas à grand-chose.
- Il y a eu du nouveau ?
- Non, contre qui tu as combattu ?
Ana se tue une poignée de minute, le temps que son esprit agité se calme un tant soit peu. Parler, oui, elle pouvait le faire, parler du retour, ça aussi elle pouvait le faire. Elle devait le faire.
- Ca a commencé avec des soldats et un... Ours nous a sauté dessus.
- Un ours ?
- C'est gros, sur quatre pattes, aussi haut qu'une jeune spleinire et aussi mortel qu'Archi quand il a faim.
Le colosse haussa les sourcils. Rien n'arrêtait jamais le familier quand son estomac grondait et rien ni personne ne mettaient plus ses mains entre lui et sa proie.
- C'est le familier de l'autre faucheur, conclut 'il en sentant tous les muscles de son dos se nouer violemment.
- On s'en est bien sortit, tenta de le rassurer Ana qui ramena ses genoux contre sa poitrine son eau était déjà noire de crasse.
- Pourquoi t'as collé deux coups de poing dans la tronche du soldat ? Cela n'intéressait pas du tout Anton, si elle l'avait fait c'est qu'elle avait ses raisons, tout ce qu'il voulait s'était changé de sujet.
L'imaginer se battre contre ce genre de monstre le rendait malade.
- Il a douté de moi.
Le colosse grogna un son qui ressemblait de loin à un rire, intérieurement il se promit d'entrainer personnellement le nouveau venu.
De nouveau, un lourd silence reprit ses droits entre eux. Ils en avaient des choses à se dire, à s'avouer, mais si peu de courage pour le faire. Ils pouvaient tout affronter, tout voir, tout combattre, mais quand cela les concernait directement, ils devenaient des incapables mutiques.
- Je vais sortir, dit au bout d'un moment la jeune femme qui commençait à avoir froid dans son bain. Son feu magique lui réchauffait toujours son eau, mais la fatigue reprenait ses droits. Quand elle sortit de l'eau, sa peau était rougie.
La jeune femme s'était tant frottée qu'elle s'était fait saigner par endroit. Elle se recouvrit avec un tissu épais et doux fait dans une matière qu'elle ne connaissait pas, mais au combien confortable. Vierge de toutes salissures, elle se mit à rassembler son courage et ouvrit la porte avant que son esprit ne formule tout un chapelet de questions qui la paralyserait. L'ami n'avait bougé depuis le début de leur conversation, quand son regard remonta trop lentement sur le corps de sa Kulka, il se rendit compte de la situation.
Le colosse rougit jusqu'à la pointe de ses cheveux.
- Je... je voudrais aller m'habiller, quand la jeune femme se racla la gorge pour la seconde fois Anton retrouva ses esprits, il se redressa d'un coup. Il manqua de tomber en arrière, mais se rattrapa de justesse en plaquant une main sur le mur. Une nouvelle fissure vue le jour.
L'un en face de l'autre, ils cherchaient un moyen de retrouver leurs respirations. Ana ferma l'un de ses poings sur son cœur, elle tremblait tant que ses os grincèrent dans son corps. Anton, véritablement bouleversé, posa l'une de ses immenses mains sur la sienne. La faucheuse sursauta et ferma les yeux l'espace d'un instant.
- Tu n'avais pas parlé d'un câlin ? soupira le colosse en ayant l'impression que son cœur explosait. Exploser des crânes entre ses mains comme des fruits trop mur ne lui posait aucun souci, ni parler a sa Kulka en temps normal.
La jeune femme hocha de la tête sans le regarder, elle n'en avait plus le courage. Elle avait bien trop peur d'y voir un feu similaire au sien brûler dans ses pupilles ou de fuir à toutes jambes. L'autre main de l'ami passa dans son dos et la rapprocha de lui. Leurs souffles se coupèrent avant de reprendre frénétiquement.
- Pas de dispute.
- Pas de dispute, acquiesça le colosse en la serrant plus contre lui. Son nez se nicha dans sa chevelure.
Pendant qu'il inspirait à plein poumon son odeur, elle écoutait son cœur battre. Sa tête posée contre sa large poitrine, Ana souhaitait que le Mira s'arrête. L'immense main de son témoin quitta la sienne et glissa contre son bras. Sa peau était calleuse, son geste malhabile, mais ce fut le plus beau et délicieux contact de toute sa vie étrangement faite et longue. Tremblant toujours, la jeune femme glissa sa main de libre sous le vêtement de l'ami. Le contact avec son dos fut une grande première pour tous les deux. Digne des plus belles et douces magies de ce Mira.
Aussi minimes que ce soit presque infime, ils se promirent de chérir ce geste, ils souhaitèrent aussi que ce ne soit pas la dernière fois.
- Ana... son soupir était une supplique, il l'implorait de le lâcher. Avant toute chose, il n'était qu'un homme et elle... une très belle jeune femme. L'ami était amoureux d'elle, il n'aurait pas
su dire quand il était tombé fou d'elle tant cela lui semblait être depuis toujours. Il avait bien eu d'autres femmes qui avaient partagé sa couche, mais son cœur ne s'était jamais emballé.
- Me laisse pas, la supplia-t-elle de nouveau sans le regarder. Il crut même entendre des larmes dans sa voix.
Il cessa de caresser son bras, une bulle d'émotion se forma dans sa gorge. Ses doigts relevèrent son menton et quand leurs deux regards se rencontrèrent le Mira cessa réellement de tourner.
Ils se détaillèrent. Elle, si belle, si fragile et si forte en cet instant, et lui, si fort, si protecteur. Si présent l'un et l'autre et surtout si amoureux. Anton se pencha et l'embrassa chastement. Conscient de son geste, il s'en voulut presque, mais la seconde suivante il souhaitait plus que tout regoûter ses lèvres.
Quand il se releva, ce fut elle qui s'éleva pour toucher de nouveau ses lèvres précipitamment.
Ana cru que sa dernière heure était arrivée tant tout son corps l'abandonna, elle en voulait encore. La jeune femme avait imaginé, non rêvée, de ce baiser des milliers de fois et aucun d'eux ne lui avait donné autant de frissons.
La main de l'ami se posa sur sa joue, elle recouvrait entièrement sa cicatrice. Cette fois, il approfondit son baiser. Il était plus vorace, plus dans le besoin. Ana dégagea la main qui était nouée sur son cœur pour la glisser sur la nuque du colosse.
- Ana... cette fois ce ne fut pas une supplique qui fit vibrer ses cordes vocales, mais un réel désir si passionné que tout son corps lui répondit en s'accrochant à lui.
La serviette de la jeune femme ne tenait que grâce à la pression de leurs deux corps et la faucheuse ne tenait debout que grâce aux mains fermes du colosse.
- J'ai pas peur, mentit la jeune femme.
- Tu trembles.
- Je sais, je n'ai pas peur de toi. Réitéra la faucheuse en posant de nouveau sa tête sur le torse de l'ami.
Anton dut rassembler tout son courage et fit preuve d'une grande abnégation pour faire un pas en arrière. Un grand froid les envahit, mais ce qui le frigorifia plus fut de s'apercevoir que la jeune femme avait les joues mouillées. L'ombre, cette maudite, faisait apparaitre dans son esprit l'image du gros. Elle ferma les yeux et serra les dents, Ana s'interdit de la laisser gagner.
- Me laisse pas comme ça... la supplia-t-elle à son tour.
Les deux mains de son témoin étaient posées sur ses épaules, tout en la scrutant il pesait le pour et le contre. S'il s'écoutait, s'il s'était écouté au moins une fois, beaucoup de choses seraient différentes.
- Je ne suis pas un pansement Kulka... ces mots furent une véritable horreur à formuler.
Et tout aussi douloureux à entendre.
Un pansement ? Non, cela ne lui était pas venu une seule fois à l'esprit.
- Je... commençai la jeune femme en secouant la tête de droite à gauche.
- Je peux pas savoir si tu ne me dis pas.
- Je sais pas comment te le dire...
Cet aveu, murmuré comme un secret, voulut tout dire pour le colosse. Ce ne fut plus le témoin et la kosilka qui se rapprochaient pour s'embrasser, mais une simple femme et un simple homme amoureux l'un de l'autre depuis des années.
Tout devint plus clair, ici à l'abri de tous les regards, ils pouvaient s'aimer. Et Bog qu'ils en avaient besoin !
Tout en la prenant dans ses bras comme il en avait tant rêvé, il la conduisit dans sa chambre. Ils s'allongèrent l'un en face de l'autre, se touchaient lentement d'abord puis, enfin, comme des affamés.
Et, contrairement à ce que redoutait Ana, l'ombre s'était tenue tranquille. Pendant que les mains du colosse parcouraient le corps de sa Kulka et qu'une douce chaleur les gagnait, la jeune femme sentit une faim jusqu'alors inconnue lui dévorer les entrailles.
Ce qu'il se passa cette nuit-là dans cette chambre resta un secret pour tous. Personne n'aurait jamais pu deviner que ces deux êtres, l'espace d'un trop court moment, étaient devenus des amants.
Anton revint à lui avec un sentiment de plénitude. Le colosse voulut étendre ses longues jambes devant lui, mais le mur l'en empêcha. Comme ce jour-là, son pauvre vieux cœur battait à tout rompre et sourire détendait ses traits.
« J'aimerais te dire des milliers de choses l'ami, mais je ne connais pas de mots assez forts pour te les exprimer. Ce jour-là, cette première fois, est pour moi l'un de mes plus beaux souvenirs. J'étais terrifié. J'avais peur de moi, de mes souvenirs, pas de toi. Je n'ai jamais eu peur de toi, bien au contraire. Cette fois-là et toutes les autres, je ne les ai pas regrettés. L'ami, on est ce qu'on est et dans tout ce merdier tu as toujours été là, même au cœur de la tempête tu as été mon point d'ancrage. Sans toi je ne suis rien ».
Le colosse sentit son cœur se tordre. Il ressentait exactement la même chose pour sa Kulka. Il ferma les yeux et laissa tomber sa tête en arrière un instant, savourant les dernières bribes de ce précieux souvenir il se remémora toutes ces autres fois.
- Moi aussi, Kulka, moi aussi. Murmura l'ami en posant son doigt sur le Palec suivant avec un
sourire trop rare.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top