On rêve d'un rêve.
On rêve d'un rêve.
Frédéric beigbeder
À cette allure, ils mettraient au moins deux fois plus de temps pour retourner au village que Kosilka en avait mis pour le quitter. Ils ne pouvaient guère y aller plus vite, déjà la stature d'Archi empêchait l'animal de progresser rapidement entre les arbres et les différents pièges de la forêt ensuite, s'il allait trop vite quelqu'un risquait de tomber de son dos. Ana savait bien tout cela, mais cela ne l'empêchait de rager intérieurement. Elle était fatiguée, elle avait faim et froid et tout ce dont elle rêvait se trouvait chez elle. Le soldat, lui aussi commençait à être à la traîne, le manque d'entraînement et de force musculaire se faisait cruellement sentir. La jeune femme eut aussi un doute sur la force de sa volonté, pourtant quand elle se retournait il suivait toujours le convoi fixant un point droit devant lui.
La faucheuse soupira et ralentit le pas. Elle ne tirerait plus rien d'eux aujourd'hui, la fin de journée ne s'annoncerait que dans plusieurs heures, mais ils étaient tous épuisés. La jeune femme prit sa décision après un chapelet broyer, particulièrement copieux et broyé entre ses dents, de grossièreté qui aurait à coup sûr fait hurler de rage le colosse.
- On s'arrête là. Archi vient te reposer, le serpent ne se fit pas prier.
À peine sa taille normale retrouvée, il se précipita sur la peau de sa maîtresse et y fondit sans demander son reste.
D'un mouvement rapide de la main, la faucheuse fit apparaître un feu qui brûlerait une nuit entière sans être alimenté. Il ne restait plus grand-chose à manger, elle distribua le tout en s'oubliant une fois de plus. La jeune malade toussa, elle semblait aller mieux, mais Ana ne si fia pas. Tout en se notant mentalement qu'elle devait absolument se faire soigner en arrivant au village, elle bâilla et étira son corps douloureux.
- Fini, tu en auras plus demain.
- Merci... souffla la jeune malade en rassemblant toutes ses forces, quand elle saisit la gourde faite de peau et pleine de lait bleu, ses bras eurent une faiblesse.
Ce fut le soldat, plus rapide que les humains, qui se leva pour l'aider. Kosilka était déjà retournée s'assoir un peu plus à l'écart de tout le monde, priant on ne savait qu'elle divinité pour ne pas que ses jambes cèdent.
Elle eut le loisir de profiter de quelques heures de repos. Elle ne dormit pas vraiment pourtant cela lui fit un bien fou, malgré son ventre qui n'avait eu de cesse de crier famine la faucheuse se sentait mieux. Tout en profitant le calme de cette petite pleine bordée d'arbre en piteux état, elle se mit à sonder son cœur, toutes les flammes mauves et grises dansaient paisiblement en elle, tout allait bien au village. La jeune femme sentait son corps s'engourdir, pour éviter de s'endormir elle se redressa sans pourtant ouvrir les yeux, juste un peu plus. Une minute ou deux de plus, c'était tout ce dont elle pensait avoir besoin pour récupérer complètement. Le visage de l'ami se mit à son tour à danser sous ses paupières, ses lèvres bougeaient, mais Ana ne comprenait pas ce qu'il disait. Elle se laissa bercer un moment par ces paroles imaginaires qui lui murmuraient ce dont elle avait toujours rêvé d'entendre.
La luminosité se mourrait lentement quand la faucheuse ouvrit les yeux d'un coup, sa main se resserra sur son bâton.
Un écho résonna en elle. Danger. Maintenant. Et pendant que sa bulle de bonheur éclata dans tous les sens lui laissant un gout de fer sur la langue, elle bondit sur ses pieds tout en cherchant la source de danger.
- Ebat' ! Archi ! Rugis la faucheuse en faisant apparaître sa faux. Protège-les !
L'ordre résonnait encore dans la canopée, que le serpent s'enroula autour des humains pour créer une barrière de protection dotée de deux crochets monstrueusement mortels et d'une peau lisse et verte particulièrement solide.
Le soldat ne resta pas en reste, en bien meilleur état que Kosilka, il se mit à son exact opposé. Tout en dégainant une épée plus qu'usée, qu'il gardait farouchement cachée dans son dos depuis le début, il regarda aux alentours. À peine son souffle reprit que tout démarra, le soldat eut une peine de tous les Mira pour retrouver les bons réflexes de son rang. Au premier coup qui lui entailla le bas de sa mâchoire, il comprit qu'il allait en baver.
La faucheuse entendit dans son dos que le soldat en venait déjà aux mains, cela la rendit nerveuse.
- Parle-moi soldat !
- Groupe de trois ! grogna presque aussi tôt le soldat après un rugissement d'effort suivi d'un juron.
Un frisson bouillant parcourut son échine. Là. Devant. Maintenant. Tout en enfonçant ses deux pieds dans le sol, elle saisit sa faux de ses deux mains. Quand l'ombre d'un ennemi apparut, elle ne lui laissa pas l'occasion de s'approcher plus des siens. Elle se jeta dessus et le blessa méchamment avec le manche de son arme. Un autre, un homme apparut dans son champ de vision, il était déjà bien trop prés d'elle, elle n'aurait jamais le temps de ramener sa faux vers elle pour le frapper avec. Alors, elle s'inspira de l'ami. Il tomba au sol avec un enfoncement dans le crâne, la tête de la jeune femme dégoulinait du sang de l'inconnu qui gémissait encore. Elle eut envie de l'étouffer en lui écrasant la gorge avec l'un de ses pieds.
Aucun d'eux n'eut le temps de souffler durant un temps, qui leur semblait bien plus long qu'il ne l'était réellement. Quand la fréquence des attaques faiblit, Ana se permit de jeter un rapide coup d'œil vers son familier. Toute sa gueule était recouverte de sang.
- Bon appétit, sourit la jeune femme en reprenant sa position. T'es mort ? Archi en profita pour lui offrir un sourire particulier.
- Pas encore. Grogna sombrement le soldat qui semblait peiner a parler.
Les lèvres de la faucheuse mimèrent un « Ebat' » bien senti tout en haussant rapidement les sourcils.
Ana fit rouler ses épaules, elles étaient si noueuses que c'en était douloureux. Un petit vent glacial qui venait de la forêt la transit sur place. Au loin, le maudit vent se faisait entendre. Si l'une des forces de ce Mira lui donnait un coup de main, c'était que les choses allaient se compliquer.
Un souffle rauque et saccadé lui provenait, chaque expiration ressemblait plus a un grognement bestial qu'a un soupire terriblement humain. Ana déglutit et fit jouer ses doigts sur son arme. Elle passa d'un pied à l'autre sans jamais cesser de fixer un point bien précis devant elle. Son cœur, qui bâtait a tout rompre, faisait un bruit d'enfer dans tout son corps, cela déconcentrait Kosilka. Incapable d'avaler une nouvelle fois sa salive, elle cracha au sol. Ses bras tremblaient, elle avait peur. Ce qui s'annonçait était bien plus puissant que ces quelques bougres rachitiques et même s'ils tapaient fort, ils étaient lents et lourds.
Une masse brune, pleine de boue et aussi haute qu'une jeune spleinir se dessina devant elle, ses yeux et surtout ses dents luisaient dans la peine ombre qui se dessinait depuis plusieurs minutes maintenant.
- Ebat'.... Souffla la jeune femme en détaillant la bête qui avançait vers elle paresseusement.
Sur quatre pattes, un museau allongé, de petits yeux bruns sans fond et des dents. Beaucoup de dents aussi grandes que ses mains. Son regard se posa sur ses pattes, d'énormes griffes, déjà rougies, les terminaient. Elle déglutit avec grande peine.
« Un ours ». Ce mot frappa en elle comme beaucoup tant d'autres quand une nouveauté se présentait à elle.
Pas le temps de formuler une pensée cohérente ni un juron, que l'animal, l'ours, se jetait sur elle tous crocs dehors. Archi voulu intervenir, il désirait plus que tout sentir ses propres dents traverser de par en pars le familier de l'autre faucheur. Mais, s'il se jetait sur lui, il risquait fortement de blesser sa maitresse au passage. Cette dernière était déjà en prise avec l'animal, seule sa faux, tenue de travers, la protégeait d'une morsure fatale. Avec son poids, il fit tomber la jeune femme sur le dos, chacune de ses énormes pattes encadrait son visage souillé de boue et de sang. Elle hurlait, elle s'époumonait comme jamais, non pas de peur, mais de colère et de frustration.
Kosilka banda tous ses muscles et dans un énième rugissement plein de hargne elle réussit a le repousser de quelques centimètres. Ce fut assez ! Le serpent plongea son énorme tête entre eux, donna un léger coup pour faire reculer Ana, qui glissait sur la boue et planta ses dents dans l'énorme corps de l'ennemi. Il était si massif que même la gigantesque gueule d'Archi ne put le contenir entièrement. Il se fit jeter comme une vulgaire peau miteuse contre un arbre qui s'effondra dans un craquement sinistre.
Elle ne pouvait pas en rester là, il fallait qu'elle le chasse à tout jamais de son territoire à défaut d'avoir la force de le tuer. À peine de retour sur ses pieds qu'elle se jeta de nouveau sur lui pour le transpercer avec sa faux. Kosilka ne fut pas assez rapide ! L'ours était de nouveau debout et se précipitait de l'autre côté pour s'attaquer au soldat ou pire a Archi. Une haine sans nom prit possession de toutes les cellules de la faucheuse. On ne touchait pas à l'un des siens. On ne touche pas à son serpent. Jamais. Personne.
Tout en revenant sur ses pas, pour le prendre à revers, elle s'obligea à mobiliser ses jambes pour aller plus vite. Quand, enfin, elle finit de contourner son familier, elle se glaça. L'ours, bien qu'en sang, se préparait à charger. Le soldat se tenait entre eux et Archi, dont la tête les surplombait tous, s'évertuait à resserrer ses anneaux pour en faire un rempart impénétrable. L'animal à la peau lisse regarda sa maitresse. Ana hocha rapidement la tête et poussa un bruyant et bref soupire.
Leur plan était en place. Risqué, dangereux, bancal, mais en place. Kosilka se redressa, puis le temps s'accéléra. Son cœur eut à peine le temps de battre deux fois dans sa poitrine douloureuse qu'elle se jeta sur son soldat. La pointe de sa faux était dirigée vers le haut, promettant de nombreuses blessures à quiconque se planterait dessus. Avec son autre coude, elle mit un coup sur la nuque de son soldat pour qu'il se couche plus rapidement. Pendant ce temps l'ours se jeta, lui aussi, sur eux. Ana recouvrait totalement son soldat, son dos était entièrement exposé. À tout moment elle pouvait rendre son dernier souffle, pourtant à cet instant précis, elle ne ressentit aucune peur. Juste de l'accomplissement.
La griffe de l'animal eut juste le temps de lui attraper une mèche de cheveux qu'Archi le saisit de nouveau dans son immense gueule.
Le serpent secoua sa tête dans tous les sens et avec tant de force qu'une pluie rouge et chaude s'abattit sur les deux corps en contre bas. Il frappa aussi le sol et les arbres a de nombreuses reprises toujours avec l'animal bien tenu entre ses crocs. Le bruit des os qui se brisaient résonnait partout tout autour d'eux, quelques gémissements étouffés leur parvenaient parfois, mais la plupart du temps le silence régnait en maître. Quand Archi estima que l'ours était assez assommé, il l'envoya voler si loin d'un coup de tête, qu'il disparut du territoire de la faucheuse en un instant.
Plus personne n'osa bouger. Le temps arrêta sa course un instant, juste le temps que leurs souffles redeviennent normal. Plus aucun bruit ne résonnait dans la forêt, c'était angoissant. La vie s'arrêta un instant à son tour, comme pour savourer ce moment. Cette victoire. Même l'ombre malfaisante de la faucheuse semblait se taire, elle n'était pas complètement satisfaite, mais assez rassasier pour ne pas chercher a brisé les remparts de la Kosilka.
Archi toucha, avec une douceur infinie le corps de sa maitresse, elle lui donna une caresse sur le bout de son nez sans relever la tête. Le serpent reprit sa taille normale et aida la jeune femme à se relever en la soutenant. Ses dents grincèrent quand son dos retrouva un angle plus classique. Tant de sang maculait son corps que sa peau n'était plus visible et mis à part la fatigue et la faim qui creusait son estomac la jeune femme se sentait bien.
Elle tendit la main pour aider son soldat a se relever, tout en la saisissant il se rendit compte que la faucheuse avait protéger sa vie en m'étant en péril la sienne. Il n'était pas le temps de décider s'il allait la remercier ou non que Kosilka s'éloignait. Il l'a vit murmurer quelque chose a son serpent avant de se laisser tomber sur une souche. Le familier partit achever les derniers survivants.
- Tout le monde va bien ?
Quelques grognements affirmatifs résonnèrent, aucuns n'humains n'avaient été blessé.
Le familier serpenta paisiblement en direction d'Ana tout en passant sa langue bifide sur sa gueule.
- Tu te sens capable de passer par la rivière ? Après un instant de réflexion, l'animal opina du chef. Maintenant ? Il répondit à l'affirmatif une fois de plus.
Une poignée d'heure plus tard, alors que la nuit régnait en maître sur le Mira, Anna, sur son serpent, aperçut son village. Quand elle aperçut le colosse qui l'attendait, elle fut tant soulagée qu'elle aurait pu s'endormir sur-le-champ.
Anton croisa ses deux bras sur son torse, il ne pouvait pas la détailler, mais l'odeur qu'elle trainait avec elle en disait long. Il détruisit un chapelet de question et d'envies en tout genre entre ses dents. Cette fois, il ne la laissa pas venir a lui, il alla a sa rencontre. C'est à peine s'il sentit la présence de son ami Zoran, pourtant il l'en remerciait. Ana, qui était descendu de son serpent, s'arrêta brusquement, fit un rapide demi-tour et flanqua son poing dans le visage du soldat. Ce dernier ne l'avait pas vu venir, quand il se redressa il se prit un second coup en plein sur le nez.
- Pourquoi ?
- T'as osé douter de moi. Gronda la fâcheuse à un souffle de son son visage tuméfié.
- Tu veux que je les accueille kosilka ? Coupa Zoran qui sentait le vent tourner.
- Emmène cette femme se faire soigner.
- Je fais quoi de lui ? demanda l'ami du colosse en désirant le soldat, la jeune femme fit un lent demi-tour sur elle-même. Avec son visage fermé et sa peau pleine de sang et de terre, personne n'aurait pu deviner la bonté qui l'habitait. Par contre sa sauvagerie ne faisait aucun doute.
- Ce que bon te semble.
Puis elle tourna définitivement les talons avec la ferme intention de rentrer chez elle. Quand Anton et Ana furent à la même hauteur, ils se scrutèrent rapidement, aucune émotion particulière ne faisait briller leurs yeux. Pourtant ils en ressentaient mille.
La jeune femme attrapa le vêtement de son témoin pour l'inciter à la suivre. Il le fit sans demander plus d'explications.
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