Les trois quarts des traîtres sont des martyrs manqués.
Les trois quarts des traîtres sont des martyrs manqués.
Louri Dombrovski
La maison du soldat avait toujours été sens dessus dessous. Il n'avait jamais pris le temps de ranger son intérieur, il n'en avait jamais compris l'intérêt de le faire. Son chez lui, était à son image : dispersé et particulier.
Allongé sur son lit, ses bras repliés sous son crâne, il ne cessait de fixer son plafond clignant à peine des yeux. Très peu de bruit lui parvenait, sa maison était à l'écart de tout. Cela lui avait toujours convenu. Il chérissait le village de son être, mais cela lui pompait énormément d'énergie alors, vivre quelque peu à l'écart de ce dernier lui permettait de refaire le plein d'énergie.
Les événements de ces deux derniers jours lui revenaient en mémoire sans qu'il ne puisse y faire quoi que ce soit.
Elle ne leur avait pas ordonné de rentrer chez eux pendant le grand feu, c'est à peine si Kosilka avait desserré les dents. Zoran était resté jusqu'à que ses yeux soient desséchés à force d'avoir fixé le brasier. Par contre, elle leur avait ordonné de se disperser rapidement quand les morts étaient revenus à la vie.
Jamais il ne s'était senti aussi vulnérable et inutile que ce maudit jour. Il ne pouvait pas non plus décrire l'effroi qui l'avait frappé quand il avait vu les leurs revenir à la vie et s'attaquer à la faucheuse. Jamais. Il les avait tous entraînés, tous écouté et soigné ! À sa façon il les aimait, ils étaient sa famille. Et, bon nombre de ses fils étaient morts la nuit dernière. Beaucoup trop pour ce soldat au cœur bien tendre.
Une nouvelle vague de douleur gagna l'homme. De fureur, ses mains s'accrochèrent sur ses cheveux. Le soldat étouffa un juron entre ses dents tout en se relevant d'un coup. Bien plus que son esprit, tout son corps le faisait atrocement souffrir. Il avait mal dans ses os, mal de ne rien avoir pu faire. Mal d'avoir été inutile, mal de tant de choses...
Le cœur palpitant, la respiration courte, tremblant des pieds à la tête et manquant sévèrement d'air. Il avait l'impression que les murs de sa demeure se rapprochaient de lui pour l'ensevelir. Il allait se faire engloutir d'une minute à l'autre ! Le soldat se précipita dehors en renversant le peu de meubles qui décorait sa petite maison.
L'air était frais, mais il n'y en avait pas assez. D'instinct il se dirigea en direction de la maison de sa Kosilka. Plus il s'en approchait, moins il souffrait. Elle était leur repère dans ce Mira tordu et pourrit de l'in.térieur. La jeune femme avait la capacité d'absorber leurs angoisses les plus profondes sans qu'elle ne s'en rende compte.
« Une pluie de larmes innocente ». Elle avait murmuré ces quelques mots devant le grand feu, Zoran doutait qu'elle se soit rendu compte qu'elle avait parlé à voix haute. Kosilka avait raison, des larmes innocentes s'écoulaient des trop nombreuses joues. Le sol s'en nourrirait et formerait de nouvelles plantes, d'ici là, la douleur serait toujours aussi atroce.
Comment un mort peut-il revenir à la vie ? Par la magie, seuls les faucheurs en étaient capables. Ana n'aurait jamais commis une telle infamie. Zoran en était persuadé. Il arriva devant la maison de la faucheuse en un rien de temps, elle était comme toutes les autres. Aucune lumière ne filtrait à travers ses fenêtres poussiéreuses. Pourtant elle était là, il le sentait.
Comme tous les plus forts soldats du village, il avait la capacité de sentir la présence de Kosilka.
Archi sortit de chez lui, son corps ne laissa aucun sillon sur le sol.
- Bonsoir, le soldat s'agenouilla pour être à sa hauteur. Le serpent continua son chemin et posa sa petite tête verte et lisse sur l'épaule du soldat.
L'animal sentait encore le sang et la chaire en décomposition. Zoran apprécia le moment de réconfort, puis il se leva. Ses genoux craquèrent sous l'effort, mais il ne grimaça pas une seule seconde.
Accompagné, il reprit sa balade nocturne sans but. Ses pas le menèrent tant bien que mal aux abords du terrain d'entrainement. Cela lui fit un mal de renard. Jamais plus il ne verrait certains visages. Plus jamais.
Il reprit son chemin sans regarder où il allait, Archi toujours juché sur son épaule continuait à se frotter contre sa joue. Il eut vaguement l'impression que sa barbe allait déranger l'animal. Cette impression mourut rapidement.
Les abords du village étaient protégés par la sphère que Kosilka entretenait de sa magie. Zoran avait toujours aimé regarder ces ondulations jouer, cela donnait toujours naissance à des couleurs et des formes dont il ne connaissait pas le nom. Pour lui, c'était une preuve de plus que la jeune femme en saurait toujours plus qu'eux et pour rien au Mira il ne voudrait de sa place. Trop de responsabilités, trop de vies entres ses mains et si peu de temps pour aimer...
Alors qu'il regardait piteusement ses pieds à la recherche d'un début de réponse, Archi se redressa. Le soldat se mit à regarder dans la même direction que le familier. Une ombre se déplaçait furtivement entre les maisons et bien trop près de la sphère. Le soldat se pencha et se mit à le suivre aussi silencieusement qu'une meute de renards affamés pistant une proie. Le serpent n'émit plus aucun sifflement, il fixait l'intrus et rien n'aurait pu le détourner de sa mission.
L'ombre ralentit le pas et se dirigea vers une section que seuls les soldats utilisaient. C'était un accès pratique et simple qu'ils utilisaient très souvent, il donnait à la fois sur la forêt et sur l'infirmerie et le terrain d'entrainement.
Zoran détailla l'ombre, c'était un homme, un de ceux qui étaient venus avec Sabryne. Une drôle de femme que le soldat fuyait le plus souvent possible. Il s'accroupit et colla son immense corps contre un mur, aucun bruit, aucun mouvement même les plus imperceptibles n'auraient pu trahir sa présence.
L'homme se mit à regarder tout autour de lui nerveusement. Zoran se figea. L'homme sortit une petite boite en métal foncé qui brillait à peine sous les rares rayons de lune qui filtrait à travers l'épaisse et éternelle couche de nuage. Le soldat serra ses poings au sol, prêt à lui sauter dessus. Archi n'attendit pas une seconde de plus ! le familier lui sauta dessus si vite que ni le soldat et ni l'homme ne le remarqua. Sous l'étonnement, l'homme lâcha sa petite boite sombre, Archi l'avala tout rond avant de prendre du volume. C'est à ce moment-là que Zoran apparut dans les airs, ses deux poings noués s'abattirent avec force sur l'épaule de l'homme. Le familier se précipita sur son visage pour s'enrouler autour de sa bouche, il se servit de son corps pour étouffer son cri.
Les deux compères trainèrent l'homme hors de la sphère en un rien de temps. Zoran, toujours sans émettre le moindre son, plaqua son fardeau contre le tronc d'un arbre sans aucun ménagement.
- Parle et vite. Grogna le soldat en se plaçant a à peine une poignée de centimètre de son visage.
Le soldat se contenait, intérieurement il tremblait de rage et crevait d'envie de le réduire a néant.
L'homme tremblait comme un damné sans pouvoir articuler le moindre mot. L'immense main du soldat se posa sur le bas de sa mâchoire.
- Dépêche-toi.
Archi, qui était de retour sur l'épaule du soldat, fixait sans bouger l'intrus. Il rêvait de le dévorer sauvagement.
Devant son mutisme, le sang du soldat ne fit qu'un tour. Il lui décocha un coup de poing si puissant que son corps fut propulsé sur le côté. Il le saisit par les épaules et le plaqua de nouveau contre l'arbre.
- Je... Je... Je... commençai l'homme en fixant avec peur le poing qui était armé devant lui. Il retient ma fille... je...
- Qui ?!
- L'l'autre fauch.. cheur.
Le soldat ne laissa rien paraitre, pourtant son cœur venait de louper un battement.
- À quoi sert la boite ? La boite ! répéta Zoran en collant son front contre le sien.
- Pour l'appeler... Articula difficilement l'homme tout en tremblant et en se concentrant pour garder les yeux fermés.
Le soldat se recula. Un frisson glacial parcourut son échine de bas en haut. Il avait bien pressenti qu'il y avait un traitre et l'attaque de l'autre jour n'était une simple attaque. En son for intérieur il sentait que quelque chose de moche se tramait. Quelque chose de bien plus laid que ce qu'il venait de se passer.
Archi délaissa l'épaule familière du second et disparut rapidement. Zoran se relava péniblement et empoigna le col de l'homme. Il le traina sans un bruit jusqu'au terrain d'entrainement, juste devant l'ancienne demeure d'Ana et Anton. Il le laissa tomber minablement et attendit.
Ils ne restèrent pas longtemps seuls, Kosilka apparut rapidement avec l'Ami sur les talons. La jeune femme était comme a son habitude, vêtue de noir, tête haute cheveux et yeux aussi blanc que le sel de la mer blanche et toujours accompagné de son bâton. Anton marchait à quelques pas d'elle, son visage couturé ne laissait rien paraitre. Pourtant, son second percevait parfaitement toute la tension qui l'habitait. Il ne manquait qu'Archi, qui a l'avis de Zoran devait s'être fondue sur la peau de sa maîtresse.
- Kosilka. L'accueilli le soldat avant d'hocher la tête en direction du colosse.
- Soldat, la jeune femme ne le regarda à peine quelques secondes avant de porter son regard sur l'homme à terre devant eux.
Il semblait miteux. Il devait l'être.
Zoran prit sur lui de tout lui raconter, il n'en fut pas fier. Elle l'écouta attentivement sans le couper.
- Tu avais raison il y a un traitre parmi nous. Déclama la jeune femme sans quitter le traitre du regard.
Anton analysa rapidement la situation, il était arrivé avec la brune. Cela ne fit qu'alimenter toute l'animosité qu'il avait contre elle.
- Je l'ai fait pour ma famille...
Ce n'est pas une raison. Cingla la jeune femme d'un ton glacial. Pourquoi n'es-tu pas venue me trouver des ton arrivé ? lui demanda-t-elle en se mettant à son niveau. Son ton était si bas,
que même l'ami eut un frisson.
Le soleil et une partie toujours plus grandissante de son peuple firent leur apparition. Ana sentait son cœur battre de plus belle, elle pressentait son geste et elle ne voulait le faire devant les siens.
- As-tu quelque chose à voir avec la dernière attaque ?
Pour toute réponse le traitre baissa honteusement le nez. La jeune femme passa sa langue sur ses lèvres avant de se relever et de faire quelques pas autour du traitre.
- Tu aurais sacrifié mon peuple contre ta fille ? qui te dis qu'elle est encore en vie ? Attaqua Ana avec froideur. Le mutisme de l'homme lui donna toutes les réponses du Mira. Tu l'as fait...
Une haine purement destructrice prit possession de ses veines.
- Tu as mis mon peuple en danger. Tu m'as obligé à tuer les miens et à les brûler... tout ça pour une seule vie. Kosilka s'agenouilla une nouvelle fois devant le traitre, les traits de son visage
N'étaient que haine et froideur glaciale. Tu n'es pas venu me voir moi ou l'un de mes soldats pour demander de l'aide... son timbre de voix était si bas qu'il résonnait dans le cœur des siens. Tu vas payer.
Elle se releva sans détourner son regard de ce traitre. Tous ceux et celles qui étaient présents scrutaient le moindre de ses faits et gestes. Devant leurs yeux, la faucheuse plaça ses deux mains de chaque côté de son crâne avant de tordre son cou d'un coup sec sur la gauche. Le corps inerte du traitre tomba en avant dans un bruit sourd.
- Je vous ordonne de venir me voir si l'un d'entre vous a besoin d'aide. Je serais moins clémente avec le prochain traitre.
L'ordre de Kosilka claqua dans l'air avec violence. Tous le prirent de plein fouet, pourtant personne ne broncha. La jeune femme serra ses poings, ses ongles s'enfoncèrent dans sa chair faisant couler quelques gouttes de son sang.
Seul Anton remarqua qu'il était noir. Aussi sombre que les yeux d'un spleinir. Il se chargea de recouvrir ces traces de sable quand elle se décala.
- Si quelqu'un veut parler qu'il me rejoigne à l'intérieur, sur ceux la jeune femme tourna les talons et se dirigea vers son ancienne demeure.
Elle n'accorda aucun regard à son âme sœur.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top