Les mots sont les passants mystérieux de l'âme.

Lecteur de mon coeur .... comment vas tu ? comme toujours laisse une marque de ton passage et dis moi ce que tu pense de la vie d'Ana et d'Anton ^^



Les mots sont les passants mystérieux de l'âme.

Victor Hugo.



L'ami revient à lui en douceur, cette fois-ci il n'y eut pas de douleur affreuse qui cherchait à lui exploser le crâne. Bien au contraire, ce Palec lui laissait un arrière-gout empli de douceur sur le palais, il se surprit même à sourire franchement. Il colla son dos contre le dossier de chaise, qui n'avait eu de cesse de grincer, tout en se remémorant tout ce qu'il venait de voir et si une image devait sortir du lot ce serait bien celle où sa Kulka donna sa première leçon aux soldats. Elle avait été aussi puissante que belle et cela avait frappé tout le monde, la Kosilka dégageait maintenant quelque chose qui lui appartenait pleinement. Cette chose était magnétique, on devait la regarder quand elle passait, c'était la femme qui le suggérait et non la faucheuse qui l'imposait.

Le colosse laissa tomber sa tête en arrière, un fin sourire se dessina une nouvelle fois sur son visage. Il avait oublié cet évènement, il avait oublié qu'elle lui avait demandé de leur construire une cabane rien que pour eux. Ana le lui avait demandé entre deux portes, comme ci cela n'avait pas d'importance, juste un détail. Pourtant, le colosse avait bien senti son empressement. Oui, la faucheuse avait été très curieuse de voir ce qu'ils allaient fabriquer.

Il se leva et s'étira de tout son long, son dos craqua et il soupira de bien-être. Bien qu'il se sentît seul chez sa Kulka, son esprit était serein. En face de lui, sur la pointe du toit d'en face, le corbeau siégeait encore sans faire un bruit. Son estomac se réveilla, bêtement il s'était dit qu'il y aurait bien quelque chose à manger chez elle. Il ne soupira ni ne jura quand il se rendit compte que tous les placards de la cuisine contenaient soit de l'Alkogol' avec quelques bouts de pains rassis, soit des armes. Beaucoup d'armes. De toutes sortes.

Ses pas le menèrent tranquillement devant cette fameuse cabane. La journée se finissait en douceur, elle allait donc bientôt être vide. Une petite brise lui rapportait les clameurs de la cuisine, elle était déjà comble. Quelque part, cela ne l'étonna pas une seconde.

- Il te faut quelque chose, chef ? demanda l'un d'eux en faisant réagir Anton, ce dernier posa brusquement sa main sur le manche de son marteau avant de la laisser choir de nouveau.

C'est à peine s'ils avaient vieilli, leurs traits s'étaient légèrement durcis sans pour autant être vieillissants. Maintenant, ils avaient des apprentis et cette petite dizaine de personnes entretenait et créait leurs armes inlassablement. Ana avait eu raison de leur faire confiance.

- Rien, tout va bien ici ? Le colosse cala ses deux mains dans ses poches et laissa trainer son regard. Le jet de lumière qui subsistait encore s'accrochait à sa cicatrice, coupant son visage en deux.

- On ne manque de rien, s'enquit celui qui, depuis des siècles maintenant, travaillait le bois avec toujours autant de plaisir. Kosilka à besoin de quelque chose ?

Ses pupilles brillaient, Anton savait qu'ils aimaient tous répondre aux demandes de leur faucheuse. D'ailleurs, il était rare que son peuple, humain ou soldat, ne traduise ses mots par des ordres. C'était toujours des besoins, des demandes. Ni plus ni moins.

- Elle voulait juste s'assurer que vous n'avez besoin de rien, que la baraque ne tombe pas en morceau. La paume de sa main se posa sur l'une des poutres qui soutenaient la structure de la maison en bois. Rien ne craqua ou ne se brisa, un exploit pour cet homme aussi maladroit que dangereux.

- Tout va bien, répondit l'homme en s'essuyant les mains sur un bout de tissus usé jusqu'à la corde. Elle revient bientôt ? finit-il par demander avec une pointe d'espoir dans la voix qui fit mal à Anton.

- Kosilka finit toujours par revenir. Conclut le colosse avec l'impression de recevoir un coup de poing dans l'estomac, il fit demi-tour avant d'entendre une autre question. Le colosse n'aimait pas mentir, cela le renvoyait toujours à ceux et celles qui n'étaient pas présents et ils remarquaient son absence.

Anton ne retourna pas directement chez sa Kulka, il fit un crochet par la cuisine, prenant de quoi grignoter et se dirigea finalement vers la colline. Tout autour de lui, les spleinirs broutaient paisiblement, c'est à peine s'ils l'avaient remarqué.

- Mourir ou crever, c'est sa grande phrase non ? Anton se raidit, il ne souhaitait pas la voir. Il ne voulait pas lui mentir et aussi bien l'un que l'autre se passait, avec délectation, de la présence de l'autre.

- Elle a bien dû nous la sortir une fois ou deux, j'imagine.

- Tiens. La nouvelle arrivante lui tendit une grosse bouteille en verre d'alkogol' avant de s'assoir à côté de lui. Tu partages ? L'ami lui tendit un bout de pain avec de la viande de renard séché.

Il était rare, voir exceptionnel que Sabryne ne boive de l'alcool. Elle avala une grosse rasade sans prendre la peine de respirer.

- J'imagine que le témoin de la kosilka ne me dira pas où est cette dernière...

- Ni son ami... Elle va bien ? finit-il par lui demander en serrant les dents, ces mots venaient de lui échapper.

- Elle va bien. Les mots de l'âme sœur furent soufflés entre ses dents, Anton savait qu'elles étaient reliées par un lien qu'ils n'auront jamais. Elles se ressentaient, littéralement.

Il eut juste assez de force pour opiner du chef sans la regarder.

Ils mangèrent en silence, cherchant le meilleur moyen d'aborder le sujet sans pour autant trouver un angle d'attaque acceptable. Tous deux avaient besoin d'en parler, de se rassurer. Ana était la pierre angulaire de beaucoup de tableaux dans son Mira et quand elle n'était pas là, tout devenait bancale. Plus fade.

- Tu sais dans quelle merde elle s'est encore foutue ?

L'ami détailla le profil de la jeune femme, ses cheveux aux couleurs de la terre voletaient tout autour de son visage. Quand elle se tourna vers lui, son regard vert l'accrocha.

- Si je le savais, j'irais la chercher par la peau du cul. Grogna le colosse en appuyant sur chaque mot.

Sabryne pouffa et se remit à regarder l'horizon. Ils n'avaient pas les mots pour exprimer l'angoisse qui les rongeait. Tout ce qu'ils savaient faire, c'était se balancer des saloperies à la tronche.

- Noa sait ?

Une fois de plus, le père répondit à la négative par un bref mouvement de tête.

- Plus tard sera le mieux, conclut la jeune femme en arrachant quelques brins d'herbe tendres avec ses doigts.

L'air qui les entourait était devenu électrique, un rien pourrait tout faire partir en fumée. La seule personne qui les liait, le ciment de leur Mira, demeurait loin d'eux. Pour elle, ils ne feraient rien voler en éclat. Juste pour elle.

- Faut que j'y aille, les enfants vont finir par m'entendre.

- Si tu ressens quelque chose.

- Je te le dirais et toi si tu apprends quelque chose, la coupa l'âme sœur en se levant.

- Oui. Conclus le colosse en la coupant à son tour sans lui jeter le moindre regard.

Dans le fond, ils s'aimaient bien, ils reconnaissaient même que l'un et l'autre étaient utiles dans une certaine mesure. Ils regrettaient juste le fait qu'Ana ne tourne pas qu'autour d'eux.

Anton avait toujours eu du mal à comprendre le lien qui unissait les deux jeunes femmes, il avait même eu le culot de penser que ce n'était pas naturel. Plus rien de ce qui les entourait n'était naturel, absolument plus rien. Sa Kulka et Sabryne s'aimaient profondément en plus du lien d'âme sœur qui les unissait. Elles se respectaient et connaissaient les limites de chacune sans pour autant se cantonner à elles. Leur amour platonique n'avait rien à envier à la passion qu'entretenait le colosse pour la jeune femme et l'âme sœur était, elle aussi, jalouse du lien qui unissait depuis bien longtemps ces deux êtres. Bien évidemment, tout cela n'avait jamais vraiment été évoqué de vive voix, ils avaient tous les trois des siècles de non-dit derrière eux.

- Mourir ou crever... souffla l'ami une fois qu'il fut seul. Il l'avait entendu dire ces quelques mots sans se souvenir réellement du contexte. Quand son dos percuta l'herbe, il s'autorisa à fermer les yeux un instant. Quand il les rouvrit la nuit venait de dévorer le jour.

Un spleinir s'était allongé à côté de lui, l'animal ne se leva que quand Anton refit entièrement surface.

Même de loin, elle veillait sur eux à sa façon. L'ami était persuadé que ce petit geste venait d'elle, il ne savait pas comment elle s'y était prise, mais cela venait forcément de sa Kulka.

- La nuit est douce. Te lève pas, rajouta Zoran qui venait de le rejoindre silencieusement.

Il avait attendu que la journée se termine pour le retrouver ici, il se doutait que si le colosse voulait conserver le rythme du village ce n'était pas pour rien. Alors, il ne ruinerait pas son travail, de toute façon il avait admis il y avait bien longtemps maintenant, que leurs deux chefs en sauraient toujours bien plus qu'eux. Cela ne le dérangeait pas, et il avouait sans peine que pour rien au Mira il ne voulait de leurs places !

- Comment s'est passé l'entrainement ? questionna l'ami sans bouger d'un iota.

- Diarch s'en sort bien, c'est un jeune renard fou. S'amusa le second de l'ami en prenant une gorgée a même la bouteille.

Diarch, le jeune homme que le colosse avait testé il y avait moins de dix jours. Seulement dix jours.

- Il a toujours ses idées à la con ?

- M'en parle pas...

Les deux amis changèrent de sujet, tout fut abordé tout en évitant soigneusement tout ce qui touchait à la Kosilka. Zoran se disait qu'il lui en parlerait quand il le pourra, rien de plus.

- Noa est de retour ?

- Pas avant la nuit prochaine, je pense.

Le fils adoptif de l'ami et de sa Kulka, la sentinelle du village, avait remarqué qu'il y avait du mouvement non loin d'un clan neutre de leur côté de la frontière.

- Il est avec une bonne équipe.

Anton savait tout ça, la sentinelle ne partirait jamais sans plusieurs portes de sortie et être bien entouré était une chose primordiale. Ana le lui avait enseigné et n'avait eu de cesse de lui répéter, même une fois que le jeune homme avait quitté sa chambre d'enfant.

Mais bien au-dessus de tout cela, le colosse était un père et un parent s'inquiète toujours pour son enfant. Quand la sentinelle partait pour l'une de ses expéditions, la Kosilka assistait toujours à son départ, même si lui ne la voyait pas, elle, elle savait très exactement tout ce que contenait son sac, qui l'accompagnait et dans quel état d'esprit se trouvait le jeune homme.

L'ami chassa de son esprit tous ses souvenirs, il ne voulait pas se perdre dans ses limbes. Le village était toujours plus fragilisé quand elle n'était pas là. Il se devait de rester sur ses gardes.

- Tu te souviens de cette phrase, toi ? « Mourir ou crever ? »

- S'est signé Kosilka ça... commença Zoran en plongeant dans ses souvenirs, lui aussi l'avait déjà entendu dire ça, mais quand ? Je sais ! s'exclama soudain le second d'Anton en tapant son poing contre son autre main, dans leur dos quelques spleinirs s'agitèrent légèrement. Ça date ! C'était la toute première fois ou on s'est fait attaquer par les autres abrutis !

- Ebat' oui ! Rugis soudain l'ami en se redressant d'un coup sec, les spleinirs finirent par s'éloigner d'eux en trottinant.

Les deux hommes s'abimèrent dans un fou rire si foudroyant que toute la colline se mit à trembler, les rues du village résonnaient elles aussi et quelques bambins chouinèrent en retour.

Comment avait-il pu oublier ça ! Ce jour la scella définitivement sa réputation de gros dur aux deux mains gauches. Alors qu'ils étaient assaillis par une délégation de l'autre faucheur a à peine quelque kilomètre de leur village, Anton, pressé de faire verser le premier sang, avait fait tomber son arme sur le pied de son ami.

La tête de son marteau était posée sur le sol et il faisait passer le manche d'une main à une autre sans jamais lâcher du regard un des types qu'il avait décidé, arbitrairement, d'exécuter en premier. Quand le manche revenait sur sa main gauche, l'ami oublia, bêtement, ce qu'il était en train de faire. L'objet, en métal lourd et bouillant pour toutes autres mains que les siennes, retomba avec violence sur le pied de son ami.

Ce jour-là, Zoran avait dû faire appel a tout son self contrôle pour ne pas pousser un hurlement à faire froid dans le dos. Par contre, personnes ne loupa la petite danse de la douleur, comme il l'avait surnommé par la suite, ni la flopée de jurons qu'il cracha avec hargne.

- J'avais eu trop mal ! Surenchérit Zoran entre deux hoquets de rires. D'ailleurs, son pied était toujours marqué même après toutes ces années.

Anton tenta de s'excuser encore une fois, mais aucun son cohérent de pu franchir la barrière de ses dents. Sans vraiment savoir comment il renversa l'énorme bouteille d'alkogol' et pendant que le liquide transparent s'écoula sur la terre, les deux amis repartirent dans un fou rire, manquant plus d'une fois de s'étouffer.

Ce jour-là, la faucheuse n'avait jamais eu autant envie de l'étriper. Elle s'imaginait séparer la peau de son corps de ses muscles et os très lentement avec un sourire plus que satisfait. Pourtant, et à la surprise générale, quand elle aperçut Zoran maudire son chef et ce dernier tenter de ne pas exploser de rire elle partit en fou rire.

Devant eux, la cohorte ne savait pas vraiment comment réagir ; certain était partagé entre l'envie de rire et l'interdiction de le faire et d'autre était carrément septique sur la réputation de la Kosilka et de ses soldats.

- Mourir ou crever ? Leur avait-elle demandé quand elle retrouva subitement son calme. L'atmosphère venait de changer brusquement, ils n'avaient plus à faire à la jeune femme qui se tenait les côtes à force de rire, mais à la faucheuse. La terrible Kosilka.

- C'est quoi la différence ? avait fanfaronné l'un d'eux en face.

- La souffrance, répondit Ana avec éclat sauvage collé sur le visage et sans plus attendre elle fonça droit sur eux avec sa faux prête à arracher des vies.

Cette confrontation fut aussi rapide que sanglante, elle n'épargna qu'un seul soldat de l'autre côté.

- As-tu compris la différence maintenant ? lui avait-elle demandé en s'approchant de lui. Il n'avait jamais eu aussi peur de toute sa vie. Cette jeune femme, à peine sortit de l'adolescence, était couverte de sans avoir aucune plaie.

Son visage sombre était encadré par des cheveux encore plus sombres, il eut l'impression qu'ils absorbaient toute la lumière environnante. Quand son regard injecté de sang et déjà glacé d'effroi percuta le sien, entièrement blanc, dénué d'un soupçon de vie et transpirant de violence et de haine à peine contenue, il comprit le vrai sens du mot peur.

- Tu vas rentrer chez toi et dire à tout le monde ce qu'il vient de se passer, tu vas leur expliquer, fidèlement, tout ce que tu as vu.

La jeune femme s'était relevée sans rien ajouter de plus, l'ordre qu'elle venait de lui donner glaça et brisa ses os. C'était donc avec le corps fracturé que cet ennemi se traina sur des dizaines et des dizaines de kilomètres pour raconter ce qu'il s'était passé et lui qui espérait pouvoir mourir par la suite déchanta rapidement. Kosilka ne lui en avait pas donné l'ordre où l'autorisation et leur faucheur s'en moquait complètement.

Les deux amis, toujours secoués par leurs rires, essuyaient quelques larmes qui perlaient aux coins de leurs yeux. Se laisser aller faisait du bien, cela ne la remplacerait jamais, mais cela soulageait les esprits et les cœurs.

- Elle sera bientôt de retour.

- Je sais, soupira l'ami en y croyant vraiment cette fois-ci.

Autre chose, chagrina le colosse : sa Kulka ne frappait plus pour blesser, mais pour tuer. 

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