Le rang ne confère ni privilège, ni pouvoir. Il impose des responsabilités.
Le rang ne confère ni privilège, ni pouvoir. Il impose des responsabilités.
Louis Armstrong.
« Comment te sens-tu, l'ami ? J'imagine que tu es à la masse... je ne te t'ai jamais dit ce que j'avais sur le cœur vis-à-vis de tout ça. Je n'aurais pas assez de cette vie pour te remercier. Tu étais là, tu m'as sauvé et tu es resté des jours entiers devant ma petite caverne à attendre que je daigne sortir de mon trou. Tu m'as nourri aussi et surtout tu as été patient. Tu l'es toujours.
Je m'en veux encore, tu sais. Ta cicatrice, celle que tu détestes tant. Je m'en veux, si tu l'as s'est entièrement de ma faute. Sans moi, tu ne l'aurais pas, c'est aussi simple que ça. Sans moi, tu aurais pu continuer de mener ta vie le plus normalement du monde. Sans moi... tu aurais pu tant de choses...
Revivre nos premières années, notre premier siècle est une vraie malédiction hein ! j'imagine que pour toi aussi ! une vraie merde.
Au final, je ne sais pas quoi te dire de plus l'ami. Continue, s'il te plait, revit encore une fois nos vies. Il faut que tu comprennes, que tu te souviennes de tout ce merdier. N'envoie personne à ma recherche, de toute façon tu sais bien que c'est inutile et Archi est avec moi.
On va sauter quelques années, ce sera plus simple. À ce moment-là, nous avions déjà construit notre toute première maison. Elle ne ressemblait pas encore à l'espèce de champignon qu'on a maintenant. Bog, que cette époque me manque... si peu de responsabilités et juste nous deux...
N'oublie pas de boire et manger, il doit bien rester quelque chose de comestible quelque part dans l'un des placards... »
Anton, a moitié habillé et les yeux encore gonflés par le sommeil, lu une première fois la note de ça Kulka. Il soupira et se dirigea lourdement vers la cuisine tout en grommelant des propos inintelligibles. Il eut beau fouiller tous les endroits possibles et imaginables, il ne trouva rien de consommable. De près ou de loin. Finalement, il décida de se réveiller en s'enfilant un bon quart de sa bouteille d'alkogol' d'un coup.
L'ancienne chambre de leur fils était la seule pièce de cette bicoque à ne pas être en désordre. Ana y avait toujours tenue et les deux hommes qui entraient en son sein, respectaient cette requête. Anton laissa glisser ses doigts contre le bois de cette porte. Sous sa pulpe se dessinaient les nœuds de la ramure. Il y avait aussi, presque imperceptible au toucher, une éraflure. Stigmate d'un entrainement qui donna lieu à une monstrueuse dispute, dont tout le village se souvenait encore.
Allez savoir pourquoi, mais on ne s'entrainait pas au lancé de couteau à l'intérieur.
Il n'y entra pas, ce n'était qu'une simple petite chambre : un lit, deux étagères, une ou deux vieilles épées et surement un bouclier sur le déclin. Simple oui, dépouillé de souvenirs ou de jouets d'enfants, aussi. Mais, cette pièce était à jamais leur petit coin de paradis.
Comme souvent devant un miroir, aussi petit et brisé soit-il, le colosse baissait le nez. Elle lui avait pourtant dit que cette cicatrice ne l'enlaidissait pas... la vérité était tout autre. Cette balafre, qui lui coupait le visage en deux, lui rappelait sans cesse celle de sa Kulka. S'il avait maintenu les mains du meneur, jamais elle n'aurait eu le bas de sa joue gauche brulée par l'eau de la mer blanche. Jamais.
Son poing s'abattit violemment sur le mur en face de lui, quelque chose tomba dans on dos. Anton ne prit pas la peine de se retourner pour vérifier ce qu'il venait de briser. Il fuit une nouvelle fois son image en ressassant les excuses de sa Kulka.
- Ebat'... grogna le colosse en faisant les cent pas dans le salon. C'est pas à toi d't'excuser... il relut rapidement la note avant de rugir de nouveau. Sans toi je, je... je f'rais rien ! L'espace d'un instant, il se rappela de sa petite maison sous terre, de ses parties de chasse et de ses quelques rencontres...
Non, cette vie ne lui manquait pas et même s'il ne la renierait jamais, il n'en voulait plus. Ce n'était tout simplement pas lui.
« l'ami ? Tout va bien se passer. »
Il soupira, ferma les yeux et compta au moins dix respirations avant de les ouvrir de nouveau et de placer son doigt sur le Palec sans se laisser le choix. Puis, elle venait de lui dire que tout se passerait bien, donc tout se passera bien.
Anton fut projeté quelques mois à peine après avoir cloué la toute dernière planche sur le toit de leur toute première maison. À cette époque, il y avait plusieurs siècles de là, leur petite bicoque était ce qu'ils avaient de plus précieux.
- Ana ! grogne pas et ramène-toi.
La jeune femme, sortie de sa chambre en râlant. Le jour peinait à se lever ce matin-là, ses cheveux noirs volèrent devant ses yeux pratiquement entièrement blancs. Au loin, le maudit vent tomba.
- Tu te rends compte qu'il ne fait pas officiellement jour ? demanda la Kosilka en jetant un coup d'œil mauvais en direction du ciel. Pour ne pas changer, d'épais nuages cachaient le rayonnement du soleil.
Le colosse soupira et balaya sa réflexion d'un petit mouvement de main.
- Viens m'aider.
Tout en grognant contre seul Bog savait, elle se mit au travail. Depuis peu, Anton avait pour objectif de constituer plusieurs réserves. Aujourd'hui, c'était le tour du bois. Ils n'avaient pratiquement plus jamais parlé de leur rencontre avec la Zabyl, pour eux cet épisode appartenait au passé. Et pour Ana, un jour sans chose étrange du destin était une journée de plus de gagnés dans son monde de tranquillité. Elle n'était pas pressée de suivre la route qui lui était tracée.
Au fond de son cœur, plusieurs petites flammes brulaient indiquant l'emplacement de l'un des membres de son futur clan. Mais, tant que personne ne se présenterait à elle, tout ceci n'était qu'illusoire.
- Archi !!! Ebat' !!! Le colosse sursauta et poussa un rugissement si puissant qu'une flopée de corbeaux s'envolèrent en poussant des croassements de terreur.
- Tu vas finir par lui faire peur !
- Ha parce que moi je n'ai pas eu peur peut-être ?
- Toi c'est pas pareil !
- Et puis, il fait quoi entre les branches là ?
- Il se repose, répondit la jeune femme en haussant les épaules le plus simplement du monde.
Anton ne chercha pas à en rajouter, le flegme de sa Kulka et son calme apparent avait pour don de calmer ses colères les plus sombres.
Depuis peu, ses yeux avaient perdu toutes leurs couleurs. D'un beau brun ils étaient passés à beige voir blanc. Parfois, en la regardant il entrevoyait l'oublié, elle avait ce soupçon de magie et de violence létal qu'il avait ressenti chez la Zabyl.
- Les baies ont séché, tu penses qu'on va bientôt pouvoir les planter ?
L'ami opina du chef avant de retourner à sa tache.
Ce matin-là, ils n'échangèrent que très peu, ils. Pouvaient se passer de parler durant des heures. Ils se comprenaient sans mots, s'entendaient sans se voir. Pour eux, fonctionner à deux était devenue aussi naturelle et vital que respirer.
Archi, vexé d'avoir été dérangé dans son sommeil partit en forêt. Ana savait qu'il reviendrait dès qu'elle aurait faim.
La jeune fille se mit à fixer l'orée de la forêt une poignée de seconde avant qu'Anton ne ressente à son tour un malaise. Ce sentiment n'était pas pesant, il ne les emportait pas dans un raz de marée macabre. Il les avertissait que quelqu'un ou quelque chose approchait.
Une myriade de frissons parcourait le corps de la jeune femme, elle sentait que son sang se chargeait de magie. Elle était bien plus forte grâce à lui, et plus à même de ressentir son Mira aussi.
Archi, qui venait de réapparaître comme par enchantement, s'enroula autour de la cheville de sa maitresse. Sa petite tête était au niveau de son regard, sa langue fendue dardait dans tous les sens. Anton, massue en main, s'approcha d'Ana et lui tendit son bâton. Elle le prit, fit un pas en avant et le planta dans le sol. Le colosse, préféra rester légèrement en retrait, il aurait une meilleure vision des choses et pourra passer plus rapidement à l'attaque si besoin était.
Ana se sentait impatiente. Pressée comme une môme à qui on promettait un bout de viande et du lait de biche pour le repas.
- Ce ne sont pas des ennemis. Murmura la Kosilka dans le vent.
- T'es sur ?
- Parfaitement.
Anton n'en demanderait pas plus, il avait admis très tôt qu'elle en saurait bien plus que lui. Quelque part, cela l'arrangeait, il était un homme d'action pas de réflexion.
Moins d'une dizaine de silhouettes se découpaient dans le contre-jour. Le petit groupe était mené par un homme qui semblait être au moins aussi grand que le colosse. Ana serra les dents. Le groupe continua à s'approcher d'eux, ils n'avaient rien d'autre que quelques sacs sur leur dos.
La jeune femme avança sous le regard alarmé de son premier soldat, ce dernier aurait aimé pouvoir l'attraper par le col de son vêtement et la cacher derrière lui.
- Vous êtes ? Demanda la jeune femme d'une voix forte tout en tenant son arme dans l'une de ses mains. Son familier n'avait pas bougé de place et n'était pas alarmé le moins du Mira.
L'homme à la tête du groupe ne répondit pas immédiatement, il attendit d'être à une distance raisonnable de sa Kosilka.
Ana eut le temps de le détailler avant qu'il ne se présente. L'inconnu était grand, son visage fermé, ses traits durs pourtant quand il posa son regard sur elle tout changea. Une étincelle de joie illumina tout son être.
- Je suis Zoran, Kosilka, ledit Zoran baissa respectueusement la tête devant la jeune femme. Ces hommes et moi souhaitons te servir. Conclus le nouveau venu en se redressant.
- Me servir tu dis. La voix de la jeune femme était anormalement froide et tranchante, Anton en eut des frissons.
- Oui, La Zabyl nous a laissé le choix. Nous savons, je sais, que tu feras au mieux pour ton peuple.
- Tu sembles savoir beaucoup de chose, la coupa Ana sans bouger d'un iota.
Zoran ne répondit pas. Il préféra lui laisser une minute ou deux. Le nouveau venu voyait en face de lui une femme à peine sortie de l'adolescence avec une allure étrange, un serpent peu commode et une armoire à glace dans son dos. Son regard s'attarda rapidement sur leurs cicatrices. Il fit de son mieux pour étouffer la bouffée de colère qui grondait dans son esprit. Il voulait détruire les personnes qui le lui avaient fait.
Ana, tourna son menton en direction de l'ami, ils se regardèrent un instant dans les yeux puis elle reprit sa place sans un mot. Seuls eux pouvaient se comprendre ainsi.
- Que t'as dit la Zabyl ?
Le nouveau venu se mit à lui expliquer que l'oubliée était venue à eux en pleine nuit. Qu'elle leur avait expliqué la manigance de Bog, que leur survit ne tenait qu'a eux et qu'il y aurait deux faucheurs.
- Pourquoi moi ? questionna de nouveau Ana.
- L'autre est sombre.
- Et moi non ?
- Si, mais moins.
Cette réponse ambiguë parut satisfaire la jeune femme.
- Bats-moi. Le sourire de la jeune femme fit frissonner tous les hommes qu'elle avait en face d'elle. Sa main se resserra sur son bâton, ses pieds s'écartèrent et ses talons s'enfoncèrent dans le sol.
Depuis quelque temps, Anton et elle s'entrainaient plusieurs heures par jour. Ils avaient acquis une grande connaissance de l'art du combat depuis leur rentre avec la Zabyl. Ana, était très douée, elle apprenait vite et possédait une force insoupçonnée. Anton n'était pas en reste.
Passé sa surprise, le colosse ressentit une pointe de pitié. Zoran allait se faire massacrer.
Le nouveau venu se tourna vers ses camarades avant de laisser glisser son sac sur son épaule. Ses mains tremblaient, il ne voulait pas faire ça, il ne voulait pas lever la main sur sa Kosilka et son instinct lui chuchotait qu'il n'allait pas s'en sortir indemne. Il déglutit péniblement.
Sans attendre, la faucheuse s'approcha de Zoran à grand pas et lui envoya une droite en plein sur le sternum. Zoran atterrit lourdement sur les fesses.
- Lève-toi. Vite !
Il lui obéit et se dit qu'il était temps de gagner sa place auprès d'elle, quoi que cela lui coute. Il serra les dents et fonça droit sur la jeune femme tout en poussant un hurlement de pure rage. Elle eut juste besoin de se décaler sur le côté pour éviter le combattant. En son for intérieur, elle s'avoua qu'il n'était pas un trouillard. Ils se retrouvèrent l'un en face de l'autre, elle affichait un sourire carnassier tandis qu'il reprenait sa respiration.
En se relevant, il lui jeta une pleine poignée de poussière en plein visage. Cela suffit à la rendre aveugle quelques secondes, ces quelques secondes lui suffirent pour qu'il la percute de plein fouet. Perché sur son épaule, aussi vexée qu'impressionnée, elle joignit ses deux mains pour en faire un gros poing qu'elle abatis sur le dos de Zoran. Ce dernier en eut le souffle coupé, il reçut aussi un vilain coup de genou dans son estomac.
Cela signa la fin du combat.
- On combat d'abord avec son cœur, puis avec sa tête, dit la jeune femme en s'agenouillant devant le combattant. Tout en parlant elle toucha une fois son cœur puis deux fois sa tempe avec son majeur et son indexe. L'ami, qui rongeait son frein depuis le début de ce micro combat, fixa son regard sur sa Kulka quand elle leva légèrement le visage vers lui. Trouve-leur un coin pour dormir.
La jeune femme se releva, passa devant le colosse sans un regard pour les nouveaux venus. Elle lui sourit et posa une main délicate sur son énorme bras. Anton lui rendit son sourire, mais ne put empêcher une pointe de colère naitre dans ses yeux quand il vit le regard rougi de sa Kosilka.
- Je m'en occupe. Il broya chacun de ses mots entre ses molaires. Elle acquiesça et alla s'enfermer dans leur maison avec Archi sur ses talons.
Le colosse s'humecta les lèvres, il avait le regard fou. Bog qu'il avait envie d'arracher la tête à ce bougre qui venait de lever la main sur la jeune femme. Il du compter jusqu'à dix plusieurs fois pour tenter de retrouver un sans blanc de calme.
Il ne se sentit pas avancer. Zoran, de nouveau debout, lui faisait face. Il n'y avait rien d'agressif dans sa manière de se tenir, Anton en avait cure. Il le saisit par le col et le rapprocha de lui brusquement, leurs nez se touchaient et même si les deux hommes faisaient la même taille Zoran du se mettre sur la pointe des pieds.
- Je te reprends à la toucher je te tue. Le nouveau venu opina du chef en déglutissant, c'est quoi ton but ? grogna le colosse en plongeant son regard noir de haine dans celui de Zoran.
- Nous voulons la servir. Répéta Zoran peu fier.
- Vas-tu la trahir d'une quelconque façon ? Le nouveau venu secoua la tête de gauche à droite. Et vous autres ?!
Anton se tordit le cou pour apercevoir les autres hommes qui n'avaient pas bougé d'un iota. Eux aussi secouèrent la tête de façon négative.
- Il y a de quoi vous couvrir pour la nuit dans la baraque. Vous dormirez dehors. Termina le colosse en se détachant de Zoran.
Sans un regard en arrière, il alla rejoindre Ana en serrant les poings. Quand la porte claqua dans dos, il se permit de souffler. Sa Kulka était assise sur une planche devant la table en face de lui, elle se débarbouillait le visage en silence.
- Tu m'expliques un peu ton cirque là ?
- Tu les entraineras dans les jours à venir.
- Tu t'fou de moi ! répond moi ! La jeune femme grinça sous le ton autoritaire de son témoin.
- Je ne veux pas d'un soldat faible, L'ami. Commença la jeune femme en se levant. Seule la table en bois les séparait. Tu sais quoi ? je veux pas de toute cette merde. Je ne veux pas de peuple ou j'sais quoi ! Mais j'ai pas le choix ! S'emporta la jeune femme qui tremblait de tous ses membres. Par contre, je refuse de devoir me farcir des bons à rien ! Claqua la jeune femme en se détournant de l'ami.
Elle le fuit sans lui laisser le temps de la rattraper, pourtant, il l'avait vue. Il avait vu l'angoisse vriller son regard blanc. Elle s'en cachait bien, cherchant à tout prix à ne surtout pas se l'avouer, mais Ana ne voulait surtout pas qu'ils dépendent d'elle.
Dès l'instant où son regard s'était posé sur le nouveau venu et sa bande, elle ressentit un sentiment puissant d'appartenance. Pendant une seconde, elle eut envie de fuir à l'autre bout du Mira. Mobiliser ses jambes pour ne pas fuir à toutes jambes lui demanda beaucoup.
Ces gens étaient à elle. Elle devait les protéger. Cela l'effraya terriblement. En cet instant, elle se convint que tous ses soldats devaient être puissant. Cette force la rassurait. Plus ils le seraient, moins ils auraient besoin d'elle.
Enfermée dans sa chambre, la jeune femme se laissa glisser contre sa porte. De grosses larmes jaillirent de ses yeux sans qu'elle n'eût le temps de se toucher le visage. Elle avait peur et terriblement honte de se laisser aller ainsi à ses sentiments. Archi se détacha de sa peau, prit en masse et se positionna devant son visage. Son familier l'entourait pour étouffer ses sanglots, elle put enfin se laisser aller en toute intimité.
Son destin venait de prendre possession de sa vie et cela lui faisait si peur que son cœur manqua plusieurs battements.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top