Bonne est l'action qui n'amène aucun regret ...
Bonne est l'action qui n'amène aucun regret et dont le fruit est accueilli avec joie et sérénité.
Bouddha.
« Kosilka et Témoin dirigent le village.
L'entraide est la clé de notre survie.
Tous nos morts seront brulés et pleurés.
Nous sommes égaux.
La cuisine et l'infirmerie seront toujours ouvertes.
Toutes atrocités seront punies par la de mort.
Tous actes de traitrise seront punis par la mort.
Tous nos sangs ont la même couleur. »
Ces règles, gravées sur la pierre plate et placardées un peu partout dans le village, étaient pour Ana la base de leur pérennité. Elles étaient simples, elles voulaient dire que les décisions les plus dures seraient toujours prises par Ana et Anton, qu'ils sont tous identiques. Humain, soldat ou enfant des deux. Pareil. Il y avait aussi ces règles tacites non écrites, que pourtant tout le monde connaissait par cœur et appliquait avec le plus grand soin. L'une d'elles jurait que la faucheuse souffrait mille morts pour chaque goutte de sang versé par l'un des siens. Elle était atrocement vraie.
Cette nuit ne fut pas aussi longue qu'elle l'avait redouté. Elle et l'autre faucheur parlèrent un moment avant de se plonger entièrement dans leurs pensées et souvenirs. Ils parlèrent de leur malédiction, celle-là même qui sous-entendait clairement qu'ils devaient se suicider pour assurer la survie et longévité des leurs.
- Comment ce sera après nous ?
- Bien mieux qu'avec nous, j'imagine... pourquoi t'as... fait tout ça à ton peuple ?
Étrangement, cette question la mit plus mal à l'aise que lui.
- Je ne suis pas comme toi... j'ai cru... je, j'étais persuadé qu'ils voulaient tous ma place. Avoua amèrement l'autre faucheur.
Ana croqua dans un bout de viande sans appétit, il n'avait pas tort : ils étaient différents, pourtant la même peur les animait. elle que quelqu'un devienne Kosilka a leur place, qu'un imposteur détruise ce Mira qu'ils tentaient tant bien que mal de construire.
Dols, l'autre faucheur, avait un fond sombre constamment alimenté par ses peurs les plus folles et abominables les unes que les autres. Ana, plus lumineuse que son ennemi craignait plus que tout qu'un idiot détruise ce qu'elle avait mis tant de temps à construire. Son village, sa stabilité.
- Tu aurais aimé faire autrement ?
- Si j'avais su comment faire, oui. Peut-être. Il était honnête, elle se savait.
Quand les premières lueurs du jour firent leurs apparitions, la jeune femme se sentait légère. Elle était sereine, épuisée, mais calme et déterminée.
Du coin de l'œil, elle observa l'autre faucheur, tous ses traits étaient tirés. Non pas par l'angoisse, mais par une douleur qu'il supportait seul depuis bien trop longtemps. La jeune femme eut de la peine pour lui, il n'était qu'un outil comme elle. La seule grosse différence entre eux était qu'Ana avait été capable de faire confiance une fois encore avant de sombrer dans le néant.
- Dire qu'on aurait pu être ami.
- Comme ci ça avait beaucoup de valeur pour toi...
- Tu es bien méprisante... le ton n'y était pas, si bien que les deux ennemis soufflèrent un petit rire étrangement normal.
La jeune femme caressa la pierre plate du bout des doigts, les règles gravées dessus étaient nées dans la souffrance qui elle-même avait connu son premier souffle par sa faute.
Elle regarda par-dessus son épaule, l'autre avait un drôle de regard, à la fois épuisé et déterminé.
- Attends-moi ici. Dols s'assit de nouveau sur sa souche et se mit à contempler le ciel dans le plus grand silence avec un sourire qui lui était propre.
Kosilka avait besoin de le voir. Il lui manquait, tout comme son fils et les siens. Elle avait besoin de le retrouver, de sentir la chaleur de son corps tout contre le sien. Elle avait aussi besoin de parler une toute dernière fois en tête à tête avec son âme sœur.
Le cœur de l'ami se mit à battre à tout rompre quand il sentit la présence de sa Kulka aux abords du village. Il sortit de chez elle sans prendre le temps d'enfiler une paire de bottes, la porte d'entrée rebondit sur ses gonds dans un bruit sourd. La jeune femme alla à sa rencontre à toutes jambes, seul Archi la suivait en serpentant dans son sillage.
Quand Ana s'aperçut que le colosse courait pratiquement vers elle, elle sentit son cœur se serrer dans sa poitrine et contre toute attente ce n'était pas douloureux. C'était pour elle, une forme de libération. Bientôt, elle allait se défaire de sa malédiction, alors son âme était en fête.
Elle lui sauta dessus, noua ses jambes autour de sa taille et plaqua ses deux mains contre chacune des joues d'Anton et l'embrassa avec tant de force que les jambes de l'ami menacèrent de se dérober sous lui.
- Que ?
Elle se jeta de nouveau sur lui pour l'embrasser avec plus de ferveur. Le colosse finit par entourer le corps de la faucheuse de ses bras pour la serrer tout contre elle.
- Si tu continues comme ça, faut vite qu'on rentre chez toi. Grogna l'ami, dont une lueur taquine brillait avec délice dans son regard.
Ana aimait ce qu'elle voyait. Elle le trouvait beau, elle l'avait toujours trouvé beau.
- Idiot. Embrasse-moi.
Il lui obéit, se délectant de cet unique moment de félicité.
- Rassemble tout le monde devant le terrain d'entrainement, et met des bottes.
Anton voulut répliquer, mais le sourire de sa Kulka l'en dissuada. Il fut subjugué ! Si éblouissant, si beau ! Et toujours plus unique.
Il fit donc ce qu'elle lui avait demandé après s'être chaussé.
La jeune femme se précipita chez la brune, cette dernière savait que la faucheuse était de retour. Elle le sentait jusque dans ses os. Ce fut donc pour cela qu'elle entrouvrit sa porte d'entrée, puis servit deux grands verres d'alkogol' et sortis quelques brioches et fruits.
Sur sa route, la faucheuse croisa son fils. Noa, la sentinelle du village, avait senti une variation dans l'aire. Il se doutait que sa mère d'adoption était de retour.
- Tu as fait bon voyage ?
- Quel ton cérémonieux mon fils, commenta la jeune femme avec un sourire sincère.
Elle fixa les yeux si particuliers de son fils, l'océan qu'il abritait était calme.
Pour toute réponse il l'a pris dans ses bras et nicha son nez dans son cou. Les autres soldats présents, à la fois gênés et quelque peu envieux, détournèrent le regard avant de continuer leur chemin. Ses soldats, tous, cherchaient à attirer l'attention de Kosilka. C'était dans leur nature, ils avaient besoin qu'elle les regarde, qu'elle sache qu'ils seront toujours là pour elle. Comme elle l'avait toujours été pour eux.
- Il n'y a pas eu de problème ?
- Rien de rien. T'étais où ? t'es parti longtemps ! Lui reprocha plus l'enfant que l'homme.
Son sourire ne se fana pas.
- J'avais à faire, lui dit-elle en lui touchant la joue. Ce petit geste d'amour purement maternel aurait dû éveiller ses soupçons. La jeune femme avait toujours été des plus pudique, il le savait, mais c'était si bon et exceptionnel que son fils choisit d'en profiter.
Ils échangèrent encore quelques douces banalités avant de s'éloigner l'un de l'autre. Le cœur de la jeune femme se tordit, elle ne pourrait pas répondre à son invitation. Plus jamais, elle n'irait manger chez lui.
- J'avais sorti deux verres, puis finalement je me suis dit qu'un seul suffirait. Commença la brune qui était assise en plein milieu de son salon.
Sa maison était comme beaucoup d'autres : faite entièrement en bois et sans grande prétention. Le bien le plus précieux de Sabryne était un peigne qui datait de sa première partie de vie.
- Tu me connais si bien, soupira d'aise la jeune femme qui venait de saisir la bouteille d'une main et une brioche de l'autre.
- Si faim que ça ?
- Surtout soif !
- À la tienne alors. Après un rapide sourire, les deux femmes remplirent leur estomac sans bouder leur plaisir.
- Je ne sais pas ce que tu trames, tout ce que je sais c'est que quelque chose a changé en toi. La jeune femme se contenta de la regarder, elle savait pertinemment que la brune allait continuer sur sa lancée. Tu es apaisé, il va se passer quelque chose.
Ana voulu s'excuser pour toutes disputes qu'elles avaient eues, pour ces horreurs qu'elle lui avait balancées en plein visage et pour tant d'autres choses. Pourtant, elle ne put articuler aucun mot.
- Je ne savais pas que j'étais aussi transparente.
Comprenant que la faucheuse n'en dirait pas plus, Sabryne entreprit de lui raconter les progrès de ses élèves. Depuis bien des années maintenant, la brune enseignait les arts anciens aux plus jeunes du village. Quatre ou cinq générations plus tard, tout le monde savait lire et écrire sans faire de fautes.
Ana était fière des siens, ils étaient forts, intelligents et braves.
- Si tu ne veux rien me dire, ne me mens pas. Attaqua la brune en regardant la jeune femme, droit dans les yeux tout en mâchant avec application un fruit.
- Alors, laisse-moi le choix de ne rien te dire du tout.
- Tout ira bien ?
- J'en suis persuadé.
Sabryne savait que son âme sœur ne lui mentait pas et qu'elle ne lui dirait rien d'autre. Un silence apaisant venait de s'installer entre elles.
- Rejoins tout le monde sur la place, j'arrive. La faucheuse se leva, rangea ce qu'elle venait d'utiliser puis sortit après lui avoir souri une toute dernière fois.
Quand la porte claque et que la brune se retrouva seule, une masse alourdit douloureusement son estomac.
- Je ne sais pas ce que tu me caches, tout ce que je sais c'est que tu le fais pour nous. Le cœur de l'âme sœur se fissura brutalement. Qu'est-ce que t'as foutu Ana...
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