Autant de têtes, autant de sentiments.
Autant de têtes, autant de sentiments.
Tchouang-Tseu.
- Il est hors de question que tu... Hey tu m'écoutes ?!
- Bien sûr que non... soupira la jeune femme pour au moins la quarantième fois depuis ce matin.
- On s'est pas entrainé !
L'ami vociféra encore plus fort, tout était un prétexte pour l'empêcher de faire ce qu'elle devait faire.
- T'es sûr que j'en ai besoin ?
- Sois pas trop sûr de toi !
Elle soupira une fois de plus.
- T'as pensé au...
- Oui. J'y ai pensé.
- Ha oui ?! donc tu es tout à fait capable de te d'emmerder toute seule si ! Humf !
Le colosse fut coupé dans son élan, une lame sombre et mate venait de s'enfoncer dans le bois. Juste devant son nez, c'est à peine s'il avait entendu le sifflement aigu de la lame fendre l'air. À un cheveu de son visage. Il se tourna lentement, vexé, le temps venait de ralentir considérablement, même archi venait de se fondre sur la peau de sa maitresse. Ana était toujours en position de lancer, son bras tendu et sa position légèrement en avant indiquait à l'ami que, si elle l'avait voulu, le couteau se serait planté dans son crâne.
Il continua de la fixer sans dire un mot, quand il enleva l'arme du bois du mur. Elle se remit droite l'ombre d'un sourire étirait encore ses traits. Il hésita un moment avant de décider si oui ou non il allait l'étrangler.
- Je vais y aller et toi, tu vas rester ici. S'il te plait. Rajouta la Kosilka en fixant l'ami, ce dernier sera si fort ses dents qu'elles grincèrent dangereusement.
Cela lui avait pris dans la nuit, d'abord de petits picotements puis peu à peu cela venaient par vague de plus en plus puissante. Presque douloureuse. Quand son cœur s'étranglait dans sa poitrine, elle décida qu'il était plus que temps d'y aller. Les siens l'attendaient quelque part au-delà de la forêt.
Au fond d'elle une trentaine de flames mauve et grise en leur centre dansaient, lui indiquant le nombre de personnes qui l'attendait et où elles se trouvaient.
- Archi sera avec moi, sa voix coupa le faux calme qui planait dans leur demeure. J'ai besoin d'y aller. Cette dernière phrase, dite en le regardant dans les yeux, était une supplique soufflée avec ses tripes. Cela lui fit mal, au plus profond d'elle.
- Je ne te demande pas de ne pas y aller, intervient le colosse avec une voix forte. Je ne veux pas que tu y ailles seule.
Il s'inquiétait pour elle, il le faisait toujours, qu'importe s'il elle était et sera à jamais plus forte et puissante que lui. Qu'importe si son corps était gorgé de pouvoir, qu'importe tout cela. Il s'inquiéterait toujours pour elle. C'était sa Kulka et cet état de fait était tout aussi bénéfique que négatif.
- Je n'ai confiance qu'en toi pour garder le village, avoua la faucheuse en laissant ses épaules tomber. Son regard aussi se baissa.
Le ventre puis la gorge d'Anton ce seraient l'un après l'autre. Il voulut aussi étouffer la petite bouffée de joie qui lui donnait des fourmis dans tout le corps, mais il échoua lamentablement. Elle avait une entière confiance en lui.
- Et je n'ai confiance qu'en moi pour te garder en vie. Contera-t-il un peu plus fort qu'il ne l'avait voulu. Surement sous le coup l'émotion.
Il s'approcha d'elle, elle n'avait pas bougé d'un iota.
- Je sais que tu dois le faire, Kulka. Murmura le colosse en lui tendant la lame noire qu'il avait encore dans la main.
Ils étaient maintenant si proches, qu'ils respiraient le même air. Ana ne releva pas les yeux en lui prenant larme, elle prit aussi toutes les précautions du monde pour ne pas effleurer ses doigts.
Cela lui semblait dangereux. Elle rangea son arme dans l'une de ses poches.
Leurs cœurs battaient à tout rompre, le colosse voulut lui toucher le visage, mais il ne fit rien. S'empêcher de la toucher fut douloureux, presque atroce. Ana venait de s'entendre déglutir, cela couvrait à peine le bruit de son cœur qui résonnait contre ses os.
L'espace entre eux était bouillant, à peine respirable. Pourtant, aucun d'eux ne recula. La Kosilka trouva le courage de lever le menton pour le regarder, ses yeux blancs rencontrèrent les iris dorés de l'ami. Quelque chose se passa, quelque chose d'inconnue et bien plus puissant que leurs deux volontés communes.
En un souffle, elle se colla contre son torse et posa son oreille contre son cœur. Son battement, fort et régulier, calmait la faucheuse. Sa respiration se bloqua dans sa gorge avant qu'il ne pût enregistrer ce qu'il se passait. Ses bras l'entourèrent et il posa son menton sur le haut de sa tête.
Ana, appuyé contre son cœur, ses deux mains de par et d'autre de son visage accroché sur le buste de l'ami, se délectait de se bruit si simple et pourtant si rassurant. Si vivant. Ses deux mains se refermèrent en deux poings tout en emprisonnant le vêtement de son témoin.
Elle aurait aimé avoir le courage de lui dire qu'il sentait bon. Bog qu'elle aimerait avoir ce courage, mais ses mots refusèrent de franchir la barrière de ses dents.
Anton la resserra un peu plus contre lui et pendant un instant il était persuadé que ce moment était à la fois le plus beau et le plus important de toute sa longue et difficile vie. Lui aussi respirait son odeur, tout son sang se figea dans ses veines. Cette magie était bien plus puissante que celle de la Zabyl.
- Si tu n'es pas de retour dans trois jours, je fais fouiller tout ce qu'il reste de cet ébat' de Mira. Grogna l'ami en nichant son nez dans sa chevelure noire.
Tant de mots et de choses étranges se bousculaient en elle qu'elle ne put qu'opiner du chef.
- Il faut que j'y aille.
- Je sais... souffla la mort dans la l'âme sans trouver la force de relâcher son étreinte.
Quand les lèvres du colosse effleurèrent d'abord, puis s'attardèrent sur le cuir chevelu de sa Kulka, quelque chose d'incroyable explosa en eux. Il fit glisser ses mains sur ses bras, elle ne le regardait toujours pas. Sa peau brulait encore de ce contact, elle en avait eu envie, peut être besoin, de fuir, mais une petite partie d'elle en redemandait encore.
- On y va, elle recula d'un pas et se racla la gorge.
- Prends des spleinirs, sa voix n'était qu'un murmure pourtant Ana l'entendit si puissamment qu'elle crût devenir sourde.
La Kosilka tourna les talons, poussa la porte et sortit en ignorant son cœur qui lui hurlait de rester encore un peu. Elle tremblait de l'intérieur, c'est à peine si elle pouvait avaler sa salive sans s'étouffer.
La lumière crue de l'extérieur lui fit plisser les yeux, elle du battre des paupières un bon nombre de fois avant que les taches de couleurs ne disparaissent de son champ de vision. Devant elle, ses soldats s'affairaient. D'autres maisons commençaient à sortir du sol et il n'y avait plus aucune branche morte ou détritus qui trainait un peu partout.
Les spleinirs broutaient et grattaient le sol en groupe sur la colline, sans se soucier de quoi que ce soit d'autre.
- Tu dois leur dire. Ana entendit ses mots, mais elle sentit surtout la main de son témoin se poser sur son épaule.
Oui, elle le savait. Elle prit une grande inspiration, la bloqua et expira lentement. Ses soldats stoppèrent leurs mouvements pour la regarder, cela provoqua une énorme pression en elle. Là, tout de suite, elle aurait voulu vomir et s'enfermer dans sa chambre jusqu'à la fin des temps.
- Des nouveaux m'attendent, commença la Kosilka en serrant son bâton dans une de ses mains. On sera de retour d'ici trois jours. Elle fit un pas en avant, Archi décolla sa tête de sa peau et se laissa glisser au sol. Les siens s'étaient regroupés devant elle et l'écoutaient attentivement, une pointe d'appréhension passa dans leurs regards.
La faucheuse fit quelques pas en avant en s'efforçant de continuer à regarder doit devant elle.
- Faucheuse, l'interrogea l'un d'eux. Doit-on agrandir nos réserves ?
Ana eut envie d'hurler tant son angoisse lui tordit les tripes, ils ne s'adressaient que rarement a elle et c'était déjà trop pour la Kosilka.
Elle opina rapidement du chef et reprit son chemin.
- Kosilka, l'interpella Zoran qui s'approchait d'elle. Comme toujours, il avait ce petit sourire qui lui rognait le visage. Je pense que tu en auras besoin.
Plusieurs Spleinirs le suivaient d'un pas tranquille.
- Merci. Souffla la jeune femme en touchant le museau de l'animal le plus proche.
- Tu prends le relai. Dis Ana après s'être retournée pour regarder l'ami.
Ce dernier se redressa et hocha la tête une fois. Le colosse sentit un poids effroyable s'écraser sur ses épaules. C'était donc cela qu'elle ressentait jours après jour ? Comment faisait-elle pour supporter cette pression et cette trouille qui lui bouffait l'esprit ? Anton comprit en cet instant pourquoi sa Kulka ne voulait pas se lier à ses soldats. Si elle devenait proche d'eux, elle risquait de les apprécier voir de les aimer et si l'un d'eux venait à disparaitre... il y aura des morts, l'ami le savait et cela la détruirait. Complètement.
Il l'a regardait s'éloigner, elle avançait sans ce retourner. Son arme, toujours serrée dans son poing, touchait à peine le sol à chacun de ses pas. Ses longs cheveux noirs flottaient dans le vent, elle semblait si forte. Bien plus qu'elle ne le pensait.
- On s'y remet. Grogna Anton quand elle fut hors de vue.
La vie reprenait son cours.
La faucheuse se concentrait sur ses pas, elle se ne se permit de respirer que quand le reste de la forêt l'engloutissait. Archi slalomait entre les pattes des Spleinirs tout en évitant leurs coups de sabot.
Elle bifurqua sur la gauche, les flames lui montraient par où aller. Elle s'obligea à ne pas repenser au regard que lui avait lancé son témoin et encore moins au baiser qui lui avait donné.
- Archi ! Ebat' ! on ne mord pas les sa... Ho puis démerde-toi...
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