7⚔️L'injustifiable


RIZAEL


— Tu as quinze minutes, misérable renard ! Si tu n'es pas lavé et habillé à mon retour, tu sentiras le fouet sur ta peau ! ordonna Supplice d'une voix cinglante.

Rizael se trouva abandonné dans l'une des vastes salles d'eau des quartiers inférieurs, une partie réservée aux serviteurs de la demeure de Siryasius.

Le demi-elfe, complètement dénudé, se déversa un seau d'eau froide sur la tête dans l'espoir de retrouver ses esprits, en vain.

Alors qu'il frottait vigoureusement ses cheveux pour en éliminer les dernières traces dues à sa chute dans la mer de sang du ravin de la prison la veille, ses pensées étaient encore hantées par ce qu'il s'était passé au salon.

Il savait que les êtres infernaux étaient réputés pour leur sexualité débridée, mais jamais il n'aurait imaginé être témoin d'une telle scène d'impudeur.

Rizael se maudissait d'avoir comparé le Siryasius nu qu'il avait rencontré il y a cinq ans à celui qui se tenait maintenant devant lui.

En cinq années, son corps démoniaque s'était sculpté de muscles encore plus puissants, et sa peau rougeâtre était désormais ornée de bijoux et de tatouages sinueux.

Captivé un instant par l'aura envoûtante de la succube, un sort propre à sa race, Rizael avait réussi à se détourner rapidement. Mais ensuite, il avait été incapable de dévier son regard du spectacle sensuel qui se déroulait devant lui.

En y repensant, son membre se raidit de nouveau, même après s'être aspergé d'eau glaciale. Sa tension refusait de se dissiper. Rizael se maudissait d'être excité dans une telle situation, traité comme un simple "animal" en ces lieux.

Plus encore, il se haïssait pour sa réaction à la provocation de Siryasius. Alors qu'il envisageait de mordre férocement la queue de ce dernier, il avait réalisé l'horreur à laquelle il se préparait à faire face. Il secoua la tête, se frottant la peau pour se débarrasser de la crasse accumulée pendant des jours.

— Bon sang, mais comment cette succube peut-elle supporter une telle taille en elle ? murmura-t-il, troublé, tandis que les pensées tourbillonnaient dans son esprit.

Arrivé sur son membre qu'il entreprit de nettoyer, Rizael s'arrêta un instant, s'asseyant sur le sol en pierre froide et humide. Il prit une grande inspiration et se résolut à soulager son besoin, la douleur causée par l'afflux de sang entre ses jambes devenant trop intense.

Il commença alors les va-et-vient sur sa longueur tendue, fermant les paupières pour se plonger dans les souvenirs de sa vie avant sa captivité.

Il revoyait sa première fois avec une humaine, une marchande de passage à Lae'Thys, puis son initiation avec Yris, une haute-elfe de vingt ans son aînée, qui lui avait tout appris.

Les images de ses découvertes érotiques avec des compagnons de route vinrent ensuite, explorant une nouvelle sexualité sans limites de genre ni de race.

Puis, son esprit s'attarda sur Moon.

Penser au célestien et à leurs moments d'intimité, même si ces moments n'allaient pas plus loin que des baisers, le firent gémir et accélérer ses mouvements. Sa relation avec Moon était restée platonique, mais chaque étreinte était empreinte d'une connexion profonde qui apaisait ses tourments intérieurs.

Malgré les tentatives de Moon de s'engager davantage, Rizael avait refusé, préférant préserver sa liberté. Depuis quelque temps, il n'y avait eu ni baiser, ni caresse.

Rizael se concentra sur l'image de Moon, tentant de freiner la montée de plaisir qui envahissait son être.

Juste au moment où il éprouvait le relâchement entre ses doigts, il se rappela l'image de Siryasius le dominant, puis celle de la succube le suçant avec avidité. Cette pensée le remplit de dégoût envers lui-même.

Le demi-elfe se laissa emporter par l'excitation, jusqu'à ce qu'il atteigne l'apogée et étouffe son gémissement en se mordant l'intérieur de la joue. Bien qu'il se sente soulagé, une amertume persistait en lui.

Après avoir murmuré des jurons contre son geôlier, il enfila rapidement la tenue donnée par Supplice lorsque ce dernier fit son retour dans la salle d'eau.

Le diablotin dévisagea de bas en haut le demi-elfe, inspectant attentivement sa nouvelle apparence.

La tunique de lin qu'il portait était usée, déchirée par endroits, avec des manches trop longues et un col effiloché. Un pantalon de toile, bien trop large, complétait cet ensemble délabré, maintenu en place par une ceinture de cuir qui menaçait de glisser à tout moment.

Comme chaussures, le diablotin lui lança une paire de bottes craquelé, dont les lacets manquaient.

— Misérable, marmonna Supplice en inspectant Rizael d'un regard dédaigneux, avant de faire apparaître la chaîne reliée au collier autour du cou du demi-elfe.

D'un geste sec, il le tira par cette chaîne, le conduisant à travers les couloirs réservés aux serviteurs. La plupart d'entre eux étaient des diablotins, plus petits que Supplice, affairés ici et là à leurs tâches pour entretenir l'immense demeure de leur maître.

Pourtant, parmi cette foule de créatures infernales, se trouvaient quelques rares êtres terrestres comme Rizael.

Alors qu'il avançait contraint, il croisa le chemin d'un cuisinier orc occupé à ses fourneaux, d'une jeune enfant aux cheveux roux qui courait avec un panier de linge propre, et même d'un homme-plante traînant derrière lui un nuage de spores embaumant l'air d'un parfum agréable.

— Nous sommes dans les niveaux inférieurs, en dessous de l'aile réservée à l'accueil des invités, aux repas et aux réunions publiques. Ces niveaux sont dédiés aux serviteurs et aux animaux comme toi.

Rizael garda le silence, sachant depuis la veille, après avoir été témoin du meurtre du doppelgänger, que Supplice n'appréciait pas qu'on prenne la parole sans y avoir été invité. Sa jambe boitait encore des représailles subit.

— Les appartements du Maître sont strictement privés. Il attache une grande importance. Seuls Damnation, Calamité et moi avons le privilège d'y pénétrer sans limites, sauf en cas de requête particulière du Maître.

Le demi-elfe enregistra mentalement cette information. Il se demanda si Siryasius cachait un secret qui pourrait s'avérer utile à la résistance s'il parvenait à s'échapper d'ici.

— Étant donné que tu es considéré comme le jouet du Maître, il est probable qu'il te fasse venir pour t'exposer à ses invités. Il est fier de ses "jouets", mais jusqu'à présent, tous se sont montrés trop orgueilleux, pas assez dociles. Il les a tous décapités et offert leur tête à ses convives. C'était un beau spectacle.

Rizael avala difficilement et retint son souffle lorsqu'ils croisèrent un mort-vivant à l'odeur putride, transportant plusieurs fioles aux couleurs suspectes.

— Alors, es-tu prêt à obéir, renard ? Parle.

— Nous verrons cela.

— Tss, je vais te dresser... Mais avant cela, si tu dois être exhibé comme un trophée, il va falloir t'habiller convenablement. Le tailleur va prendre tes mesures.

— Vous avez un tailleur ?

— Notre Maître n'a pas le luxe de sortir en ville comme vous autres espèces répugnantes. Tout ce dont il a besoin doit être disponible dans sa demeure, à sa demande.

Ils franchirent une imposante porte en bois ornée de motifs ésotériques et entrèrent dans l'atelier du tailleur. L'intérieur était vaste et éclairé par de grandes fenêtres. C'était la première fois depuis son arrivée que Rizael voyait la lumière du jour et il n'avait qu'une hâte, courir vers cette fenêtre pour apercevoir le paysage et comprendre où pourrait se trouver cette demeure cachée des rebelles.

Des étagères remplies de tissus colorés et de fournitures de couture bordaient les murs, tandis que des mannequins ajustés de tuniques élégantes envahissaient l'espace central.

Au milieu de la pièce, se tenait un individu mince, habillé de façon impeccable, occupé à régler les mesures sur un vêtement.

À la vue du tailleur, Rizael sentit un choc.

Ce n'était pas un homme, mais un demi-elfe portant un ruban qui cachait son œil balafré.

Thalion, son ami d'enfance qu'il croyait mort après la destruction de Lae'Thys par les troupes de Siryasius.

Le demi-elfe garda son calme et son expression neutre devant Supplice, mais son cœur battait la chamade.

— Voici le tailleur, annonça Supplice d'un ton sec. Thalion, voici le renard. Prends-lui les mesures nécessaires et assure-toi qu'il soit correctement habillé pour les apparitions publiques.

Thalion, quant à lui, ne put cacher sa surprise. Ses mains tremblaient alors qu'il fixait Rizael, un mélange d'étonnement, de peur et de confusion dans son regard. Il semblait sur le point de dire quelque chose, mais se ravisa, acquiesçant simplement avant de se mettre à la tâche.

Les gestes de Thalion étaient précis, mais Rizael pouvait sentir une tension palpable dans l'air. Chaque mesure paraissait être prise avec une minutie excessive, chaque mouvement du ruban marqué par une légère hésitation. Thalion évitait soigneusement le regard de Rizael, se concentrant sur son travail avec une intensité presque abusive.

— Supplice ! s'exclama Damnation en volant jusqu'à lui. Le maître nous demande.

— Chiotte. Thalion, surveille l'animal. De toute façon, il ne pourra pas aller bien loin.

Les deux diablotins disparurent en fumée, laissant Thalion et Rizael seuls dans l'atelier.

Après un bref moment de silence, Thalion saisit son ami d'enfance par les épaules et l'enlaça, l'expression émue se peignant sur son visage.

— Oh bon sang, Rizi ! Je craignais de ne jamais te revoir !

— Et moi, je t'avais cru perdu à jamais ! Quand j'ai quitté Lae'Thys pour suivre l'avancée de l'armée, tu tenais encore debout, déterminé à contribuer à la reconstruction.

— Riz, Lae'Thys n'est plus. Les ruines étaient trop vastes, les survivants trop rares. La plupart ont migré vers le sud, d'autres vers d'imposantes citadelles, elles-mêmes assiégées peu après.

— Et toi ? Comment as-tu atterri ici ?

— Autrefois apprenti de mon père, je me suis rendu à Lunadart, la cité elfique, pour perfectionner mon savoir.

— Mais... Lunadart a subi l'assaut de Siryasius peu de temps après notre chute.

Thalion acquiesça sombrement.

— La malchance m'a suivi, mais les leçons furent précieuses. Contrairement à notre ville, l'offensive sur Lunadart fut méthodique, épargnant davantage de vies.

Il s'affala dans son fauteuil, ôtant son mètre ruban.

— J'étais prêt à abandonner, Rizi. La fuite ne m'intéressait plus, j'avais tout perdu, hormis une boutique de tailleur où mon mentor refusait de fuir. Je suis resté, même en sachant que la cité était condamnée.

Il soupira profondément.

— Puis, quelques heures plus tard, le silence rompu par la clochette de la porte... et il apparut. À moitié nu.

— Siryasius.

— Mon mentor, pétrifié, ne dit mot. Alors, j'intervins, refusant de mourir sans agir. « En quoi pouvons-nous vous être utiles, seigneur ? », osai-je demander.

— Tu as vraiment dit ça ?

— Oui, et cela m'a sauvé. Siryasius esquissa un large sourire, puis, de sa voix glaçante, déclara : « Vos coutumes sont curieuses. La nudité au combat vous est étrangère, mais mes atours des enfers sont si ternes. J'aspire à une garde nouvelle. » Je lui suggérai de consulter un armurier, mais il secoua la tête et me scrutant de haut en bas, il me questionna : « Pourrais-tu envisager de tisser des étoffes magiques ? »

— Avais-tu cette compétence ? Étais-tu à la hauteur ?

— Oui, quoique moins adroit que mon mentor. Il fallait agir pour notre survie, alors je lui présentai une tunique dorée, conçue pour résister à une chaleur extrême. Siryasius la déchira de son ongle, révélant son torse, et l'essaya. Trop petite, elle craqua sous la tension. J'anticipai le pire... quand il éclata de rire.

— Vraiment ?

— « Pas mal, la qualité. Et ton accueil, comme si j'étais un client ordinaire malgré la conquête récente de cette ville, m'a séduit. Souhaites-tu me servir, demi-elfe ? » déclara-t-il. Mon mentor explosa alors, l'insultant. Ce fut bref, Siryasius le tua sous mes yeux avant de me proposer un contrat. Que j'ai signé.

Rizael recula, l'incrédulité peinte sur son visage.

— Tu travailles sous ses ordres, par contrat ?!

— C'était ça ou la mort. Ce contrat me garantit un statut d'employé auprès de Siryasius, avec un salaire et des jours de repos.

— Mais tu n'as plus de liberté ! Es-tu sorti d'ici ?

Avec un détachement feint, Thalion haussa les épaules. Rizael, cherchant à comprendre, s'avança vers la fenêtre pour n'y découvrir qu'un désert de sable doré à l'infini, un paysage totalement étranger à tout ce qu'il connaissait.

— Nous sommes autorisés à sortir occasionnellement, mais s'aventurer trop loin déclenche une punition de Supplice : il nous ampute d'un doigt de pied. Je n'ai assisté à cette cruauté qu'une seule fois. Je n'ai pas l'intention de m'enfuir ou de déserter mon poste.

— Thal, si tu ne possèdes pas de véritable liberté, tu es un esclave ! Tu... par les dieux... Tu es le tailleur de Siryasius ! Le fléau de Lae'Thys ! C'est par sa faute si nous avons tout perdu !

— Peut-être pas tout. Et... à vrai dire... Je me trouve plus épanoui que je ne l'ai jamais été.

— Comment peux-tu dire une chose pareille ?!

— Te souviens-tu combien j'étais timide et maladroit ? Je n'avais aucun avenir. Contrairement à toi, ma famille manquait de moyens. J'aurais fini dans l'ombre de mon père comme un tailleur médiocre dans une bourgade. Ici, mes créations habillent une figure de renom.

— Thalion, es-tu devenu fou ? Nous parlons de Siryasius.

— Le maître est-

— Tu le nommes ainsi ! Regarde comment tu as changé !

— Siryasius, continua-t-il, n'est pas aussi terrible qu'on pourrait le croire. Certes, d'un point de vue éthique et moral, il est déplorable... mais rappelons-nous d'où il vient. Cela dit, il respecte mon travail. Il accède à toutes mes requêtes, même les plus exorbitantes, car il estime mes talents. Et, il faut l'admettre, son sens de l'humour n'est pas sans charme, par moment.

Rizael secoua la tête, une expression de dégoût mêlée à de la pitié traversant son visage. Il ne reconnaissait plus son ami, l'enfant avec qui il avait partagé tant de souvenirs, de rires et de rêves entre les arbres de Lae'Thys.

— Tu justifies l'injustifiable et tu trouves du réconfort dans les chaînes de ton 'maître'. Je ne peux rester et cautionner cela.

Avec ces mots, Rizael fit volte-face, son cœur lourd de tristesse et de désillusion.

— Le monde n'est pas tout blanc ou tout noir, Rizi. Je te conseille d'ouvrir ton esprit parce qu'ici, beaucoup de choses risquent de te choquer si tu penses ainsi.

Alors que l'écho des paroles de Thalion résonnait dans l'atelier, Supplice réapparu soudain, sa présence interrompant momentanément la conversation entre les deux demi-elfes.

— As-tu tout ce qu'il te faut pour les mesures ? demanda-t-il d'une voix ferme, ignorant complètement la tension palpable dans l'air.

Thalion jeta un regard rapide à Rizael, avant de se tourner vers Supplice et de hocher la tête.

— Oui, tout est prêt, répondit-il d'une intonation calme, dissimulant habilement toute émotion.

— Le maître m'a informé qu'il recevrait dans deux jours la Reine Sadique à sa table. Il voudra un divertissement. Avant de t'occuper de la garde-robe quotidienne de ce renard, conçois-lui une tenue d'apparat aux couleurs grenat et argenté.

— Parfait. Je vous transmettrais la liste de matériaux supplémentaires dans quelques heures.

Le diablotin cracha au sol. Rizael, déconcerté, ne put déterminer s'il s'agissait d'une provocation délibérée ou d'une simple affirmation de pouvoir.

Supplice tira sur sa laisse pour le faire sortir de l'atelier et le demi-elfe croisa une dernière fois le regard de son ami d'enfance, avant que ce dernier ne s'attèle à sa tâche, le poids des mots échangés pesant lourdement sur leurs épaules.



⚔️PROCHAIN CHAPITRE SAMEDI ⚔️

Comment j'imagine Thalion dans ma tête :

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