31⚔️Une faim de succube


RIZAEL


La prison de la résistance était plutôt modeste et peu inquiétante comparé à celle de la demeure de Siryasius.

Elle ressemblait à une série de couloirs en pierre ordinaire, éclairés par des torches accrochées aux murs. Des portes de bois solides s'alignaient de chaque côté, gardant les occupants de leurs cellules.

Malgré le calme apparent, une tension palpable flottait dans l'air, témoignant de la situation précaire dans laquelle se trouvaient les détenus. Le garde, peu à l'aise dans cet environnement, pressa le pas pour rester près de Rizael.

— Bien. C'est ici que sont enfermés les prisonniers de Siryasius. Certains vont déjà être relâchés, après les interrogatoires menés un peu plus tôt. Mais il y en a une qui résiste.

— La succube ?

— Non, elle est à l'étage inférieur. C'est une autre affaire... Enfin, je ne peux pas en dire plus.

— Ne me cachez rien. J'ai besoin de toutes les informations au cas où elle s'échappe.

— Très bien... Nous l'avons placée en bas car elle dégage une odeur particulière qui attire ses tortionnaires. Beaucoup aimeraient se venger d'elle... de manière... physique. Je ne sais pas ce qui se passe là-bas, mais je ne conseillerais à personne ayant un semblant de morale d'y aller.

— Moon autorise cela ?

— Il a dit que ceux qui désirent une vengeance sur la succube la méritent. Je ne suis pas certain qu'en tant que célestin, il comprend pleinement les implications de laisser une créature féminine à la merci de...

Le garde s'interrompit lorsqu'il vit l'un de ses collègues sortir avec l'un des prisonniers que Rizael reconnut immédiatement.

— Laissez-moi lui parler, exigea-t-il.

— Ah, le renard, fit Grall avec un rictus, les chaînes aux pieds et aux mains. Tu viens assister à ma libération ?

— Tu... es libre ?

— Être un orc ne suffit pas à me tenir captif. Je n'étais qu'un cuisinier. Xol et Thalion sont déjà sortis tout à l'heure. Nous serons autorisés à repartir après l'exécution de Siryasius.

Rizael demanda un moment seul avec le prisonnier, qui lui fut accordé, à quelques pas dans le couloir.

— Que vas-tu faire ?

— Que veux-tu que je fasse ? répondit Grall en serrant les dents. C'est de ta faute si nous sommes ici. Mais on s'y attendait presque tous.

— Grall, je-

— Je m'en fiche, en réalité. Mais je pense à Siry. D'accord, c'est un cambion, mais il a un cœur. Des sentiments... que tu as piétiné pour ta survie.

Soudain, Rizael attrapa le col de la chemise de Grall malgré sa grande taille. Les deux gardes se rapprochèrent de nouveau, en alerte, alors que Rizael montrait pour la première fois sa colère aux résistants.

Grall l'observa, surpris mais tout aussi en colère, lorsqu'il écarquilla les yeux.

— J'ai compris... et j'espère que lui aussi. N'attends pas pour le lui dire clairement.

— Et toi n'abandonne pas trop vite. Préviens Xol et Thalion. Je m'occupe des autres.

Grall hocha lentement la tête jusqu'à ce que Rizael relâche son emprise.

Rizael s'éloigna de Grall, ressentant le poids de la culpabilité peser sur ses épaules alors qu'il se dirigeait vers la cellule d'Amalia. La seule qui avait refusé de parler pendant l'interrogatoire.

À l'intérieur, la cellule était plongée dans une semi-obscurité, éclairée seulement par la lueur vacillante d'une torche accrochée au mur. Amalia était assise dans un coin, enchaînée aux murs de pierre, mais malgré sa condition, un sourire radieux éclaira son visage lorsqu'elle vit Rizael entrer.

— Renard ! s'exclama-t-elle avec joie.

— Laissez-nous, ordonna-t-il au garde d'un ton autoritaire, qui obéit sans poser de question, refermant la porte derrière lui.

Rizael s'approcha d'elle avec précaution, observant attentivement les chaînes qui entravaient les mouvements de la jeune fille.

— Je ne pouvais pas rester sans te voir, dit-il doucement. Comment te sens-tu ?

Amalia haussa les épaules avec un petit soupir.

— Les gens ont été gentils avec moi, mais quand j'ai refusé de répondre à leurs questions sur le maître, ils m'ont enchaînée.

— Pourquoi n'as-tu pas répondu ?

— C'est Bea qui m'a dit de ne pas le faire ! Et le maître m'a toujours dit d'obéir à Bea. Est-ce qu'elle va bien ? Les gens en armure lui ont fait mal avant que l'on soit séparés...

— Je ne sais pas... Je vais aller la voir après, mais d'abord, il faut te sortir d'ici. Je vais dire que je t'ai interrogée.

Rizael se mit à jouer du violon pour distraire d'éventuelles oreilles indiscrètes, plongeant l'atmosphère de la cellule dans une douce mélodie qui semblait apaiser les tensions. Puis, avec précaution, il s'agenouilla près d'elle pour vérifier si elle était blessée.

— Il ne faut pas qu'il découvre ta vraie nature, murmura-t-il, ses yeux empreints d'inquiétude fixés sur elle.

— Bea m'a dit la même chose. Mais le maître m'avait dit de ne pas en avoir honte et que c'était une grande force !

— Siry a raison... mais il a aussi dû te dire que le monde est cruel envers ce qui est différent. J'en suis l'exemple parfait, parce qu'en te découvrant... j'ai failli...

— Mais le maître était là pour t'expliquer ! s'exclama-t-elle avec un mélange de foi et d'innocence. Si on leur explique, les gens comprennent !

Rizael lui adressa un faible sourire, mais ses pensées étaient assombries par les réalités du monde extérieur.

— Est-ce que le maître va bien ? Il va tous nous aider contre les méchants, hein ?

— Les méchants... Tu sais, ce n'est pas vraiment... Hm. Ces gens en veulent à Siry parce qu'il a été méchant avec eux.

— Alors il doit s'excuser !

— Siry ne s'excusera jamais. Je le connais.

— Si c'est toi qui lui demande, il le fera, non ? Thalion avait dit avant-hier qu'il ne pourrait plus rien te refuser. Que tu avais « un pouvoir » sur lui. C'est vrai ?

Le regard de Rizael vacilla un instant, déconcerté par ces paroles. Il ne pouvait nier l'influence qu'il avait sur Siryasius, mais il n'était pas sûr que cela suffise à le faire changer d'avis sur certaines choses.

— J'aimerais que ce soit vrai.

— Est-ce que le maître est ton amoureux ? demanda-t-elle avec innocence.

Rizael eut un léger mouvement de recul, pris au dépourvu par la question.

— Quoi ? Est-ce que tu sais ce qu'est l'amour ?

— Oui, c'est Bea qui m'en a parlé ! Et c'est elle qui m'a dit que vous étiez amoureux et que c'était totalement répugnant !

— Je dois vraiment avoir une conversation avec cette succube...

Après avoir joué suffisamment longtemps du violon, Rizael s'attarda un instant de plus, s'assurant que les chaînes entravant les poignets d'Amalia n'étaient pas trop serrées. Il ajusta doucement l'une d'elles pour qu'elle ne lui fasse pas mal, lui offrant un sourire encourageant.

— Tu seras libre avant que tu ne t'en rendes compte. Repose-toi maintenant, dit-il doucement.

Amalia hocha la tête, ses yeux brillants de reconnaissance.

— Merci, Rizi. Merci d'être venu me voir.

En entendant ce surnom que seul Thalion employait, Rizael lui adressa un dernier regard réconfortant avant de se détourner vers la porte.

Alors qu'il passait la porte, il se sentit assailli par la culpabilité d'avoir provoqué tout cela. Pourtant, c'est ce sentiment qui le poussait à ne pas les abandonner.

Il s'était lié d'amitié avec des personnes qu'il n'aurait jamais imaginées dans sa vie. Et encore moins Beatrix contre qui il s'était battu pendant de nombreuses années.

— Amenez-moi à la succube, ordonna-t-il au garde. Mon sens moral saura encaisser.

Le garde, surpris par la demande mais obéissant à l'ordre, acquiesça et guida Rizael à travers les sombres corridors de la prison, vers l'étage inférieur où résidait la succube. Les murs semblaient se refermer sur eux au fur et à mesure qu'ils avançaient, laissant une atmosphère oppressante dans leur sillage.

À mesure qu'ils progressaient dans les ténèbres, une étrange aura envoûtante semblait émaner des profondeurs de la prison.

Rizael pouvait sentir le parfum enivrant de Beatrix planer dans l'air, un mélange de fleurs et de musc, qui imprégnait les pierres froides et semblait insidieusement séduire les âmes autour d'eux.

Des murmures étouffés et des rires étincelants résonnaient dans les couloirs, trahissant la présence des gardes attirés par la promesse de plaisirs surnaturels. Ils se pressaient contre la porte de la cellule, espérant apercevoir ne serait-ce qu'un éclat de la créature qui leur offrirait une échappatoire à leur existence morne.

Le garde qui accompagnait Rizael ne semblait pas immunisé contre l'appel de la succube, son regard se voilant d'une lueur avide alors qu'ils approchaient de leur destination.

Rizael, quant à lui, arrivait à y résister car il avait déjà succombé à cette odeur lors de leur plan à trois avec Siryasius. Il restait concentré, vigilant mais avait surtout pitié pour ces hommes réclamant le corps de Beatrix qui ne ferait qu'une bouchée d'eux.

— Je ne peux vous accompagner plus loin, déclara le garde avec une volonté de fer admirable. Vous avez quelques minutes.

Le demi-elfe hocha la tête avant de s'avancer, repoussant avec fermeté les gardes ensorcelés, jusqu'à ce qu'il puisse regarder à travers la fente de la porte, son cœur se serrant à la vue de Beatrix.

Elle était enchaînée par les poignets, les bras étirés vers le plafond, les chaines qui auraient dû retenir ses chevilles brisées.

Une vision déchirante s'offrit à lui : elle était entièrement nue, couverte de sang et de cicatrices, témoignages de la cruauté de ses geôliers.

Rizael écarquilla les yeux, remarquant que certaines d'entre elles n'étaient pas récentes et donc, qu'elle avait l'habitude de cacher la véritable apparence de sa peau avec des sortilèges.

Trois gardes, à moitié dénudés et en train de se branler se tenaient devant elle alors que derrière elle, l'un d'eux frappait avec violence son dos d'un martinet.

C'était leur vengeance, pour tous les camarades perdus au combat à cause d'elle et de ses frères et sœurs incubes et succubes.

Une vengeance impitoyable.

Sans hésitation, il repoussa violemment les gardes pour entrer dans la cellule, ignorant leurs protestations. Le cri de douleur de Beatrix le fit tressaillir, mais il resta déterminé à mettre fin à cette atrocité.

— Arrêtez ! Que faites-vous ?! Vous êtes de la résistance ! Vous œuvrez pour un monde meilleur ! Ne vous abaissez pas à cela ! s'écria-t-il, son indignation éclatant dans sa voix.

— Nous étions venu frapper la putain, répondit tout essoufflé l'un d'eux n'arrêtant pas son geste sur son membre. Mais elle nous force à ceci avec ses pouvoirs.

— Sortez tous ! s'exclama-t-il en venant arracher des mains le martinet au garde.

Mais comme hypnotisés, ils semblèrent incapables de détourner le regard de la succube ensorcelante. Déterminé à les éloigner, Rizael saisit son violon et entama une musique dissonante qui semblait repousser les gardes un par un jusqu'à ce qu'ils quittent enfin la pièce.

Libérée de leur emprise, Rizael se tourna vers Beatrix, qui semblait à moitié perdue dans un état de transe, du sang coulant de la base de ses cornes bien plus imposantes qu'auparavant.

Soudain, elle agrippa de ses jambes la taille de Rizael et le colla contre elle.

Ses yeux d'un jaune luisant se fixèrent à lui alors que ses canines acérées et sa longue langue ne désiraient qu'une chose : le dévorer.

— Beatrix, c'est moi ! C'est Rizael !

La succube, sa queue en pointe aussi tranchante qu'une épée et menaçant de lui trancher le cou, s'arrêta un instant de respirer.

Elle relâcha subitement son emprise et ravala sa salive avant de papillonner des yeux et d'enfin réellement voir le demi-elfe.

— Rizael ? murmura-t-elle, sa voix emplie d'incertitude. Pourquoi es-tu ici ? C'est dangereux...

— J'ai bien compris que le danger ici, c'était toi ! Tu allais manger ces gardes après avoir goûté leur semence, c'est cela ?

— C'était vital...

— Ils étaient en train de te frapper à mort... Tu n'avais pas une autre solution ?

— Ils m'ont assoiffé avec une magie célestienne. Sans leur énergie, j'allais mourir. Mon odeur et tout ça, c'est pour garantir ma survie...

— Putain... Je n'ai pas beaucoup de temps.

Rizael serra les dents, combattant ses propres émotions alors qu'il se mettait à crocheter à l'aide d'un kit, les chaines ensanglantées qui retenaient les poignets de Beatrix

— Est-ce qu'Amalia va bien ?

— Oui, elle va bientôt sortir. Je ne savais pas que tu étais proche d'elle.

— Parce que tu crois que je vais laisser Siry éduquer seul une femme ?

Il esquissa un sourire avant de se reconcentrer, lorsqu'il baissa la tête et croisa le regard de la succube.

— Pourquoi est-ce que tu m'aides ? N'es-tu pas celui à qui je dois cette situation ?

— Arrête de parler, tu t'épuises.

Elle fixa Rizael avec une intensité presque dérangeante, comme si elle tentait de percer à travers ses défenses émotionnelles.

— Réponds-moi.

— Je ne peux pas te laisser comme ça, sinon Siry m'en voudra. Et votre libération dépend de toi.

Beatrix arqua un sourcil, son regard scrutant le visage de Rizael avec une intensité presque palpable.

— La vérité. Ça fait cinq ans que tu es le plus proche de me tuer, Rizael... Tu es le seul membre de la résistance à te ruer sur moi quand Siry est absent... pourquoi ?

— Parce que tu es dangereuse et puissante.

— Tous les autres, les chiens de garde derrière cette porte y compris, ne me voient que comme une salope. Une putain qui avec ses frères et sœurs se sert de ses charmes pour vous vider de votre énergie et vous dévorer. La catin de Siryasius. Ils ne me considèrent pas comme une menace.

— Ils font erreur. Ce ne serait pas la première fois.

Un silence pesant s'abattit entre eux, brisé uniquement par le grincement des chaînes métalliques qui entravaient les mouvements de Beatrix.

— Le fait que tu m'estimes à ce point me dégoûte... mais merci.

Rizael sentit un pincement au cœur alors que les mots de Beatrix résonnaient dans l'air stagnant de la cellule sombre.

Enfin, après de longs efforts, il parvint à la libérer de ses chaînes aux poignets, la succube chancelant dans ses bras affaiblis.

— J'ai besoin de toi. Tu es la seule à pouvoir appeler les Souliers Rouges. S'ils viennent pendant l'exécution de Siry, Moon se rétractera.

— Ils ne passeront pas la barrière du Dieu Sylvestre, sinon les diablotins de Siry m'auraient déjà libéré. Et même si on arrive à les amener, ils ne se retiendront pas de tuer tous les résistants malgré nos ordres.

— Merde... As-tu un meilleur plan ?

— Tumiel. Elle est enfermée plus profondément, mais elle est peut-être morte. Sinon... des négociations.

— J'y ai pensé mais Siry ne voudra jamais.

— Si, il le voudra si tu le convaincs. Dis-lui de céder tous les royaumes conquis ainsi que la Tour Haut-Soleil. S'il refuse pour cette dernière, dis-lui que c'est moi qui l'ai demandé.

— Pourquoi cette tour poserait un problème ? Parce que c'est un lieu du royaume céleste ?

— Parce que c'est là qu'il m'a sauvé.

Rizael ne cacha pas sa surprise alors que la respiration de la succube se stabilisait dans ses bras.

— C'est parce que j'y étais qu'il a déclaré la guerre aux cieux. C'est ma faute et il n'a jamais voulu lâcher cet endroit. Si on s'en sort vivant, je te raconterais cette terrible histoire.

— Si cette tour est rendue, ça pourrait suffire... Sauf qu'il devra également présenter ses excuses. Et Moon ainsi que la majorité de la résistance voudront au moins son exil. Ou sa mort de ma main.

— Le reste dépend de toi mais on ne peut pas bannir un Roi.

— Siry n'a pas de citoyen, ni de royaume.

— Il a un royaume, sur l'immense île de sa demeure. Quant à des citoyens...

Beatrix esquissa un petit sourire que Rizael comprit immédiatement.

Avec précaution, Rizael soutint Beatrix pendant un bref instant pour retirer sa chemise et la lui enfiler, afin de lui procurer un minimum de couverture. Une fois cela fait, il remit sa veste, couvrant à moitié son torse nu, et se tint prêt à l'aider davantage.

— Tu vas pouvoir t'échapper ou tu as besoin de plus d'aide ?

— Si tu n'as aucun scrupule à les abandonner à leur sort, je peux m'en sortir seule.

— Tu vas les... ? commença-t-il, mais elle l'interrompit en hochant simplement la tête, avant de dégager une de ses mèches noires.

— Mais avant, j'ai besoin de ton aide.

— Je ne suis vraiment pas d'humeur à me faire tailler une pipe, plaisanta-t-il légèrement, tentant de détendre l'atmosphère.

— Juste un baiser. Pense à Siry pour t'aider, murmura-t-elle, ses yeux cherchant les siens avec insistance.

Rizael acquiesça et se pencha doucement vers elle, caressant son visage avec tendresse avant de l'embrasser. Elle lui rendit faiblement son baiser et pendant un instant, contre ses lèvres glacées, il craignit qu'elle ait abandonné.

Jusqu'à ce qu'elle lui rende son baiser avec plus d'ardeur, sa langue s'insinuant dans sa bouche. Puis, après quelques interminables secondes, elle se détacha de lui, ses yeux ayant retrouvé une lueur plus vivante.

— Je vais m'en sortir, déclara-t-elle avec assurance. Mais ça va te créer des problèmes si je m'échappe.

— Alors feins la captive le temps de te nourrir puis sauve-toi à l'aube. Je serais hors de tout soupçon.

— Très bien. Occupe-toi d'Amalia et essaie de voir Siry avant son exécution pour lui parler de notre plan. Je te fais confiance pour trouver une issue à cette situation.

Rizael hocha la tête, déterminé à tout mettre en œuvre pour assurer la réussite de leur plan.

— Eh Rizael.

— Quoi ? dit-il alors qu'il l'observait utiliser le tabouret pour faire semblant d'être encore attachée.

— Il serait peut-être temps de reconnaître tes sentiments pour un certain cambion.

— Sois maudite.

La succube lui fit un clin d'œil avant de feindre la victime lorsqu'il ouvrit la porte pour laisser entrer trois nouveaux hommes désirant ses charmes.

Lorsqu'il referma la porte, des gardes attendaient encore leur tour. Il arriva au bout du couloir, là où celui qui l'avait accompagné l'attendait, jusqu'à ce qu'il entende un cri semblable à une jouissance.

— Dépêchons-nous. Ça va bientôt devenir l'enfer, ici.

Malheureusement, après quelques heures de sommeil et un plan minutieusement élaboré, la réalité rattrapa Rizael dès les premières lueurs du soleil.

L'un des gardes, malgré l'assurance de Rizael quant à la libération d'Amalia, avait tout de même fait appel à la demi-orque Thorgar pour examiner la jeune fille à la sortie de sa cellule.

La lumière divine émanant de l'arme de la paladine avait terrifié Amalia, déclenchant ses instincts de survie et provoquant ses cris de terreur. Tiré de son sommeil par les échos de ces cris, Rizael arriva trop tard sur la place centrale.

Un grand attroupement s'était formé, et en s'avançant vers le cercle, il découvrit non seulement Thalion, Grall et Xol, mais également Thorgar, appuyant son marteau sur le torse d'une abomination.

Amalia, transformée par la peur, se trouvait au centre de l'attention, sur le point de payer de sa vie les conséquences de sa métamorphose involontaire.

Rizael se fraya un chemin à travers la foule, poussé par l'urgence de la situation. Son cœur battait la chamade alors qu'il tentait désespérément d'atteindre Amalia avant qu'il ne soit trop tard.

— Arrêtez ! cria-t-il, sa voix portant au-dessus du brouhaha de la place.

Thorgar, armée de son marteau, se tourna vers lui, le visage dur.

— Rizael, cette chose n'est pas naturelle. Nous devons l'arrêter avant qu'elle ne fasse plus de mal.

— Elle n'a fait de mal à personne ! Elle n'a pas choisi cela. Elle est terrifiée. Nous ne pouvons pas lui infliger plus de douleur.

La paladine le regarda avec méfiance, son marteau toujours levé.

— Tu es trop sentimental. Tu ne comprends pas la menace qu'elle représente. Les abominations de ce genre, en grandissant, déciment des villages entiers.

Alors qu'ils se faisaient face, l'abomination gémissait de terreur, les yeux remplis de détresse.

Il se souvint de Siryasius dont il avait pris la place dans cette même situation qu'il avait vécue quelques semaines plus tôt.

— Thorgar, je t'en prie, accorde-moi juste un moment pour la calmer, implora-t-il, son regard cherchant désespérément une lueur de compréhension dans les yeux de la paladine.

Thorgar hésita un instant, puis abaissa lentement son arme.

Rizael se précipita vers Amalia, ignorant les murmures inquiets qui l'entouraient. Il posa doucement sa main sur son épaule, essayant de la rassurer malgré la peur qui lui nouait l'estomac.

— Amalia, murmura-t-il doucement, je suis là. Tout va bien se passer.

L'abomination tremblante, prête à trancher des têtes d'un simple mouvement, sembla peu à peu se calmer, ses yeux rivés sur Rizael.

— Thalion, s'exclama-t-il. Mon violon, s'il te plait.

Son ami d'enfance obéit et lui ramena l'instrument qu'un autre garde avait emprunté à un barde à quelques mètres de là.

Rizael ne quitta pas Amalia des yeux, saisissant l'instrument avec précaution avant de murmurer :

— Tout ira bien. Ne t'inquiète pas. Je suis là, avec toi. On est tous là.

Il commença à jouer une douce mélodie qui apaisa peu à peu ses tremblements. S'approchant lentement, Xol fit apparaître un cercle fleuri aux pieds de la créature pour la calmer, et cela fonctionna.

Au bout de quelques minutes, la jeune fille retrouva son apparence et s'évanouit dans les bras de Grall, prêt à la recevoir.

Rizael poussa un soupir de soulagement lorsque Thorgar pointa son marteau vers eux.

— Laisse-moi l'achever. Cette chose est dangereuse et ne peut rester en vie.

— Ce n'est qu'une enfant. Elle est innocente et de toute façon, elle ne va pas rester ici.

— Tuez-la ! s'écria quelqu'un dans la foule, suivi par tout un groupe.

La tension montait dans la foule, les cris de vengeance et de peur se mêlant dans un tumulte chaotique. Rizael, tout comme Xol et Thalion, se dressa devant Grall et Amalia, déterminé à protéger l'enfant.

— Nous ne pouvons pas la tuer comme cela, répéta-t-il à Thorgar. Laisse-là partir.

— Elle devrait retourner en prison, tout comme ses compagnons.

— Nous ne partirons pas d'ici sans elle, affirma Thalion, suivi par le grognement de Xol.

— Une demi-orc ne fera pas le poids contre moi l'orc de sang pur, répliqua Grall en bombant le torse.

— Rizael, tu sais que laisser un danger même minime revient à le confronter plus tard, de manière plus dramatique. Réfléchis.

— Alors j'en prends la responsabilité. Si un jour dans le futur, cette fille cause des dommages, je la traquerai moi-même et tu pourras prendre ma vie, affirma Rizael avec détermination.

— Tu as perdu la tête.

— Il est temps de lui remettre les idées en place, déclara une voix venant du ciel.

Soudain, Moon atterrit devant eux, son regard scrutant la scène avec sévérité.

— Thorgar, tu ne peux tuer une enfant ici. Pas devant tout le monde, même s'il s'agit d'une abomination. La résistance a d'une réputation à tenir. Nous le ferons discrètement plus tard.

Rizael, le regard rempli d'indignation, se dressa devant Moon, le cœur lourd de déception et d'incompréhension.

— Moon, comment peux-tu dire cela ? Nous... nous ne sommes pas des bourreaux. Nous ne tuons pas les enfants, même s'ils sont différents. Cela va à l'encontre de tout ce pour quoi nous nous battons.

Il fit un pas en avant, sa voix prenant de l'assurance au fur et à mesure qu'il parlait.

— Nous luttons pour la liberté, pour la justice. Mais tuer aveuglément, sans discernement, cela nous abaisserait au niveau de ceux que nous combattons. Sommes-nous si désespérés que nous devons sacrifier nos valeurs les plus fondamentales ?

Les mots de Rizael résonnèrent dans le silence tendu qui enveloppait le groupe. Il chercha le regard de Moon, espérant trouver un éclat de compréhension et de soutien dans les yeux du célestien.

Mais il n'y trouva qu'une pointe d'inquiétude alors qu'il fixait son violon.

— Pose ton instrument, Rizael, ordonna Moon d'une voix calme mais ferme.

— Quoi ? Pourquoi ? As-tu écouté ce que j'ai dit ?

— Pose-le.

— Seulement si tu promets de les laisser partir sans leur faire du mal.

Moon hésita un instant en observant le groupe avant de soupirer et de tendre sa main en direction de la sortie de la forêt.

— Allez-y et ne revenez jamais.

Le groupe hésita, cherchant l'approbation de Rizael qui la donna d'un geste de la tête.

— Tu as pris la bonne décision, murmura-t-il en déposant le violon dans l'herbe.

— Ce n'est malheureusement pas ton cas.

Rizael sentit alors un puissant coup de Thorgar dans le ventre, le forçant à tomber à genoux, retenant sa douleur. Il croisa le regard glacial de Moon, comprenant qu'il avait été trahi.

— Tu n'es plus l'espoir de la résistance dans cet état, déclara Moon. Il va falloir te soigner. Nous avons fait venir un mage capable de manipuler les souvenirs. Grâce à lui, tu oublieras ton expérience de captivité.

— Quoi ?! Non ! Tu ne peux jouer avec ma mémoire !

— Je le dois. Pour la résistance et l'avenir de notre monde. Thorgar, emmène-le en prison. C'est le seul endroit qui sera capable de le retenir le temps de lui éclaircir les idées.

Rizael n'eut pas le temps de protester de nouveau qu'il reçut un coup sur la tête, lui faisant perdre connaissance et se réveiller, quelques heures plus tard, enfermé dans une cellule sombre et étroite.

La douleur physique de sa blessure s'entremêlant à celle de la trahison, et piégé dans un tourbillon d'émotions confuses.



⚔️PROCHAIN CHAPITRE SAMEDI ⚔️

Croquis de logan__em (instagram) 🎶

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