27⚔️Asmodeus


RIZAEL


— Il m'a demandé de te donner ça. Il t'attend dans le hall.

Rizael observa le fourreau de sa rapière, puis leva les yeux vers Thalion, qui lui tendait l'arme avec sérieux.

Le demi-elfe, sans un mot, s'équipa de son arme avant de rajuster la sangle maintenant son violon et son archet dans son dos. Il avait déjà revêtu la tenue confectionnée spécialement pour l'occasion.

Sa longue veste, d'un bleu topaze, descendait jusqu'à ses genoux, ses ornements argentés scintillant à la lueur des torches. Sous la veste, il arborait une chemise d'un blanc éclatant, dont le col ouvert laissait entrevoir une partie de son torse et ses cicatrices.

Son pantalon d'un noir profond était ajusté mais confortable, lui permettant une liberté de mouvement optimale pour jouer de son instrument ou danser. Ses bottes de cuir montaient jusqu'à ses mollets et lui offrait à la fois protection et élégance à ses pas assurés.

— C'est magnifique, répéta Rizael à son ami pour la deuxième fois. Mais es-tu certain que Siry me laissera porter mon épée ?

— C'est lui qui m'a demandé de te la donner. Vu où vous allez ce soir, ton arme ne sera pas de trop. Et aussi, n'accepte rien des démons, pas de pacte et-

— Tu t'inquiètes, Tal ? Je suis loin d'être naïf.

— On parle d'aller dans le Premier Cercle de l'Enfer... Rizi, il n'y a que les chasseurs de démons et quelques puissants aventuriers qui s'y aventurent et en ressortent vivants.

— Alors il ne devrait pas y avoir de problème.

— Fais attention à toi, mon ami.

Après avoir échangé quelques mots avec Thalion, puis Grall et s'être assuré de la présence de Xol près d'Amalia toute la soirée, Rizael s'avança vers le hall où il avait rendez-vous avec Siryasius, son cœur battant un peu plus fort à chaque pas.

Il ne savait pas ce qu'il se passerait ce soir-là.

Sans nouvelle depuis son message musical transmis aux oiseaux, il s'était douté qu'il y ait peu de chance que ses camarades de la résistance l'aient reçu.

Et même si par miracle, c'était le cas, ils n'auraient peut-être pas eu le temps de trouver un moyen de pénétrer chez Siryasius. Il l'avait redemandé à Supplice mais les protections de la demeure étaient solides.

Elle était située sur une île si loin des continents que plus d'une semaine de bateau était nécessaire pour atteindre sa côte. Seuls des privilégiés pouvaient y pénétrer avec, soit un parchemin de téléportation, soit un sortilège magique précis.

Supplice avait ajouté qu'à la moindre intrusion, les araignées présentes dans les geôles pouvaient envahir le hall d'entrée en l'espace de quelques minutes.

Pourtant, Rizael ne pouvait s'empêcher d'être stressé.

Soudain, lorsqu'il aperçut le cambion, son souffle se coupa. Siryasius se tenait là, presque identique à lui dans sa tenue, mais avec une aura de majesté supplémentaire qui le rendait encore plus impressionnant.

Sa veste noire et dorée ornée d'argent, et ne couvrant que son torse nu, brillait sous la lumière ambiante, mettant en valeur sa silhouette musclée

— Oh... murmura Rizael, presque à bout de souffle.

Siryasius tourna la tête vers lui, un sourire léger étirant ses lèvres.

— Tu n'es pas mal non plus. Tu es prêt ? Est-ce que tu sauras appliquer notre plan ?

Rizael hocha la tête avant que Siryasius ne déroule un parchemin devant eux, écrit en langue infernale. Il leva les mains, le faisant léviter et murmurant l'incantation alors que les runes se mirent à les entourer et s'illuminer.

Un portail s'ouvrit devant eux, dévoilant une vallée enveloppée dans un brouillard d'un rouge sombre : le Premier Cercle des Enfers.

Le paysage était désolé, des volcans en éruption au loin, leur lave incandescente dessinant des rivières mortelles à travers le terrain accidenté. Le ciel était une toile de nuages enflammés, éclairé par les éclats intermittents de la foudre.

L'air était chargé d'une odeur de soufre et de mort, et le seul son était celui du vent hurlant, portant les cris des âmes damnées.

— Bienvenue en Enfer, murmura Siryasius. Ce cercle est le terrain de jeu des plus aventureux mortels du royaume terrestre et céleste. Et celui de Tiam.

Rizael ne put s'empêcher de frissonner devant le terrifiant paysage. C'était exactement la description que tous connaissaient à travers les chansons de barde, les cris d'agonies et les créatures démoniaques volant en cercle au-dessus de sa tête en moins.

— Ils te suivent parce qu'ils pensent que tu vas mourir. Une âme terrestre n'a jamais beaucoup d'espérance de vie ici.

— Il est temps que d'autres me suivent, n'est-ce pas ?

Siryasius hocha la tête, impatient, alors que Rizael sortait son violon et son archet.

Il inspira, malgré l'air picotant sa gorge, avant de faire traîner une note en longueur. Cherchant la bonne tonalité, il se mit à sourire lorsqu'il la retrouva.

Le plan de Siryasius pouvait entraîner à la fin de la guerre dans le royaume terrestre, alors il avait cherché tous les moyens de l'aider.

Jusqu'à ce que l'évidence le frappe au cours d'une discussion entre eux, une fin d'après-midi à s'entraîner sur la plage.

— Tu es bien barde, alors pourquoi tu n'utilises pas tes pouvoirs ?

— Parce qu'on me l'a interdit. Je te l'ai déjà dit.

— Pourtant, tu aurais pu cent fois gagner contre moi avec ta musique.

— Ce n'est pas moral.

— Ce n'est pas moi qui vais juger ta morale, Riz. Quand tu en as les moyens, utilise-les. Je ne te briderais pas.

Le cambion avant été charmé, même excité, par la part sombre de Rizael lorsqu'il avait parlé de son père.

Les mots de Siryasius avaient résonné en lui, le poussant à réfléchir à ses propres capacités. Il avait réalisé que le cambion cherchait à libérer son potentiel, même s'il ressentait aussi une manipulation subtile derrière ses paroles.

Il sentit l'énergie magique bouillonner en lui alors qu'il commençait à jouer, la mélodie s'élevant dans les airs et enveloppant le pont massif.

Avec chaque note, il canalisa son pouvoir, faisant appel à un pouvoir longtemps refoulé. La vague d'excitation le parcourant était puissante et il ne pouvait s'empêcher de sourire, pour le plus grand plaisir de Siryasius.

Alors qu'ils franchissaient les grandes portes du palais, la musique de Rizael résonnait à travers les couloirs ornés, attirant l'attention de ceux qui se trouvaient à l'intérieur.

La salle des festivités s'étendait devant eux, magnifiquement décorée de riches tapisseries aux motifs infernaux, de lustres étincelants et de sculptures imposantes sculptées dans l'obsidienne et l'or. Une myriade de démons et de créatures infernales vêtues de tenues extravagantes se mêlaient à la foule, riant et discutant joyeusement alors qu'ils dégustaient des mets exotiques et des breuvages écarlates.

À l'arrivée des deux compagnons, la foule s'écarta instinctivement en voyant ce qui les suivait. Au fur et à mesure qu'ils avançaient, la musique de Rizael gagnait en intensité, captivant l'attention de tous ceux qui se trouvaient dans la salle.

Les conversations s'interrompaient, les regards se fixaient sur les deux compagnons et leur étrange escorte, tandis que la tension électrique montait dans l'air.

Enfin, ils atteignirent le centre de la pièce, où se dressait le trône imposant de crâne de la Reine Sadique, Tiam.

Les étoffes soyeuses s'enroulaient autour de son corps avec élégance, accentuant ses courbes gracieuses et dangereuses. Autour de ses épaules dénudées, elle portait une cape de velours noir, ornée de motifs ciselés d'or. La cape flottait derrière elle alors qu'elle se rapprochait d'eux, lui conférant une aura de majesté.

Des bijoux étincelants ornaient son cou et ses poignets, des pierres précieuses d'un rouge profond scintillant à la lumière des flammes qui dansaient dans la salle. Ses cheveux noirs comme l'ébène étaient coiffés en une cascade de boucles sauvages qui encadraient son visage.

Ses yeux écarlates semblaient brûler d'une intensité hypnotique et un sourire en coin jouait sur ses lèvres, révélant des dents acérées qui promettaient à la fois plaisir et souffrance à ceux qui se trouvaient sur son chemin.

Elle se tenait là, ses yeux écarlates scrutant le cortège qui s'approchait d'elle. Son neveu accompagné du barde, mais surtout d'une armée de mort-vivant guidé par la musique.

Tiam observa l'arrivée de Siryasius et Rizael, sa posture royale ne trahissant aucune émotion apparente. Son regard balaya d'abord Siryasius, puis se posa sur Rizael.

— Un présent des plus exquis m'a été apporté, déclara-t-elle de sa voix envoûtante. Je ne m'attendais pas à une telle audace.

Siryasius s'inclina légèrement, son visage impassible cachant ses pensées les plus profondes. Rizael, en revanche, se tenait avec une fierté provocante, croisant le regard de la reine sans faillir.

Mais alors que Tiam s'apprêtait à forcer le demi-elfe à la respecter, cette dernière détourna son attention sur le nouvel invité dépassant leur cortège.

— Oh, frère chéri, quelle agréable surprise !

À côté de Rizael, Siryasius se raidit, tandis qu'une aura oppressante les enveloppait, signalant l'approche du nouvel arrivant.

— Cette mise en scène est dépourvue de toute valeur, commenta froidement la voix imposante de Disyasius.

Il se tourna pour faire face à son fils et leur ressemblance frappante fit vaciller Rizael. La stature encore plus dominante de Disyasius, son allure glaciale, et ses ailes démoniaques parsemées de filaments dorés éclipsaient la majesté de Siryasius.

Rizael peinait à maintenir son regard face à une telle splendeur. La terreur et l'attraction se mêlaient, expliquant l'impensable : pourquoi des mortels pourraient succomber à un pacte infernal.

— Tu as amené un jouet avec toi ? interrogea Disyasius, sa voix grave emplie d'un désintérêt manifeste tandis que son regard scrutateur glissait sur le demi-elfe comme s'il n'était qu'un objet insignifiant.

— Il n'est pas un jouet, répliqua Siryasius, son ton se durcissant légèrement. C'est Rizael Silverleaf de Lae'Thys, l'espoir de la résistance. Ma tante a exprimé le désir de le voir en personne pour son anniversaire.

À ces mots, une lueur d'intérêt s'alluma dans les yeux de Disyasius, piquant sa curiosité. Il s'avança avec une démarche déterminée, sa sœur s'agrippant à son bras dans un geste de possession évidente, ses yeux brillants de malice et d'amusement.

— Lae'Thys, répéta Disyasius. Là où mon bâtard indigne n'a pas été fichu de mourir.

Disyasius s'arrêta juste devant Rizael, le dévisageant avec une intensité qui aurait fait vaciller un homme de moindre conviction.

Bien qu'entouré d'adversaires redoutables, il resta immobile, son regard fixé sur Disyasius, défiant silencieusement l'aura oppressante du souverain démoniaque.

Affronter Siryasius pendant des années l'avait préparé à supporter non seulement les provocations verbales des démons mais aussi la lourdeur de leurs regards.

— C'est pathétique et je suis certain que ce barde a plus d'intérêt que toi à rester ici. Un héros de la résistance, réduit à un simple pion sur l'échiquier de nos plaisirs, contre un vulgaire cambion.

— Peut-être mais même enchaînée, un pion peut se révéler plus dangereux qu'un roi sur l'échiquier. La partie n'est pas encore terminée.

Disyasius fronça les sourcils face à la répartie du demi-elfe avant de regarder le cortège macabre derrière eux.

— Et que peut donc encore faire le barde de la résistance ? demanda Tiam en se léchant les lèvres.

— Vous désirez une démonstration ?

La Reine Sadique, intriguée, acquiesça d'un signe de tête, tandis que Disyasius observait, une curiosité teintée de scepticisme se dessinant sur son visage impénétrable.

D'un mouvement fluide et assuré, Rizael posa l'archet sur les cordes et entama une mélodie envoûtante. Le son pur et cristallin du violon se propagea, captivant instantanément l'assemblée.

Sous l'influence de la musique, les morts-vivants commencèrent à s'animer, leurs mouvements désordonnés se muant en une chorégraphie fascinante.

À mesure que Rizael jouait, sa musique tissait un charme puissant, chaque note dictant les pas des danseurs macabres. Ce qui avait commencé comme une simple démonstration de force se transforma en un spectacle éblouissant, les morts-vivants exécutant une danse complexe et harmonieuse, guidés par l'archet du barde.

Tiam, Disyasius et les autres démons présents ne purent s'empêcher d'être captivés par le spectacle.

— Vraiment impressionnant.

Soudain, Rizael sentit un frisson si intense le parcourir qu'il se figea sur place.

Son archet semblait désormais aussi lourd que le plomb. Sa respiration se fit saccader, chaque inspiration devenant une lutte.

Les morts-vivants se dissolurent en une brume à la suite d'un claquement de doigts. Le silence retomba brusquement, remplacé par le son lourd et menaçant des pas d'une entité qui s'approchait.

Une aura oppressante envahit l'espace, faisant perler la sueur sur la nuque de Rizael. Un souffle chaud frôla sa chevelure, et l'air chargé d'une présence infernale lui souleva l'estomac.

Sans réfléchir, sous la pression écrasante dans son dos, il s'agenouilla, vaincu par une force qu'il ne pouvait voir mais seulement ressentir.

— Ton art, bien que remarquable, ne saurait masquer ta vulnérabilité.

Une main, gigantesque et d'une puissance sans égal, se posa sur sa tête. Contrairement à la douceur familière du contact de Siryasius, cette emprise était lourde de menaces, promettant une destruction sans effort.

— Tu es ici sous mon regard, et c'est un privilège que tu ferais bien de ne pas oublier, continua la voix.

Rizael, malgré la terreur qui l'étreignait, leva doucement les yeux, déterminé à affronter celui qui osait le soumettre.

Au-dessus de lui, des yeux qui le fixait non pas avec colère, mais avec une froide curiosité.

— Asmodeus.

Le nom de l'Archidiable fut murmuré par Tiam et provoqua la révérence de tous les démons présents...

Tous sauf Siryasius qui fixait la main sur la tête de Rizael.

Asmodeus, percevant le regard du cambion, tourna lentement sa tête imposante vers lui, un sourire énigmatique ourlant ses lèvres.

— Ainsi, tu refuses de t'incliner, Siryasius ?

Il resta silencieux, ses yeux ne fléchissant pas sous le regard perçant d'Asmodeus. Au lieu de cela, il fit un pas en avant, comme pour protéger Rizael de l'oppression de l'Archidiable.

— Mon allégeance vous appartient, sans conteste. Mais n'oubliez pas que ma colère, une fois éveillée, connaît peu de limites, rétorqua-t-il.

— Rizael est à toi ?

— Retirez votre main.

— Tu oses me donner un ordre ? Ta tête comme la sienne pourrait voler en un claquement de doigts.

— Retirez. Votre. Main.

Rizael, saisi par une terreur glaciale, ne pouvait qu'observer, fasciné et horrifié à la fois. La tension entre Siryasius et l'Archidiable chargeait l'air d'une électricité presque visible.

Il se demandait si Siryasius était atteint de folie ou était tenté par le suicide en provoquant l'Archidiable.

Toute la salle était pendue aux lèvres d'Asmodeus et d'un coup d'œil, il voyait l'excitation de Tiam à sa droite.

Il se rendit compte de l'évidence : Siryasius n'avait aucun soutien ici, sauf lui.

Asmodeus, après un moment qui semblait s'étirer à l'infini, inclina légèrement la tête, son regard toujours fixé sur Siryasius.

— Tue-le.

À ces mots, le cambion fit immédiatement apparaître son épée massive qu'il pointa à quelques centimètres d'Asmodeus.

L'insulte, plus lourde que tout outrage, suspendit le temps, tous les regards convergeant vers Siryasius, le cambion qui osait tenir tête à l'Archidiable.

— Seigneur, intervint Disyasius craintif de subir les répercussions de cette folie de son fils, l'air vicié des royaumes terrestres a dû lui faire perdre la raison.

Asmodeus, cependant, demeura silencieux, son regard impénétrable fixé sur l'épée de Siryasius. La salle retenait son souffle, attendant la réaction de l'entité si puissamment défiée. Après un moment qui parut une éternité, un sourire se dessina sur le visage d'Asmodeus.

— Refuses-tu de tuer ton propre ennemi ? On m'a rapporté qu'il était le fils de ceux ayant causé ta mort à Lae'Thys. Ne désires-tu pas le punir ?

— Si nous devions poursuivre chaque enfant pour les fautes de leurs ancêtres, alors les trônes de l'enfer jusqu'aux cieux se videraient de leur lignée. Rizael, par son courage et son ingéniosité, s'est montré indispensable à mes desseins. Sa fin ne ferait qu'entraver mes plans.

Siryasius fit disparaître son épée avant d'enfin s'agenouiller devant Asmodeus et de dire :

— Mon seigneur, quand ai-je failli à mes engagements ? Accordez-moi votre confiance, comme vous l'avez fait par le passé.

Asmodeus, le regard toujours planté dans celui de Siryasius, laissa planer un silence lourd de réflexion. Finalement, son sourire s'élargit, une lueur d'amusement ou peut-être de respect, traversant ses yeux sombres.

Il retira sa main de la tête de Rizael et pencha la tête sur le côté avant de jeter un coup d'œil au père du cambion.

— Disyasius, intervint Asmodeus avec une tranquillité qui contrastait fortement avec la tension ambiante, pourquoi Siryasius n'a-t-il pas encore été proclamé prince ? Ses exploits sont légion, sa loyauté sans faille, et pourtant, il semble qu'une reconnaissance formelle lui échappe encore. Pourquoi est-ce ainsi ?

Disyasius, pris au dépourvu par cette interrogation directe, sembla chercher ses mots, sa posture autrefois imposante maintenant marquée par une gêne évidente. À ses côtés, Tiam détourna le regard, sa contenance habituellement assurée laissant place à un malaise palpable.

— Seigneur, la succession est complexe... et Siryasius, bien qu'exceptionnel, est un bâtard. Un cambion qui...

— Les preuves, Siryasius les a fournies maintes et maintes fois. Sa valeur ne fait aucun doute, sauf peut-être pour ceux qui craignent de voir leur pouvoir contesté par un nouveau prince.

— Je suis prête à lui donner le statut de Roi Consort du Premier Cercle, si c'est votre désir.

La réflexion de Tiam avait provoqué une montée de vomi chez Rizael qui se remémora à nouveau comment la tante désirait le corps de son neveu. Ainsi que les multiples traumatismes qu'elle avait dû créer et qui, encore aujourd'hui, perturbaient Siryasius.

— Que désires-tu, Siryasius ?

— Le respect d'un père.

Ses mots, simples mais lourds de sens, tombèrent dans un silence de plomb. Rizael, sidéré, mesura toute l'ampleur de cette révélation faite en plein cœur des enfers. Il l'avait avoué devant tous, devant l'Archidiable lui-même...

— Tu n'es qu'un fils de putain humaine, jamais un prince.

...et Disyasius, malgré la pression, n'avait pas changé d'avis.

Malgré toutes les conquêtes de Siryasius, ses hauts faits, son influence, les bonnes grâces d'Asmodeus, il n'était pas à la hauteur de l'estime de son père.

Il ne le serait jamais.

— Alors je n'ai pas le choix.

Asmodeus s'avança jusqu'au trône vide de Tiam et prit place. Il ordonna à la Reine Sadique de se tenir à ses côtés en tant que témoin, avant de demander à Siryasius et Rizael de s'avancer.

Il fit apparaître un parchemin devant lui ainsi qu'une plume venant couper la main de Tiam pour écrire avec son sang des symboles infernaux.

La tension était intense et, peut-être que seul Rizael l'avait remarqué, mais il y avait désormais bien plus de démons dans la salle. Certains étaient habillés avec le même faste de la Reine Sadique et il supposa, par leurs impressionnantes apparences, qu'ils étaient Roi et Reine des autres cercles.

— Rizael Silverleaf. Tu seras le témoin terrestre de ma déclaration.

Le demi-elfe ne comprit pas mais ne posa pas de question alors que d'un geste du doigt, Asmodeus invitait Siryasius à se mettre à genoux devant lui.

— Siryasius. Toi qui défies audacieusement le Dieu de la Mort. Toi dont les prouesses sèment à la fois terreur et admiration à travers les Cercles Infernaux. Toi, né de la fusion de deux mondes, cambion bâtard, fils de putain, rejeté par ton propre Roi qui ne reconnaîtra jamais ta légitimée...

Sous le regard de l'assemblée, le parchemin enflammé par les mots d'Asmodeus se consuma, libérant des symboles infernaux qui vinrent se nicher autour de la tête de Siryasius, formant une couronne éphémère de flammes et de ténèbres.

— Je te nomme mon émissaire entre les mondes, de la poussière des terres mortelles au sommet des cieux.

Les symboles, dans un tourbillon de fumée, s'estompèrent alors qu'Asmodeus proclamait :

— Désormais, tu avanceras dans ta conquête sous ce titre : Siryasius, Souverain infernal de la Terre et du Ciel. Car il n'y a qu'un cambion qui puisse régner sur un monde dont il comprend la nature.

Ce que son géniteur avait refusé par mépris, l'Archidiable lui conférait en guise d'ultime consécration.

Ce titre impliquait un pouvoir sans précédent : toute offense envers Siryasius pouvait désormais être punie de mort, sans répercussion aucune.

Rizael, témoin de cette transformation, comprit l'ampleur de la manœuvre lorsque Siryasius, relevant le front, planta son regard flamboyant dans celui de Tiam.

Soudain, le demi-elfe comprit que tout avait été longuement calculé par Siryasius.

Ce dernier avait judicieusement manœuvré, sachant qu'Asmodeus appréciait son audace et son efficacité, au point de braver l'autorité même de l'Archidiable.

Reconnaître Siryasius comme prince du Deuxième cercle était inenvisageable pour Asmodeus car le cambion aurait pu disposer d'un pouvoir bien trop grand et partir à la conquête d'autres cercles.

L'alliance avec Tiam, fragilisée par la trahison d'Oliver, n'était qu'un leurre. Siryasius avait discerné les véritables intentions de la Reine Sadique, désireuse de chaos plus que de victoire. Sa tentative d'assassinat n'était que la confirmation de son désintérêt pour le royaume de son frère, une manœuvre pour maintenir Siryasius sous son emprise.

Le cambion avait compris que son ascension ne serait jamais sanctionnée par son père, malgré un désir secret d'approbation jusqu'au dernier moment.

Sa véritable chance résidait dans l'attrait qu'Asmodeus avait porté à Rizael.

Avoir à ses côtés un héros de la résistance, à la fois captif mais estimé au point de risquer sa vie pour lui, avait tant capté l'attention d'Asmodeus qu'il avait pu envisager les ravages futurs que Siryasius pourrait infliger, même en l'absence de conflit.

En devenant émissaire, un vrai roi, Siryasius s'affranchissait de toute dette envers Tiam, s'appropriant un royaume où les démons pourraient régner en maîtres. Face à cette invasion, seuls les dieux pourraient contester la volonté d'Asmodeus.

Le sourire triomphant de Siryasius, à l'obtention de son désir le plus profond, éveilla chez Rizael un mélange de terreur et de fascination.

« Tout ira bien, tant que je reste à ses côtés, il demeurera maîtrisable » se rassura-t-il, lorsqu'il réalisa soudain l'ampleur de sa pensée.

Malgré tout le mal qu'il incarnait, il venait d'accepter de voir Siryasius devenir roi pour arrêter la guerre.

Il revit les montagnes de morts, les familles détruites, les amitiés effacées, la souffrance, la tristesse et tout le sang versé pendant cinq années.

Tout cela, pour de la reconnaissance.

Pour une vengeance.

L'assemblée resta suspendue dans un silence quasi religieux, digérant la portée de la proclamation d'Asmodeus. La couronne de flammes et de ténèbres qui avait un instant orné la tête de Siryasius se dissipait déjà, mais l'écho de sa puissance vibrait encore dans l'air.

— Que cet honneur soit un fardeau ou une bénédiction, seul l'avenir nous le dira, murmura l'Archidiable. Mais encore une fois, je suis certain que tu vas me surprendre et me divertir bien plus que tous ces rois et reines des Enfers.

Dans l'ombre de ces mots, le visage de Tiam se tordit en une expression de rage contenue. Rizael pouvait presque sentir la fureur qui émanait d'elle. Siryasius, devenu Roi, échappait définitivement à son emprise.

Malgré cela, elle se força à sourire et déclara :

— Quel honneur, mon Seigneur, de faire de mon neveu un Roi en ce jour d'anniversaire ! Que tout le monde célèbre le nouveau souverain infernal avec allégresse et que ce soir marque les mémoires de l'Enfer !

La foule, malgré la réticence, se mit à applaudir avec hypocrisie pendant que passait devant Rizael, la silhouette imposante de Disyasius. Là où Tiam laissait transparaître sa fureur, lui affichait un masque de calme glacé, bien que ses yeux trahissaient une tempête de sentiments contrariés.

L'humiliation n'était pas moins intense, mais son expression était celle de la froideur aristocratique, d'un dignitaire contraint d'avaler une offense publique sans pouvoir y répliquer.

Disyasius, malgré sa position et sa puissance, se retrouvait relégué au rang de spectateur dans l'histoire de son propre héritage.

Dans tout ce tumulte, alors que Rizael observait Siryasius se redresser dans toute sa majesté, il se dit que la guerre pourrait peut-être avoir une conclusion moins sanglante qu'ils l'auraient imaginé.



⚔️PROCHAIN CHAPITRE SAMEDI ⚔️

Bienvenue au Premier Cercle ! Est-ce que ça vous plait ? Qu'avez-vous pensé de cette arrivée de Riz et Siry ? De la façon dont ils se sont tenu face à Asmodeus ?

Croquis de logan__em (instagram) 🎶

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