24⚔️On veut de toi


SIRYASIUS


Dans le calme du matin, Siryasius s'attendait à trouver un Rizael perturbé, peut-être même hanté par les récents événements.

Il imaginait le demi-elfe pris de remords ou de confusion face à ce qui s'était passé entre eux, leur nuit partagée étant loin de ce qu'il considérait habituellement comme la norme.

— Bonjour.

Pourtant, il n'en fut rien.

Rizael semblait maître de ses émotions, à un point que ce fut le cambion qui en fut décontenancé.

Le retrouver occupé à préparer sa tisane dans la modeste cuisine du deuxième étage ne fit qu'ajouter à la surprise de Siryasius.

— Tu as l'air de bonne humeur petit Siry, remarqua Calamité en train de couper les herbes médicinales.

— Je me sens d'humeur à conquérir un nouveau royaume, rétorqua Siryasius, entrant dans le jeu de la légèreté pour masquer son trouble.

— Et moi, d'humeur à contrecarrer tes plans, riposta Rizael sans tarder. Ne pense pas que je sois sans défense simplement parce que je suis désarmé. Je pourrais très bien me servir de ceci.

— Des baguettes de cuisine ? Oh ! J'aimerais bien voir où tu pourrais me les mettre.

— J'ai beaucoup d'imagination.

— Personne ne va tuer personne aujourd'hui, intervint Calamité. Rizael a accepté tôt ce matin de déménager sa chambre à l'autre bout de cet étage.

— Pardon ?

— Comme tu m'as missionné pour le cas d'Offarios, j'ai pensé qu'il serait judicieux que Rizael soit là pour t'aider et veiller sur toi pendant mon absence.

— Je suis parfaitement capable de prendre soin de moi, protesta Siryasius. Je sais cuisiner, même si c'est de manière approximative, et bien d'autres choses encore.

— Mais tu es le fils d'un roi.

— Un bâtard, corrigea Siryasius.

— Néanmoins, de sang royal.

— Tu te méfies de tout le monde et tu acceptes que mon ennemi de toujours s'occupe de moi ? Est-ce que l'âge t'aurait fait perdre la tête ? Ou le manque de soufre ?

— J'ai accordé une part de ma confiance à Rizael.

Les mots de Calamité interrompirent brusquement Rizael dans sa préparation, visiblement troublé par les mots du diablotin.

Quant à Siryasius, il était perplexe.

Pour lui, la confiance de Calamité, qui l'avait pratiquement élevé, était d'une valeur inestimable, accordée à très peu.

Il se rappela la prudence avec laquelle le diablotin avait autrefois accueilli Beatrix, la lenteur avec laquelle il avait permis à Oliver d'entrer dans leur cercle rapproché.

— Je veux te parler un instant, ordonna Siryasius à son serviteur. En privé.

Calamité quitta la cuisine avec lui et, lorsqu'il fut assez éloigné, Siryasius se massa les tempes et demanda :

— Qu'est-ce qui t'a convaincu chez lui ?

— Il t'a sauvé la vie sans hésiter.

— C'est parce qu'il a l'habitude de faire des trucs stupides de héros comme foncer vers le danger sans réfléchir. C'est leur truc.

— Il semble tenir à ta vie.

— Parce qu'il adorerait être celui qui me la retire.

— Petit Siry, Grall m'a dit que tu avais dit Vraskelia à Rizael.

Siryasius avala difficilement sa salive, visiblement mal à l'aise sous le regard scrutateur de Calamité, mais son expression renfrognée ne s'effaça pas pour autant.

— Et alors ? J'ai peut-être usé de Vraskelia pour gagner sa confiance, mais c'était dans l'intention de- aïe !

Le coup de canne sur la jambe lui servit de rappel cinglant. Les mensonges n'avaient pas leur place entre eux, et Siryasius le savait bien.

— Manipuler Rizael pour le conduire à sa perte serait une trahison de ton Vraskelia envers lui. Penses-tu vraiment pouvoir vivre avec ça ?

— Il ne partira pas, s'entêta Siryasius, refusant d'admettre l'évidence.

— Il aspirera à la liberté, car c'est ce qui brille dans son regard. Rizael cherche à vivre libre, pas entravé.

— Pour qu'il se sauve et me poignarde au passage ?

— On ne retient pas ceux qu'on respecte autant. La plus grande marque d'estime que tu puisses lui offrir, c'est de lui rendre sa liberté.

Siryasius jura, sa colère à peine contenue, avant de déclarer :

— Rizael est mon prisonnier. Mon outil contre la résistance. Le laisser partir serait renoncer à un avantage crucial. Sans parler de tout ce qu'il sait désormais sur moi. Comment pourrait-il retourner parmi mes ennemis sans représenter une menace ?

— Si réellement il t'est fidèle...

— « Personne n'aime Siryasius, alors Siryasius n'aime personne ». Tu as oublié que je ne méritais l'affection sincère de personne. Rizael ne tient pas à moi. Il me tolère. Il m'observe, m'analyse, pour mieux me manipuler dans l'avenir et...

Il s'interrompit, son regard croisant celui de Rizael qui revenait avec la tisane. Dans cet instant fugace, un silence pesant s'installa, chargé d'une tension palpable.

— Crois-tu vraiment que je laisse le premier venu me sucer ? lança Rizael, un sourcil arqué.

— Il est préférable que je m'éclipse, murmura Calamité, s'évanouissant dans un nuage de fumée.

Siryasius, habituellement si maître de lui, trouvait soudainement ses certitudes ébranlées par le regard direct et les paroles de Rizael.

— Ce qu'on a fait, je l'ai choisi, en pleine conscience des conséquences et comme tu l'avais dit, en mettant de côté toutes les manigances, rétorqua Rizael d'une voix ferme mais calme.

— Je... J'ai du mal à croire que tu aies pu, sans arrière-pensées, apprécier cette nuit.

Rizael posa la tisane à côté d'un vase et fit quelques pas vers le cambion, réduisant la distance entre eux. Son expression était sérieuse mais celle de Siryasius la soutenait et refusait de se laisser encore prendre au dépourvu.

— Pourquoi es-tu directement retourné dans ta chambre hier soir, après ce que l'on a fait tous les deux ? demanda Siryasius. Tu craignais de dormir avec moi ?

— Ton instinct t'aurait poussé à m'étrangler en pleine nuit, donc oui.

— Bien vu.

— Qu'est-ce que tu attends de moi, Siry ?

Siryasius inclina la tête et contempla la gêne qui semblait envelopper Rizael après avoir prononcé son diminutif. Il observa son geste distrait de passer une main dans ses cheveux argentés et s'attarda sur sa boucle d'oreille.

Avec une délicatesse inattendue, Siryasius étendit sa propre main. Il effleura la boucle dans un désir de l'arracher d'un coup sec, mais qui se transforma en une caresse douce quand Rizael pencha son visage vers sa paume pour réclamer un contact plus tendre.

La chaleur monta soudainement dans les veines de Siryasius, une sensation étrange pour quelqu'un originaire des profondeurs infernales. Il déglutit et tenta de masquer sa confusion avec son visage impassible.

Il ne comprenait pas son propre désir.

La nuit passée avec Rizael avait ébranlé ses convictions, éveillant un désir qu'il pensait être une flamme éphémère et destinée à s'éteindre avec l'aube. Mais maintenant, cette flamme brûlait plus ardemment et défiait toute logique.

Rizael, avec ses traits elfiques que les critères infernaux jugeraient repoussants, incarnait une beauté complexe et troublante aux yeux de Siryasius.

Il était fasciné par son harmonie. Son physique mince mais robuste, sa peau parsemée de cicatrices, ses cheveux rappelant la lueur de la lune et ses yeux.

Le bleu de ses yeux ramenait toujours Siryasius à penser à l'eau d'un lac en plein été. Il imaginait Rizael flottant dans l'eau, le bruit des grillons en fond et le parfum des fleurs.

Puis sa vision transforma le lac d'eau en sang puis il imagina des cadavres flottés et il eut un sourire amusé par son esprit décadent.

— Qu'est-ce que tu attends de moi, vraiment ? réitéra Rizael, brisant le silence qui s'était installé entre eux, chargé d'une tension inexplicable.

Siryasius retira doucement sa main, se rendant compte de l'intimité de leur échange. Il s'éclaircit la gorge, tentant de recouvrer son assurance habituelle.

— Je suis en train de reconsidérer beaucoup de choses.

— Comme arrêter ta conquête, t'excuser auprès de tous ceux dont tu as détruit la vie et te retirer en Enfer ?

— Oui bien sûr, et avec ça, tu veux une pipe ?

— Il y a des chances pour que je ne refuse pas cette proposition.

Il détestait toujours quand Rizael, avec ses mots, reprenait l'ascendant sur lui.

Il n'y avait que lorsqu'ils combattaient arme contre arme qu'il restait silencieux et qu'il pouvait s'amuser à son tour.

En cet instant, les provocations du demi-elfe avaient sur lui un effet curieusement électrisant, et la journée n'avait même pas encore atteint son zénith.

— Existe-t-il une seule chose qui te détournerait de tes ambitions de conquête ? interrogea Rizael, réduisant encore la distance entre eux.

— Je ne changerais pas, je te l'ai dit qu-

— Je ne te demande pas de devenir un héros. Tu as ta nature. Oui, c'est dégueulasse que tu prennes du plaisir à voir les entrailles de tes ennemies jaillirent, mais... attends, es-tu en train de sourire ?

— Ça fait juste longtemps que je n'ai pas tué quelqu'un, ça me manque.

— Tu es impossible... Mais bon, attendre de toi un changement radical serait naïf. Tu tiens à être « Siryasius », j'ai fini par le comprendre. Toutefois, ton aspiration à la conquête, est-elle vraiment inébranlable ? Je ne le pense pas.

Sentant que le débat s'annonçait long et potentiellement ardu, il saisit la tisane et fit signe à Rizael de le suivre dans la bibliothèque, là où ils avaient eu une longue discussion la veille.

En s'installant dans son fauteuil, il lui proposa de continuer d'un geste de la main alors qu'il laissait le liquide encore chaud glisser dans sa gorge.

— Bientôt, ce sera l'anniversaire de la Reine Sadique, reprit Rizael. Il est probable qu'elle ait chargé Oliver Offarios de t'affaiblir, sachant que tu serais présent à sa cour. Son objectif pourrait être de t'attaquer ou, plus subtilement, de t'humilier devant les autres souverains. Tu m'as expliqué l'importance de la réputation en Enfer... Ce serait une occasion pour elle de démontrer à l'Archidiable qu'elle est plus apte à conquérir les royaumes terrestres, s'appropriant les fruits de tes efforts sans le moindre effort.

— Tes réflexions sont pertinentes... Néanmoins, elles ne m'offrent aucun éclairage nouveau, répliqua Siryasius, impassible.

— Alors, pourquoi persévérer dans cette voie ? Tu possèdes déjà des royaumes riches en ressources et stratégiquement situés. La Tour Haut-Soleil, par exemple. Es-tu conscient de ce que les célestiens et les paladins seraient prêts à offrir pour sa restitution ? Un traité de non-agression à ton égard pourrait être négocié.

— J'ai également envisagé cette possibilité.

— Tu aimes le pouvoir et tu es heureux entouré par la mort, j'entends bien. Mais la conquête exige de gérer ce que l'on acquiert, ce qui te lasse visiblement. Ce que tu chéris, c'est autre chose.

Rizael fit un geste englobant la pièce, ses étagères chargées de livres, puis pointa du doigt la fenêtre entrouverte.

— Ce que tu aimes, c'est le calme, la lecture, le désert, la mer... L'exploration. Alors, pourquoi insister ? Qu'est-ce que la poursuite de cette quête pourrait bien t'apporter, à part te mettre à dos un monde entier ?

— L'approbation de mon père.

Sa révélation laissa un silence suspendu entre eux. Rizael baissa la tête, réfléchissant et pesant ses mots avant de parler.

— Ne penses-tu pas qu'il y ait une part de toi qui mérite de vivre selon ses propres désirs plutôt que de chercher à satisfaire les attentes de quelqu'un d'autre, même s'il s'agit de ton père ?

Siryasius, habituellement si sûr de lui, semblait troublé par cette question.

— Je suis un bâtard. Un fils de putain. C'est une obsession qui me hante, Rizael. Ma légitimité, mon droit de me tenir parmi eux en tant que leur égal, même surpassant leur médiocrité. C'est ce que je convoite. Même si j'ai tué les trois quarts de mes demi-frères et sœurs, je-

— Pardon ?

— C'était vraiment très satisfaisant, dit-il en levant les yeux, un sourire sur les lèvres. Mais je te raconterais en détail plus tard comment ma belle-mère les a mangés sans le savoir pendant l'un de ses repas.

— Tu...

— Je déteste ma famille. C'est des choses qui arrivent. Passons, je veux être reconnu comme prince. Je veux que Disyasius me regarde droit dans les yeux et me dise « ta mère avait tort et j'ai bien fait de te laisser en vie ».

— Le rapport avec ta mère ?

Siryasius laissa échapper un soupir. Les questions de Rizael touchaient des parts de sa vie qu'il ne désirait pas révéler. Des faiblesses pouvant servir à son ennemi.

Mais lorsqu'il croisa le regard du demi-elfe, il n'y vit que sincérité et attention. Après ce qu'ils avaient la veille, il sentit qu'il pouvait en dévoiler plus.

Il lui parla de la relation entre sa mère et son père, d'une nuit très éphémère conduisant à la pire des conclusions : sa naissance. Le rejet de sa mère à cause de sa nature, le fait d'être élevé en secret par Calamité en dehors de la demeure de son père jusqu'à la mort de sa mère.

La découverte de son corps dans l'église d'Etherna, la froideur de son père et de découvrir peu à peu sa vraie nature.

— Il ne faut pas être devin pour comprendre que je suis encore impacté par le manque terrible d'affection de ma jeunesse. Encore maintenant.

— Je l'ai compris... Quand ta tante a dit...

— « Tu m'appartiens, parce que personne ne veut de toi ».

— Tu m'avais dit, en me racontant ce qu'il s'était passé à Lae'Thys, qu'elle détestait les êtres comme toi. Pourquoi a-t-elle subitement changé ?

— À cause de l'intérêt d'Asmodeus à mon égard. Malgré cette expérience, j'étais encore naïf. Elle m'a couvert de compliment, de cadeaux, et j'en ai profité. J'ai remercié l'Archidiable avec une telle ferveur...

— Ne m'en dis pas plus si c'est trop lourd.

— Non, j'ai commencé, je dois terminer. Quelques mois après la venue d'Asmodeus, une nouvelle fête a été organisée. Il était là et n'a pas hésité à montrer qu'il me soutenait. C'était simple. Un geste sur l'épaule. Ce soir-là, tout le monde était en liesse. Tiam a profité de l'inattention de ma belle-famille pour me prendre à part et me montrer à quel point elle me désirait désormais...

— Tu n'étais qu'un enfant, encore une fois.

— Comme si ça allait arrêter la Reine Sadique... La fois d'après, elle m'a saoulé et a abusé de moi dans le bureau de mon père. Il l'a remarqué mais n'a rien dit. Il l'a laissé faire pendant des années. Tous ont laissé faire. Calamité et Grall n'étaient que des serviteurs et un mot de travers aurait causé leur mort. J'étais seul.

— Tu as fini par te rebeller ?

— Non, parce qu'elle m'a convaincu que personne ne voulait de moi, sauf elle. Que personne ne m'aimerait jamais sincèrement. Que je n'étais qu'un jouet, un outil... Et, inconsciemment ou non, j'ai reproduit son attitude. Dernièrement, avec toi. T'appeler comme un jouet, un animal, te prendre le visage de cette façon... Je n'arriverais jamais à me débarrasser de ce qu'elle a foutu en moi.

— On veut de toi.

Siryasius le regarda, les yeux écarquillés, un mélange complexe d'émotions passant dans son regard.

— Tu l'as vu hier soir... Je vois bien que Beatrix ment quand elle dit que ce n'est que votre contrat qui vous lie. Elle est douée pour cacher ses émotions, mais elle tient beaucoup à toi. Et tous les autres, ils t'apprécient à leur façon. Calamité, Grall, Amalia, Thalion, Xol... Bon, on peut oublier Oliver et Fel, mais l'instinct de protection de Tumiel m'a aussi convaincu que tu étais important dans leur vie. Ils ont besoin de toi.

— Hum...

— Ce n'est pas parce qu'on t'a dit toute ta vie que tu ne méritais rien que c'est vrai. Et puis, je commence à t'apprécier, moi aussi.

— Oh ? Vraiment ?

— Disons que pour le moment, je n'ai plus envie de te tuer. Et puis...

Avec une esquisse de sourire, Rizael inclina légèrement la tête.

— J'apprécie le Siryasius qui échange calmement, sans succomber à une fureur dévastatrice.

Siryasius ne put s'empêcher, un instant, de se dire que Rizael était en train de le manipuler pour qu'il abandonne sa conquête des royaumes terrestres et célestes.

Trop empathique, trop attentif, Rizael cherchait à le faire douter de ses aspirations, à questionner sa propre estime, usant des mêmes tactiques que les héros pour inspirer et redonner espoir.

L'espoir.

Cette réalisation emplit Siryasius d'une amertume inattendue.

— Tu essaies de me donner l'espoir d'une autre vie. De me ramener le plus possible de ma part humaine.

Le silence du demi-elfe fut éloquent.

— Je ne peux définitivement pas te faire confiance.

— Permets-moi de te prouver le contraire, répliqua Rizael, déterminé. Teste-moi, comme tu l'avais fait avec ton doppelgänger.

Il l'agaçait. Il aimait et détestait cela à la fois.

Peut-être était-il temps de mettre à l'épreuve les véritables intentions du demi-elfe, de découvrir si derrière ses paroles se cachaient une stratégie plus profonde.

Siryasius se leva et se dirigea vers la bibliothèque, ses doigts glissant sur les reliures anciennes jusqu'à sélectionner un ouvrage spécifique. Il ouvrit le livre à une page marquée par des symboles mystérieux, d'une nature clairement infernale, jusqu'à arriver sur une camomille séchée qu'il retira de la page.

— Suis-moi, ordonna-t-il, son ton ne laissant aucune place à la contestation.

Rizael le suivit sans un mot, traversant la pièce vers la garde-robe de Siryasius. Là, le cambion sortit deux capes sombres et tendit l'une d'elles à Rizael.

Prononçant une incantation dans un infernal ancien et fluide, Siryasius embrasa la fleur. Autour d'eux, une fumée épaisse et sombre monta, saturée de l'odeur piquante du soufre.

Alors que la fumée se dissipait lentement, ils se retrouvèrent enveloppés l'ambiance calme et matinale d'une forêt.

L'air était vivifiant, chargé de parfum : le bois humide, la sève des arbres et l'odeur subtile des fleurs sauvages, dont le parterre de camomille sous leurs pieds. Des rayons de soleil perçaient à travers le dense feuillage, créant un kaléidoscope de lumière et d'ombre qui dansait sur le sol.

Siryasius observa Rizael, attendant sa réaction. L'expression du demi-elfe changea progressivement, ses yeux s'élargirent alors qu'il examinait leur environnement, chaque détail semblant réveiller en lui des souvenirs longtemps enfouis.

Rizael avança doucement, posant sa main sur la mousse, les branches, et observant le ciel bleu au-dessus d'eau.

Alors qu'ils progressaient plus avant dans la forêt, le silence paisible était seulement interrompu par le chant des oiseaux et le bruissement des feuilles sous leurs pas. Bientôt, ils atteignirent un bosquet imposant, une clairière naturelle entourée d'arbres aux troncs massifs.

Rizael s'arrêta au seuil de cette clairière, son regard parcourant avec émerveillement les environs.

— Nous sommes vraiment à Lae'Thys, murmura Rizael. Je croyais qu'elle avait été réduite en cendres par les nains de Sombrine...

— C'était le cas.

— Comment est-ce possible ?

Rizael se tourna vers Siryasius, incertain, avant que ce dernier ne lui montre une souche d'arbre ornée d'un champignon d'un bleu éthéré et enveloppé de mousse, d'où émergeaient de délicates fleurs.

— Ces fleurs, elles évoquent quelque chose pour toi ? demanda-t-il, un sourire en coin se dessinant sur ses lèvres.

— Xol... Veux-tu dire que c'est son œuvre, qu'il a ressuscité toute la forêt ? C'est impensable.

— Rien n'est impossible lorsque les Terranid me doivent une faveur.

— Mais comment ?

— Les nains de Sombrine ne sont pas les seuls à convoiter les ressources des forêts. J'ai rencontré les Terranid lors d'une exploration, pris dans un affrontement désespéré contre des hommes. J'ai choisi de les aider. C'était... une décision intéressante, se remémora Siryasius, son regard pétillant à l'évocation de ce souvenir.

Siryasius ne put s'empêcher de jubiler en se rappelant du massacre qu'il avait causé et de la montagne de cadavre sur laquelle il s'était assis ensuite.

— Seulement quelques Terranid ont survécu, mais avant leur exode, Xol a accepté de se joindre à moi. En échange de leur sauvetage, ils ont consenti à revitaliser Lae'Thys. Un projet colossal qui a exigé d'immenses ressources magiques et un petit massacre à Sombrine afin de les dissuader de futures incursions. Le résultat en valait la peine, tu ne trouves pas ? termina Siryasius, un brin de fierté dans la voix.

— Pourquoi ?

— Pourquoi pas ?

Il se pencha pour cueillir une fleur de camomille, s'approchant de Rizael pour la placer délicatement dans sa poche, près de son cœur.

— La destruction de ta cité m'a rendu si heureux, mais cette forêt... je l'ai toujours estimée. Quand je suis arrivé ici il y a cinq ans, rien n'a été épargné, sauf elle. Ayant les moyens de la faire renaître, je l'ai fait. Ce n'est certes pas le Lae'Thys d'antan, mais c'est un nouveau départ.

Rizael regarda la fleur de camomille nichée près de son cœur. Il releva les yeux vers Siryasius, un mélange de gratitude et de perplexité dans le regard.

— Tu as choisi de restaurer malgré tout ce que tu as enduré, murmura Rizael, reconnaissant. Tu es capable de cruauté, mais aussi d'un geste d'une étonnante gentillesse.

Siryasius haussa les épaules, mal à l'aise avec cette reconnaissance.

— Ne t'y trompe pas. Chaque action a son intérêt. Là, c'était... esthétique ?

— Pas pour m'attirer un peu plus vers ta noirceur ?

La cambion le fixa un instant, évaluant la portée de la question avant de répondre avec un demi-sourire en coin.

— Tu sais, Riz, je n'aurais pas besoin de toute cette mise en scène pour capter ton attention. Si je te laissais indifférent, tu ne me traquerais pas avec tant d'ardeur chaque fois que nos chemins se croisent en combat.

— Ta confiance en toi et tes provocations m'ont toujours irrité.

— Tu peux y mettre fin.

Rizael fronça les sourcils lorsque Siryasius commença à reculer lentement, laissant jusqu'à plusieurs mètres entre eux.

— Fatigué de porter le fardeau du héros ? Des affrontements incessants entre nous ? Je suis prêt à te donner ce que tu désires le plus profondément.

— De quoi parles-tu ?

— Si tu choisis de disparaître dans cette forêt maintenant, je ne te poursuivrai pas. Je ferai courir le bruit que tu es mort, imaginant pour toi une fin sanglante à raconter à tes alliés. Tu deviendras une légende pour eux, une pensée fugace pour moi... Si tu pars, maintenant.

— Est-ce que tu proposes sérieusement...

— Je te donne la liberté que tu convoites tant. Accepte-la et disparais. Choisis de rester, et jure-moi loyauté.



⚔️PROCHAIN CHAPITRE SAMEDI ⚔️

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? De ce qu'à fait Siry pour Lae'Thys ?

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