2⚔️Pourquoi pas ?


RIZAEL


— Ta mère est morte.

Ces mots résonnaient encore dans l'esprit de Rizael avec une clarté glaciale.

Il y a cinq ans, au moment précis où il entendit ces mots, une haine profonde s'insinua dans son cœur, rongeant son âme minute après minute, tandis que les flammes et les cris d'horreur dévoraient sa ville.

Son ami d'enfance, Thalion, portait les marques de la bataille : son œil était balafré, son visage maculé de sang qui n'était pas le sien. Malgré le chaos engendré par l'assaut impitoyable de l'armée démoniaque, il avait réussi à le retrouver.

Thalion, serrant la jambe de son ami, pleurait abondamment tandis que Rizael, immobile, contemplait le corps mutilé de sa mère, tranché en deux par un éclat de la verrière de la salle du conseil de Lae'Thys.

Sa main tremblait, serrant son violon récupéré in extremis chez le luthier avant l'attaque dévastatrice de leur ville. Tout était arrivé très vite.

— Ce sont des créatures des enfers, murmura Thalion, tentant désespérément de contenir l'hémorragie de son œil. Elles sont si nombreuses...

— Qui les dirige ? demanda Rizael, d'une voix méconnaissable qui fit frissonner son ami. La reine du Premier Cercle de l'Enfer ?

— Je l'ignore, mais nos plus vaillants guerriers l'affrontent près de la fontaine centrale.

Ces mots suffirent à Rizael. Il avança, foulant les débris sous ses pieds, avant de s'agenouiller près de sa mère. Il ferma ses yeux, murmurant une prière silencieuse au Dieu de la mort, puis saisit la rapière encore entre ses doigts.

Elle lui avait appris l'art du combat ; il aurait pu être l'un des protecteurs de la ville, si la musique et sa quête de liberté ne l'avaient pas ardemment animé.

— Rizi ? l'interpella Thalion. Tu ne vas pas y aller ?! Tu n'es qu'un barde ! Même avec ta magie, tu ne pourras rien contre ses démons.

— Quelqu'un doit continuer à se battre. Toujours.

Il laissa Thalion derrière lui et se précipita vers la place de la fontaine, où il vit le dernier des soldats tomber, transpercé de part en part par une main rouge.

— Je m'attendais à plus de résistance de la part des mortels, déclara une voix rauque.

Devant lui se tenait un diable à la peau écarlate, orné de cornes imposantes et d'une queue acérée. Son corps nu était sculpté de muscles et de tatouages aux symboles infernaux. Ses yeux entièrement jaunes se posèrent sur Rizael, le détaillant de la tête aux pieds.

— Hm. Ta veste me plait, remarqua le démon.

Décontenancé un instant, Rizael reprit ses esprits lorsque le diable ajouta :

— Je n'avais pas envisagé l'utilité des vêtements pour ma conquête. Cette ville est la première et nous avons l'habitude de combattre dénudé, en Enfer.

Le mot « conquête » fit écho dans l'esprit de Rizael, lui faisant réaliser l'ampleur de la menace. Si cet ennemi n'était pas arrêté, d'autres innocents périraient et les flammes dévasteraient tous les royaumes, de la Surface aux Cieux.

— Pourquoi... murmura-t-il, les yeux emplis de colère.

— Pourquoi quoi ?

— Pourquoi nous attaquer ?!

Le diable leva les yeux au ciel, se grattant négligemment le torse avec ses longues griffes noires, puis un sourire cruel se dessina sur ses lèvres.

— Pourquoi pas ?

Ces mots furent l'étincelle qui embrasa le destin de Rizael.

— Je suis Siryasius, fils de Disyasius, le souverain du Deuxième Cercle de l'Enfer. Retiens bien mon nom, car c'est celui de ton meurtrier que tu porteras devant le Dieu de la mort.

Rizael se dressa face à l'implacable Siryasius.

Le premier à en ressortir vivant, une prouesse inédite.

Pourtant, même le courage du barde n'avait pu endiguer l'avancée de l'armée infernale de Siryasius. Le cataclysme était déjà en marche. Rizael, simple survivant de la première vague destructrice, était devenu bien plus : un symbole de résistance.

Sa voix, empreinte de douleur et de résolution, s'élevait dans des champs de bataille, insufflant courage et unité aux troupes ralliées à sa cause. À travers ses mélodies, Rizael tissait un lien d'espoir et de détermination parmi ceux qui résistaient.

Malgré sa soif de vengeance, les valeurs inculquées par sa mère restaient ancrées en lui : la liberté, la beauté, la bonté. Jamais il ne céda à la haine aveugle. Il devint le pilier des âmes brisées par cette guerre, aidé en cela par ses compagnons.

Après de nombreux affrontements contre Siryasius, il gardait l'espoir que son ennemi puisse un jour percevoir cette lueur de lumière en lui et renoncer à sa conquête démente.

Cinq années plus tard et dès l'instant où Rizael posa le pied sur le sol de la cité volante d'Etherna, les souvenirs de l'attaque qui avait ravagé son foyer l'envahirent.

Cinq années durant lesquelles son monde avait dû combattre contre un démon assoiffé de pouvoir.

— Rizael !

L'appel retentissant de son amie résistante, Thorgar, résonna dans l'air chargé de tension.

La demi-orc paladine, vêtue d'une armure d'acier brossé qui épousait sa stature impressionnante, imposait le respect à quiconque croisait son chemin. Sa peau d'un vert olive témoignait d'un passé héroïque, balafrée par les cicatrices de nombreuses batailles, tandis que ses yeux d'un noir abyssal brillaient d'une détermination farouche.

Lorsque Thorgar toucha le sol, sa descente du dos de leur dragon allié aux écailles bleu sombre, fit trembler la terre sous ses pieds.

Rizael se tenait à ses côtés, contrastant avec la puissance brute de Thorgar. Sa chevelure argentée, tombant librement en mèches rebelles, encadrait un visage d'une finesse elfique, ses yeux d'un bleu clair éclataient d'espièglerie.

Il était vêtu d'une tunique raffinée aux nuances de bleu et de marron, rehaussée de motifs dorés. La veste, ouverte pour révéler une chemise blanche immaculée, était ajustée pour souligner sa silhouette svelte et agile.

À sa ceinture, sa rapière reposait dans son fourreau, la garde ouvragée visible, prête à être dégainée.

— Les lignes de défense sont tombées, annonça Thorgar, le regard balayant les décombres alentour. Rapidement. Trop rapidement. Je ne pensais pas qu'Etherna céderait avant notre arrivée.

— Comment est-ce possible ? l'interrogea Rizael, l'incompréhension teintant sa voix. Pour la ville basse, je comprends. Mais des arcanistes renforcent quotidiennement le bouclier de la partie volante avec leurs sortilèges de protection.

— Wrym pense que des doppelgangers ont infiltré la cité, se substituant aux arcanistes sur plusieurs semaines. Ils ont mimé leurs visages, leurs moindres gestes, avant de frapper en masse à un signal donné, assassinant les véritables gardiens de la barrière.

Tous deux détournèrent le regard vers Wrym, le dragon, dont les grondements résonnaient dans le tumulte du combat. Il luttait avec acharnement contre un dragon infernal aux écailles d'un noir d'encre et aux yeux rouge sang.

Les yeux de Rizael balayèrent les ruines baignées de flammes, les étendues sanglantes et les restes mutilés des victimes.

— J'espère que Moon sait ce qu'il fait, murmura-t-il.

— Nous en avons parlé et c'est notre seule chance. Tu dois tenter le coup avec Siryasius. Tu es le seul qu'il ne souhaite pas tuer immédiatement.

— Parce qu'il se délecte de ce jeu macabre, acquiesça-t-il d'un ton amer. Depuis notre première confrontation, il semble prendre un malin plaisir à me voir me souffrir. Parfois, je me demande s'il ne m'épargne pas juste pour s'amuser. Et Moon l'a compris. Tout le monde l'a compris. Et maintenant, ils veulent tous utiliser cela à leur avantage.

— Mais tu ne vas pas te dégonfler, hein ?

— Non, jamais, répondit fermement Rizael, le regard fixé sur l'horizon embrasé. Nous avons enduré trop de souffrances, trop longtemps. Siryasius doit mourir.

Ces dernières semaines, il s'était préparé mentalement à appliquer le plan de Moon. Victoire ou défaite, il savait que le chemin qui s'ouvrait devant lui était étroitement proche de la mort.

Mais c'était un héros. Si Moon en était le chef, Thorgar l'épée et Wrym le souffle, Rizael était la voix de la résistance. Leur espoir.

— J'ai des craintes sur la réussite de ce plan. Cela fait cinq ans que l'on se bat. Ça ne pourrait pas être aussi simple.

— Ne sois pas si déf...commença Thorgar, avant d'être brusquement interrompue.

D'un geste rapide et protecteur, elle saisit Rizael par le col et le projeta à l'écart, juste à temps pour éviter une flèche empoisonnée lancée depuis les ruines fumantes d'une structure voisine.

Les yeux de la paladine s'embrasèrent d'une colère ardente en identifiant l'assaillant : un des Souliers Rouges, assassin cruel et assoiffé de sang, fidèle du général Fel.

— Et ces monstres sont de la race des « fées » ! s'indigna Thorgar, son épée brandie avec un éclat menaçant. Je vais en envoyer quelques-uns se repentir devant leur maître.

Après un regard empreint d'une tendresse guerrière envers Rizael, Thorgar affirma avec une solennité poignante :

— Que ton courage forge notre avenir.

— Et que ta vaillance inspire des légendes, répondit Rizael, un sourire mélancolique aux lèvres, alors que la paladine s'élançait au combat.

Le demi-elfe resta un moment seul, l'ombre grandissante de la nuit enveloppant la cité que seules les flammes vacillantes éclairaient.

Wrym se battait toujours dans le ciel contre Tumiel, elle aussi dragonne, et son armée de petit humanoïde ressemblant à de minuscules dragons sur deux pattes, d'une rare agressivité.

Les combattants de la résistance, bien que dépassés en nombre, se frayaient un chemin à travers la cité dévastée. L'arrivée de Moon, accompagné de renforts inattendus, insuffla une nouvelle vigueur aux survivants. Sous son commandement, n'importe quel plan désespéré, mais audacieux pouvait prendre forme.

Rizael ne se fiait pas à Moon simplement pour son apparence de célestien, avec ses majestueuses ailes angéliques qui insufflaient espoir et courage face à l'oppression démoniaque.

Sa confiance en Moon découlait de sa conviction profonde en la bonté essentielle du commandant, une bonté qui se manifestait par des actes, non des symboles.

Il avait chanté les exploits de Moon non comme des contes pour endormir les enfants, mais comme des hymnes de guerre pour raviver la flamme de la résistance, pour rappeler que des âmes vaillantes comme la leur pourraient un jour renverser le joug de Syriasius.

Traversant les rues dévastées de la ville qu'il avait foulée il y avait à peine un mois, Rizael sentit la colère monter en lui, un brasier intérieur alimenté par les scènes de désolation qui l'entouraient. Les bâtiments, autrefois majestueux, n'étaient plus que des carcasses fumantes.

Il avançait avec une détermination teintée de tristesse, observant les traces de lutte féroce qui maculaient le sol, les impacts de sorts magiques qui avaient déchiré le ciel de la ville.

Alors qu'il approchait de la place principale, lieu autrefois vibrant de vie et maintenant théâtre d'un affrontement sanglant, son intuition lui donna raison.

Et là, au cœur battant de la cité, son ennemi attendait.

Siryasius, dans un geste aussi théâtral que terrifiant, décapita un résistant, la tête roulant aux pieds de Rizael. Avec une désinvolture glaciale, le démon nettoya le sang de son épée en un sifflement mortel, son regard fixé sur le demi-elfe.

Le temps sembla ralentir, le bruit de la bataille s'estompa, et il n'y eut plus que les deux adversaires, chacun mesurant l'autre.

Dans l'attente du duel qui déciderait du sort de leur monde déchiré.



Rizael be like :

N'hésitez pas à soutenir cette histoire en votant/cliquant sur l'étoile et en laissant un petit commentaire. Ça fait toujours plaisir de lire vos retours et ça m'encourage à continuer !



Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top