17⚔️Le fardeau d'un héros


SIRYASIUS


En ce début d'après-midi, une brise légère caressait ses cheveux alors qu'il se laissait aller dans l'un des fauteuils de la bibliothèque. Les yeux mi-clos, Siryasius contemplait les dunes dorées à travers la fenêtre, son esprit vagabondant vers des contrées lointaines.

Il en avait assez d'être confiné sous prétexte d'une convalescence.

— Encore un peu.

Il tendit son bras, laissant Oliver faire ses derniers examens sanguins sur lui, jusqu'à ce que l'occultiste s'écarte et l'observe avec attention.

— Il y a quelque chose qui cloche, et je sais ce que c'est.

— Oui, c'est la quantité de légumes que tu m'obliges à avaler.

— Tu es en convalescence, mais tu parviens tout de même à te blesser plusieurs fois, ton rythme cardiaque est irrégulier à certains moments, et tu ressens une fatigue inexplicable en plein après-midi...

Siryasius esquissa un sourire en repensant à ce qu'il avait fait à Rizael quelques heures plus tôt dans les bains.

Il avait apprécié ce moment, bien plus qu'il ne l'aurait cru. Ce n'était que charnel, mais avoir le contrôle sur le corps de son ennemi était satisfaisant. Se souvenir des gémissements de Rizael lui provoqua un frisson dans le bas ventre avant qu'il se reconcentre sur l'occultiste.

— La présence du demi-elfe est problématique, conclut Oliver. Il semble t'atteindre autant physiquement que psychologiquement.

— Tu m'as demandé d'être plus « gentil ». Je teste simplement cette idée sur lui.

— Tu aurais dû le tuer depuis longtemps déjà. Il ne m'inspire aucune confiance.

— Je suis du même avis, mais je joue.

Oliver plissa les sourcils, perplexe.

— Rizael Silverleaf est un pilier de la résistance, pas un simple « jouet ». C'est un barde qui sait manier les mots pour rallier les gens à sa cause mais il est également plein de ressource. Ce que je veux dire, c'est que tu ne dois jamais le sous-estimer.

— Je n'ai sous-estimé Rizael qu'une seule fois, répliqua Siryasius d'un ton agacé. Je sais de quoi il est capable. Encore plus maintenant. Il est imprévisible. Un instant, tu penses avoir le contrôle sur lui, et l'instant d'après, tu te retrouves avec un couteau dans la poitrine.

— Peut-on d'ailleurs en parler ? reprit Oliver en désignant la blessure sur le pectoral de Siryasius. Tu as épuisé tout mon stock de potions de guérison en une soirée pour cette blessure. Garder Rizael près de toi finira par te coûter la vie. Utilise-le, puis éloigne-toi rapidement de lui. Ou bien offre sa tête au célestien, je ne sais pas quels sont tes desseins...

— J'ai une idée folle, mais je la garde pour moi.

Siryasius nourrissait l'espoir de gagner la confiance de Rizael, de le séduire malgré toute la haine qui les opposait, et peut-être même de le rallier à sa cause.

Ce coup serait bien plus dévastateur pour Moon et la résistance que n'importe quel affrontement direct.

Il serait l'architecte de la défaite de la résistance tout en assouvissant sa vengeance contre Rizael.

— Comment espères-tu gagner la confiance de quelqu'un qui te déteste à ce point ? demanda Oliver en prenant place dans le fauteuil en face de lui.

— En lui montrant que je place ma confiance en lui.

— Je me demande bien quel stratagème tu comptes utiliser.

— Aucun. Je vais simplement lui montrer qui je suis hors du champ de bataille.

L'occultiste cligna des yeux à plusieurs reprises, surpris, tandis que Siryasius refermait lentement son livre et étirait ses muscles.

— Tu comptes te montrer aussi... transparent ?

— Exactement. Je vais déployer tous mes efforts.

— Mais cela ne suffira pas.

— Alors, je serai aimable et je mangerai tous mes légumes.

— Mon Seigneur, abandonne cette idée. Ta quête n'est-elle pas sur le point d'être achevée ? Avec tout ce que tu as accompli et la chute imminente d'Etherna, ton père reconnaîtra enfin...

Le regard assassin du cambion coupa court aux paroles d'Oliver. Un silence pesant s'abattit sur la pièce, seulement brisé par le souffle régulier du vent à l'extérieur.

— Je me demande combien de temps tu mettrais pour t'étouffer entre mes mains, lâcha Siryasius d'une voix glaciale, son ton empreint d'une menace à peine voilée.

Oliver déglutit avec difficulté, réalisant qu'il avait peut-être franchi une limite en mentionnant le père de Siryasius, un sujet aussi sensible qu'explosif.

Siryasius, quant à lui, maintint son regard fixé sur l'occultiste, son expression impénétrable.

— Oliver, tu es un occultiste qui a obtenu sa magie grâce à un pacte démoniaque. Avec ma tante Tiam, n'est-ce pas ? Mais dis-moi, envers qui es-tu fidèle actuellement ?

— ...Toi. Toujours, répondit-il finalement d'une voix presque étouffée.

— Bien sûr, acquiesça Siryasius d'un air sarcastique. Après tout, ce serait une folie de ta part de me trahir... Tu ne me maintiendrais pas à l'écart du monde avec une excuse de fausse convalescence, n'est-ce pas ?

Un frisson parcourut l'échine d'Oliver alors qu'il tentait de contenir sa nervosité devant la menace voilée dans les paroles du cambion.

— Non, ce serait...

— Idiot. Et tu n'es pas un idiot. Encore moins un traître. Parce que sinon, ça voudrait dire que tu risques bientôt d'enlacer les bras du Dieu de la Mort.

Oliver hocha la tête lentement, son corps raidi par la peur d'offenser davantage le cambion.

— Je compte sortir demain, annonça finalement Siryasius, brisant le silence pesant qui régnait dans la pièce. Est-ce que tu penses que j'ai besoin de ta permission ?

La question était rhétorique, une manière pour Siryasius de démontrer son autorité indiscutable sur Oliver et sur tous ceux qui osaient le défier.

— Tu es mon Seigneur, répondit Oliver d'une voix ferme. Personne n'a autorité sur toi ici. Ni ailleurs.

— Bien, conclut-il simplement avant de se diriger vers la sortie. J'aurais aussi une envie de musique donc je pense amener le barde avec moi. Aucune objection ?

Siryasius ne laissa pas le temps à l'occultiste de répondre qu'il était déjà en marche vers l'étage des serviteurs.

Il demanda à Damnation de prendre les dispositions nécessaires pour sa sortie à l'extérieur, afin d'avertir toutes les personnes concernées, jusqu'à ce qu'il arrive à quelques pas des cuisines et qu'il s'arrête brusquement.

— Si tu fais cela, il va te tuer.

C'était la voix de Rizael, discutant certainement avec Grall toujours devant ses fourneaux et en train de préparer le repas du soir.

En les entendant, Siryasius eut une vague de souvenirs désagréables qui remontèrent en lui. Il se revit aux portes des cuisines dans la demeure de son père, enfant, alors que ses demi-frères et sœurs imploraient la mère de Grall de rajouter des ingrédients capables de l'intoxiquer. L'orc avait toujours refusé, et avait appris à son fils à ne jamais céder, à être toujours un employé fidèle, ce qu'avait fini par devenir Grall.

Le cambion n'avait pas confiance en Grall, mais en son professionnalisme qui l'empêcherait de l'empoisonner.

— Siry doit avoir une alimentation plus saine et je suis le mieux placé pour savoir ce qui lui plaît. Je cuisine pour lui depuis que je suis capable d'agiter une poêle.

— Et moi je suis un demi-elfe qui a eu une alimentation équilibrée toute sa vie. Quasiment. Bref, si tu veux lui faire manger de la betterave, tu t'y prends mal. Laisse-moi faire.

— Toi ? Te laisser toucher à sa nourriture ? C'est ça qui va me tuer.

— Tu n'as pas confiance ?

— Je sers Siryasius et tu le hais. Devine ? Tu es...

Grall s'interrompit au moment où Siryasius arriva au niveau de la porte. L'orc n'avait pas eu besoin de se retourner pour sentir sa présence, contrairement à Rizael qui, malgré sa surprise, fit une légère révérence comme on lui avait enseigné.

Siryasius perçut son air contrarié mais également le rougissement de ses joues, certainement dû à ce qu'il avait fait quelques heures plus tôt.

— Si tu veux me tuer, Rizael, passer par Grall est la pire des solutions. Et mon corps est très résistant à tout type de poison que j'ingurgite.

— L'expérience ?

— Il faut bien que cela serve. Qu'est-ce que tu comptais faire avec ces « bettaraves » ?

Rizael fronça les sourcils en penchant la tête.

— « Betteraves ». Alors tu n'en as jamais mangé ?

— Je te l'avais dit, ponctua Grall les mains sur les hanches. Le goût ne va pas te plaire.

Rizael croisa les bras, un sourire en coin ornant son visage, défiant Siryasius du regard.

— Eh bien, tu devrais peut-être essayer pour voir, histoire de ne pas mourir idiot, lança-t-il d'un ton taquin.

Siryasius releva un sourcil, évaluant la suggestion avec un mélange de scepticisme et d'amusement.

— Peut-être que je devrais, juste pour te montrer que je peux supporter bien plus que tu ne le penses.

Grall les observait en silence, un léger soupir s'échappant de ses lèvres alors qu'il continuait de vaquer à ses préparations culinaires.

Rizael attrapa une betterave sur le plan de travail et, d'un geste théâtral, la tendit à Siryasius. Il prit le légume dans sa main, l'observant avec curiosité.

— Ne vomis pas dans ma cuisine, demanda Grall avant de poser ses baguettes et d'observer la scène.

Siryasius mordit dans le légume et pendant un instant, le silence régna dans la cuisine. D'abord, il fut surpris par la texture croquante et juteuse du légume, puis par son goût sucré, qui se mêlait à une légère amertume.

— C'est... terreux, déclara Siryasius, cherchant ses mots. Étonnamment sucré. Mais ce n'est pas désagréable.

Rizael arqua un sourcil, surprit par la réaction de Siryasius.

— Ça te plait ?

— Eh bien, ce n'est pas aussi horrible que je le pensais, admit-il après avoir avalé une nouvelle bouchée.

— Qui aurait pensé que j'aurais un jour le plaisir de voir Siryasius manger un légume avec autant d'entrain ? commenta Grall qui ne put s'empêcher de sourire.

Le cambion leva les yeux au ciel mais continua de manger avant de passer son pouce le long de sa lèvre inférieure pour en retirer le jus.

Il sentait le regard intense de Rizael sur lui et se dit que le demi-elfe était peut-être en train de réfléchir à la façon dont il pourrait l'empoisonner avec ce nouveau légume, lorsque ce dernier déclara :

— Si tu aimes ça, laisse-moi te préparer quelque chose avec.

— Dans quel but ? Qu'est-ce que cela t'apporterait ?

— Connaitre son ennemi pour mieux le comprendre et l'anticiper.

Siryasius haussa un sourcil, son sourire narquois s'étirant avant qu'il ne croise les bras et dise :

— Demain midi, nous sortons. Un pique-nique. Grall, tu t'occuperais du repas des autres mais je veux que Rizael me surprenne avec ses « bettaraves ».

— Vraiment ?

— Ça faisait longtemps qu'on n'était pas tous sortis en même temps, commenta Grall visiblement heureux. Je vais devoir me lever aux aurores.

— Le barde nous jouera un morceau après le repas, n'est-ce pas ?

Il vit les yeux de Rizael s'illuminer soudainement avant que le demi-elfe ne se reprenne et hoche lentement la tête pour approuver.

— Puis-je savoir où nous allons aller ?

— Pas très loin, tu verras. Et je pense que pour la première fois depuis ta captivité, tu vas être heureux.

🌶️

Derrière les infinies dunes dorées entourant la demeure de Siryasius, s'étendait une oasis verdoyante au milieu du désert aride. Les palmiers se dressaient majestueusement et leurs feuilles bruissaient doucement dans la brise légère.

Au-delà des palmiers, s'étendait une forêt luxuriante, où les arbres s'élevaient haut dans le ciel, leurs branches touffues formant un dôme vert au-dessus de leurs têtes. Les rayons du soleil filtraient à travers le feuillage dense, créant des motifs d'ombre et de lumière sur le sol tapissé de mousses et de fougères.

Le chant des oiseaux remplissait l'air, ajoutant une ambiance vivante à cet endroit paisible.

— C'est... magnifique.

Rizael était émerveillé alors qu'Amalia s'échappait de ses bras pour courir partout, suivi de Xol dont le contact avec la mousse fit pousser de minuscules fleurs à chacun de ses pas.

Siryasius prit une profonde inspiration, s'imprégnant de l'air frais et embaumé par les senteurs de la forêt.

— Tu savais que c'était Xol qui avait fait pousser cet endroit ? intervint Thalion.

— Sérieusement ? s'étonna Rizael en retirant sa veste.

— À la demande du grand et généreux Siryasius, plaisanta Grall en apportant les paniers-repas.

— Pourquoi ? Quel est ton intérêt là-dedans ? s'interrogea Rizael, curieux de comprendre les motivations derrière ce geste.

Siryasius resta silencieux un instant, ses yeux balayant avec admiration la splendeur de la flore environnante et savourant la tranquillité du lieu, avant de murmurer :

— Pourquoi pas ?

— Est-ce là ta réponse à tout ?

— C'est plus pratique, répondit Siryasius avec un sourire en coin. Bon, qui veut retirer le balai qu'a le demi-elfe dans le cul afin qu'il arrête de me casser les couilles ?

Rizael, malgré lui, esquissa un sourire face à la remarque taquine de Siryasius, pour le plus grand bonheur du cambion qui essayait de l'amadouer pour mieux l'attraper dans ses filets.

Pendant que Thalion et Grall s'occupaient de déballer les paniers-repas et de disposer les mets sur une couverture étendue à même le sol, Siryasius s'approcha de Rizael, un éclat malicieux dans le regard.

— Tu sais, tu devrais vraiment apprendre à te détendre, lança-t-il d'un ton taquin, observant les traits crispés du demi-elfe.

Rizael leva un sourcil et se raidit légèrement, méfiant.

— Captif de mon ennemi et toujours à quelques mètres de la mort ? Oui, excellente idée.

— Et tu devrais apprendre à être moins sarcastique. Je te promets, pour aujourd'hui, de ne pas te faire du mal. Satisfait ?

— Que valent tes promesses ?

— Je suis le fils d'un diable et les diables n'ont qu'une parole. Ne m'oblige pas à passer un contrat infernal avec toi.

— J'attends de voir si ta « légendaire » patience résistera.

Siryasius lui adressa un sourire en coin, puis se détourna pour rejoindre les autres. Il ressentait à la fois une grande appréhension pour ce moment mais également une excitation de créer une opportunité de camaraderie, même éphémère, avec Rizael et les autres.

C'était une occasion de briser les barrières qui les séparaient habituellement, même si cela ne durait qu'un instant.

Même si ce n'était que pour avoir l'occasion de manipuler ses sentiments.

Autour d'eux, le parfum enivrant des fleurs sauvages flottait dans l'air, mêlé au musc boisé des arbres, embaumant l'atmosphère d'une fragrance délicieusement apaisante.

Tous étaient assis sur l'immense drap étalé dans l'herbe mais, au lieu de commencer à manger, ils attendirent que Siryasius s'installe avec eux et goûte le premier.

Le demi-elfe avait concocté pour lui une délicieuse brochette de viande marinée, garnie de morceaux tendres de betteraves caramélisées à la perfection.

Siryasius saisit une brochette avec précaution. Il leva le morceau à ses lèvres avec une hésitation feinte, puis croqua dedans en essayant de cacher son intrigue derrière son masque impassible.

Un frisson de plaisir parcourut Siryasius dès la première bouchée. Les saveurs se mêlèrent dans une symphonie de sensations exquises. La tendreté de la viande contrastait parfaitement avec la douceur sucrée des betteraves, tandis que les épices subtiles révélaient des nuances complexes à chaque bouchée.

Il ferma les yeux un instant, savourant chaque instant de cette expérience culinaire inattendue.

Puis, sans même s'en rendre compte, un gémissement de plaisir s'échappa de ses lèvres, brisant le silence qui régnait autour d'eux. Les autres convives le regardèrent avec surprise, tandis que Siryasius rouvrit les yeux, réalisant soudain l'ampleur de son expression involontaire.

— C'est ignoble, mentit-il avec un faux air de dégoût.

— Tu ne verras pas d'inconvénient à ce qu'on termine ton plat alors ? demanda Grall, un sourire en coin.

— Ah non, parce que si c'est empoisonné, vous serez blessés pour rien. Il faut vraiment que pour la sécurité de mes employés, je mange tout.

— N'est-ce pas ? souffla Thalion en se retenant de rire. Je ne doutais pas un instant que Rizi vous surprendrait !

— Rizi ?

— Thalion et moi sommes amis d'enfance, commenta Rizael alors qu'il servait un verre de sang frais à Amalia.

— C'est un détail que j'ai dû oublier. Et comment était mon cher serviteur lorsqu'il était plus jeune ?

Thalion hésita en tirant sur le col de sa chemise alors que Rizael le foudroyait du regard. Mais il craignait plus Siryasius que son ami.

— Il avait de longs cheveux blancs et des traits efféminés, si bien que tout le monde le prenait pour une petite fille.

— J'ai tout coupé à l'adolescence, contre l'avis de ma mère. Il me semble que j'ai été puni après cela. Les cheveux longs sont un signe de sagesse pour notre race, ajouta Rizael, avec un sourire narquois.

— Alors Rizael était un rebelle ? s'amusa Siryasius.

— Non, je...

— Il l'a toujours été ! l'interrompit Thalion avec enthousiasme. C'était un peu le leader de notre groupe de jeu. Le chef du bosquet. Il avait souvent un instrument dans les mains, ou alors une arme en bois. Il nous a entrainés dans des aventures qui ont fait suer nos parents ! Quand on jouait aux héros, il...

— Thal, intervint Rizael d'une voix grave.

— Quoi ? C'est innocent.

— La suite ! s'exclama Amalia, le contour de la bouche toute rouge.

— On jouait aux aventuriers, héroïques et sauveurs des peuples. Mais on avait toujours besoin d'un antagoniste pour nos histoires et Rizael se proposait toujours pour jouer le méchant, conclut Thalion avec un sourire complice, se remémorant les jeux de leur jeunesse.

— Voyez-vous cela, s'étonna Siryasius avec un sourire malicieux, appréciant de plus en plus l'image de Rizael. Et quel rôle avais-tu, Thalion ?

— Oh, j'étais souvent à l'écart. Avec un rôle de marchand ambulant ou de vieillard qui leur donnait des missions. En vérité, je t'enviais beaucoup, Rizi, avoua Thalion d'un ton mélancolique.

Rizael haussa un sourcil, surpris par l'aveu, tandis qu'il mastiquait sa salade.

— Tu étais le centre de l'attention et on voulait tous devenir comme toi. Ça aurait pu encore être le cas, si nos camarades étaient encore en vie.

— Tu veux devenir comme lui ? demanda Grall en désignant le demi-elfe du doigt, un sourire taquin aux lèvres.

— Non, plus maintenant. Je suis satisfait de mon statut et mon travail. Et ce serait si fatigant d'être un héros.

— Surtout avec un némésis comme lui, ajouta l'orc avec un clin d'œil en direction de Siryasius.

— La ferme Grall, lança Siryasius, feignant l'indignation tandis que ses yeux pétillaient d'amusement.

— Pourquoi c'est fatigant ? demanda Amalia d'une voix innocente.

Rizael avala une bouchée de sa salade, laissant son regard errer sur le groupe autour de lui, alors qu'il réfléchissait à sa réponse.

— Être un héros, c'est bien plus que des aventures épiques et des combats glorieux. C'est aussi porter sur ses épaules le poids des attentes, de la responsabilité, et parfois même des regrets. Mais malgré tout, c'est une noble quête, celle de protéger les innocents, de combattre l'injustice...

Il marqua une pause et son sourire amer frappa soudain le cambion.

— Même si cela signifie parfois sacrifier une part de soi-même... et de gérer les remarques sarcastiques de ses ennemis.

Siryasius se surprit à esquisser un sourire en réponse, reconnaissant la familiarité de cet humour comme une arme de défense contre ce que son ennemi devait ressentir.

Le regard de Rizael rencontra le sien, et Siryasius sentit un échange silencieux se produire entre eux.

— Mais parfois, être un héros peut être... accablant. On doit faire face à des choix difficiles, à des sacrifices personnels, à une pression constante pour être à la hauteur des attentes des autres.

La lourdeur de chaque bataille, de chaque échec, semblait peser sur ses épaules alors qu'il parlait.

— Et parfois, poursuivit Rizael, le regard perdu et d'une voix résignée, la seule chose que je veux, c'est une journée tranquille. Une journée où je pourrais être moi-même. Juste une journée ordinaire, loin des tourments du devoir et des affres du destin.

Siryasius sentit un écho de cette envie résonner en lui. Il fut surpris de partager ce désir similaire avec son ennemi malgré leurs différences, jusqu'à ce que la réalité brutale ne le rattrape :

— Si Siryasius n'avait pas détruit Lae'Thys, j'aurais cette vie tranquille.

Alors que les paroles de Rizael résonnaient encore dans l'air, un silence pesant s'installa entre les membres du groupe, chacun absorbé par ses propres pensées.

Mais alors que Siryasius ressentait une pointe de culpabilité pour avoir été l'architecte de la destinée de Rizael, le privant d'un autre avenir plus paisible, les souvenirs de Lae'Thys lui revinrent en tête.

Il fixa la boucle d'oreille de Rizael, ses pensées se désordonnant et un air contrarié prenant soudain place sur son visage lorsque finalement, ce fut Thalion qui brisa le silence :

— Peut-être que le héros n'est pas celui qui triomphe toujours, mais celui qui continue d'avancer, même dans l'adversité.

— Dois-je remercier notre geôlier, oh pardon, notre hôte, d'avoir fait de moi un véritable héros ? ironisa amèrement Rizael.

Siryasius sentit un pincement au cœur, mais son expression resta impassible. Il se leva brusquement, à peine capable de dissimuler sa contrariété, avant de répondre d'une voix glaciale :

— Je n'éprouverai jamais de regrets pour ce qui s'est passé à Lae'Thys. Ni pour les conséquences sur ta vie, ni pour le rôle que j'ai dû jouer dans ton histoire.

Sans un mot de plus, il se détourna du groupe, laissant derrière lui le silence lourd de significations non dites.



⚔️PROCHAIN CHAPITRE SAMEDI ⚔️

Rizael et Grall quand Siry veut pas manger ses légumes :

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