Chapitre 7

What have we done to the world

Qu'avons-nous fait au monde

Look what we've done

Regarde ce que nous avons fait

What about all the peace

Qu'en est-il de toute la paix

That you pledge your only son

Que tu as promis à ton fils unique

Earth Song - Michael Jackson

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               Je jette un regard vers lui, guettant la moindre réaction. Mais la seule chose que je remarque, c'est le fait que ses muscles se détendent doucement. Peut-être même que j'aperçois un petit sourire sur ses lèvres. Je ne sais plus si je suis heureuse, ou perdue.

— Elle te harcèle tout le temps comme ça ? demande-t-il.

Je fronce les sourcils, plus très sûre de ce dont il me parle, avant de remarquer que mon téléphone continue de vibrer sur mes genoux. Je jette un coup d'œil et vois la photo de mon père s'afficher dessus.

— C'est mon père, l'informé-je. Allô, papa ?

— Coucou ma chérie ! Tout se passe bien ? Vous êtes sur la route là ?

— Oui, oui, ne t'inquiète pas.

— Ils sont gentils avec toi au moins ?

— Ne t'en fais pas papa, ils ne mordent pas, tu sais !

Je vois Gabriel se retenir de rigoler. Mon observation me déconcentre et je n'entends pas la question de mon père. Je réponds vaguement en lui souhaitant bonne nuit avant de raccrocher. Juste après, le blond prend la parole.

— Comment tu sais que je ne mords pas ? sourit-il.

— Il fallait bien que je rassure mon père, non ? plaisanté-je.

Après ça, je me laisse bercer par la musique qui sort des enceintes de la voiture. Le son grésillant me fait sombrer doucement et j'étais sur le point de m'endormir quand j'entendis Gabriel murmurer.

— Comment tu sais que tu es pansexuelle ?

Il avait parlé tellement bas que je pense que 30 secondes plus tard, je n'entendais pas sa question. Sur le moment, je ne suis pas certaine de la réponse que je vais lui sortir. J'essaye d'éviter le sujet.

— Le jour où j'ai trouvé un transgenre sexy, j'ai commencé à avoir des doutes, rigolé-je.

Malheureusement, je vois bien, avec le silence qui s'ensuit, que ça ne lui suffit pas. Je décide alors de me redresser sur mon siège et tourne la tête vers la vitre pour gagner du temps.

— Pour comprendre, il faut connaître mon raisonnement... commencé-je. Je trouve ça simple en réalité. Quand tu nais, tu développes petit à petit des goûts. Pour la nourriture, les couleurs, le style, la musique, les films... c'est quelque chose que tu apprends par toi-même, que tu expérimentes. Mais à la base, tout le monde va manger de tous les aliments, écouter toutes les musiques, ne pas avoir de couleur préférée, et tout ça avant de choisir ce qu'ils préfèrent ou ce qu'ils aiment le moins. Alors pourquoi la sexualité serait-elle différente ? Tu es d'abord attiré par tout le monde de la même façon avant de découvrir qui va te fait ressentir le plus de choses, ou bien, pour certains, de découvrir que tous les genres te font ressentir les mêmes choses.

Mon regard parcourt le paysage de lumière au-dehors. Concentrer mon attention là-dessus m'empêche de perdre le fil de mes pensées.

— Donc je pars du principe que tout le monde naît pansexuel, continué-je. A partir de là, je considère que chacun prend un chemin différent. C'est pourquoi il y a tant de sexualités possibles. On s'est ancré dans la tête qu'être hétéro était la « normalité », mais c'est stupide. Je pense qu'il faut vraiment différencier sentiments et reproduction. Ce n'est pas parce que l'humain est programmé pour se reproduire avec le sexe opposé qu'il ne peut pas éprouver de l'amour pour le même sexe que lui.

J'ose enfin tourner ma tête vers Gabriel. Il sourit. Et c'est ce sourire qui me convainc de lui exposer jusqu'au bout ma pensée.

— Mais la chose dont je suis le plus sûre, c'est qu'on ne sait rien tant qu'on n'a pas trouvé l'âme sœur.

Il me regarde un instant et ricane.

— Ne me dit pas que tu crois en l'âme sœur ? demande-t-il, en accentuant bien son sarcasme sur « âme sœur ».

Je soupire.

— Je ne crois pas en « l'âme sœur » comme les gens la voient. Je ne crois pas qu'il ait une personne sur cette terre en particulier qui soit née pour t'être destinée. Non. En revanche, je peux t'assurer que tu aimeras forcément quelqu'un dans ta vie beaucoup plus que tous les autres, une personne pour qui ton amour sera au paroxysme. Et celle-là, cette personne, c'est elle que j'appelle « l'âme sœur ». Elle existe obligatoirement, mais tu ne peux pas le savoir avant de la rencontrer, voire pire, avant de la perdre. Mais cette personne, pour moi, c'est elle qui définit véritablement ta sexualité. Parce qu'au final, tu auras beau avoir été attiré uniquement par des filles, ça ne t'empêchera pas de tomber peut-être un jour amoureux d'un homme, et que celui-ci soit ton âme sœur. Et alors là, c'est le problème de la société. Tu serais quoi ? Bisexuel ? Mais ce n'est qu'un homme parmi un millier de filles qui sont passée dans ton lit ! Mais en même temps, vu que la personne qui sera l'amour de ta vie est un homme, ne serais-tu pas gay au final ? C'est ça qui est vraiment chiant ! Les étiquettes qu'on est obligé de se coller au front. C'est complètement con. Profitons de la vie merde, et on tombera amoureux de qui on tombera amoureux. Qu'est-ce qu'on peut bien s'en foutre que ce soit un mec, une meuf, ou autre ? Ce n'est pas comme si on avait vraiment le choix ! Alors ouais, je pense que me considérer comme pansexuelle est ce qui se rapproche le plus de la vérité pour l'instant.

Je n'ai pas arrêté de le regarder depuis que j'ai tourné la tête. Je ne suis même pas sûre d'avoir déjà parlé de ça à qui que soit. Après réflexion, personne ne m'avait jamais vraiment demandé mon avis là-dessus. Pourtant, là, je n'ai pas hésité une seconde pendant tout le temps où j'avais parlé. C'était ce que j'avais toujours pensé au fond de moi. J'ai vu sa mâchoire se contracter à « millier de filles », j'ai vu ses sourcils se hausser à « serais-tu gay, au final », et ses lèvres frémir à « profitons de la vie, merde ». Il garde cette expression encore un long moment avant de parler.

— Pas mal Tomas, pas encore prête pour les présidentielle en revanche, sourit-il. Mais vraiment pas mal.

Je vois dans son regard qu'il est sérieux, qu'il a été étonné et qu'il a vraiment réfléchi à tout ce qui est sorti de ma bouche. Et je pense que mon cœur n'a jamais battu plus vite qu'en ce moment, alors que je le détaille. Il a aimé ce que j'ai dit. Il ne me regarde d'ailleurs plus seulement avec de la moquerie, je vois une nouvelle lueur. Comme s'il m'estimait réellement maintenant. Qu'il oubliait complètement notre différence d'âge et me considérait comme son égale. La conversation se fait plus légère et on continue de discuter jusqu'à l'arrivé sur le parking de la salle de sport. J'apprends qu'il a une sœur qui vit avec ses parents, mais qu'ils n'habitent pas dans la même ville que leur fils. Celui-ci est parti à 21 ans du foyer pour aller de clubs en clubs, jusqu'à se retrouver dans celui de mon père. C'est son premier club professionnel, mais le volley, c'est toute sa vie. Il est heureux d'avoir rencontré Isaac, qui est comme un frère pour lui et comble un peu le manque de sa famille. Il me raconte même quelques anecdotes sur son passé : ses bêtises d'ado, ses caprices d'enfants... Pour ma part, je réponds aux questions qu'ils me posent mais sans trop m'attarder sur les détails. D'où je viens, les études que je fais, ma famille, mes passions. Cependant, je ne peux pas tout lui raconter, comme la raison pour laquelle on est parti. Il a dû se contenter d'un simple « ma mère a été mutée ici ».

Il se gare et se tourne vers moi.

— Attends là, je vais chercher quelqu'un et je te ramène direct après, ok ?

Je le vois sortir de la voiture et se diriger vers l'enceinte du bâtiment. Une silhouette se détache et il s'approche de celle-ci. C'est la meuf qui était avec Isaac dans les toilettes lors de notre rencontre. Et c'est quand il écrase sa bouche contre la sienne que je me fige. Je ne peux plus bouger. Je sens même les larmes monter. C'est con, vraiment con, parce que j'avais promis que je ne m'attacherais pas. Je l'avais promis, et je ne m'étais même pas rendue compte que je n'avais pas respecté cette promesse. Jusqu'à maintenant.

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Heyyy 🌺

Comment allez-vous ? Moi, parfaitement ! Je viens de vous publier un des chapitres de cette histoire qui me tient le plus à coeur 😊

Qu'avez-vous pensé du petit discours de notre Anna ? Et, un peu moins joyeux, que pensez-vous de cette fin de chapitre ? 🤭

Le prochain risque d'être mouvementé 😏 (non je ne vous spoil pas du tout...)

• Prochain chapitre dimanche •

Ps : n'hésitez pas à aller voir les petites stories insta du compte, elle peuvent vous faire patienter un peu plus facilement 😏
🤳 Insta : soreevzen

Des Bisous ❣️

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