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Les jours qui suivirent passèrent à une lenteur extrême. Je ne les vivais pas vraiment. J'avais pris quelques jours auprès de l'établissement pour pouvoir m'occuper des funérailles. Mamie n'était pas en état de faire quoi que ce soit en ce moment et je n'en menais pas large non plus. Lorsque le médecin nous a annoncer la terrible nouvelle, nous sommes restés figés dans le bureau, espérant que c'était une mauvaise plaisanterie. Hélas, c'était bien réel.
Je m'attendais à voir mon grand-père passer la porte en explosant de rire devant nos mines, en vain. Le reste de la journée et de la semaine s'était déroulé dans un brouillard de larmes et de question. Pourquoi maintenant ? Il allait si bien. Trois semaines avant sa première crise, il revenait d'un voyage aux brésil avec mamie. Il pouvait encore courir partout et faire des travaux dans sa maison.
David était resté avec nous toute la nuit après avoir envoyé un message à ses parents. Ils nous avaient rejoint sans tarder et s'était occuper de nous avec tant de bienveillance. Lorsque nous avons enfin pu reprendre nos esprit, il a fallu s'occuper des funérailles. J'avais appelé mes parents pour leur annoncer la nouvelle. Maman était dévastée. Ils avait réussi à avoir un avion de dernière minutes et serait là dans quelques heures. Aurélie n'avait pas non plus hésité à faire le déplacement alors qu'elle s'apprêtait à rejoindre son cours de lettre moderne.
Nous étions maintenant cinq à envahir la cuisine de mamie, qui restait assise dans le salon et regardait dans le vide. Ca me déchirait de la voir ainsi. Je ne pouvais qu'essayer de comprendre son chagrin. Elle venait de perdre l'homme qui partageait sa vie depuis plus d'un demi siècle. Elle ne s'en remettrait probablement jamais.
Les préparatifs pour la cérémonie avançaient rapidement, malgré mes nombreuses crises de larmes. Le plus difficile était d'écrire le discours. Papi ne voulant pas nourrir les vers, il ne serait pas enterré au cimetière, mais incinéré.
Le jour de la crémation, tout le monde était sur le pieds de guerre. Maman hurlait depuis le rez-de-chaussé qu'il fallait se dépêcher. Tout le monde nous attendait. Aurélie ne serait pas là aujourd'hui, mais elle m'a fait savoir qu'elle penserait à nous. Je terminai d'accrocher ma boucle d'oreille en me regardant dans le miroir de la salle de bain du premier étage. Le noir ne m'allait définitivement pas. Je détestait cette couleur, aussi triste et fade que ce qu'elle représentait aujourd'hui. Ma robe, un peu grande pour moi, me donnait plutôt l'impression d'étouffer.
- Clarisse, dépêche-toi !
La voix de ma mère me sorti de mes pensées. Sans m'attarder, je filai dans ma chambre pour récupérer un gilet et mon discours, avant de finalement rejoindre le reste de la famille en bas. Maman avait le visage gris et ses yeux étaient bouffis. D'après papa, après mon appel, elle n'avait cessé de pleurer, à tel point que les passagers, hôtesses et steward avec qui ils partageaient l'avion les avaient regarder comme s'ils venaient d'une autre planète.
Elle n'avait pas mis de maquillage et j'en avais fait autant. Si c'était pour ressembler à une peinture dramatique dans deux heures, ce n'était pas la peine. Papa, quant à lui, terminait de nouer sa cravate en sortant de la maison. Il n'avait pas meilleure mine que nous, ayant passer ces quelques jours et nuits à tenter de réconforter sa femme.
Le trajet jusqu'au crématorium me paru interminable. Inconsciemment, je portais ma main à ma bouche et à agiter frénétiquement ma jambe.
- Arrêtes de te ronger les ongles, ordonna mon père.
Je croisais son regard désapprobateur dans le rétroviseur avant qu'il ne retourne son attention sur la route. Je croisais mes bras sur la poitrine, tout en continuant de bouger frénétiquement les jambes. C'était plus fort que moi, je ne pouvais m'en empêcher.
La cérémonie fut une épreuve pour tout le monde. Lorsque nous nous sommes arrêtés, David et ses parents nous attendais déjà, ainsi que d'autres personnes que je n'avais jamais vu. Un homme qui devait avoir l'âge de mon père s'approcha de nous et enlaça maman. Ils pleurèrent dans les bras l'un de l'autre. Ils avaient l'air très proche tous les deux et pourtant, sa tête ne me disait rien. Remarquant sans doute mon incompréhension face à la situation, papa s'approcha de moi.
- C'est Eric, m'informa-t-il. Le cousin de ta mère. Ils étaient très proches dans leur enfance. C'est aussi ton parrain.
Le regard du dit parrain se posa sur moi lorsqu'il relâcha ma mère et son visage s'illumina fugacement.
- C'est bien toi, Clarisse ?
Et avant que je ne puisse le réaliser, j'étais dans ses bras, les miens se balançant dans le vide, ne sachant comment réagir devant cet élan d'affection. Il était peut-être de la famille, mais pour moi, c'était un parfait inconnu.
- Tu as tellement grandi, me chuchota-t-il affectueusement à l'oreille. La dernière fois que je t'ai vu, tu fêtais tes un an. Ca fait déjà si longtemps, c'est dingue comme le temps passe.
Gênée, je ne pu que rester immobile, le temps qu'il me lâche et lui présenta mes condoléances. Après tout, si ma mère était sa cousine, alors papi était son oncle. Il serra ma main dans la sienne en un geste réconfortant et nous laissa prendre la direction de la salle de crémation. Nous relions les derniers détails avec mamie avant que la foule ne commence à entrer. Lorsque tous furent assis, la cérémonie commença. Il y avait peu de personnes présentent. Seulement une vingtaine en comptant David et sa famille. De ce que j'avais compris, il n'y avait que les gens les plus proches pour l'incinération et quelques personnes de plus pour le repas qui aurait lieu plus tard.
Je ne fus pas la seule à prendre la parole pour louer la vie de cet homme qui m'était cher. David le fit aussi, de même pour Eric. Seul le voisin réussi à ne pas verser de larme. Puis vint le moment de l'incinération, où le cercueil fermer s'avança lentement vers les flammes. Je ne pouvais détacher mon regard larmoyant de ce qui se déroulait devant moi. Lorsque ce fut terminé, maman, mamie et moi nous accrochions les unes aux autres pour pouvoir sortir. Je n'avais plus de larmes à verser pour les trois prochains mois. J'avais tellement pleuré que mes yeux me faisaient mal. Il devaient être gonflés. Nous retournions tous à la voiture et avant que nous montions dedans, Eric vint nous voir.
- Je serai juste derrière vous, déclara-t-il.
Et en effet, ils nous suivi jusqu'à la maison de mamie où nous attendaient tous les préparatifs pour la suite de la journée. La veille, maman et moi avions passé notre journée dans la cuisine à préparer des amuses-bouche et des salades. Nous les disposions donc dans le salon, sur de grandes tables empruntées à la salle des fêtes et nappées de blanc. Pour l'occasion, mamie sortit son plus beau service, chose qu'elle n'avait fait que rarement par le passé. Un portrait de papi avait été disposé sur le manteau de la cheminée éteinte.
Le reste de la journée se déroula tout aussi lentement que les trois derniers jours. Les gens se succédaient dans la maison, présentant leurs condoléances avant d'aller se servir à manger et discuter de tout et de rien avec les autres invités. Certains s'arrêtaient devant la photo de papi et lui adressèrent quelques mots comme s'il pouvait les entendre et d'autres déposaient une gerbe de fleurs devant la cheminée avant de l'observer silencieusement, lui rendant un dernier hommage.
A la fin de la journée, il ne restait que David, ces parents et les miens pour ranger la maison. L'homme s'approcha de moi alors que j'attrapais des saladiers vides ou presque. Il m'observa un instant en silence avant de rassembler quelques assiettes laissées là.
- Comment tu vas ? questionna-t-il avec une douceur qui me hérissa le poil.
J'avais subit la pitié des gens tout au long de cette journée, je n'en supporterais pas d'avantage.
- Bien, répondis-je sèchement.
J'espérais clore la conversation ainsi et David le comprit. Il n'insista pas.
- Quand tu auras besoin de parler, n'hésite pas à frapper chez moi. Et si ta famille et toi avez besoin d'aide pour ranger ses affaires, je serai là.
C'était trop. Alors que je pensais ne plus pouvoir pleurer, des larmes brûlantes me piquèrent les yeux avant de rouler le long de mon visage. Ma gorge était nouée au point que je n'arrivais plus à respirer. Je tentais tant bien que mal de prendre une profonde inspiration pour calmer l'émotion qui me submergeait avant d'ouvrir la bouche.
- Merci.
Je détestais ma voix à ce moment-là. Tremblante et aigue. Je ne voulais pas paraître faible devant lui. Pourquoi ? Même moi je ne le savais pas. Il était pourtant là lorsque le médecin à annoncer la nouvelle et pour les préparatifs des derniers jours. Toujours est-il, que je ne pouvais plus me laisser aller ainsi. Je devrais être forte pour mamie.
Sans le regarder, je rejoignis la cuisine avec mes saladiers, papa faisait la vaisselle et mamie était assise devant une tisane fumante. Verveine et camomille si je me fiais à l'odeur. Ca la calmerait et l'aiderait à dormir. Maman retirait les fleurs pour pouvoir les placer dans des vases. Il n'y en avait pas assez pour tous les bouquets.
Lorsque la maison fut dans un état convenable, aucun de nous ne s'attarda. La journée avait été éprouvante pour tout le monde et il ne faudrait pas longtemps pour nous endormir. David et ses parents s'en allèrent après un dernier mot de réconfort. Puis très vite, nous allions tous prendre une douche avant de nous coucher. Nous avions tous besoin de repos, les jours qui suivraient allaient être sportifs.
Je m'endormis sans difficulté après avoir passé une bonne demi-heure sous l'eau chaude.
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