L'océan
La journée avait pourtant si bien commencé !
Vers 7h, il s'était réveillé et avait bondi sur sa tablette, qu'il n'avait pas quitté de la matinée. Il avait enchaîné les vidéos Minecraft et les jeux flash sans être interrompu par sa mère une seule fois. Même pas pour le petit déjeuner.
Aliette était bien venue le déranger pour lui piquer sa place dans le hamac à l'ombre des grands saules, mais ça ne l'avait pas gêné. En bon petit frère, il avait déguerpi sans demander son reste et s'était réfugié dans la fraîcheur du salon.
Et voilà que ses parents avaient eu l'idée saugrenue de manger sur la plage ! Ils la connaissaient pourtant bien, cette plage, puisqu'ils y allaient tous les étés ! Jules avait bien plus important à faire sur sa tablette, aussi se mit il à pleurer et à crier, espérant ainsi faire céder ses parents. Mais force était de constater que ça ne les avait pas du tout persuadés. Bien au contraire.
Il avait alors changé de tactique, prônant des arguments plus que raisonnable et, selon lui, imparables.
"Mais papa ! On peut pas aller à la plage, il y a trop de soleil !
-Justement, c'est pas une journée pour rester dedans !
-Le soleil, ça donne le cancer, c'est la maîtresse qui l'a dit !
-Trop de soleil, c'est mauvais. Mais pas assez, tu risques de manquer de vitamines D ! avait répliqué sa mère.
-Et puis si je reste, je pourrais regarder c'est pas sorcier !
-Si tu restes, c'est uniquement pour faire ton carnet de vacances, on met les écrans sous clé de toutes façons."
Voyant qu'il n'arrivait à rien, Jules avait abandonné, non sans râler une ultime fois pour marquer son mécontentement, et était parti en courant chercher le soutien de sa grande sœur ; elle se reposait sûrement encore dans le hamac. Malheureusement, il ne put que constater que la traîtresse était déjà prête à partir, et impatiente même.
Devant son expression colérique, Aliette lui avait envoyé une réplique bien mordante :
"Oh mais ça va ! Monsieur fait encore son bébé ! Compte pas sur moi pour jouer avec toi sur la plage, je suis grande, moi. Et puis j'ai des amies à retrouver."
Et elle l'avait planté, là, au milieu du jardin.
Mais elle l'avait traité de bébé et ça, il ne le supportait pas. Il n'était pas un bébé. Il avait neuf ans, il était grand, et elle n'avait aucun droit de l'insulter comme ça.
Jules avait couru jusqu'à la chambre de sa sœur, et vidé le tiroir à maquillage de son bureau. Il avait sorti un à un les tubes de rouge à lèvre et les fards en tous genres, dessiné sur le miroir avec les plus vifs et massacré les fonds de teint. Puis il avait vidé minutieusement le contenu de la crème démaquillante sur le bureau.
En observant son travail, il s'était dit que c'était une belle vengeance. Et il était allé se mettre en maillot de bain, avant de descendre sur la plage avec ses parents.
Dix minutes plus tard, ils étaient arrivés sur la plage grâce au petit chemin des baigneurs, et Jules s'était jeté dans l'océan. Il adorait jouer avec les vagues, et bien que celles-ci culminent à deux mètres, il aimait les défier.
Seulement, il n'avait pas remarqué le drapeau jaune s'abaisser pour être remplacé par un rouge, et il s'éloignait dangereusement du sable lorsqu'une vague plus importante que les autres le précipita au large. Ayant passé la barre, il se battait contre les courants pour revenir vers ses parents. Lorsqu'il se rendit compte que ses efforts était vain, il prit peur. Si peur ! On lui avait trop souvent raconté des histoires de nageurs même expérimentés qui s'étaient noyé après avoir passé la barre, il se mit à paniquer.
Dans sa folie, il oublia toute prudence et, plutôt que de réserver ses forces, se débattit contre les flots en espérant les surpasser en puissance.
Ce fut à ce moment qu'il le comprit. Tout était vain. Il allait mourir.
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