Vers l'émotion
C'est un exercice particulier : face à elle, une dizaine de personnes, en ligne. Elle doit se placer devant chaque personne, à trente centimètres, et l'autre doit réagir. Sentir sa présence et faire un contact physique, peu importe lequel. Quelque chose de vrai, de sincère.
Elle sent déjà qu'elle va pleurer. Parce qu'elle pleure toujours quand leur metteuse en scène leur fait faire des exercices où ils doivent être sincères. Ça débloque quelque chose en elle.
Elle se place devant la première personne, qui lui serre la main.
La deuxième, qui remet son col roulé en place.
La troisième, qui lui fait un énorme câlin, qui dure au moins dix secondes. Qui lui fait du bien.
Elle passe assez vite la plupart des personnes, qui ne font que des gestes superficiels. Elle se sent frustrée, déçue, elle a besoin de plus, elle a besoin d'amour.
Elle arrive devant lui. Lui qu'elle avait peur de confronter. Lui qu'elle aimerait voir tous les jours. Lui qu'elle aime profondément.
Elle lève les yeux, le regarde, attend qu'il bouge, c'est ça la règle. Quand c'était son tour, à lui, elle avait mis ses mains sur ses bras et l'avait regardé avec tout l'amour qu'elle portait pour lui. Il avait souri. Maintenant, c'est à lui d'agir.
Il sourit. Il prend sa main la sienne, ils entrelacent leurs doigts. Elle le sert fort, ils se regardent une bonne dizaine de secondes.
L'émotion est intense, énorme, la traverse de part en part, elle comprend qu'elle est réellement amoureuse, qu'elle aime cette personne du plus profond de son cœur, elle fera tout pour l'atteindre, pour le connaître mieux, pour apprendre à l'aimer encore plus. Son âme crie de joie, partageant avec lui un moment unique, elle se sent aimée, sincèrement.
Et en même temps... Son cœur pleure, parce que lui ne l'aime pas, enfin si, il l'aime, mais pas comme elle le voudrait, elle voudrait tellement le serrer fort dans ses bras, mais il appartient à une autre, il le lui a dit, « avec ma copine tout va bien » et elle lui avait répondu « je suis heureuse pour toi » et c'est le cas, mais elle n'y pense pas, à tout ça, il n'y a que l'instant, ses yeux dans lesquels elle se noie, sa main dans la sienne, elle est incroyablement heureuse.
Heureuse qu'il ne l'ait pas prise dans ses bras, elle n'aurait pas pu voir son visage, son regard, tellement de choses sont passées par ce regard, cette connexion, des sentiments beaucoup trop intenses pour qu'elle ne les garde pour elle.
Puis le moment s'arrête, elle détache sa main -ou peut-être était-ce lui, elle ne sait pas vraiment, elle sait juste qu'elle doit bouger, passer à la personne suivante, et c'est là que le désespoir refait surface, inconsciemment, elle ne s'en rend même pas compte, tellement ébranlée par ce moment, cet instant intense, elle est chamboulée, elle se sent bien, mais le hurlement est bien présent, juste dissimulé.
Elle passe à la dernière personne. Se met devant elle, la regarde. Elle ne sait pas trop ce qu'elle a du lui montrer pour qu'elle réagisse comme ça, mais son geste est d'essuyer sur sa joue une larme imaginaire avec un sourire sincère et compatissant. Comme si elle avait vu ce qu'elle ressentait. Comme si elle avait compris qu'elle avait besoin de ça. Comme si elle avait compris que son cœur pleure.
Elle est incroyablement émue. Alors elle ne réfléchit pas, elle a cessé de réfléchir quand il a pris sa main, elle ne fait que ressentir, d'une manière incroyablement puissante. Elle prend la dernière personne dans ses bras, elle est beaucoup trop émue, elle a besoin d'aimer, peut-être de cacher son visage, parce qu'elle la comprend beaucoup trop, et ça lui fait peur, elle continue de la serrer, fort, puis elle se détache.
Elle se met sur le côté, elle a fini l'exercice. Et elle pleure. Elle le savait.
Mais elle ne renoncerait à ce souvenir pour rien au monde.
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