3. Coucher ce que l'on a sur le cœur
A partir du moment où nous avons réussi à installer notre stand et que Basile a mis le mode "vendeur" en route, il ne m'a pas été possible de l'approcher. C'est fou. C'est un petit village et ce n'est pas la première fois que je viens au marché, mais c'est sûrement la première fois que je prends conscience qu'il est capable d'attirer autant de monde. C'est sans doute son point fort et il ne s'en rend probablement pas compte. J'ai souvent entendu Basile me dire qu'il était tout seul et qu'il se sentait comme tel, mais ce n'est pas le cas. Basile n'a jamais été seul. Il a toujours eu tout le village de son côté.
Il est aimé.
- Bonjour Monsieur, que diriez-vous d'acheter un joli bouquet de fleurs pour votre femme ?
- Pourquoi pas...
- Vous voyez le jeune homme là-bas ? C'est le fleuriste. Il vous donnera son meilleur bouquet !
Il ne s'en rend probablement pas compte, mais j'envoie du monde en sa direction. Je sais que c'est censé être un concours entre nous, une sorte de jeu, mais au final, nous avons le même but avec à peu près le même genre d'idée de trophée, alors que je gagne ou que ce soit Basile, cela ne change rien. Bien au contraire. Je suis heureux de pouvoir constater que le commerce de ma grand-mère fonctionne encore grâce à lui. J'aurai été incapable de reprendre la boutique à moi tout seul et je n'y connais strictement rien en fleurs je dois l'admettre. Pourtant, ce n'est pas faute de la part de Basile d'avoir essayé de m'apprendre le langage des fleurs, mais je ne le retiens jamais.
Au bout de deux heures, tout ce que l'on avait apporté pour le marché a été vendu et pendant que j'essaye de ranger quelques sacs et affaires, Basile s'assoit à côté de moi, tout sourire, l'air de rien.
- Tu m'as aidé, n'est-ce pas ?
- Non. J'ai été bon joueur, jusqu'au bout.
- Un homme est venu me voir en disant qu'il a été alpagué par un jeune homme avec une canne qui lui conseillait de venir acheter des fleurs. Une femme passant par là m'a dit la même chose. Tu les as tous dirigés vers moi.
- Pas tous. Tu ne les vois pas, Basile, mais je vais te le dire : tu attires les gens. À peine on était descendu du camion qu'un groupe de bonnes femmes s'étaient déjà accaparé tes bras et d'autres gens sont venus te voir dès que le stand fut en place.
- Ils viennent parce qu'ils savent que je travaille pour Jacqueline.
- C'est vrai, mais je ne suis pas sûr qu'il ne soit question que de ça. Dès que l'on s'est connu toi et moi, je me suis senti indéniablement attirer vers toi. C'est pas juste un délire mystique quelconque que j'invente pour gonfler ton égo. Je pense qu'il y a véritablement quelque chose chez toi qui attires les gens.
- Toi t'as été attiré par mes fesses. Nuance. Je ne pense pas que tout le village veuille me sauter.
Oh tu serais étonné mon petit. Tu serais étonné...
- Écoute, fais pas chier et prends le compliment que je tente désespérément de te faire, d'accord ?
- D'accord. Mais il n'empêche que je gagne, donc tu es à moi pendant une journée entière.
Et ce n'est pas pour me déplaire honnêtement.
- Je t'offre mon corps pendant une journée alors.
- Ce n'est pas tant ton corps qui m'intéresse.
Oh ! J'en étais sûr.
- C'est ton cœur.
- Ça tu l'as déjà. Tu le sais, non ? Je t'aime et ça ne changera pas.
- Prouve-le-moi !
Que je lui prouve ? Comment on prouve à quelqu'un qu'on l'aime sincèrement, passionnément, tendrement et sexuellement parlant. J'aime Basile de bien des façons, mais ce n'est pas en lui faisant l'amour deux fois par jour que c'est ainsi que je le convaincrais. Ça me trouble, je ne sais pas quoi faire. Comment je lui prouve ça ? Je lui offre un nounours géant en peluche et une boite de chocolat ?
- Tu vas me trouver un peu con, mais...Comment je suis censé faire ça au juste ?
- Hmm...Surprends-moi ! Prouve-moi que tu m'aimes en me surprenant ! C'est ton gage.
D'accord, alors je m'attendais à beaucoup de choses de sa part, sauf peut-être à ça.
- Et donc ? me demande Cléo en souriant amusée par ma situation. Qu'as-tu en tête ?
- Honnêtement je n'en ai pas la moindre idée. Il est bien mignon de me dire "prouve-moi que tu m'aimes", mais je ne sais pas comment on fait ça. Je lui dis pratiquement tous les jours que je l'aime, je lui offre mes bras, mon corps tous les soirs. Qu'est-ce que je peux faire de plus ?
- Tu ne le sais pas ?
- Tu crois que je resterais assis sur un tabouret en bois en te regardant laver tes verres si je le savais ? Si je suis venu te voir, c'est pour au moins caresser l'espoir d'avoir une idée.
- Dans ce cas, caresse mon ami.
Ça veut dire quoi ça au juste ? Que Cléo se refuse à m'aider ? Pour une fois que je viens lui demander de l'aide, j'ai mis tout mon égo et ma fierté de côté pour avoir son avis sur la question.
- En gros, je dois me démerder c'est ça ?
- Tu es un garçon intelligent Gabriel, je suis certaine que tu vas trouver la réponse à ta question. Si je t'aide, cela n'a plus aucun sens. Ton seul et unique problème, c'est que tu penses beaucoup trop.
- En même temps ! Comment veux-tu que je ne pense pas avec tout ça ? Basile m'a lâché une véritable bombe entre les mains et elle est à deux doigts de m'éclater à la figure. J'ai une journée pour lui prouver que je l'aime. Une journée. C'est la merde.
- Gaby...
- Quoi ? J'ai bien compris que tu ne voulais pas y mettre du tien.
- Hé ! Tu sais aussi bien que moi que pour ça, tu es tout seul, mais que pour tout le reste je t'aiderais volontiers. C'est juste...Je ne sais pas, arrête de penser ? Arrête de chercher des solutions quand il n'y a pas de problème. Basile t'as demandé une chose simple : Lui prouver que tu l'aimes. Si tu ne peux pas lui dire, si tu ne peux pas lui mimer, alors il ne te reste qu'une chose. Écris-le. C'est simple, non ?
- Il veut que je lui écrive une lettre d'amour ?
- Si ça doit prendre la forme d'une lettre alors ainsi soit-il, mais libre à toi ! Je t'ai assez aidé, sors de mon bar, j'ai des clients.
- Oserais-tu me chasser ?
- Totalement.
Ça sert à ça les amis.
- Au fait Gaby !
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Je veux bien la lire...Ta lettre. Quand tu auras fini.
- Non. Elle ne t'est pas destinée. Bonne journée Cléo !
Parce que tu crois vraiment que je vais te laisser lire des mots qui ne sont pas pour toi ? Ce que je m'apprête à écrire, à coucher sur papier, c'est quelque chose de personnel. D'intime. Je ne veux pas que le premier idiot du village soit au courant de ce que j'ai sur le cœur. Je ne veux qu'une seule personne soit au courant de ce que je ressens et cette personne, ce n'est pas toi.
C'est Basile. Je vais écrire à Basile. Je vais lui écrire combien je l'aime. Je vais lui griffonner ô combien je l'aimerais encore demain et après-demain et les jours qui vont venir.
Il n'y a que lui et uniquement lui qui pourra alors savoir ce que je retiens depuis si longtemps : Ce surplus d'émotions.
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