13. Coup de foudre ou coup de tonnerre ?
"Et si tu ne t'étais jamais réveillé de ce lit d'hôpital ?"
Quelque part, ses mots sont restés coincés dans un coin de ma tête et je ne sais même pas pourquoi. Il n'y a rien de plus réel que ce que je vis en ce moment, que ce que je ressens. Je ne peux pas me tromper. Je ne peux pas rêver. Qu'est-ce que ça voudrait dire au fond ? Que je suis coincé dans un monde qui n'est pas le mien ? Que tout ça n'est qu'une farce ? Non, je refuse.
- Gabriel ? Allô la lune ici la terre, tu m'écoutes ?
Le visage de Cléo se trouve à quelques centimètres du mien et prenant conscience de cette soudaine proximité entre nous, un sursaut m'échappe tandis que je reviens à moi.
- Tu es sûr que ça va ? Tu m'as l'air... je ne sais pas, étrange depuis que l'on est arrivé.
- C'est juste que...
C'est juste moi en fait. Moi et mes questions, mes doutes, mes craintes.
- Cléo, tu peux me frapper ?
- Ok, alors c'est définitivement étrange.
- Cléo, tu peux me laisser cinq minutes avec Gabriel ? demande Basile. On arrive.
Elle hausse les épaules sans rien dire de plus tandis que le bras de Basile vient me saisir. On se trouve alors au beau milieu du couloir et l'espace d'un instant, ce dernier semble nous appartenir. Il n'y a personne. Pas un bruit. Juste Basile et moi. A chaque fois que je suis avec lui, le monde s'arrête c'est magique.
- Qu'est-ce qu'il y a que tu ne me dis pas ?
Et forcément, Basile et ses dix huit mille sens, se doute forcément de quelque chose. Il sait que là tout de suite, je ne vais pas bien.
- Basile, est-ce que tu es réel ?
Il glousse d'une étrange façon avant de se rapprocher de moi encore plus jusqu'à pratiquement réduire à néant l'espace qu'il y a entre nous.
- Je ne sais pas, dis-moi. Penses-tu que je suis un rêve ? Tout ce que l'on vit et tout ce que l'on a vécu jusqu'à présent ne te paraît pas suffisamment concret ?
- Ce n'est pas ça...C'est juste que...Tu vas me trouver bizarre, mais...
- Je te trouve bizarre depuis le premier jour Gabriel, il n'y a rien qui puisse changer ce fait, mais ce n'est pas ça qui t'embête n'est-ce pas ? dit-il en riant
- Des fois je me dis que tu me connais bien mieux que je ne me connais moi-même.
- Disons qu'à force de te pratiquer, je commence à connaître deux ou trois de tes secrets. Donc...Tu as discuté avec Michael et ça t'a retourné le cerveau ? Je dois aller lui péter les dents ?
J'imagine Basile en bad-boy, veste en cuir et attitude provocante et je ne peux m'empêcher d'éclater de rire. Certes le style "John Travolta" à la Grease lui irait à merveille car pour moi il est "You're the one that i want".
- Ne t'emballe pas Rocky, c'est juste que tout me parait merveilleux. Je veux dire, je suis heureux, je suis bien. Je me sens bien. La vie que l'on mène ensemble, rien que tous les deux me plaît et...
- Mais ça te parait bizarre ?
- Tu dois sans doute le savoir autant que moi, voire même plus que moi, mais quand la vie est trop belle, quand tu es tout en haut d'une montagne russe, tu finis toujours par redescendre à toute vitesse. On dirait que les nuages se cachent derrière le soleil.
- Ou c'est juste le bonheur lui-même auquel tu n'arrives pas à t'y faire. Tu ne le sais peut-être pas Gabriel, mais tu as changé. Tu as changé en si peu de temps, c'est dingue. Des fois ça m'arrive d'y penser. De me dire qu'il y a sept mois, tu n'étais pas comme ça. Tu t'es attendri. Tu as baissé ta garde. Tu laisses les gens plus facilement entrer dans ta vie. Ce n'est pas plus mal. Je ne sais pas si c'est à cause de moi ou pas, mais j'aime ce Gabriel que j'ai là devant moi. J'aime l'homme heureux, qui rit et sourit. J'aime ce garçon qui joue avec moi. J'aime celui que je retrouve tous les soirs et tous les matins à mes côtés. Peut-être qu'il est juste là ton souci : Tu n'as pas l'habitude d'être heureux.
- Je n'ai jamais vraiment été malheureux non plus.
- Comme beaucoup de personnes. Tu sais, il y a plein de gens comme ça. Ils ne sont pas malheureux et pourtant, pas heureux pour autant. Ils ont comme un vide constant en eux. C'est ce vide-là que j'essaye de combler, de reboucher avec tout l'amour que j'ai pour toi.
Basile, maçon du cœur.
Il se penche délicatement et m'embrasse au beau milieu de cet espace qui semble totalement être le nôtre avant de se retirer. D'habitude les baisers de Basile sont forts, pleins de passions et celui-là était tout doux, plein d'amour.
- Tu penses que ça, ce n'est pas réel ?
- Ce n'est pas de ton amour dont je doute Basile.
- Alors, c'est de quoi ?
De ce que l'avenir nous réserve. Je n'ai jamais été confiant en demain, je l'ai même toujours un peu redouté. Je ne sais même pas pourquoi. A chaque fois que je me couchais le soir, à la nuit tombée, quand je m'endormais, une part de moi redoutait ce qui était à venir. Qu'est-ce qui allait m'attendre quand je rouvrirais les yeux ? Qu'est-ce que j'allais vivre ? Traverser ? Je me posais toujours beaucoup trop de questions. Est-ce normal d'avoir si peur de l'avenir ? Je n'en sais rien.
- Je peux te poser une question ?
- Bien sûr.
- Si...Et je dis bien "si", je ne m'étais pas réveillé ce jour-là. Si j'étais resté dans le coma, un légume...Qu'est-ce que tu aurais fait ? Imaginons que là de suite maintenant, je le suis toujours.
- Honnêtement ? Je pense que je serais resté, non, je suis certain que je resterais à tes côtés. Ce que je ressens pour toi Gabriel est une forme d'amour que je ne comprends pas vraiment moi-même et donc ça m'intrigue. Je me demande tous les jours comment on peut autant aimer quelqu'un. Je veux dire, c'est comme un coup de foudre, mais en plus fort.
Un coup de tonnerre.
- Alors si ça doit être un rêve, autant rêver à deux, non ?
- Même si l'on n'en s'en réveille pas ?
- Toutes les bonnes choses ont une fin Gabriel. Si un jour ce rêve devait prendre fin...Je suis certain qu'on sera prêts. Parce qu'on n'est plus seuls. Parce qu'on est ensemble. Je t'ai toi et tu m'as moi.
- Dis-moi Basile, que ferais-tu si le rêve ne prenait pas fin, mais devenait un cauchemar à la fin ?
Il marque une courte pause comme pour réfléchir avant de me dire tout sourire et plein d'assurance :
- Alors, je viendrais te sauver. Si c'est un cauchemar, je le chasserais pour toi. Mais pour l'instant, j'aimerais vraiment que tu nous autorises à rêver un peu plus longtemps encore. Juste un peu.
Saisissant ma main, Basile la sert tout contre lui comme s'il s'y accrochait d'une façon ou d'une autre, comme s'il s'attendait à la lâcher à tout moment.
- La vie est courte, Gabriel. Tellement courte. On ne sait jamais vraiment ce que demain nous réserve.
Alors dehors, jetant un regard bref par la fenêtre, je me suis aperçu qu'il s'est mis à pleuvoir.
Des jours de pluie qui n'allaient plus en finir et qui ont semblés durer une éternité.
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