1. Un pari qu'on ne prend pas à la légère

As-tu remarqué que l'autonome est passé comme un coup de vent emportant les quelques feuilles jaunies sur son passage ? Dehors, le ciel est gris et je devine aisément qu'il vente vue comment les branches des arbres s'agitent. Ça craque. Il fait sans doute froid. Il y a sans doute du gèle. On dirait bien que l'hiver frappe à notre porte.

L'hiver peut bien venir, j'ai le cœur chaud et le corps brûlant. J'ai la fièvre du samedi soir qui passe en boucle dans ma tête.

Mon regard quitte la fenêtre pour se poser sur la silhouette se trouvant à côté de moi et je ne peux m'empêcher d'esquisser un léger sourire. Je ne sais pas si c'est de la malice ou tout simplement de la joie, de la satisfaction. Peut-être tout simplement un cocktail explosif de tout ça.

Basile est là, dormant à poings fermés. Comment je le sais ? Il est tendrement calé contre moi, sa tête prenant mon torse pour son oreiller tandis qu'une de mes mains se balade dans ses cheveux bruns faisant des aller-retour. Je sens son cœur battre contre ma poitrine comme s'il résonnait en moi. Comme si j'y trouvais un écho quelconque et parfois même, je me demande si je ne confonds pas mon cœur avec le sien.

J'essaye alors délicatement de m'extirper de son étreinte alors que subitement, une main s'agrippe à moi avant que des bras ne s'enroulent autour de mon bassin et ne me tire vers le lit une nouvelle fois.

- Cinq minutes encore...grommelle-t-il dans une voix à moitié endormie.

- Dors. Je vais juste préparer le petit déjeuner.

Et passer par la case "pipi club" car j'ai vraiment un besoin pressant ce matin.

- Hmm...reste...

Quand c'est comme ça, il n'y a qu'une chose à faire.

- Croissant.

Il me lâche soudainement tandis qu'il se redresse de lui-même sur le lit avant de s'en extirper et de se précipiter en bas des escaliers, manquant de peu de se prendre les pieds dans un bout du drap traînant au pied du lit. C'est devenu trop facile ces dernières semaines de le connaître par cœur et de savoir quel mot magique il faut prononcer pour lui faire quitter le lit.

- Tu me fais vraiment trop rire. Des fois, je me demande lequel des deux tu aimes le plus : le croissant ou bien moi ? demandé-je en le rejoignant

- Celui qui se mange.

- Qui te dit que je ne suis pas appétissant aussi, hein ?

Je m'approche de lui pour me retrouver à quelques centimètres même pas en le dévisageant et je me rends subitement compte que Basile est plus grand que moi. Ça me vexe. Qu'est-ce qu'il mange pour pousser celui-là ?

- Le croissant je le dévore, toi, Gabriel, je te savoure. Nuance.

D'accord, je ne me vexerais pas de ça et j'essayerais de ne pas être jaloux d'un croissant. Je ne peux pas du moins. Pas après avoir entendu ça. Il s'est retourné la situation à son avantage, je dois le reconnaître.

- Tu dis ça alors qu'hier soir, c'est moi qui t'ai dévoré.

- C'est ce que j'aime te faire croire ça ! Et puis si l'on n'inversait pas la tendance de temps en temps, ça ne serait pas drôle, n'est-ce pas ? Je dois admettre que tu m'as assez surpris quand tu as pris l'initiative, mais ce ne fut pas pour me déplaire.

- Hop hop ! Minute papillon. Tu veux plutôt dire que J'AI clairement été celui qui t'a épuisé.

- Je suis commercial, j'ai eu une journée éprouvante avant ! C'est à prendre en compte dans ton calcul pour flatter ton égo.

- Basile, tu es fleuriste.

Je pourrais à la limite comprendre s'il travaillait au bar avec Cléo ou à l'épicerie, mais dans la boutique de fleurs de ma grand-mère, il n'y a pratiquement jamais rien à faire et très peu de clients. À vrai dire, dans un coin aussi reculé, les seuls clients sont des gens cherchant des couronnes de fleurs ou autres pour des enterrements. Forcément. Le taux de mortalité de ce bled est assez élevé. On est entouré que de vieux passants leurs temps à danser à la ginguette et à boire du Pastis à 16h comme si c'était du petit lait.

- Je te défie de vendre des fleurs, tiens !

- Tu veux que je vienne avec toi à la boutique ? On fait un pari. Celui qui en vend le plus en une journée est désigné comme grand gagnant. Du coup, le perdant devra faire tout ce qu'il veut pendant un certain laps de temps.

- Oh ? Tu veux parier ? Tu es sûr de ton coup en t'avançant ainsi ? Je te rappelle que je connais tous les clients du village. J'ai un avantage certain sur toi.

- Justement, tu devrais pouvoir me battre plutôt facilement, non ? Honte à toi si je gagne.

- "Honte à toi", ce qu'il ne faut pas entendre ! Tu ne viendras pas pleurnicher quand je t'aurai mis une raclée.

- Je ne pleurniche jamais pour ton information, je me PLAINS. Il y a une grande différence.

- Sauf que tu ne fais que ça. À longueur de journées.

- C'est mon petit côté citadin qui ressort.

- Je m'en vais te le mater moi ton côté citadin, tu vas voir.

- Ouuuh ! J'aime quand tu me menaces comme ça. En attendant, t'as aucune chance de gagner, car tu connais peut-être les clients, mais moi, je suis champion de vente de pop-corn dans les cours de récrés ! Attention.

- N'importe quoi, ricane-t-il. Allez pop-corn man, prépare le petit-déj' pendant que je vais me doucher.

- Crie si tu as besoin ! Genre pour te laver le dos ou quoi que ce soit d'autre ! Qui sait, une main en plus n'est jamais de refus.

- Range-la où je pense ta main ! Cochon.

Depuis mon retour chez ma grand-mère, Basile, Cléo et quelques personnes du village ont aménagé la bâtisse rien que pour moi. Même si je peux me tenir debout pendant quelques minutes, il n'en reste pas moins que je ne serais jamais un candidat pour l'épreuve des poteaux de Koh-Lanta. Avant j'aurai pu, clairement, et je les aurais tous battus, mais maintenant, c'est différent. Maintenant, je n'ai plus aucun équilibre ou très peu. Je continue de faire les exercices que mon kiné m'a donné et de temps en temps je reste assis des heures durant tant j'ai la jambe qui me lance et me fait souffrir, autant de choses que je peux faire sans que Basile ne le sache ou ne s'en rende compte. Je ne peux pas l'inquiéter ou lui laisser à penser que revenir n'était pas une bonne idée. Cela ne fait que quelques semaines et je nous sens plus proches qu'on ne l'a jamais été, je n'ai pas envie de briser ça. Je n'ai pas envie de lui faire comprendre que l'environnement n'est pas ce qui me réussit le mieux, mais je fais tout pour m'en sortir et m'adapter.

Basile revient alors quelques minutes plus tard, en chemise, beau comme un coeur tandis qu'un ricanement m'échappe en le voyant.

- Quoi ?

- Attends, ne bouge pas.

Je me rapproche et lui déboutonne sa chemise tandis que sa main vient tapoter la mienne.

- Ah non, hein ! Pas avant le petit-déj'

- Et c'est moi le "cochon" dans l'histoire ? Tu as boutonné samedi avec dimanche, imbécile. Je te rhabille. Tu as vu comme je suis gentil, doux et généreux ? Je pourrais te laisser sortir comme un plouc et en profiter pour ne pas la jouer fair-play, mais ça ne me ressemble pas.

- J'ai compris, j'ai compris. Tu es parfait. Ça te vas là ?

- Dis-le encore ? Je n'ai pas bien entendu la première fois.

Sa main vient se poser sur ma joue tandis qu'il m'embrasse à la volée comme s'il était pressé et s'installe à table sans rien ajouter d'autres.

- C'est tout ? Un bisou ? Un malheureux bisou ?

- Gabriel...

- Quoi ? Quoi ?

- On sait très bien tous les deux que si tu gagnes, tu vas me faire ma fête.

Et j'y compte bien ! Je ne vais quand même pas tout donner pour simplement me faire embrasser sur la joue. Je ne suis pas Super Mario : je ne supporte pas les simples bisous et je ne saute pas pour des pièces.

- Tu m'as l'air bien averti. Qui te dit que c'est ce que j'ai en tête ?

- Je te connais.

- Ou je pourrais te surprendre, tu sais ?

- C'est mignon. Tant que tu arrives à te convaincre toi, c'est ce qui compte, mais ça ne prend pas avec moi. T'es incapable de te retenir.

- Faux !

- Faux ? On est mercredi et en l'espace de trois jours on a dû finir au lit au moins 9 fois si ce n'est pas plus.

- Neuf ? C'est tout ?

- Tu vois ! C'est ce que je disais ! Obsédé !

- Désolé d'être amoureux et de prendre mon pied !

Quoique non, je ne m'en excuserais pas. Ça, c'est la plus belle chose qui ne me soit jamais arrivée.

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